Rencontres Henri Langlois 2011 : palmarès et clap de fin

Posté par redaction, le 12 décembre 2011

rihl poitiers 2011Les 34e Rencontres Henri Langlois auront particulièrement bien porté leur nom lors de cette édition 2011 ! Cette année, professionnels et amateurs du 7e art se sont en effet réunis dans un esprit de convivialité et surtout de partage pour générer  échanges et débats autour des courts métrages, des leçons de cinémas, des conférences ou encore lors des soirées où l’humeur était au beau fixe. Comme tous les ans, Poitiers s’est ainsi érigé l’espace d’une semaine en un véritable carrefour international des écoles de cinéma, recevant les réalisateurs en compétition, qu’ils proviennent d’Amérique du sud ou d’Europe de l’Est, et incitant son public à découvrir davantage de films provenant d’horizons culturels complètement différents.

Avec des invités d’honneur comme l’illustre réalisateur mexicain Arturo Ripstein, qui a ponctué de sa présence une majeure partie des festivités, ou encore le réalisateur Michel Hazanavicius et le compositeur Ludovic Bource pour leur récent succès The Artist, ces 34e rencontres ont fait plus que jamais le pont entre talents confirmés et en devenir.

Samedi soir, lors de la clôture du festival, le jury composé de Hélène Zylberait, Dante Desarthe, Justin frozen storiesTaurand, Tanel Toom et Stéphane Touitou a donc récompensé le très émouvant et singulier Frozen Stories du Polonais Grzegorz Jaroszuk, également gratifié du prix du public. Le réalisateur offre avec ce court métrage 27 minutes délicieusement grinçantes teintées d’un humour décadent, retraçant la rencontre forcée de deux employés d’un même supermarché menant un quotidien insipide. Dépité de leur incompétence et de leur paresse, le directeur du magasin les sanctionne d’une manière des plus originales : trouver en 48 heures un sens à leurs vies. Un court moment de cinéma, bouleversant de réalisme, et qui happe le public avec ce désarroi que hante la jeunesse du 21e siècle (à l’instar également des générations précédentes) mais ne l’empêche pas d’espérer vivre le bonheur au moins une fois dans sa vie.

Le reste du palmarès fait la part belle à l’Europe de l’Est (boudant la France au passage) et notamment à l’Allemagne, qui place deux films. La Russie cumule quant à elle trois prix pour le seul Reaching Out To Mama d'Olga Tomenko qui repart avec le prix de mise en scène, celui de la Critique française et du jury étudiant.

Pour le public parisien, une partie du palmarès sera repris à la Cinémathèque française le 14 décembre à 20h30. L’occasion de s’offrir un aperçu du meilleur de la toute jeune création cinématographique contemporaine et de goûter a posteriori la fameuse ambiance des rencontres Henri Langlois.
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Le palmarès

Grand Prix du Jury
Frozen Stories de Grzegorz Jaroszuk (Pologne)

Prix Spécial du Jury

L'Échange de Maria Steinmetz (Allemagne)

Prix de la Mise en Scène
Reaching Out To Mama d'Olga Tomenko (Russie)

Prix du Scénario
Silent River de Anca Miruna Lazarescu (Allemagne)

Prix Wallpaper Post
Broken Pieces de Sae-mi Yang (Corée du sud)

Prix Découverte de la Critique Française
Reaching Out To Mama d'Olga Tomenko (Russie)

Mention spéciale du Jury de la Critique Française
Umbral de Matias López (Chili)

Prix du Public
Frozen Stories de Grzegorz Jaroszuk (Pologne)

Prix du Jury Étudiant
Reaching Out To Mama d'Olga Tomenko (Russie)

Prix Amnesty International France
Abuelas d'Afarin Eghbal (Grande Bretagne)

Yanne Yager

Rencontres Henri Langlois 2011 : entretien avec Michel Hazanavicius et Ludovic Bource

Posté par redaction, le 10 décembre 2011

Venus présenter la traditionnelle "Leçon de cinéma" des Rencontres Henri Langlois 2011, consacrée cette année à la musique, Michel Hazanavicius et Ludovic Bource (récemment primé aux European Film Awards) ont accordé quelques minutes aux journalistes. L’occasion de revenir sur l’un des succès de l’année, le film muet The artist.

