Ruth Bader Ginsburg (1933-2020), fin d’un suprême parcours

Posté par vincy, le 19 septembre 2020

Ruth Bader Ginsburg, doyenne de la Cour suprême des Etats-Unis, est décédée vendredi à l'âge de 87 ans. Nommée par Bill Clinton en 1993, icône de la gauche américaine et des progressiste, elle était devenue l'une des plus âpres défenseuses de la cause des femmes, des minorités, des droits civiques et de l'environnement. Et surtout elle incarnait l'opposition à Donald Trump.

Au début de sa carrière, dans les années 1970, elle avait co-fondé le Women's Rights Law Reporter, premier journal américain qui se concentre exclusivement sur les droits des femmes et les de discriminations sexistes. RBG avait porté six cas de discrimination devant la Cour suprême entre 1973 et 1976 (une seule défaite).

Son parcours comme son aura et ses décisions symboliques en avaient fait un personnage politique de premier plan. Une héroïne américaine, à sa façon, l’une des femmes les plus influentes de l’histoire des États-Unis pour son combat pour l’égalité des sexes. Les drapeaux américains de la Maison Blanche ont été mis en berne. Ruth Bader Ginsburg était devenue extrêmement populaire malgré une fonction réputée à l'ombre du pouvoir. Grâce à son positionnement, qui séduit les jeunes urbains et les modérés, elle était devenue "Notorious RBG".

Pas surprenant alors qu'Hollywood s'empara de son destin. D'abord avec un film Une femme d'exception (On the Basis of Sex), réalisé par Mimi Leder avec Felicity Jones (dans le rôle de Ruth Bader Ginsburg), Armie Hammer, Justin Theroux, Sam Waterston, et Kathy Bates. Le film a totalisé 38M$ de recettes dans le monde et a attiré 91000 spectateurs dans le salles françaises début 2019. Si le scénario est assez classique pour un biopic qui se concentre sur les débuts de RBG, le film est passionnant par ce qu'il décrypte du personnage et de ses combats.

Et puis il y a eu l'excellent documentaire, RBG, réalisé et produit par Betsy West et Julie Cohen. Présenté en avant-première au Festival du Film de Sundance en 2018, ce docu captivant sur cette personnalité passionnante, est deux fois nommé aux Oscars (documentaire, chanson) et remporte treize prix dans le monde. En France, il est présenté en avant-première à Deauville.

Deauville 2020 : un grand hommage à Kirk Douglas en ouverture

Posté par kristofy, le 5 septembre 2020

Après les bons chiffres de fréquentation des salles pour Tenet de Christopher Nolan qui ont été reçus par les distributeurs et les exploitants comme un symbole d'une reprise d'attractivité des salles, l'ouverture du 46ème Festival du cinéma américain de Deauville a aussi regonflé les espoirs (masqués).

Bal masqué

La ministre de la culture Roselyne Bachelot est venue amener de la lumière dans la salle obscure de Deauville, deux semaines après que le Premier ministre Jean Castex ait fait de même à Angoulême : « Le cinéma ce n'est pas seulement des films, c'est l'expérience collective du grand écran», en évoquant les prochaines mesures de soutien au secteur qui vont être mise en oeuvre (dont une mise à contribution des diverses plateformes de streaming vod, concurrentes des salles, pour une taxation en direction du CNC pour redistribuera ensuite).

La cérémonie d'ouverture a fait venir certains fidèles de Deauville : des ex-membre de jury comme Régis Wargnier, Clotilde Hesme, Kadija Touré, Anna Girardot, et même l'ex-premier ministre et maire voisin du Havre Edouard Philippe. Deauville a mis l'accent sur une solidarité entre festivals (yes, we Cannes !) - en particulier Annecy et Cannes dont des films de leurs sélections sont invités à être découverts ici. Cannes étant LE festival marqueur de l'année, il était représenté sur scène par Pierre Lescure et Thierry Frémaux. Même leur musique-signature de Saint-Saëns tellement évocatrice de fête du cinéma résonnait en Normandie.

Ennio et Kirk

Deauville a démarré sur des hommages. Des mélodies ont été jouées au piano: du Ennio Morricone. Et puis il y eut Kirk Douglas, à travers un émouvant discours vidéo envoyé par son fils Michael Douglas, racontant les phases de la vie son père (jeunesse, succès, la fin de sa vie) et remerciant le festival pour cette première commémoration post-mortem et post-confinement.

Sa filmographie qui s'étire sur presque 60 ans depuis L’emprise du crime de Lewis Milestone en 1946 avec Barbara Stanwyck et Les griffes du passé de Jacques Tourneur en 1947 avec Robert Mitchum, jusqu’en 2003 avec Une si belle famille (tourné avec sa famille dont son fils Michael Douglas pour la première fois) et 2004 Illusion (à propos d’un artiste à la fin de sa vie).

