Le cinéma de Patrick Modiano, prix Nobel de littérature 2014

Posté par vincy, le 9 octobre 2014

catherine deneuve patrick modianoPrix Nobel de littérature. Patrick Modiano, homme discret, écrivain de l'intime et auteur d'une trentaine d'oeuvres, est aussi un homme  de cinéma. Le dernier Prix Nobel de littérature français s'appelait J.M.G Le Clézio, lui-même grand cinéphile. C'était il y a six ans.

Modiano a été récompensé pour "l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation". Et justement l'Occupation est aussi au coeur de son oeuvre cinématographique. Car, on le dit moins, mais Modiano est aussi scénariste. On lui doit Lacombe Lucien, de Louis Malle (1974) et Bon Voyage, de Jean-Paul Rappeneau (2003). Deux films, très différents dans la forme, sur les relations entre les Français et les Allemands durant la seconde guerre mondiale. Le premier a été nominé aux British Awards et le second aux Césars, chacun dans la catégorie du meilleur scénario.

Modiano a aussi écrit le scénario d'Une jeunesse de Moshé Mizrahi, adaptation de son propre roman (1983) et coécrit celui du Fils de Gascogne de Pascal Aubier (1995). On pourrait ajouter Un Innocent épisode de la série télévisée Madame le juge (1975). A la fin des années 1970, il avait essayé, avec Michel Audiard et Philippe Labro, d'écrire, en vain, le scénario d’un film sur Jacques Mesrine.

Deux de ses romans ont été transposés sur grand écran : Le Parfum d'Yvonne de Patrice Leconte (1995), d'après Villa triste et Te Quiero de Manuel Poirier (2001), d'après Dimanches d'août.

Dans Télérama en 2003, Modiano avouait que les adaptations de ses livres n'avaient jamais été très concluantes: "Quelquefois, on accepte parce qu’on pense que le film ne se fera pas. Il vaudrait mieux dire non tout de suite…"

Enfin, l'écrivain a aussi été acteur : on l'aperçoit dans Généalogies d'un crime de Raoul Ruiz (1997), aux côtés de son amie Catherine Deneuve. Dans un petit rôle, il interprète l’ex-mari de la star. L’idée de proposer ce rôle revient à Deneuve : "Il se trouve que le rôle était court et c’était celui d’un écrivain. J’ai donc pensé à Modiano à cause de sa fragilité, de son côté décalé, de sa nature d’éternel rêveur, et j’ai aimé le sentir à mes côtés." Elle ajoute dans cet entretien au Nouvel Observateur: "Je trouve Modiano extraordinaire avec son petit foulard, ses lunettes noires, ses grands airs à la fois empruntés et protecteurs." Modiano a coécrit avec l'actrice Elle s'appelait Françoise..., le livre hommage à Françoise Dorléac paru en 1996. Son texte s'intitulait Le 21 mars, le premier jour du printemps.

Dans Les Inrocks, l'écrivain s'amusait: "C’était la première fois que je faisais l’acteur, sûrement la dernière d’ailleurs… Mais les lieux ont une telle importance pour moi… J’étais impressionné que le tournage se passe dans cet hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, où Artaud a été interné… Je crois beaucoup à ce genre de coïncidence, qu’il ait lui-même tourné dans des films et qu’il ait été enfermé là, c’est étrange…"

Patrick Modiano a été membre du jury du Festival de Cannes en 2000.

Paris Cinéma 2012 : Assayas, Carax, To, Ruiz et Hong Kong à l’honneur pour la 10e édition

Posté par MpM, le 9 juin 2012

Happy birthday, Paris cinéma ! Le festival parisien créé en 2003 a dévoilé les grandes lignes de sa 10e édition qui s'ouvrira  le 29 juin prochain. Pour l'occasion, un programme plus riche que jamais qui commencera en apothéose avec l'un des films les plus remarqués à Cannes cette année, Holy motors de Leos Carax.