Ecran Noir : The Artist a dû être un véritable défi pour vous, dans la mesure où le spectateur du 21e siècle a évolué avec l’idée du « parlant ». Cela devait représenter un risque en soi pour ce film où la musique est omniprésente. N’aviez vous pas peur de la manière dont il allait être reçu ?

Michel Hazanavicius : Je n’ai pas vraiment peur en réalité…

Ludovic Bource : Moi si ! (rires) Michel m’a dit : « eh bien écoute, tu va être condamné à l’excellence ! »

MH : Je travaille personnellement plus sur le désir. Si on m’avait forcé à le faire, j’aurais sans doute eu peur. Je n’ai donc pas eu peur car je savais qu’il y avait un beau film à faire quoi qu’il arrive. A tout prendre, je préfère me planter avec un film que j’ai désiré plutôt qu’avec un film qui est le projet de quelqu’un d’autre. La notion de risque reste tout de même très relative. D’abord, il n’y a pas de risque réel ; au pire on fait un mauvais film et voilà ! Mais très honnêtement, je ne serais pas le premier à en faire un... Celui qui a réellement pris un risque, c’est celui qui a investi dans ce projet, à savoir le producteur Thomas Langmann. Et en troisième lieu, je considère qu’il est beaucoup plus « casse-gueule » de faire une comédie romantique aujourd’hui avec des trentenaires qui habitent à Paris que de faire un film muet en noir et blanc.

LB : C’était plutôt un projet qui présentait une part de risque par rapport au temps qui nous était imparti pour être en temps et en heure à Cannes pour le défendre. Ca a été une véritable course. C’est une chose que j’aime : lorsqu’un projet est atypique, ou présente quelque chose qui va me faire évoluer, avancer… Là,  c’était vraiment quelque chose d’extrême.

EN  : Pour la composition du film, vous êtes vous appuyés sur certains artistes ?

LB : Au départ, on s’inspire évidemment du climat général de l’époque. J’ai étudié certaines biographies, éventuellement la vie de certains compositeurs qui ont été influents pendant l’âge d’or du cinéma hollywoodien, en passant par les classiques et les grands compositeurs de l’Europe de l’est. Max Steiner et d’autres notamment qui maitrisaient la symphonie, qui sortaient du style romantique. C’était une ère totalement différente, donc une musique émotionnellement différente. Mais je pense aussi que The Artist n’est pas complètement désuet dans l’image, car certains caractères du film sont assez modernes. Il y a par exemple cette scène incroyable avec le rêve de George Valentin. A cet instant il y a du « sound design » (bruits intra-diégétiques), les gens trouvent ça génial mais à l’époque personne n’a jamais fait ça. Il y a donc plusieurs relectures différentes sur le film, presque actuelles et politiques.

J’ai donc suivi Michel par rapport à sa sensibilité musicale et cinématographique. Pendant plusieurs semaines, j’ai essayé de m’informer, d’ingurgiter des choses et à un moment donné, de m’arrêter, de me mettre au piano et de laisser faire les choses. Sans copier, sans s’influencer de ce patrimoine-là, car j’avais visité presque 50 années de la musique, jusqu’à Bernard Herrmann (musique de Vertigo) qui est en hommage à la fin. Il y a donc forcément un peu de musique contemporaine, parfois même de la pop des années 70 dans les love-thèmes entre Peppy et George.

EN : Vous avez travaillé pour ce tournage à Los Angeles avec des personnalités américaines comme John Goodman et James Cromwell. Comment ont-ils réagi à la lecture du scénario ?

MH : Bien étant donné qu’ils ont acceptés. Goodman a dit oui en 5 min, et Cromwell, qui voulait tout savoir, en deux heures. Il y a deux types de personnes à qui j’ai fait lire le scénario : ceux a qui j’ai demandé de l’argent, et ceux à qui j’ai proposé du travail. Ces derniers ont été ravis car c’est un film qui est très différent, et où ils n’ont rien à perdre.

EN : Tourner ce film à Hollywood, là où le cinéma muet avait connu sa plus grande effervescence, cela du vous procurer un léger pincement au cœur ?

MH : C’est surtout pendant la recherche et la préparation des décors qu’il m’est arrivé de me retrouver dans des endroits incroyables comme le bureau de Charlie Chaplin, les studios de la Ruée vers l’or et des Temps Modernes, la maison de Marie Pickford, des découvertes (toiles peintes de décors) qui avaient servi pour le film Casablanca... Toutes ces choses-là, comme tourner à la Paramount, sont très émouvantes. Après cela, il a fallu tourner le film en 35 jours, ce qui est relativement court, donc les pincements au cœur vous les avez surtout quand vous pensez que vous n’allez pas finir votre journée !