Kirk Douglas est mort en février 2020 à l’âge de 103 ans : une telle longévité a fait de lui un acteur phare d’un demi-siècle de cinéma américain en traversant l’époque des gros films de studios des années 50 et leur déclin ainsi que le nouvel Hollywood des années 70. Le début des années 80 sera synonyme de ses derniers grands succès avec Saturn 3 de Stanley Donen et surtout Nimitz retour vers l’enfer de Don Taylor. Parmi la multitude de ses rôles, il aura imprimé de sa personnalité l’image d’un héros droit et fort dans ses convictions : sur l’écran autant qu’en privé, Kirk Douglas était opposé à un certain impérialisme américain comme au Maccarthysme des années 50.

Sept jours en mai, de John Frankenheimer.

La dernière apparition de Kirk Douglas dans un film aura été à la télévision (pour Canal+) en 2008 dans le montage de Meurtre à l’Empire State Building du français William Karel qui avait été présenté au festival du film américain de Deauville cette année-là. Kirk Douglas et la France c’est d’ailleurs une longue histoire : il parlait le français, il a été membre du jury du festival de Cannes en 1970, il a reçu un César d’honneur en 1980, il fut chevalier de la Légion d’honneur en 1985, et son visage avec une fossette au menton est devenu un personnage des aventures d' Astérix… Quantité de ses films ont été des succès populaires en France.

Le Gouffre aux chimères, de Billy Wilder.

Il a tourné devant les caméras des plus illustres : Jacques Tourneur, Joseph L. Mankiewicz, Raoul Walsh, Billy Wilder, Howard Hawks, Vincente Minnelli, Richard Fleischer, King Vidor, de John Sturges, Stanley Kubrick, Robert Aldrich, John Huston, John Frankenheimer, Otto Preminger, René Clément, Elia Kazan, Brian De Palma, Stanley Donen, George Miller, John Landis… En tant que producteur il chapeaute plusieurs projets où il se donne bien entendu le premier rôle comme La Vie passionnée de Vincent van Gogh et Spartacus qui sont d’immenses succès. Il s’essaya comme réalisateur avec moins de chance (Scalawag et La Brigade du Texas sont oubliables). Il a reçu trois nominations à l'Oscar du meilleur acteur sans remporter la statuette: c’est un Oscar d’honneur qui lui est alors remis en 1996 pour saluer alors ses 50 ans de carrière.

Spartacus, de Stanley Kubrick.

Sur les planches normandes, il y avait déjà reçu un hommage de son vivant en 1978 et en 1999 (25ème anniversaire du festival). Deauville propose de revoir une large sélection de ses films : La Griffe du passé de Jacques Tourneur (1947), Le champion de Mark Robson (1949), Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder (1951) avec un journaliste qui redevient populaire avec ses articles sur l’agonie d’un homme enseveli dans un gouffre (une inspiration du Un jour de chance de Alex de la Iglésia), La Captive aux yeux clairs de Howard Hawks (1952), Les Ensorcelés de Vincente Minnelli (1952), La vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli et Georges Cukor (1956), Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957) dont l’histoire qui dénonce la hiérarchie militaire française a fait que le film n’a pu être visible chez nous avant 1975…, Les Vikings de Richard Fleischer (1958), Spartacus de Stanley Kubrick (1960), Seuls sont les indomptés de David Miller (1962) d’ailleurs le film préféré de Kirk Douglas, Sept jours en mai de John Frankenheimer (1964) où, en tant que militaire, il dénonce sa hiérarchie qui prépare un coup d’Etat contre le président américain favorable au désarmement…, et Nimitz, retour vers l'enfer de Don Taylor (1980), avec un paradoxe temporel en temps de guerre.

Nimitz, retour vers l'enfer, de Don Taylor.

Bientôt les films sortis en mars à la maison?

Posté par vincy, le 21 mars 2020

Un article du projet de loi d’urgence autorise le CNC à déroger aux règles de la chronologie des médias. Les salles de cinéma ont fermé le 13 mars, sacrifiant les films sortis le 11 mars (et même le 4 mars) mais aussi de nombreux films prévus le 18 mars qui étaient déjà en campagne de promotion.

Ce projet de loi d’urgence qui passera en commission mixte paritaire (Assemblée nationale et Sénat) demain, dimanche 22 mars permettra au gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles par voie d’ordonnances dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19, certaines touchant à des acquis sociaux et d'autres facilitant le financement d'un pays à l'arrêt.

Une chronologie inadaptée

Le président du CNC pourrait donc déroger à titre exceptionnel aux règles de chronologie des médias pour les films en exploitation en salles le 14 mars 2020 et uniquement pour ces films-là. Ce qui concerne finalement une soixantaine de films, qui pourraient être mis à disposition en vidéo à la demande. Ce que demandaient certains producteurs et distributeurs. Aux Etats-Unis, les studios ont déjà avancé les dates de sorties sur les plateformes, comme Birds of Prey, En avant, Invisible Man...