La capitale parisienne prendra d'ailleurs des petits airs de Croisette tant sont nombreuses les avants-premières directement issues de la sélection officielle du Festival de Cannes : Amour de Michael Haneke, A perdre la raison de Joachim Lafosse, Laurence anyways de Xavier Dolan , La chasse de Thomas Vinterberg, The we and the I de Michel Gondry...

Sont également attendus Dark horse, le nouveau film de Todd Solondz, Les enfants de Belleville d'Asghar Farhadi (son deuxième long métrage tourné en 2004), La vie sans principe de Johnnie To... De quoi faire le plein d'avants-premières avant l'été !

Comme tous les ans, plusieurs compétitions sont également organisées, dont une compétition de longs métrages qui propose notamment trois films remarqués en compétition à Berlin : Tabou de Miguel Gomez (prix Alfred Bauer), Rebelle de Kim Nguyen (prix d'interprétation féminine) et Just the wind de Bence Fliegauf (Grand prix du jury). En parallèle, les festivaliers pourront (re)découvrir neuf lauréats des éditions précédentes, parmi lesquels Quand la mer monte de Yolande Moreau, Bamako d'Abderrahmane Sissako ou encore This is England de Shane Meadows.

Hong Kong en force

Autre rendez-vous incontournable de Paris Cinéma, la section panorama qui propose tout un pan de la cinématographie d'un pays. Cette année, c'est Hong Kong qui est à l'honneur avec plus de 80 films de 1948 à nos jours, en collaboration avec le Festival International du Film de Hong Kong. Quatre réalisateurs hongkongais seront plus particulièrement mis en avant dans le cadre d'un focus sur leur œuvre : Ann Hui, Patrick Tam, Allen Fong et Yuen Wo Ping. Plusieurs nuits thématiques sont également organisées autour de la trilogie Infernal affairs ou encore des programmes de "Catégorie III" (l'équivalent de notre "interdit aux moins de 18 ans"). Par ailleurs, le cinéaste Johnnie To sera l'un des invités d'honneur du Festival et animera une masterclass.

Trois autres personnalités seront également célébrées durant la manifestation : Olivier Assayas (rétrospective intégrale et masterclass), Leos Carax (rétrospective intégrale) et Raoul Ruiz (rétrospective, soirée hommage et exposition).

Pour compléter le programme, on retrouve les fameuses "resorties de l'été" (parmi lesquelles : Chaplin, Varda, Wilder, Cassavetes...), différentes animations ludiques et festives (ciné-mix Jeff Mills, ciné-karaoké, bal, brocante...) et une exposition consacrée aux dessins d'Ettore Scola.

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10e édition de Paris cinéma
Du 29 juin au 10 juillet 2012
Informations et programme sur le site de la manifestation

Cannes 2012 : une Quinzaine des réalisateurs aguicheuse

Posté par MpM, le 24 avril 2012

Pour sa première édition, Édouard Waintrop, le nouveau délégué de la Quinzaine des Réalisateurs, a voulu raviver l'image ternie de sa sélection en la plaçant "sous le signe de la joie". Ce sont ainsi deux comédies (The We and the I de Michel Gondry et Camille redouble de Noémie Lvovsky) qui auront les honneurs de l'ouverture et de la clôture tandis qu'on retrouve en compétition une autre comédie française, Adieu Berthe - L'Enterrement de Mémé de Bruno Podalydès.

Voilà le programme d'Edouard Waintrop, nouveau délégué de la Sélection parallèle : « Nous allons essayer de construire une structure qui permette de développer cette dimension de lieu de rencontre, afin que la Quinzaine soit un lieu des Etats généraux permanents du cinéma ».

En tout, vingt et un longs métrages (dont deux films d'animation) et dix courts seront présentés dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs 2012 à Cannes 2012. Ils viennent pour une grande part d'Europe (avec une forte représentation de la France) et d'Amérique latine (Uruguay, Mexique, Argentine, Chili, Colombie). On retrouvera notamment des cinéastes remarqués en festivals par le passé comme Pablo Larraín (Tony Manero, Santiago 73, Post mortem), Pablo Stoll Ward (Whiskey), Stéphane Aubier et Vincent Patar (Panique au village) ou Jaime Rosales (La soledad, Un tir dans la tête).