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Propos recueillis par Yanne Yager

Rencontres Henri Langlois 2011 : rencontre avec Arturo Ripstein

Posté par redaction, le 8 décembre 2011

arturo ripsteinInvité d’honneur des Rencontres Henri Langlois 2011, Arturo Risptein s’est présenté en conférence de presse aux côtés de sa compagne et scénariste Paz Alicia Garciadiego. Le réalisateur du Chateau de la pureté, L'Empire de la fortune, La Reine de la nuit, Carmin profond..., véritable monstre sacré du cinéma mexicain, a vite mis les journalistes à l’aise, répondant avec humour et ironie au feu nourri des questions. C’est donc une figure passionnante du 7e art contemporain qui a dévoilé son passé, ses expériences et son appréhension vis-à-vis du cinéma d’aujourd’hui…

Pourquoi les thèmes de la solitude, de la souffrance et de l’enfermement hantent-ils votre filmographie ? Pourquoi avez-vous plus d’aisance avec ces thèmes ? Est-ce pour vous le Mexique qui est comme ça ?
Quand on filme, on ne montre pas de passeport. Ce ne sont pas des films anthropologiques, sociologiques ou politiques. Je ne présente pas de portrait du Mexique. C’est inévitable de parler de ce qui nous entoure, mais l’enfermement et la solitude sont les thèmes auxquels je m’identifie le plus.

Y a-t-il donc un peu de votre solitude et de votre enfermement dans vos films, un peu de votre vécu ?
Je filme pour deux raisons. Par rancune à la réalité et par peur. Les choses qui me font le plus peur sont celles qui m’ouvrent le plus les yeux.

Filmer ces thémes vous a-t-il donc permis de vous guérir de cette peur ? Une sorte d’entreprise cathartique à travers la caméra ?
C’est comme se réveiller des cauchemars. Ils se terminent tôt ou tard et on se sent mieux. Je ne comprends pas comment on fait pour se réveiller tous les jours si on rêve avec une telle férocité. Je mène simplement mes rêves à l’écran. Parler de ces obsessions permet de s’ôter d’un poids sur nos épaules. L’église catholique la inventé, ils appellent ça la confession. Freud faisait la même chose, mais il demandait de l’argent. Les deux guérissent : on parle des choses et elles s’en vont.

A travers votre filmographie, quel message aimeriez vous laissez aux jeunes réalisateurs d’aujourd’hui ?
Aucun. Je leur recommande juste de travailler, et quand ces jeunes cinématographes me demandent des conseils, je leur réponds toujours avec la même phrase : « persister sans avoir d’espoir ».

C’est très pessimiste tout de même ?
Non, en fait c’était Alexandre de Macédoine qui avait cette inscription sur son bouclier. Et il s’en est très bien sorti !

Puisque vous êtes présents dans un festival en France, pouvez-vous nous dire quelles caractéristiques du film français vous plaisent le plus ?
C’est une question très difficile, car très vaste. Le cinéma français a été très important pour moi depuis longtemps. Ca a commencé avec « La Kermesse héroïque » de Jacques Feyder, et bien avant Méliès. C’était très fréquent lorsque je rêvais d’être réalisateur que nous puissions voir un certain nombre de films français au cinéma, notamment ceux de Robert Bresson qui ont été de gros succès ; chose qui est impensable aujourd’hui. On a découvert toute la Nouvelle Vague au Mexique dans les cinémas. Les films français ont donc été fondamentaux pour ma part car ils ont rempli mon regard de merveille. Je me souviens qu’on sortait du cinéma avec mes amis, on discutait passionnément jusqu’à 6 heures du matin, et on se disputait souvent sur ces films. Alors qu’aujourd’hui, plus personne ne se dispute sur les films.
Et comment le pouvez-vous ? Les films américains envahissent désormais tous les cinémas au Mexique. A peu prés 95% des films projetés au Mexique sont américains. Il n’y a pratiquement plus d’autres films, chose qui est regrettable.

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Propos recueillis par Yanne Yager

Rencontres Henri Langlois 2011 : une édition sous le signe de la musique

Posté par redaction, le 5 décembre 2011

rihl poitiers 2011Le TAP (théâtre et auditorium de Poitiers) a redoublé d’efforts, à l’occasion de la 34e édition des rencontres Henri Langlois, pour offrir à son public un large choix de spectacles et d’évènements culturels en tous genres, aboutissant à un programme des plus riches.