La Fédération nationale des cinémas français s'oppose à une telle mesure: "Le caractère d’urgence et indispensable à la vie de la Nation de cette mesure ne nous paraissant absolument pas avéré, outre notre opposition à priver sans aucune concertation les professionnels de la maîtrise d’un tel dispositif et à modifier le Code du Cinéma unilatéralement, Richard Patry a adressé une lettre de protestation au Ministre de la Culture" .

Une fédération dans le déni

Dans son communiqué du 20 mars, "La FNCF a eu l’assurance de Dominique Boutonnat, Président du CNC, confirmée par le communiqué du CNC de ce jour, qu’il s’attachera à prendre les éventuelles mesures dans ce cadre avec discernement et au cas par cas, sans jamais obérer l’avenir des salles de cinémas et à revenir à une application stricte des textes après cette crise. (...) La FNCF souhaite entamer dès maintenant des discussions constructives avec l’ensemble des organisations des distributeurs – éditeurs de films, et avec le CNC sous l’égide de Franck Riester, Ministre de Culture, pour envisager demain la réouverture des salles de cinéma pour le plus grand plaisir des spectateurs. Elle appelle ainsi les salles de cinéma à soutenir, lors de leur réouverture, les films qui étaient à l’affiche le 14 mars pour leur permettre de poursuivre leur carrière en salle avec succès."

Au cas par cas

C'est un peu utopique. Hormis quelques gros succès comme La bonne épouse ou De Gaulle, aucun film n'a de chance de ressortir dans de bonnes conditions dans un calendrier qui va être très chargé avec tous les reports de sortie. La bonne épouse ressortira en salles, évidemment. Radioactive et Vivarium sans doute aussi. Mais la visibilité des petits films ne sera pas assez grande pour amortir le coût d'une nouvelle exploitation alors que l'on craint déjà un énorme embouteillage de nouveautés dès mai-juin et encore plus à l'automne. Pourquoi priver Un fils, Une sirène à Paris, Femmes d'Argentine, pour ne citer que trois sorties du 11 mars, qui n'ont pas pu trouver leur public en moins de quatre jours, d'une nouvelle fenêtre dès maintenant, profitant de la notoriété acquise par la promotion récente en publicité ou dans les médias? Idem pour ceux sortis fin février et début mars, et qui ont déjà fait une grande partie de leurs entrées et qui ne gagneront rien à ressortir, à l'instar de Dark Waters ou Un divan à Tunis? Et finalement pourquoi empêcher producteurs et distributeurs de récupérer un peu de recettes rapidement en ces temps de crise financière... ?

Les sorties post-13 mars non concernées

Et puis il n'y a pas lieu de paniquer. On voit bien que l'objectif est de conserver la chronologie des médias, sauf à titre exceptionnel.

Le CNC a précisé que chaque demande serait menée en pleine concertation avec les représentants de la filière et notamment les organisations professionnelles des exploitants de salles de cinéma. "La fermeture des salles de cinéma est un moment critique pour toute la filière. Le public doit pouvoir accéder aux films, mais il nous faut également assurer les équilibres fondamentaux qui permettent de financer la création à moyen et long terme, ainsi que la reprise de l’activité au moment de la réouverture des salles" a déclaré Dominique Boutonnat, Président de l'organisme.

La disposition examinée par le Parlement ne concerne pas les films destinés aux salles mais qui n’étaient pas encore sortis au moment de la fermeture des cinémas (Petit Pays, Forte, Benni) et qui n'avaient pas encore annoncé leur report.

Des films directement en Vidéo à la demande?

Tous ces films prêts à sortir ne sont pas soumis à la chronologie des médias et les titulaires de droits sont libres de les exploiter sur tous supports dans le cadre de leur liberté contractuelle indique le CNC. Reste le cas épineux des films programmé qui ne sortiront finalement pas en salles, pour de multiples raisons. Le CNC est, en principe, tenu de réclamer, aux bénéficiaires d’aides accordées dans le cadre du soutien financier au cinéma, la restitution de ces sommes lorsque la première exploitation des films ne se fait pas en salles. Mais l'institution a lancé cette semaine, pour ces films non encore sortis en salles, une concertation qui associe toute la filière du cinéma et de l’audiovisuel, pour réfléchir aux modalités selon lesquelles certains d’entre eux pourraient, le cas échéant, être mis à la disposition du public directement sous forme de VOD ou de DVD / Blu-Ray, sans que les bénéficiaires des aides "cinéma", ainsi d’ailleurs que des autres financements réglementés, soient contraints pour autant de les restituer.

"Le public doit pouvoir accéder aux films, mais il nous faut également assurer les équilibres fondamentaux qui permettent de financer la création à moyen et long terme, ainsi que la reprise de l'activité au moment de la réouverture des salles", rappelle Dominique Boutonnat.

