Standard operating procedure : indispensables témoignages

Posté par MpM, le 23 septembre 2008

blog_standard.jpgL'histoire : Suite au scandale ayant éclaté dans la prison américaine d’Abu Ghraib, où des prisonniers irakiens avaient été maltraités et humiliés, le réalisateur Errol Morris donne la parole aux principaux soldats impliqués, afin de comprendre comment ils ont pu en arriver là.

La critique : Récompensé par un Ours d’argent au dernier festival de Berlin, Standard Operating Procedure a forcément quelque chose de salutaire puisqu’il ose aborder sans tabou la question des maltraitances et humiliations dans les prisons américaines. Errol Morris fait ainsi défiler devant sa caméra soldats impliqués et enquêteurs chargés de l’affaire, dont les témoignages édifiants se suffisent à eux-mêmes. On perçoit notamment l’inconscience des coupables, qui apparaissent globalement décérébrés, et l’hypocrisie des experts, qui jouent sur les mots. Ainsi, ceux qui essaient de se dédouaner ont tendance à s’enfoncer (la jeune femme qui explique que si elle sourit et fait le signe de la victoire sur les photos de prisonniers nus, c’est parce qu’elle se comporte toujours ainsi quand on la photographie), tandis que les "explications officielles" font se dresser les cheveux sur la tête. En effet, le règlement fait une distinction très tendancieuse entre la procédure standard de "déstabilisation" des prisonniers (dénudés, attachés, masqués… afin d’être rendus plus "coopératifs") et les "actes de tortures condamnables". Pour n’importe quel observateur lambda, la frontière est si floue que l’on s’étouffe devant le "tri" réalisé par les hommes en charge de l’enquête… et les "coupables" n’en paraissent que plus pathétiques, malheureux boucs émissaires jetés en pâture au public.

Malheureusement, Errol Morris n’a pas été capable de s’en tenir là. Comme s’il se sentait obligé de montrer les images honteuses d’Irakiens en laisse ou en pyramides humaines qui ont circulé à peu près partout, il propose en alternance avec les témoignages des "reconstitutions" globalement de mauvais goût où l’on voit un homme mourir d’une crise cardiaque ou du sang couler sur un corps sans vie. On a beau retourner la question dans tous les sens, on ne voit pas du tout ce que ces séquences apportent à son propos, si ce n’est un lot bien inutile d’images-choc… peut-être pour contraster avec le côté relativement répétitif des témoignages ? Cette complaisance assumée, ajoutée à l’absence de réelle mise en perspective des faits, empêche le documentaire d’être aussi percutant qu’il ne l’aurait pu. Pour autant, cela ne suffit pas à brouiller le propos, ni surtout à justifier de faire l’impasse sur ce qui s’avère malgré tout un film indispensable.

J.O. de Pékin : médaille d’or pour les amateurs tibétains, la France toujours à la traîne

Posté par MpM, le 13 août 2008

surmonterlapeur.jpgPendant qu’une partie de la planète se passionne béatement pour la capacité de ses représentants sportifs à courir, nager ou ramer plus vite que les autres, une poignée de résistants essaie de dénicher des talents dans des domaines malheureusement non reconnus pas le comité olympique. Deux jours avant la fameuse cérémonie d’ouverture des Jeux, mise en scène par Zhang Yimou, ancien cinéaste rebelle désormais acquis au pouvoir en place, quelques journalistes étrangers ont ainsi pu découvrir à Pékin le film Surmonter la peur (Leaving fear behind) tourné au Tibet dans le plus grand secret entre novembre 2007 et mars 2008. Ses auteurs, Dhonpup Wang chen, paysan du Tibet occidental, et Golog Jigme, moine, ont interrogé leurs concitoyens sur la domination chinoise au Tibet, les Jeux olympiques de Pékin et le Dalaï Lama. En tout, ils ont réalisé 108 interviews à l’aide d’une petite caméra vidéo. Dans la version finale du film, une vingtaine de Tibétains témoigne, presque tous à visage découvert malgré les risques encourus, sur l’oppression et la discrimination dont ils font l’objet, la détérioration et la marginalisation de leur langue et de leur culture, la sédentarisation forcée, le manque de liberté religieuse, les promesses non tenues du gouvernement chinois, etc.

Si l’existence de ce film n’a pas été tellement relayée dans les médias occidentaux, c’est sûrement qu’il y avait une actualité bien plus foisonnante du côté de la profusion (ou de l’absence) de médailles olympiques. Les deux cinéastes amateurs, eux, ont été arrêtés le 26 mars dernier, soit quinze jours après avoir envoyé les cassettes du film en Suisse, et croupissent toujours dans les prisons chinoises. C’est un cousin de Dhondup Wangchen, Gyaljong Tsetrin, exilé du Tibet depuis 2002, qui s’est chargé de monter le film. Il a également créé "Filming for Tibet" afin de le produire et de le diffuser. Rendant du même coup au cinéma son énorme pouvoir de témoignage, de transmission et de dénonciation.

Selon Tibet Info, Dhondup Wangchen et Golog Jigme ont été arrêtés le 26 mars 2008. Dhondup Wangchen (37 ans) a été vu pour la dernière fois détenu à Guangsheng Binguan à Xining (Qinghai), et Golog Jigme dans un centre de détention de la ville de Lingxia (Gansu).

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Extrait du film sur Dailymotion : http://www.dailymotion.com/playlist/xlo2i_Channel_Zero_tibet-leaving-fear-behind/video/x6dgk8_documentaire-tibet-leaving-fear-beh_news