Cette année, le Festival concentre une partie de ses activités autour de la musique de film. Ainsi, Karol Beffa, compositeur et pianiste récompensé en 2008 par la SACEM et l’Académie des Beaux-Arts, et Raphaël Imbert, saxophoniste et compositeur d’improvisation, animaient lors de la soirée d’ouverture deux ciné-concerts. L’opportunité pour les spectateurs de se replonger directement au cœur des années 30, et de (re)découvrir de grands classiques du cinéma muet comme Monte là-dessus, de 1923 avec Harold Lloyd, en profitant en live du travail d’improvisation des deux musiciens.

Plus tôt dans l’après-midi, Beffa et Imbert confiaient leurs inquiétudes quant à l’essoufflement de la pratique de la composition d’improvisation sur la BO des films contemporains, et la perdition d’une tradition pourtant indispensable pour préserver l’originalité et la diversité de la musique à l’écran : « En France, la relation à la musique est complètement mise de côté. On est très souvent confrontés dans les écoles de cinéma à une ignorance, un rejet, de cette histoire de la musique. C’est une pratique qui s’est perdue malheureusement.[…] Un bon film peut être gâché par sa musique, mais un mauvais film ne sera jamais sauvé par sa bande son. On peut même aimer un film pour sa musique et ne pas s’en rendre compte. »

Plus tard dans la semaine, la musique sera à nouveau à l’honneur lors de la traditionnelle leçon de cinéma, transformée en leçon de musique, et qui sera animée par le réalisateur Michel Hazanavicius et le compositeur Ludovic Bource, à propos de The artist. Après deux collaborations sur les OSS 117, les deux invités se sont retrouvés pour cet hommage au film muet qui se base justement sur la mise en abime de l’histoire de l’entrée du parlant dans le 7e art : du son, du bruit et de la parole au sein de la vie d’un « art »-iste qui ne vivait que de la réussite du muet.

Dans un genre très différent, la venue d’un autre invité d’honneur, Arturo Ripstein, grand scénariste et réalisateur mexicain, fait également beaucoup de bruit. En effet, ce dernier vient présenter en avant-première son dernier long métrage, Las Razones del Corazon (qui n’a pour le moment pas de distributeur en France). Dans le cadre d’une redécouverte du cinéma d’Amérique Latine, Ripstein sera présent pour accompagner plusieurs œuvres de sa très remarquable filmographie.

Parallèlement, le public poitevin pourra aussi, et surtout, découvrir les 40 films de la compétition de courts métrages. Certains réalisateurs, notamment Olga Tomenko pour Reaching Out to Mama, semblent déjà avoir fait bonne impression lors des premières projections du week-end. Une candidate sérieuse pour figurer dans le palmarès final ? Un peu tôt pour le dire... Mais quoi qu’il en soit, les 34e rencontres Henri Langlois ont, elles, d’ores et déjà gagné le prix de l’édition la plus prometteuse !

Yanne Yager

Rencontres Henri Langlois : The artist fait sa leçon de cinéma

Posté par Benjamin, le 5 novembre 2011

Les Rencontres Henri Langlois de Poitiers ne manquent jamais de nous réserver de bonnes surprises et parviennent toujours à se placer dans la mouvance actuelle.

Après avoir pris au vol le succès de Tournée de Mathieu Amalric, et du "new burlesque", en confiant la soirée d'ouverture 2010 aux plantureuses girls du film, le festival invite en décembre prochain un cinéaste qui fait parler de lui et un film, tout comme Tournée, remarqué à Cannes : The Artist.

En effet, cette année, la traditionnelle leçon de cinéma sera donnée par le compositeur Ludovic Bource et le réalisateur Michel Hazanavicius sur le thème de la musique de films. Ils succèdent à la leçon sur la mise en scène de Nicolas Saada qui lui, avait organisé le tournage d'un court métrage avec Grégoire Leprince-Ringet.

La venue des deux hommes dans la capitale poitevine est particulièrement judicieuse pour ce festival dédié à la recherche entre passé et futur du cinéma. Avec The Artist, ils ont redonné un léger souffle à la grande époque du cinéma muet (et séduit plus d'un million de spectateurs depuis sa sortie en salles), et ils ont essayé d'offrir une réflexion sur le son au cinéma et plus largement sur le cinéma d'aujourd'hui (une mise en miroir avec le muet).

