Cannes en Séries : Quand le « P’tit Quinquin » ravit la Croisette

Posté par wyzman, le 23 mai 2017

Si l'édition 2014 du Festival de Cannes a été marquée par la présidence de Jane Campion (seule réalisatrice à avoir remporté la Palme d'or) et le prix du jury ex-æquo pour Xavier Dolan (Mommy) et Jean-Luc Godard (Adieu au langage), revenons sur le cas P'tit Quinquin.

Écrite, réalisée et montée par Bruno Dumont, cette mini-série a été présentée à la Quinzaine des réalisateurs - en séance spéciale. Et alors que la polémique autour de la non-sortie d'Okja en salle est toujours d'actualité, notons qu'à l'époque personne n'avait bronché face à cette projection d'une œuvre qui ne serait jamais montrée au cinéma.

Cela étant dit, P'tit Quinquin avait pour elle d'être portée par un casting d'acteurs non-professionnels au talent certain et dont la Croisette raffole. Plus encore, il s'agissait d'une production française signée par un réalisateur qui a reçu deux fois le Grand prix du jury en compétition ! Et si le festival de Cannes continue de vouloir assumer son rôle de plus grand festival de cinéma international du monde, difficile de passer outre son petit côté chauvin. Et à un moment où les nouvelles manières de faire du cinéma étaient discutées, la présence d'une mini-série avait quelque chose de novateur.

Centrée sur les péripéties d'un adolescent vivant dans le Pas-de-Calais, P'tit Quinquin est parvenue à mélanger les genres, policier et comédie. Un mix qui, s'il est le plus souvent rentable du côté des productions de TF1 ou France 3, est rarement gage de qualité. Mais Arte a (plus que) bien fait les choses en laissant carte blanche à Bruno Dumont. L'an dernier, il est par ailleurs revenu au festival de Cannes avec Ma Loute, un film nommé neuf fois aux derniers César. Cette année, il est de nouveau à la Quinzaine, Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc.

Si quelques spectateurs ont pu regretter que P'tit Quinquin véhicule certains clichés concernant les gens du Nord, la série a été un carton d'audience pour Arte. Plus encore, la presse l'a adorée. Et pour les organisateurs du festival, c'était sans doute tout ce qui comptait : rester à la pointe de la découverte avec un programme (certes produit pour la télévision) mais de grande qualité.

Et avant le lancement du premier festival international des séries (le "Cannes du petit écran"), la Croisette se tourne cette année encore vers le petit écran. Eh oui, pour rappel, les deux premiers épisodes de la saison 3 de Twin Peaks seront diffusés le vendredi 26 mai à 16 heures et l'intégrale de la saison 2 de Top of the Lake le samedi 27 dès 13 heures. Malgré le fait que la saison 2 de P'tit Quinquin ne sera sans doute jamais projetée en avant-première au festival de Cannes, nous pouvons tout de même remercier ses programmateurs d'avoir ouvert leur sélection et permis aux critiques du monde entier de faire la connaissance de Bruno Dumont dans un autre registre que celui qu'on lui cinnaissait ! Comme quoi, derrière chaque polémique peut se cacher une bonne nouvelle...

P’tit Quinquin sur Arte, une série policière hilarante et gonflée signée Bruno Dumont

Posté par MpM, le 18 septembre 2014

ptit quinquinSi l'on avait annoncé aux admirateurs du cinéaste Bruno Dumont (Hors Satan, L'Humanité, Camille Claudel 1915) qu'un jour ils se tordraient de rire devant une de ses œuvres et qu'en plus il s'agirait d'une fiction télé à rebondissements, il est probable qu'ils auraient trouvé l'idée ridicule. C'est pourtant bien avec une mini-série policière hilarante et gonflée que le faussement austère réalisateur de Flandres est de retour.

A Cannes, où il fut projeté en mai dernier pour la première fois sous la forme d'un film de 3h20, P'tit Quinquin reçut un accueil plus qu'enthousiaste de la part d'un public pas franchement réputé pour son indulgence, ni très enclin à rester une demi-journée entière dans la salle par simple politesse. Mieux que ça, c'est probablement le film devant lequel on a entendu le plus de rires en quinze jours.

C’est désormais au tour de la France entière de découvrir cet objet burlesque et irrévérencieux, mélange des Experts et des Deschiens, diffusé sur Arte à partir de ce soir en deux fois deux épisodes. Première aventure télévisuelle pour Bruno Dumont que l’on n’attendait pas forcément dans ce registre. Mais qu'on ne s'y trompe pas : filmé avec une élégance folle, P'tit Quinquin est un petit bijou cinématographique qui joue à la fois avec les codes télévisuels en vogue (rebondissements mystérieux, suspense, sens du rythme et du découpage...) et les obsessions habituelles du cinéaste.

Fidèle à ses habitudes, Bruno Dumont observe, décortique et célèbre l'humanité dans ce qu'elle a de plus essentiel. Devant sa caméra, l'être humain est â la fois émouvant et insupportable, terrifiant et fragile, désespérant et désespéré. Il s'avère surtout éminemment drôle, que ce soit volontaire ou non. Le réalisateur s'en donne ainsi à cœur joie dans le registre comique : situations décalées, gags répétitifs, dialogues absurdes, personnages outrageusement stéréotypés... D'une certaine manière, la liberté de ton et l'ironie du film évoquent La cité de la peur, avec lequel P'tit Quinquin partage une certaine philosophie, ainsi qu’une jolie brochette d'anti-héros maladroits prétextes à des répliques devenues cultes et à une réjouissante foire au nonsense. Dans un cas comme dans l'autre, quoiqu’à 20 ans d’intervalle, on est dans la plus pure tradition de parodie "à la française" des séries policières américaines un peu basiques.

Mais cette filiation osée n'empêche pas Bruno Dumont de développer, en parallèle des éléments comiques, son thème favori, celui du mal et de ses multiples incarnations et manifestations. La réflexion qui hante son d'œuvre de cinéaste trouve ici un écho dans des meurtres à la fois terribles et grotesques ainsi que dans le portrait peu amène qu’il dresse des différents protagonistes. Chez lui, le mal est constitutif de l’être humain, une facette indissociable qu’il ne faut pas avoir peur de regarder en face, mais dont il est tout à fait revigorant de se moquer.

Après le succès des Revenants en 2013, P'tit Quinquin pourrait ainsi être la confirmation d’un frémissement dans le monde jusque-là assez terne de la fiction télévisée française. Nouvelle preuve que, lorsque l’on confie la caméra à de vrais auteurs, et qu’on leur donne toute liberté artistique, on est capable de rivaliser avec les meilleurs (sous-entendu les Anglo-saxons). Avec, qui sait, un Emmy Award à la clef ?

Présentation de la série sur le site d'Arte