A noter enfin la présence du dernier film de Raoul Ruiz, La Nuit d'en face, projeté en séance spéciale.

Par ailleurs, la Quinzaine va organiser quatre débats autour de  films de la sélection entre le dimanche 20  et le mercredi 23 mai  : Les nouveaux noms du cinéma latino-américain ; Multiplicités des cinémas indiens- Bollywood : l’arbre qui cache la forêt ? ; Nouvelles audaces du cinéma français ; Le cinéma des pays arabes aujourd’hui.

La sélection

Le Repenti de Merzak Allouache (Algérie)

Room 237 de Rodney Ascher (Etats-Unis)

Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner (France, Belgique, Luxembourg)

Infancia clandestina de Benjamín Ávila (Argentine)

Une famille respectable de Massoud Bakhshi (Iran)

Rengaine de Rachid Djaidani (France)

The We and the I de Michel Gondry (Etats-Unis) - Ouverture

Les Liaisons dangereuses de Jin-ho Hur (Chine)

Gangs of Wasseypur de Anurag Kashyap (Inde)

No de Pablo Larraín (Chili)

Camille redouble de Noémie Lvovsky (France) - Clôture

Fogo de Yulene Olaizola (Mexique)

Adieu Berthe - L'Enterrement de Mémé de Bruno Podalydès (France)

Sueño y silencio de Jaime Rosales (Espagne)

La Nuit d'en face de Raúl Ruiz (Chili, France) - Séance spéciale

La Sirga de William Vega (Colombie, France, Mexique)

Opération Libertad de Nicolas Wadimoff (Suisse)

Alyah de Elie Wajeman (France)

3 de Pablo Stoll Ward (Uruguay)

Sightseers de Ben Wheatley (Royaume-Uni) - Séance spéciale

The King of pigs de Yeun Sang-ho (Corée du Sud)

Cinélatino 2012 : les 24e rencontres de Toulouse mettent l’Argentine et l’Uruguay à l’honneur

Posté par MpM, le 21 mars 2012

Pour leur 24e édition, les Rencontres d'Amérique latine de Toulouse changent de nom et deviennent Cinélatino, rencontres de Toulouse, mais le concept, lui, reste le même. Pendant dix jours, c'est bien le cinéma d'Amérique latine dans ce qu'il a de plus riche et varié qui sera mis à l'honneur dans la célèbre ville rose.

Pour ce faire, le festival propose trois compétitions réunissant 14 longs métrages de fiction (dont 9 premier films), 10 courts et 7 documentaires, un panorama qui recouvre toutes les facettes du cinéma sud-américain, des films radicaux de la section Otra Mirada aux longs métrages déjà distribués en France, en passant par des documentaires et une programmation jeune public, et une sélection thématique qui met l'accent sur des cinématographies et des cinéastes spécifiques.

Ainsi, deux pays sont plus particulièrement à l'honneur : l'Uruguay, dont on découvrira les meilleures comédies (Whisky de Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll, Les toilettes du pape de César Charlone et Enrique Fernández, Gigante de Adrián Biniez...), et l'Argentine,qui présentera un "autre visage" avec des films produits de manière indépendante et hors des sentiers battus (Historias extraordinarias de Mariano Llinás, Ostende de Laura Citarella, Todos mienten de Matías Piñeiro...)

Par ailleurs, un hommage sera rendu au cinéaste Raoul Ruiz, décédé l'an dernier, avec la présentation de ses derniers films tournés au Chili, un focus sur le directeur de la photographie brésilien Walter Carvalho permettra de (re)découvrir son travail au travers de ses oeuvres les plus marquantes (notamment chez Walter Salles), tandis qu'une rétrospective sera consacrée à Alexandro Jodorowsky au travers de plusieurs de ses longs métrages.