Cette leçon peut donc avoir plusieurs points d'approches, différents angles d'interrogation : quel a été le challenge musicalement parlant de The Artist ? Quelle sera la forme de cette leçon de cinéma ? La musique était souvent le personnage principal des films muets : elle pouvait être une "voix" à part entière. En tout cas, son usage et sa fonction sont très éloignés des B.O.F. actuelles .

Bource et Hazanavicius ont également collaboré sur les deux OSS 117 : la question de la musique de genre peut aussi être posée. Car le grand point fort de cette leçon est de convier un réalisateur (et son compositeur) qui ne cesse de sortir des sentiers battus du cinéma français. Cela ne peut que convenir au festival qui est toujours partisan de l'originalité et qui possède lui-même son brin de folie.

Rendez-vous donc le mardi 6 décembre pour un voyage dans le temps qui risque d'être passionnant. Ecran Noir sera bien entendu de la partie pour cette soirée d'ors et déjà très attendue.

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bande annonce du Festival

Les écoles de cinéma d’Asie s’invitent à Poitiers

Posté par Benjamin, le 13 décembre 2009

Les Rencontres Henri Langlois se veut être un festival ouvert sur les autres cinémas. Des cinémas plus méconnus, moins accessibles mais qui méritent pourtant d'être sous les projecteurs. Et si l'an dernier, c'est l'Afrique qui était à l'honneur, pour cette 32ème édition, c'est l'Asie du sud-est qui est présente à Poitiers.

De nombreuses manifestations de divers "genres" ont été organisées depuis lundi ; à savoir la projection de longs métrages asiatiques tels que Les gens de la rizière de Rithy Panh (lire notre rencontre) et Teak leaves at the Temples de Garin Nugroho suivi par des rencontres avec les réalisateurs. Des temps ont été réservés pour la diffusion de courts métrages issus de différentes écoles d'Asie du sud-est. Des écoles d'ailleurs venues parler de leurs structures, de leurs difficultés à trouver des financements, à trouver un matériel moderne et à trouver une place sur la scène internationale. D'où la grande importance des festivals pour eux, qui sont parfois la seule occasion de se faire connaître hors des frontières de leur pays.

Huit écoles étaient donc présentes à une conférence sur l'enseignement du cinéma en Asie. Huit écoles de six pays différents: Singapour, la Thaïlande, le Cambodge, les Philippines, le Vietnam et enfin l'Indonésie. Des pays dont vous ne connaissez peut-être rien cinématographiquement tant leur production et leur diffusion sont pauvres. Et toutes ses écoles ont en commun une ouverture très récente (les années 90 pour la majorité) ce qui témoigne de leur retard par rapport à d'autres pays de l'Asie. Un retard qui s'explique par les régimes plus ou moins totalitaires qu'ont connu certains de ses pays. Le Cambodge par exemple sous le régime des Khmers rouges a vu sa production cinématographique réduite à néant. C'est un art qui doit donc faire ses preuves dans ces pays, qui doit conquérir un public et trouver ses réalisateurs. Des institutions qui ont pour volonté de former leurs propres techniciens pour ne pas dépendre d'une aide extérieure.

Des cinémas en éveil qui doivent faire face encore aujourd'hui à des problèmes de censure de la part de leur gouvernement. Des cinémas qui sont donc beaucoup pour le moment des cinémas axés sur le divertissement. Il faudra alors un peu de temps pour voir émerger de ces pays des oeuvres sociales, des oeuvres engagées et totalement libres. Pour le moment, ces écoles peuvent apprécier l'accueil chaleureux et curieux que leur a réservé le public du festival.

Poitiers: deux films allemands au corps à corps

Posté par Benjamin, le 9 décembre 2009

 Les 32ème Rencontres Henri Langlois ont débuté depuis maintenant plusieurs jours et les films en compétition s'enchaînent, pour le plaisir des festivaliers, jeune en majorité !

 A retenir de cette journée du 7 décembre, deux films allemands: l'un de Christiane Lilge, Schwester Ines (Infirmière Inès) et l'autre de Lars-Gunnar Lotz, Für Miriam (Pour Miriam). Deux films qui ont dans leur titre des prénoms de femme. Ce n'est bien entendu par anodin puisque tout deux ont pour personnages principaux des femmes (Inès et Karen). Deux femmes dont les corps vont être mis à mal, dont le corps se fait le reflet de leurs souffrances intérieures.