Le 18 mars, Franck Riester, ministre de la Culture, a soutenu un ensemble de mesures mis en place par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) comme la suspension du paiement de l’échéance de mars 2020 de la taxe sur les entrées en salles de spectacles cinématographiques (TSA) pour soutenir leur trésorerie, le versement de manière anticipée des soutiens aux salles art et essai et à la distribution et la garantie du paiement de ses aides. Le ministre a rappelé que "toutes les subventions attribuées par le CNC aux manifestations annulées pour des raisons sanitaires leur resteront acquises si elles ont déjà été versées, ou seront effectivement payées si elles ne l’ont pas encore été."

Coronavirus: Les salles de cinéma dorénavant fermées

Posté par vincy, le 14 mars 2020

Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé samedi 14 mars la fermeture dès minuit et "jusqu’à nouvel ordre" de tous les "lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays", appelant les Français à "plus de discipline" face à la pandémie de coronavirus. Tout en maintenant (pour l'instant) la décision absurde de maintenir les élections municipales.

Restaurants, bars, discothèques, et cinémas doivent désormais fermer. Tous les commerces sont touchés, à l’exception des magasins alimentaires, pharmacies, banques, bureau de tabac ou encore stations-essence, a précisé le premier ministre. Dans ce contexte, la France est passée au "stade 3" de l’épidémie puisque le virus circule désormais sur tout le territoire.

A partir de demain et jusqu'au 15 avril, le cinéma se verra donc chez soi, sur les plateformes SVàD et VàD.

Coronavirus: les salles de cinéma en mode intimiste, les fermetures, reports et annulations s’enchaînent

Posté par redaction, le 13 mars 2020

Les Festivals s'annulent les uns après les autres, notamment Cinéma du réel qui commençait aujourd'hui, mais aussi Cinélatino à Toulouse et le Festival national du film d'animation. Les sorties de films sont décalées à l'été ou l'automne (derniers en date: The Room, Sans un bruit 2, Divorce club, Le jardin secret, Effacer l'historique, Ondine, Adolescentes, Mulan, Petit pays, Police et Fast and Furious 9). Le coronavirus bouscule aussi les tournages, suspendus. Et on attendra fin avril pour savoir si le Festival de Cannes aura bien lieu (e tout cas physiquement, puisque virtuellement c'est toujours possible).

Coronavirus: SERIES MANIA annulé

Mais avec les nouvelles annonces gouvernementales d'aujourd'hui - le premier ministre Édouard Philippe a annoncé l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes -,  ce sont désormais les cinémas qui sont menacés.

Cela veut dire que toute salle de plus 100 fauteuils sera fermée ou qu'il faudra limiter les séances à un nombre restreint de spectateurs pour les plus grandes salles. En Italie, en Belgique et en Suisse, toutes les salles sont fermées.

Ce sera du cas par cas. Kinépolis, qui a fermé ses salles belges, a d'ores et déjà annoncé que la totalité des cinémas Kinepolis français restent ouverts au public, en limitant la fréquentation de chaque salle. Les salles aux capacités inférieures à 110 places voient leur fréquentation limitée à 30 spectateurs par séance, soit presque un tiers de taux remplissage. Les autres salles sont ainsi limitées à 95 spectateurs maximum par séance.

Les festivals et les films atteints par le coronavirus

Le Forum des Images à Paris ferme jusqu'à nouvel ordre. La Cinémathèque française suspend ses activités.

Si la fréquentation va naturellement chuter, paradoxalement, cette mesure pourrait ne pas trop toucher les cinémas art et essai et les cinémas de quartier ou de proximités. Les 1179 cinémas art et essais ont souvent de petites salles (en moyenne les cinémas art et essai en France offre 172 sièges au total). Et 56% des cinémas en France n'ont qu'un écran. Ce sont les multiplexes qui sont principalement atteints par cette mesure.

Les vrais gagnants seront sans doute les plateforme de SVàD et de VàD, comme Netflix ou La Cinetek. En attendant, c'est le moment d'être curieux et de découvrir les films qui sont à l'affiche et ceux qui maintiennent leur sortie dans les trois, quatre prochaines semaines.

Contagion et virus: 15 films à voir en cas de confinement

Décès de David Kessler, directeur d’Orange Content

Posté par vincy, le 4 février 2020

David Kessler est mort soudainement à l'âge de 60 ans dans la nuit de lundi et mardi.

Il a dédié toute sa carrière à la culture, et notamment l'audiovisuel. Curieux, passionné, engagé, il a été conseiller culture du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2001). "C'est quelqu'un qui ne voulait pas faire carrière mais il avait tellement de talents qu'on pensait à lui", a-t-il commenté dans L'instant M sur France Inter.

Il aussi été conseiller chargé de la culture  du maire de Paris Bertrand Delanoë (2009-2011), qui lui a rendu hommage sur Twitter en évoquant un homme "intelligent, cultivé, rayonnant, libre". Il fut aussi conseiller culture et communication du président de la République François Hollande (2012-2014), qui a également réagit sur Twitter: "David Kessler a consacré sa vie à la culture sous toutes ses formes et à la création dans toutes ses dimensions. C’est ainsi qu’il pensait servir son pays, au sein de l’Etat ou à la tête de grands organismes publics ou privés."