Cinélatino propose également une plate-forme professionnelle d’échanges avec les cinéastes et producteurs latino-américains et de mise en réseau des professionnels du cinéma. Trois temps forts prendront ainsi place pendant le festival : Cinéma en construction 21, qui aide des projets arrivés au stade de la post-production mais manquant de financement, cinéma en développement 7, qui propose des rencontres entre réalisateurs ayant un projet en cours et professionnels susceptibles de les accompagner, et Cinémalab 4, un atelier qui soutient la diversité de l’offre cinématographique par le biais d’une formation et d’une mise en réseau des professionnels de la diffusion.

Autant dire que cette édition 2012 de Cinélatino s'annonce d'une rare richesse, en terme de découvertes cinématographiques et de rencontres, mais aussi d'initiatives contribuant au dynamisme, à la diffusion et à la reconnaissance du cinéma latino-américain. Fidèle à son engagement auprès des vrais amoureux du cinéma, Ecran Noir sera de la partie pour vous faire vivre en direct ce grand moment de partage et de vitalité !

En attendant, Parisiens et Franciliens peuvent avoir un avant-goût de l'ambiance toulousaine en assistant à la pré-ouverture du festival qui se tiendra le 22 mars au cinéma Majestic Passy, dans le cadre d'Espagnolas en Passy. Au programme : le court métrage Hors-Saison de Victoria Saez et l'avant-première de La vida Util de Federico Veiroj, suivis d'une discussion avec les équipes du film et d'une dégustation de produits espagnols et uruguayens.

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Cinélatino, du 23 mars au 1er avril 2012
Programme et informations sur le site du festival

Soirée spéciale à Paris le 22 mars dans le cadre d'Espagnolas en Passy.

The Artist, meilleur film de l’année pour le Cercle des critiques de New York

Posté par vincy, le 29 novembre 2011

Un favori assuré pour les Oscars? Le film français en noir et blanc, en grande partie muet, et tourné avec des acteurs français et hollywoodiens... The Artist. Depuis sa présentation, le film bénéficie d'un énorme buzz outre-atlantique. Les Frères Weinstein, grands spécialistes des récoltes d'Oscars, l'ont vite flairé. Le film est sorti durant le week-end de Thanksgiving et a rapporté 210 000 $ dans seulement 4 salles, soit la meilleure moyenne par copie du Top 50 du Box Office.

Le Cercle des critiques de New York remet traditionnellement l'un des prix les plus prestigieux de la longue liste de palmarès annuels. Le vainqueur de l'année est presque toujours cité à l'Oscar du meilleur film. La 77e édition a récompensé The Artist avec deux prix : meilleur film de l'année et meilleur réalisateur pour Michel Hazanavicius.

Brad Pitt a été cité comme meilleur acteur (Tree of Life, Le stratège) tandis que Jessica Chastain a été distinguée comme meilleur second rôle féminin (Tree of Life, La couleur des sentiments, Take Shelter). La Palme d'or, Tree of Life, de Terrence Malick, a aussi reçu le prix de la meilleure image. Le stratège a reçu, en plus du prix pour Brad Pitt, celui du meilleur scénario (Steven Zaillian et Aaron Sorkin).

Le prix honorifique sera remis de manière posthume à Raoul Ruiz.

Cette année, le Cercle s'est distingué en ne remettant aucun prix à un film d'animation.

Autres prix

Meilleure actrice : Meryl Streep pour The Iron Lady

Meilleur film en langue étrangère : Une séparation

Meilleur documentaire : La grotte des rêves perdus de Werner Herzog

Meilleur second rôle masculin : Albert Brooks pour Drive.

Meilleur premier film : Margin Call de J.C. Chandor.

Raoul Ruiz (1941-2011) prend sa place parmi les morts

Posté par vincy, le 19 août 2011

Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz est décédé vendredi matin à l'âge de 70 ans, à Paris, des suites d'une infection pulmonaire, a annoncé son producteur François Margolin. Il avait reçu le Prix Louis-Delluc l'an dernier pour Mystères de Lisbonne.