Un peu à la façon de Cronenberg (mais en forçant beaucoup le trait), l'expression des sentiments passe par une certaine martyrisation du corps. Le mal-être des personnages, retenu, contenu, s'exprime avec violence sur leurs corps. Dans Schwester Ines, c'est le corps maternel qui est mis en avant. Inès est une jeune infirmière, une sage-femme qui travaille dans un institut qui met tout en oeuvre pour que l'accouchement des futurs mamans se déroule dans les meilleurs conditions. Mais Inès, qui n'a jamais quitté son lieu de travail, souhaite découvrir le monde extérieur. Une coupure, une rupture qui est impossible car sa mère l'en empêche. Et cet empêchement se traduit de façon physique et horrifique. Par d'impressionants jeux visuels, le jeune réalisateur fait se refermer sur Inès l'appareil génital de sa mère (elle se retrouve emprisonnée dans le ventre maternel). En parallèle, une femme enceinte depuis 13 mois refuse d'accoucher. Par le physique, par le rapport au corps s'exprime la lutte entre l'enfant et la mère. Une mère qui trône comme figure unique puisque le père n'est pas accepté dans l'institut. Et le film repose sur ce combat d'Inès et du bébé pour "sortir" et se libérer de l'étreinte de la mère. Se libérer pour découvrir et appréhender seul le monde extérieur.

Pour ce qui est de Für Miriam, le film est plus long (57 min contre 27 min pour le premier) et l'histoire plus élaborée, plus posée. L'histoire d'une professeur de mathématiques, Karen, qui, par accident, tue en voiture la jeune soeur d'un de ses élèves. A partir de là et de ce traumatisme, une relation tendue s'instaure entre l'élève et le professeur. Karen tente à tout prix de se faire pardonner et se soumet alors au jeune homme qui libère sur elle ses pulsions, qu'elles soient violentes (par des coups) ou sexuelles. Les deux êtres finissant par se "lier" physiquement l'un à l'autre comme pour communier dans leur douleur partagée. C'est là encore le corps qui est le réceptacle des émotions, des souffrances qui déchirent et qu'on ne parvient à exprimer.

Un film coup de coeur qui brille par la performance de ses acteurs et par le soin apportée à l'histoire, ce qui manque un peu aux autres films.

Cinéma et prison (4) : Trois questions à Nicolas Silhol, animateur d’ateliers d’écriture

Posté par MpM, le 14 janvier 2009

A Poitiers, les Rencontres Henri Langlois proposent différentes passerelles entre le festival et le milieu carcéral, parmi lesquelles des ateliers d’écriture de scénario de courts métrages pour les détenus de la Maison d’arrêt. Nicolas Silhol, scénariste et réalisateur, a accompagné ces ateliers en 2007 et 2008.

Nicolas SilholComment se déroulent concrètement ces ateliers d’écriture ?
Ces ateliers se font sous forme de 5 à 6 séances proposées librement aux détenus des quartiers hommes, femmes et mineurs. Ils ont deux objectifs : initier les participants à un type d’écriture spécifique et aiguiser leur sens critique en discutant librement de films sous l’angle du scénario. Lors de la première séance, je leur montre des courts métrages. Ensuite, on a peu de temps et je dois leur fournir un cadre d’écriture défini : d’abord ils font un synopsis, puis un séquencé et enfin ils passent à l’écriture proprement dite. Là encore, je les contrains à un cadre dramatique très précis.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné ?
Je ne les oriente à aucun moment vers un scénario qui serait autobiographique et pourtant la plupart choisissent ce vecteur pour raconter une histoire personnelle et souvent en lien avec la prison. Je relie ça au peu d’occasions qu’ils ont de se raconter. Je ne suis pas là pour les confesser ou faire de la thérapeutique et je n’ai pas accès à leur dossier. L’enjeu est donc de parvenir à accompagner ce désir spontané de parler de soi tout en le mettant à distance. Très tôt, j’essaye d’insuffler cette distance en leur faisant comprendre que même s’ils racontent leur propre histoire, elle doit intéresser tout le monde et qu’il ne s’agit plus d’eux mais d’un personnage. Autre chose très importante, ce qu’ils écrivent ne doit pas seulement être vrai ou réel, mais être vraisemblable, pour que l’histoire tienne la route. Et surtout écrite à la troisième personne. Cela peut paraître étonnant, mais certains ont mis deux ou trois séances pour réussir à passer de la première à la troisième personne !