Médias et cinéma

David Kessler a fait l'essentiel de son parcours dans les médias: directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de 1996 à 1997, directeur du Centre national du cinéma (CNC) de 2001 à 2004, directeur de France Culture (2005-2008), directeur général délégué de Radio France chargé de la stratégie et des contenus et président du Forum des Images (2008-2009), à la tête du magazine Les Inrockuptibles (2011 -2012), directeur de la publication de la version française du site d'informations Huffington Post.

Depuis 2014, ce normalien très respecté et ouvert d'esprit, dirigeait Orange Content, la division "contenus" de l'opérateur de télécoms, qui regroupe notamment la filiale de production Orange studio et OCS, qui cumule 38 nominations aux prochains César avec des films comme La belle époque, Hors Norme, J'accuse et Grâce à Dieu ...

Dans les cartons du studio, on attend les prochains films de Kheiron, Martin Provost, Alain Guiraudie, Sylvie Verheyde et Frédéric Carpentier.

OCS a réalisé 45 préachats pour 32M€ en 2019. C'est, en valeur, la 4e chaîne française derrière Canal +, France 2 et TF1. 25 des films préachetés en 2019 étaient des premiers et deuxièmes films.

Netflix, Amazon: le gouvernement français très gourmand

Posté par vincy, le 15 janvier 2020

Franck Riester continue de préparer sa réforme de l'audiovisuel, qui doit passer devant le parlement au printemps. Le ministre de la Culture a annoncé vouloir fixer à 25% du chiffre d'affaires réalisé en France le taux minimum que les plateformes de vidéo en ligne comme Netflix et Amazon, spécialisée dans les fictions, devront investir dans la production française et européenne. C'est un niveau largement supérieur à celui évoqué auparavant. Pour les plateformes de flux généralistes, le taux minimal serait de 16%.

Il s'agit de revoir le modèle de financement des films et des œuvres audiovisuelles en France alors que les aides du CNC devraient être plus sélectives, et ne sont pas extensibles, et que les budgets des chaînes de télévision, notamment Canal +, ne sont plus au top, et s'orientent davantage vers les séries. L'objectif est d'ailleurs de rééquilibrer les règles entre ces chaînes TV déjà soumises à de nombreuses obligations réglementaires, et ces plateformes en ligne, qui captent une large audience sans règlementation contraignante.

Le ministère annonce également des exceptions que pour le service public, les chaînes thématiques, ou les services de vidéo à la demande.

Ces taux ne seront appliqués que si les négociations entre les filières du secteur ne trouvent pas d'accord.

On attend cependant la nature des sanctions promises par le ministre si les plateformes ne respectaient pas leur obligation. La menace d'une interdiction de diffusion de leurs contenus en France parait hautement improbable. Cette décision serait impopulaire et techniquement hasardeuse, ouvrant la voie au piratage: Netflix compte plus de 6 millions d'abonnés et vient de signer un partenariat avec Canal +, Amazon lie sa plateforme à son service de fidélité pour les achats de biens de consommation et culturels en ligne. Cela devrait aussi concerner Disney + lancé ce printemps, et HBO Max, attendu pour 2021.

On n'en arrivera certainement pas là. Netflix a déjà annoncé plusieurs projets français (et européens) dont l'investissement est à la fois important pour eux et une infime partie de ses milliards dépensés annuellement dans tous les contenus de fiction. Et ça ne change rien pour l'instant au réel problème de la chronologie des médias, qui empêche les cinéphiles français de voir ses films en salles.

[J'accuse] Polanski sur la sellette, des séances annulées et des élus qui veulent censurer

Posté par vincy, le 19 novembre 2019

Après son exclusion des Oscars, Roman Polanski pourrait être évincé des organisations professionnelles françaises. Depuis les révélations de Valentine Monnier, qui accuse le cinéaste de l'avoir violée dans les années 1970 alors qu'elle avait 18 ans, le malaise se répand dans toute la profession. Cela n'empêche pas son dernier film, J'accuse de prendre la première place du box office cette semaine avec 376000 spectateurs en 5 jours, soit son meilleur démarrage en plus de 30 ans. Le film fait déjà quatre fois mieux que le résultat final de sa précédente réalisation, D'après une histoire vraie, et a également dépassé le box office total de La Vénus à la fourrure, sorti en 2013.

Reste que la polémique enfle. la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) a décidé d'instituer de nouvelles règles : tous membres condamnés ou poursuivis pour des infractions sexuelles conduiront à la suspension du réalisateur. "Quarante ans se sont passés entre la première affaire qui concerne Roman Polanski et aujourd’hui. Je pense que le monde a beaucoup changé en quarante ans. Les crimes sont les mêmes, mais la façon dont ils sont perçus a énormément changé" a déclaré le président de l'ARP, Pierre Jolivet. Clairement, il a précisé que Roman Polanski serait concerné par une suspension.