On imagine mal l'étendue de l'oeuvre du cinéaste (67 films!), érudit et perfectionniste, maniériste et passionné. Inspiré par la littérature sud-américaine et ses flamboyances surréalistes et fantastiques (Borgès, Garcia Marquez), son cinéma magnifiait les symboles, situés dans chaque petit détail de l'image, et sublimait l'inconscient à travers des comédies humaines, tantôt tragiques tantôt dérisoires. Il s'amusait avec les genres, du film d'époque au polar, qu'il revisitait avec un style singulier et des histoires issues de la littérature (Giono, Proust, Balzac, Kafka) ou flirtant avec les grands maîtres (Hitchcock, Bunuel).

Raoul Ruiz a commencé sa carrière cinématographique en 1967 avec El tango del Viudo. L'artiste chilien avait, auparavant, fait ses armes dans le théâtre expérimental, et écrit des pièces d'avant-garde. Il réalise des films courts avant de passer aux longs.  Mais l'arrivée du dictateur Augusto Pinochet en 1973 va le contraindre à fuir en Argentine, puis, un an plus tard, en France, où il s'exile avec sa femme, monteuse, Valéria Sarmiento.

Cannes l'a déjà repéré. En 1972, il a présenté Que faire?, son quatrième long métrage. Il viendra présenté quatorze films, toutes sélections confondues, durant 35 ans. Membre du jury du Festival de Cannes en 2002, il fera l'événement avec Le temps retrouvé en 1999 et la clôture de la compétition avec Les âmes fortes en 2001. C'est aussi à Cannes, en 1992 et 1996 que son cinéma s'ouvre à un public plus large avec, respectivement, L'oeil qui ment et surtout Trois vies et une seule mort, l'avant-dernier film avec Marcello Mastroianni, et le seul où il joue avec sa fille Chiara.

Ce poète de l'image avait un don soigné pour l'écriture et une curiosité généreuse pour choisir ses comédiens : Deneuve, Giraudeau, Béart, Malkovich, Casta, Huppert, Berling, Alvaro, Piccoli, Dombasle, Paredes... il n'y avait aucune frontière. Les miroirs se dédoublaient, les fantômes rodaient. Le surréalisme régnait. L'expérimental, l'avant-gardisme, l'onirisme se confondaient de plus en plus dans des films conceptuels ou abstraits, ou se diluaient dans des fresques somptueuses, qui n'avaient de classiques que leur apparence. Ruiz cherchait l'essence même du théâtre : la phrase forte, le comédien charismatique, la restitution d'une ambiance qui n'avait rien de réel. Il coupait au couteau ses films. Il concédait quelques échecs, mais jamais de complets ratages.

Filmant avec la délectation la folie des hommes, son cinéma reste, à l'image de ses castings cosmopolites et de ses influences culturelles, un mélange harmonieux de cultures variées. Son cinéma était aussi délicat que raffiné, intellectuel et formel, anticonformiste et ludique.

Gilles Jacob, président du Festival de Cannes lui a rendu hommage très rapidement : "Comme souvent chez les meilleurs écrivains latinos, il était doué d'une imagination d'une prodigalité incomparable". "C'était un conteur des mille et une nuits, dont les aventures, les bizarreries, la logique, les incidentes, les quiproquos renvoyaient l'art d'un Stevenson (qu'il avait adapté) au niveau de la comtesse de Ségur."

Ruiz fit considéré tardivement comme un grand. Berlin lui décerne un Ours d'argent pour l'ensemble de son oeuvre en 1997, près de trente ans après son léopard d'or à Locarno (Tres tristes Tigres). Le Delluc l'an dernier restera son prix le plus prestigieux pour l'un de ses films.

"Il était en train de finir le montage d'un film (La noche de enfrente) qu'il avait tourné sur son enfance au Chili. Et par ailleurs, il préparait un autre film au Portugal sur une bataille napoléonienne célèbre. Il devait y avoir Melvil Poupaud", a précisé son producteur François Margolin.

Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz sera inhumé au Chili, a annoncé le ministre chilien de l'Education Luciano Cruz-Coke. Une cérémonie religieuse se tiendra à Paris le mardi 23 août 2011 à 10h30 à l’Eglise Saint-Paul à Paris.