A votre avis, qu’apporte ce type d’activité en milieu carcéral ?
C’est primordial. Il faut non seulement continuer, mais le développer. Pour les détenus participants, c’est extrêmement valorisant d’avoir l’impression de se raconter et que cela ressemble à quelque chose. Que leur texte puisse être lu par d’autres personnes. Cela met à distance leur vécu, je pense. Et puis, en milieu carcéral, il y a peu d’activités proposées, ils sont très demandeurs. Ceux qui viennent en profitent pleinement. Maintenant, on se bat pour que leurs scénarios soient mis en ondes afin d’obtenir une meilleure valorisation de leur travail. Pour que cela ne reste pas seulement un bout de papier. C’est un objectif important, mais c’est très compliqué…

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A lire : les scénarios écrits lors des ateliers 2007 et 2008.

Cinéma et prison (3) : le témoignage de Claire Burger

Posté par MpM, le 13 janvier 2009

Claire BurgerA Poitiers, les Rencontres Henri Langlois proposent différentes passerelles entre le festival et le milieu carcéral, parmi lesquelles des projections des films en compétition pour les détenus de la ville. C’est ainsi qu’accompagnée de sa coscénariste Marie Amachoukeli, la réalisatrice Claire Burger est allée présenter son court métrage Forbach à la maison d’arrêt de Poitiers. Pour Ecran Noir, elle a accepté de revenir sur cette expérience unique, ressentie comme le "point d'orgue" de son séjour poitevin.

La prison
C'était la première fois que Marie Amachoukeli et moi avions l'occasion de visiter un établissement pénitentiaire, et c'était pour nous réellement impressionnant. D'emblée, avant même de pouvoir voir les détenus, on est scotché par le lieu, les gardiens, le bruit des grosses clefs dans les grosses serrures, l'atmosphère ultra-sécuritaire… On réalise qu'on a vu ce genre d'images très souvent dans notre vie, mais toujours à la télévision. La visite d'un endroit comme celui-ci donne un sentiment d'"hyperréalisme". On prend conscience qu'on avait jusque-là un rapport naïf à la prison, un peu comme si c'était un décor de fiction. Tout à coup, on se sent responsable en tant que citoyen du fait que certaines personnes soient enfermées ici. On repense bien sûr à Surveiller et punir de Michel Foucault... On se sent obligé d'avoir un véritable avis sur la fonction d'une prison dans nos sociétés. Et surtout, on se sent un peu dépassé par l'ampleur de cette question.

Les détenus
Ce trouble se renforce à la rencontre des détenus. Le fait d'apprendre qu'ils n'ont droit qu'à une heure de sortie de leur cellule dans l'après-midi, et qu'ils ont choisis de venir voir le film [Forbach] nous met une pression d'un nouveau genre. Je n'avais pas le même trac que celui que j'ai pu ressentir lors de projections plus classiques. J'étais terrifiée à l'idée de leur faire perdre leur temps, qui semble particulièrement précieux en prison…

Projection dans le quartier hommes
Dans le quartier hommes, les détenus discutaient pendant la projection, ils exprimaient à voix haute ce qui les amusait ou ce qui les dérangeait dans le film, ça contrastait beaucoup avec le silence d'église qui règne en général pendant les projections. C'était aussi un peu stressant de les voir s'exprimer aussi franchement pendant le film, parce qu'on savait qu'après, ils ne nous ménageraient pas. Ils avaient l'air de trouver les comédiens pas assez virils, le rapport entre la mère et ses fils trop ambigu... Finalement, je ne sais pas s’ils ont réellement aimé le film. Je crois qu'ils sont restés très gentils avec nous et qu'ils ne nous ont pas dit que sans doute, ils auraient préféré voir un bon thriller. En tous les cas, le dispositif semi-documentaire du film les a intrigués. Ils étaient nombreux à dire qu'ils auraient aimés pouvoir raconter leur propre histoire dans un film.