Le changement de statut sera proposé au vote lors de la prochaine assemblée générale; dont la date n'a pas encore été fixée.

Depuis la prise de parole d'Adèle Haenel, concernant le réalisateur Christophe Ruggia, qui devrait être prochainement exclu de la SRF, le milieu du cinéma tente de réagir pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le nom de Polanski est autrement plus symbolique, de par sa notoriété et la multiplicité des affaires qui le visent. La SRF, justement, a, par la voix de Rebecca Zlotowski, membre du Conseil d'administration et co-créatrice du Collectif 5050, "aussi appelé, aux côtés d’autres organisations d’auteurs et du Collectif 5050, à des États généraux sur les questions des abus sexuels et des harcèlements dans notre industrie, dans le but d’aboutir à une charte, un code de conduite commun, et des mesures spécifiques." L'Académie des César refuse toujours de s'exprimer sur ce cas.

Cependant, pour l'instant, ce sont les exploitants qui sont en première ligne sur le front. L'avant-première de J'accuse au mythique Champo, un des rares cinémas dirigé par une femme, Christiane Renavand, a ainsi été annulée par une manifestation de féministes. D'autres militantes féministes ont fait interrompre puis annuler des séances à Rennes et à Saint-Nazaire ce week-end.

Censure politique en Seine-Saint-Denis

Et ce n'est pas fini puisque cet après-midi, nous avons appris que les élus d'Est Ensemble, intercommunalité qui regroupe 9 villes, ont ordonné, contre l'avis des cinémas, la déprogrammation de J'accuse dans les six sites qu'elle gère à Pantin (le Ciné 104), Bagnolet (le Cin'Hoche), Bondy (le Ciné Malraux), Bobigny (l'Ecran Nomade), Romainville-Noisy le Sec (le Trianon) et Montreuil (le Méliès). Cette décision fait suite à la réclamation de la maire socialiste de Bondy, Sylvine Thomassin, et a été soutenue par l'ensemble des groupes politiques: "On est effarées que l'administration des salles se permette une telle diffusion, sans demander ce que les politiques en pensent" a-t-elle expliqué. On est effaré que des élus se croient encore autorisé à interdire un film. Il s'agit d'un cas inédit de censure "officielle".

[Censure. Nom féminin, du latin censura. Examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. (En France, les films doivent comporter un visa de censure, le visa d'exploitation, délivré par le ministre de la Culture après avis d'une commission.]

Le président d'Est Ensemble, le socialiste Gérard Cosme, a cependant communiqué qu'il "paraissait peu crédible et peu souhaitable que la programmation relève d'un comité d'élus ou même du président", choisissant ainsi "la liberté de programmation artistique" aux établissements. Un revirement radical, qui va à l'encontre du vote des élus qu'il préside donc. Sagement, il refuse donc de déprogrammer le film mais demande aux cinémas d'organiser "un débat en présence des associations et des élus qui le souhaitent et qui se sont exprimés en faveur de la déprogrammation". Or, les directeurs des cinémas n'ont pas attendus les élus pour débattre autour du film et du cinéaste.

Dans le cadre de la projection du film de Polanski, deux débats étaient prévus au Méliès: "Choisir de voir ou non le dernier Polanski ?", avec les associations féministes Nous Toutes et Collage Féminicide et "L'Affaire Dreyfus et l'antisémitisme d'hier et d'aujourd'hui" avec la Ligue des Droits de l'Homme. Adèle Haenel avait elle-même initié et milité pour des débats encadrant le film.

Avant l'annulation de la déprogrammation, le directeur artistique du Méliès, Stéphane Goudet s'était exprimé sur Facebook pour alerter ceux qui ne prennent pas la mesure d'une telle censure: "Nous demandons dès à présent à nos élus la liste des cinéastes dont nous n'aurons plus le droit de programmer les films et la définition de leurs critères. Un comité de vérification de la moralité des artistes programmés est-il prévu, puisque la liberté individuelle des spectateurs n'est pas suffisante ? L'interdiction doit-elle être étendue aux délits, et si oui lesquels ? Nous souhaitons également savoir quel sort sera réservé aux écrivains et peintres condamnés pour crimes dans les bibliothèques d'Est Ensemble. Selon toute vraisemblance, les livres de Céline et Althusser, les DVD de Max Linder, Brisseau, voire Woody Allen (plus besoin ici de décision de justice), les disques de Michael Jackson et les ouvrages sur Le Caravage et Gauguin devraient être retirés des rayonnages."

Lire aussi : Voir ou ne pas voir « J’accuse »

[Lumière 2019] Ken Loach, de la politique avant tout

Posté par Morgane, le 18 octobre 2019

Après avoir reçu le Prix Lumière en 2012, Ken Loach - 2 Palmes d'or et 3 César - est de retour à Lyon cette année. Il a présenté son nouveau film Sorry we missed you (en salles le 23 octobre) à l'Institut Lumière et a enchaîné avec une masterclasse à la Comédie Odéon, qu'il souhaitait politique. Clémentine Autain, députée France Insoumise de Seine Saint-Denis, l'accompagnait. Et Thierry Frémaux était là pour mener la discussion, avec Didier Allouch pour la traduction.