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Raoul Ruiz en 10 dates :

25 juillet 1941 : naissance à Puerto Montt, Chili

1963 : premier court métrage, La maleta

1969 : Trois tigres tristes, Léopard d'or à Locarno

1973 : L'expropriation

1985 : L'île au Trésor

1996 : Trois vies et une seule mort

1997 : Généalogies d'un crime, Ours d'argent à Berlin

1999 : Le Temps retrouvé, d'après Marcel Proust

2010 : Mystères de Lisbonne, Prix Louis-Delluc

19 août 2011 : décès à Paris

Un prix Louis-Delluc pour l’étrange Mister Ruiz et ses Mystères de Lisbonne

Posté par vincy, le 18 décembre 2010

On attendait Des Hommes et des Dieux, voire en outsider le Polanski, The Ghost-Writer, mais les jurés du prix Louis-Delluc (créé en 1937) ont opté pour un choix plus radical. Le plus étonnant fut sans doute que les trois favoris du jury n'était aucun des deux films précités puisque Claire Denis (White Material) et Olivier Assayas (Carlos, version longue) faisaient davantage hésiter les votants.

Plus en phase avec l'esprit de cette récompense élitiste, prestigieuse, qui valorise aussi bien un film pour sa dimension artistique qu'un cinéaste pour son parcours artistique, le Delluc est allé à  un film hors-normes par sa durée (4h30), un cinéaste transfrontalier mais intègre depuis 40 ans avec ses choix (risqués) cinématographiques : Mystères de Lisbonne, de Raoul Ruiz. Lui qui adapta Proust, offrit des thrillers psychanalytiques et symbolistes, des histoires étranges où les objets ont autant d'importance que des comédiens, voit ici son oeuvre sacralisée avec un film pour le moins singulier, sélectionné aux Festivals de Toronto, de New York, de Vienne, de Vancouver, de Londres, de Turin et de São Paulo.

"Un rendez-vous d'amour"

A peine 25 000 entrées presque deux mois après sa sortie : l'adaptation du roman portugais de Camilo Castelo Branco (qui sera édité en mars chez Michel Lafon, avec une préface de Raoul Ruiz) dans une Lisbonne du 19è siècle n'a touché qu'une poignée de cinéphiles, courageux, prêts à affronter l'équivalent de deux à trois films en une séance.  Le chilien Ruiz, 69 ans, n'était pas là pour recevoir le "Goncourt du cinéma", car il met en scène actuellement une pièce de théâtre. C'est donc le producteur Paulo Branco qui a reçu le prix des mains du président du jury, Gilles Jacob (qui l'a sélectionné quatre fois en sélection officielle à Cannes).

Tout le monde a donc relayé les éléments de langage du jour : "risque", "audace", "juste". Rebecca Zklotowski, primée par le Prix Louis-Delluc du premier film pour Belle-Epine, en remerciant les jurés, a quelque part mieux résumé le contraste entre cette attente du public insatisfaite (son film a aussi échoué au box office) et cet amour des critiques pour des films "à la marge" : "Quand on fait un film, on doute de tout, on a peur de ne pas être aimée... Quand la critique vous regarde, c'est une grande chance et comme un rendez-vous d'amour".

Mystères de Lisbonne (avec son budget plus que modeste de 1,5 millions d'euros) a reçu un accueil critique très favorable de la part de la presse écrite (Ecran Noir s'incluant dans le concert de louanges). Il fut snobé par les télévisions (pas assez grand public), remarqué par les radios publiques. Mais, avec une combinaison de salles trop faibles, il ne pouvait pas faire de miracle, étant réduit à trois séances par jour.