Projection dans le quartier femmes
Dans le quartier des femmes, l'ambiance était radicalement différente. Elles étaient moins nombreuses, bien plus calmes, plus attentives aussi pendant la projection. Elles ont très bien réagi au film, elle nous dit avoir beaucoup aimé. Elles répétaient qu'elles trouvaient le film trop court. Elles étaient sensibles au rôle de la mère, compatissante avec les personnages des fils. Elles voulaient savoir si le personnage de Mario avait finalement fait de la prison. Elles trouvaient le personnage de Samuel très courageux.
Avec elles, nous avons surtout discuté des conditions de détention, leurs vies quotidiennes dans la prison. Ce qui est frappant, c'est qu'elles ont l'air abattu, triste. Et on lit cette tristesse sur leurs visages. Elles disent prendre beaucoup de médicaments pour supporter leur condition et certaines semblent effectivement un peu "flottantes". Selon leurs dires, le quartier des femmes est plus dur que celui des hommes. Les gardiennes sont moins souples que leurs collègues masculins, le quartier est plus petit, plus triste.

Et après ?
Avec Marie Amachoukeli, nous avons proposé à Julien Proust [le responsable des actions organisées par le Festival en milieu carcéral] de nous recontacter s'il souhaitait organiser un atelier cinéma avec les détenus. A ma connaissance, il y existe déjà un atelier scénario. Cette visite nous a réellement donné envie d'intervenir à nouveau dans une prison, peut-être de façon plus suivie…

Cinéma et prison (2) : projection de Forbach au quartier hommes

Posté par MpM, le 11 janvier 2009

A Poitiers, les Rencontres Henri Langlois proposent différentes passerelles entre le festival et le milieu carcéral, parmi lesquelles des projections des films en compétition à la maison d’arrêt de Poitiers. C’est au cours de la 31e édition de la manifestation que les détenus des quartiers hommes et femmes ont pu découvrir le court métrage Forbach de Claire Burger.

Pour entrer, il faut sonner. Puis déposer ses affaires dans un casier, passer le détecteur de métal, traverser des sas. Derrière le grillage qui plafonne le long couloir, on aperçoit des portes, toutes identiques. C’est un décor de films, presque exactement comme on l’attendait, et pourtant plus impressionnant qu’on ne l’aurait cru. Les pas, les bruits de porte, tout semble résonner. C’est à la fois labyrinthique et oppressant.

Enfin, on arrive dans la salle polyvalente où a lieu la projection. Celle-ci n’est pas très grande, mais certains murs sont décorés (par les détenus eux-mêmes, nous dit-on). On installe plusieurs rangées de chaises devant un téléviseur et même des tables pour compléter. Enfin, voilà les participants. Bien que ce soit jour de parloir et qu’il y ait d’autres activités en même temps, ils sont une petite vingtaine à se présenter. Encore un peu et il n’y aurait pas eu assez de place ! Après quelques mots de présentation, la séance commence.

forbach.jpgEt, hormis le lieu, forcément à part, rien ne la distingue vraiment de celles qui ont lieu dans la grande salle du Festival avec un public plus traditionnel. Assis en rang, les spectateurs réagissent diversement : certains ne quittent pas l’écran des yeux, d’autres se balancent sur leur chaise, beaucoup chuchotent ou échangent des commentaires. Lorsqu’à l’écran, le personnage féminin décrit la femme idéale pour son fils (une "gothique"), les rires fusent. Quand un autre personnage risque d’aller en prison, le ton se fait plus cynique : "Ca en fera un de plus !"…

Une fois la lumière rallumée, c’est le temps des questions. "C’est quoi, le message ?", demande un détenu visiblement troublé. "L’alcool !", lui répond quelqu’un. Un autre ajoute : "Qu’on peut tous finir ici un jour…" Très vite, les échanges ont lieu dans les deux sens et débordent le cadre du court métrage. Claire Burger se prête volontiers au jeu de cette conversation à bâtons rompus, relançant le débat et interpellant ses spectateurs. "Ca vous plairait de raconter votre histoire dans un film ?", demande-t-elle. "Que ressentez-vous devant nous, célèbres prisonniers ?" rebondit un détenu. "On devrait ressentir quelque chose de particulier ?" plaisante la réalisatrice, avant d’enchaîner sur la vie carcérale. Mais l’heure est déjà passée, chacun doit regagner sa cellule. Tous ont l’air heureux de ce petit moment volé à la réalité. Avant de sortir, l’un des plus passionnés avoue qu’il a beaucoup aimé le film et le débat. "Et puis vous venez vers nous, et ça c’est un grand pas…" conclut-il, un sourire aux lèvres.