Besoin de parler de politique, du monde, plutôt que de cinéma
"Le monde est dangereux, l'économie s'écroule et les extrémismes de droite vont en profiter. On doit combattre cela de toutes les manières possibles. C'est la plus grande tâche, combattre sur tous les plans. Mais ce qui est encore plus important c'est de comprendre ce qui se passe. On a tous besoin ensemble de comprendre, de résister, et cela peut peut-être aussi se faire par le cinéma. Et la force que nous avons c'est que nous sommes nombreux et qu'ils sont peu!"

Ce combat passe par la vie quotidienne
"On doit célébrer la vie! Et les films doivent respecter la complexité de la vie. La vie évolue dans un contexte social et il existe un cordon ombilical qu'on ne peut pas couper entre notre vie privée et ce contexte social."

Sorry we missed you marche dans les pas de Moi, Daniel Blake
Pour Clémentine Autain, le dernier film de Ken Loach est celui qui l'a "le plus bouleversée. Moi, Daniel Blake c'était la bureaucratisation, ici c'est la concrétisation de l'ubérisation et de son mensonge. Le rêve d'indépendance tourne au cauchemar et tous les pans de la vie sont touchés." Ken Loach explique alors qu'après Moi, Daniel Blake, il était dans une banque alimentaire et qu'il n'y avait pas que des chômeurs mais également des travailleurs. "Aujourd'hui, 2/3 des nouveaux emplois sont précaires, sans aucune garantie. Vous travaillez un jour mais rien ne vous dit que vous travaillerez le lendemain. Cela date de Margaret Thatcher qui a mis à mal les syndicats et alors les emplois précaires ont commencé à se développer. Et c'est ainsi que le film (Sorry we missed you) a commencé. Le travail c'est comme un robinet soit ils l'ouvrent soit ils le ferment."

Thatcher, Blair et...
"Thatcher a dit que sa plus grande invention était Tony Blair et elle n'a même pas eu besoin de l'inventer! Tony Blair est un criminel pour avoir participé à la guerre en Irak qui est une guerre illégale. Pour cela il devrait être jugé à La Haye."

...le Brexit
"Le Brexit c'est une distraction. Les problèmes étaient là avec l'Union européenne et ils seront toujours là si on en sort. Et si Boris Johnson reste ils seront encore plus grands. Il y a quelques jours le film a été projeté à Paris dans une immense salle remplie d'activistes qui sont venus sur scène pour dire comment ils combattaient les inégalités, la précarité. L'espoir c'est tous ces combats. Mais les médias font tout pour détruire cet espoir. Ils ne parlent jamais de ces grèves. Il faut qu'elles se sachent pour que les combats se propagent!"

Ken Loach et la gauche
"Aujourd'hui la gauche est plus forte (en Angleterre) mais les affronts contre elle ont déjà débuté. Corbyn a été accusé de racisme alors qu'il est d'une immense intégrité. Si la gauche gagne les prochaines élections, chaque travailleur aura des droits dans son contrat de travail. Les privatisations cesseront immédiatement, tous les employés auront droit à la sécurité sociale. L'eau, le gaz, l'électricité, la poste... tout ça reviendra dans le domaine public avec des dirigeants locaux."

"Aujourd'hui le parti travailliste c'est plus de 500000 membres car il donne une réponse au besoin des gens et c'est pour ça que les attaques sont si fortes contre le parti de gauche. C'est un bon plan, essayez-le ici!"

Et de finir par cette phrase des syndicats américains "Agitate, educate, organize" et "défendez Jeremy Corbyn, envoyez-lui un message, soutenez-le!"

En deux heures, il faut avouer qu'il a surtout parler de politique. Mais après tout c'est tout le sujet de son cinéma...

Hong Kong, Chine, Taïwan: secousses sismiques dans le 7e art

Posté par vincy, le 7 octobre 2019

Le cinéma subit à son tour les effets de la situation politique de Hong Kong, dont les citoyens revendiquent a minimia le maintien d'un pays-deux systèmes distinguant Hong Kong du continent chinois, statut obtenu lors de la rétrocession par les britanniques en 1997. Depuis la fin mars, la métropole de près de 8 millions d'habitants vit aux rythmes de manifestations monstres où la violence policière et étatique est de plus en plus brutale.