Paulo Branco (en photo avec Ruiz), un de ces rares producteurs qui méritent encore le titre, avait pris l'initiative en envoyant à son compère Ruiz la trilogie romancée. Le cinéaste est enthousiaste mais il ne veut pas répéter l'horreur de l'adaptation du Temps retrouvé, dix ans plus tôt, et considère qu'il s'agit d'un projet davantage destiné pour le petit écran, avec une vingtaine d'heures au compteur. Il demande, cependant, au scénariste Carlos Saboga (par ailleurs le traducteur de la future édition française du livre) de rendre le projet plus adapté au format du cinéma. Ce qui exige un remodelage complet.

"Chaque jour était une conquête."

Comme pour le Carlos, d'Assayas, le projet est alors présenté sous deux formats : le cinéma et la télévision (en une série de six épisodes, à découvrir l'an prochain). Ruiz est d'ailleurs assez excité à l'idée d'expérimenter le deuxième genre. Évidemment on retrouve dans cette production, tout ce que son style apprécie : une absence de construction classique en terme de narration, une éviction de conflits centraux et de déterminisme (le film ne va nulle part et ne s'axe sur rien), une forte nécessité de plans séquence pour donner de l'ampleur et de l'atmosphère à des troubles intimes, et ces mélanges de chronologie qu'il affectionne tant et qui rendent les repères temporels confus.

Cet ancien assistant réalisateur de télénovelas chiliennes trouve ici son aboutissement avec un soap opéra cinématographique, mais autrement plus profond par sa dimension épique et littéraire.

Surtout Ruiz a souvent cru que ce serait son dernier film, qu'il bouclerait la boucle. Il a du subir une greffe du foie durant les quatre mois de tournage (il y a un an), incertain de survivre à une telle opération. Il avoue qu'il mis dans chacun de ses plans "quelque chose d'inéluctable", un "dramatisme", lié au sentiment que "chaque jour était une conquête."

On est presque heureux que le Delluc ne lui soit pas remis de façon posthume. Et avouons-le, si le prix n'aura pas un énorme impact sur le film, ni sur le public, il a le mérite de contribuer à la reconnaissance d'un certain cinéma, entre métissage et ambition, originalité et diversité. Mais il prouve, aussi, que ce cinéma là, indispensable à la variété du 7e art, tend à se "muséifier", subissant les lois d'une industrie de plus en plus dominante, et peu défendue par une cinéphilie de moins en moins résistante.

En ce sens, il y a bien un sentiment d'inéluctabilité, un dramatisme à souligner. Chaque film de ce type est une conquête.

San Sebastian couronne Peter Mullan et Raoul Ruiz

Posté par MpM, le 26 septembre 2010

Peter Mullan (Magdalena's sisters) a séduit le jury présidé par le réalisateur serbe Goran Paskaljevic avec Neds, l'histoire d'un jeune garçon de la banlieue de Glasgow qui se débat entre un père violent et un frère devenu membre du gang des "NEDS" (Non Educational Delinquents). Le jeune interprète Conor McCarron a d'ailleurs reçu le prix d'interprétation masculine pour ce rôle.

L'autre récompense prestigieuse, le coquillage d'argent du meilleur réalisateur, est revenue à Raoul Ruiz pour son oeuvre fleuve Les mystères de Lisbonne, adapté d'un roman du XIXe signé Camilo Castelo Branco. Construit en trois parties, il suit les aventures d'une série de personnages tous liés à un jeune orphelin pensionnaire dans un collège religieux de Lisbonne.

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Palmarès

Coquillage d'or du meilleur film

Neds de Peter Mullan

Coquillage d'argent du meilleur réalisateur
Raoul Ruiz pour Les mystères de Lisbonne

Meilleur acteur

Conor McCarron (Neds)

Meilleure actrice

Nora Navas (Pa negre)

Prix spécial du jury
Elisa K de Judith Colell et Jordi Cadena

15 films en compétition à Saint Sébastien

Posté par vincy, le 16 septembre 2010

Ils sont 15 à convoiter le Coquillage d'or (Concha de Oro). Le 58e Festival de Saint Sébastien (San Sebastian), en plein Pays-Basque espagnol, l'un des plus prestigieux d'Europe, s'ouvre le 17 septembre (et remettra ses prix le 25).