Pour ne pas froisser la Chine, deuxième marché mondial en nombre de spectateurs en salles, certaines personnalités du cinéma ont déjà refusé de soutenir les hong kongais, à commencer par l'actrice du film Mulan, Liu Yifei. D'ores et déjà des appels aux boycotts ont répliqué. Mais la Chine sait se faire pression. Dès qu'une personnalité du spectacle ou du sport apporte son soutien au "mouvement des parapluies", le régime de Pékin ordonne la rétractation, ou c'est l'interdiction de travailler en Chine. Aussi, aucun des cinéastes hongkongais ne s’est exprimé à titre personnel sur cette crise pour continuer à bénéficier de l'accès aux puissantes industries culturelles chinoises. Dans La Croix, Arnaud Lanuque justifiait ce silence il y a un mois: "Le cinéma de Hong Kong est devenu limité, et ces réalisateurs ne veulent pas faire de petits films. Pour faire des films ambitieux, il faut nécessairement passer par le marché chinois. Hong Kong n’a plus que des films à petits budgets, des drames sociaux, des comédies, et des films fantastiques (genre interdit en Chine)."

Migration en Corée du sud

Mais depuis deux semaines, le cinéma hong kongais est quand même sur les dents. Les Asian Film Awards ont décidé de quitter leur lieu d'accueil historique, remis chaque année depuis 2007 au Festival international du film de Hong Kong en mars. Ils migreront à Busan, en Corée du sud, la ville où se déroule le plus grand festival de cinéma en Asie. Si bien que les prochains AFA auront lieu en octobre 2020. A un mois des Asia Pacific Screen Awards (qui se déroulent à Brisbane en Australie).

Fondé par la HKIFF Society, les AFA ont ensuite noué des partenariats avec les festivals de Busan et Tokyo, tout en restant juridiquement basés à Hong Kong. Depuis longtemps, les organisateurs réfléchissent à une rotation entre les trois festivals (Tokyo a lieu fin octobre). Mais les difficultés de Busan à l'époque avaient mis ce projet à l'écart. Cette rotation serait de nouveau en discussion.

Le Festival du film de Hong Kong devrait quand même avoir lieu, et accueillerait malgré tout un prix honorifique des AFA, afin de conserver son emprise sur la marque. Mais il faudra bien attendre encore un an pour connaître le successeur d'Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda. Et on ignore encore si le cinéma chinois (5 statuettes du meilleur film en tant que producteur ou co-producteur) y sera le bienvenu.

Exclusion du cinéma chinois

Car, l'effet de choc n'est pas terminé. Les Golden Horse Awards se mêlent aussi de real-politik. Les récompenses de cinéma taïwanaises sont décernées depuis 1962 distinguant les films d’expression chinoise, qu’ils viennent de Taïwan, des territoires sinophones (Hong Kong, Singapour, ...) et depuis 1996 de Chine continentale.

Or, l'île de Taïwan, à la fois état souverain non indépendant et province chinoise avec son propre système politique et économique, est en pleine campagne électorale. Et elle est partagée entre ceux qui souhaitent le rattachement à la Chine, sur la base de Hong Kong (un pays, deux systèmes), et ceux qui revendiquent l'indépendance (qui sont de plus en plus renforcés dans leur conviction en voyant les événements de Hong Kong).

Les récentes nominations aux Golden Horse Awards montrent que les professionnels ont choisi leur camp: les films chinois sont complètement absents et seuls quelques films de Hong Kong ont reçu des citations (Suk Suk, My Prince Edward, Bamboo Theatre). Deux films de Singapour et un de Malaisie complètent les nominations hors-Taïwan. C'est d'autant plus une claque que les films de Chine et de Hong Kong ont largement dominé le palmarès des GHA depuis leur création. Seules 8 productions ou coproductions taïwanaises ont remporté le prix du meilleur film depuis 1996.

Présidés par Ang Lee, les GHA sont considérés comme les Oscars du cinéma en langue chinoise. Mais l'an dernier, Fu Yue, prix du meilleur documentaire, avait choqué le régime chinois en réclamant l'indépendance de Taïwan lors de son discours d'acceptation. En guise de rétorsion, les autorités chinoises, en août dernier, ont alors décidé de boycotter tous les films nommés aux Golden Horse Awards, interdits de sortie en Chine continentale.

De peur de ne plus pouvoir travailler en Chine, plusieurs personnalités de cinéma de Hong Kong ont déjà fait savoir qu'ils ne soumettaient par leurs films aux GHA, ce qui explique l'absence de films chinois (il n'y a eu que 148 candidats contre 228 l'an dernier). Dernier en date, et pas des moindres, le cinéaste Johnnie To, qui s'est retiré de la présidence du jury, qui choisit les gagnants, au nom d'obligations contractuelles.

Mais surtout, la Chine a décidé de lancer ses propres récompenses, les Golden Rooster Awards, qui auront lieu à Xiamen, le même soir (23 novembre) que les Golden Horse Awards. A cette politique de menaces, le régime chinois ajoute d'autres formes de pressions sur les festivals internationaux en interdisant à certains films et talents de s'y rendre, à l'instar de One Second de Zhang Yimou, retiré au dernier moment de la compétition de Berlin, ou de Liberation de Li Shaohong, film d'ouverture du festival de Pingyao (créé par Jia Zhangke), remplacé trois jours avant sa projection par un autre film.