Le cinéaste vétéran serbe Goran Paskaljevic (prix spécial du jury dans ce festival avec Songe d'une nuit d'hiver en 2004) présidera le jury de ce festival. Outre le prix d'honneur dédié à Julia Roberts (voir actualité du 19 août), une rétrospective des films de Don Siegel, le maître de Clint Eastwood, fera l'événement.

Mange, prie, aime sera évidemment hors-compétition, avec en invité local et très attendu, Javier Bardem, primé au festival en 1994. On découvrira aussi Bicicleta, cullera, poma, documentaire espagnol de Carles Bosch (Espagne), autrefois nommé à l'Oscar. Et toujours hors-compétition, Elle s'appelait Sarah de Gilles Paquet-Brenne, qui vient d'être présenté à Toronto, et retrace, en partie la rafle du Veld'hiv'.

La compétition, sans aucun film français, mélange grands noms et nouveaux talents, cinémas du monde entier et films espagnols, histoires grand public et formalisme plus expérimental. De John Sayles à Naomi Kawase, de Bent Hamer à Peter Mullan, sans oublier Raoul Ruiz, Saint Sébastien aligne une programmation art et essai assumée.

- Chicogrande, de Felipe Cazals (Mexique)

- Addicted to love, de Liu Hao (Chine)

- Aita, de José Maria de Orbe (Espagne)

- I saw the devil, de Kim Jee-Woon (Corée)

- Amigo, de John Sayles (USA/Philippines)

- Cerro Bayo, de Victoria Galardi (Argentine)

- Elisa K, de Judith Colell et Jordi Cadena (Espagne)

- Genpin, de Naomi Kawase (Japon)

- El gran Vazquez, de Oscar Aibar (Espagne)

- Home for Christmas, de Bent Hamer (Norvège/Suède/Allemagne)

- A Jamaâ/La mosquée, de Daoud Aoulad-Syad (Maroc/France)

- Mistérios de Lisboa, de Raoul Ruiz (Portugal)

- Neds, de Peter Mullan (Royaume-Uni/France/Italie)

- Pa negre, de Agusti Villaronga (Espagne)

- Satte Farben vor Schwarz/Colours in the dark, de Sophie Heldman (Allemagne-Suisse)

La maison Nucingen : cauchemar éveillé

Posté par Claire Fayau, le 2 juin 2009

nucingen.jpg Synopsis: l'histoire se passe dans les années 20.  William, un jeune aristocrate, vient de gagner au poker une propriété au Chili , près de Santiago.Il y emmène sa femme Anne-Marie afin qu'elle puisse s'y reposer. Dès leur arrivée, ils sont accueillis par des  personnages étranges et envahissants soudés autour d'une  oppressante et poétique figure ,celle d'un fantôme, celui de  Léonor,disparue accidentellement. La maison aux contours étouffants, devient le théâtre d'une incroyable  substitution liée aux angoisses et désirs d'un homme insatisfait. 

Notre avis: Ce film est tout simplement inracontable, déroutant, déconcertant, onirique, "ruizien" dans son aspect le plus caricatural. On est effrayé par la réalisation plus proche du téléfilm ou de la série B que du Temps retrouvé.

Mais qu'est-il arrivé à Raoul  Ruiz ? A -t-il été contaminé par la folie de ses personnages ? Il est entendu que les cartésiens n'apprécieront pas le film. Les autres s'ennuieront, en rigoleront. Le grotesque devient ridicule et s'il ne tue pas il assassine un scénario, pourtant inspiré du roman de Balzac. Alors on voit Laure de Clermont-Tonnerre soufflant dans un tibia comme dans une flûte,  Laurent Malet  goûtant  le cerveau de feu Laure de Clermont-Tonnerre. Les acteurs dialoguent entre eux de façon surréaliste, avec humour (certaines répliques sont vraiment drôles) et parfois lisent du Pascal. C'est décousu, sans aucun intérêt. Pour une maison aux esprits, le film en manque terriblement, d'esprit. On ressort du ciné...  halluciné, victime de ces productions fantaisistes françaises surannées.