Peter O’Toole (1932-2013) : le lion entre dans son éternel hiver

Posté par vincy, le 15 décembre 2013

L'un des derniers géants s'est éteint. Son regard azur s'est voilé à jamais. L'irlandais Peter O'Toole, le passionné, fougueux et sublime Lawrence d'Arabie, est mort "paisiblement" samedi 14 décembre dans un hôpital londonien, à l'âge de 81 ans, a annoncé ce dimanche son agent Steve Kenis. L'an dernier, il avait annoncé qu'il se retirait.

Né en 1932, après avoir été journaliste, comédien amateur, radio dans la Royal Navy, il est entré en 1952 à la Royal Academy of Dramatic Art, aux côtés d'Albert Finney, d'Alan Bates et de Richard Harris.

Un premier rôle qui fut le plus grand rôle

Deux ans plus tard, il entre dans la Royal Shakespeare Company du Bristol Old Vic où il devient l'un des comédiens "shakespeariens" les plus prometteurs de son époque, incarnant tous les grands classiques de l'auteur, entre autres pièces. Les planches seront son grand amour, jusque dans les années 90. A 27 ans, il triomphe à Londres dans The Long and the Short and the Tall (La patrouille égarée) de Willis Hall.

Sa carrière cinématographique débute en 1960 avec des seconds-rôles. Après avoir souhaité Marlon Brando et Albert Finney, David Lean l'enrôle alors pour interpréter T.E. Lawrence dans Lawrence d'Arabie. Un tournage long, périlleux, fastidieux. Mais l'évidence est là : avec sa blondeur nordique, ses yeux perçants, sa séduction naturelle, sa folie intérieure, il imprime sa marque dans cette épopée où beaucoup se seraient perdus dans le désert. Il est inoubliable, et indissociable de cette fresque tragique.

Il enchaîne avec plusieurs films divers, y compris des comédies populaires : Quoi de neuf Pussycat? d'un certain Woody Allen, avec Peter Sellers, Comment voler un million de dollars?, avec Audrey Hepburn, Casino Royale, parodie de James Bond, La grande Catherine avec Jeanne Moreau... Il savait monter sur un cheval, jouer au rugby et au cricket, danser, chanter, clamer des classiques, être frivole, ne cachait pas son aspect jouisseur : l'alcool et les femmes ont souvent été ses plus grands poisons. Son physique se détériore vite. A l'instar de Richard Burton, il passe rapidement du statut de beauté du 7e art à celui de l'acteur mature, sans que les spectateurs ne fassent vraiment le lien.

Le même roi deux fois cité aux Oscars

Dans les années 60, il fait sensation en roi Henri II, dans Becket, d'après la pièce de Jean Anouilh, avec Richard Burton et Peter Sellers. O'Toole devait jouer le personnage sur scène mais avait du rompre son contrat pour tourner le film de David Lean. Il se rattrapera au cinéma. Ironiquement, il rejouera le roi d'Angleterre Henri II en 1968 dans Le lion en hiver, d'Anthony Harvey, face à Katharine Hepburn, sa partenaire préférée tous sexes confondus.

Aucun rôle ne lui fait peur, de la noirceur à l'extravagance, il assumait tout. Il brille dans les comédies musicales comme Goodbye Mr. Chips, avec Petula Clark ou L'homme de la manche, en Don Quichotte, avec Sophia Loren. Il étincelle en aristo parano et schizo dans l'oeuvre méconnue Dieu et mon droit. On le voit en Zaltar (dans le navet Supergirl) ou en Robinson Crusoé. Il tourne des films de genre avec Otto Preminger (Rosebud) ou Peter Yates (La guerre de Murphy). En 1980, sa carrière erratique amorce une sorte de déclin, dont le chant du cygne aurait été Le diable en boîte (The Stunt Man), Grand prix au festival de Montréal et plusieurs fois cité aux Oscars.

De Bertolucci à Ratatouille

Les choix sont moins heureux, certes. Lawrence d'Arabie a beau être vénéré, aucun des nouveaux rois d'Hollywood ne pense à lui. Mel Brooks fait quand même appel à ses multiples dons pour l'engager dans Où est passée mon idole? (My Favorite Year), comédie oubliée et pourtant assez culte où l'acteur irlandais s'amuse du statut qu'on lui a conféré. Mais le cinéma britannique est dans un sale état dans les années 80 et les mauvais films se suivent.

C'est un réalisateur italien qui va le remettre dans la lumière en 1987. En professeur particulier du Dernier empereur, avec sa dérision naturelle et une forme de pudeur très juste, il montre à quel point il est l'un des plus grands comédiens de sa génération.

Il n'a jamais cessé de tourner. Même pour le petit écran. Mémorable dans Masada, Les Voyages de Gulliver, Jeanne d'Arc (un Emmy Award), Hitler : La Naissance du mal, en vieux Casanova, ou en pape dans Les Tudors. On l'aperçoit aussi au cinéma dans Les Ailes de la renommée (Wings Of Fame) d'Otakar Votocek et Le Voleur d'arc-en-ciel d'Alejandro Jodorowsky, dans Bright Young Things de Stephen Fry, en colonel, Troie de Wolfgang Petersen, en roi, Lassie de Charles Sturridge, en duc. On l'entend même dans Ratatouille de Brad Bird (il est la voix d'Anton Ego). Car sa voix profonde et chaude était l'un de ses plus grands atouts pour jouer toutes les nuances nécessaires à un jeu souvent intérieur, et qui ne demandait qu'à s'extérioriser. Mais c'est bien en acteur vieillissant dans Vénus (2007), amoureux d'une femme trop jeune pour lui. Il livre une performance magistrale, touchante, qu'il révèle une fois de plus son charisme tout en maniant la désillusion. L'appétit de vivre est là, mais la mort est proche. L'illustration de son propre crépuscule.

Un amoureux de la vie

Curieux, humble, O'Toole se fichait du star-système. Il a toujours été reconnu pour sa prestance, son savoir-jouer indéniable, souffrant sans doute d'une trop grande beauté à ses débuts, et de cette nonchalance très britannique qui l'empêchait d'être arriviste. Son élégance et sa clairvoyance étaient louées. Plus engagé qu'on ne le pense, il avait refusé d'être anoblit pour des raisons personnelles et politiques. L'homme était également superstitieux. Refusant de s'excuser pour sa vie de débauche, il s'en tirait toujours par un trait d'esprit, un bon mot ou tout simplement une facilité d'éloquence que des politiciens auraient pu envier. "Je ne serai pas un homme ordinaire. Je vais remuer les lisses sables de monotonie!" disait-il. Il en a fait sa devise.

Les Oscars l'ont nommé 8 fois! Lawrence d'Arabie, Becket , Le Lion en hiver, Goodbye, Mr. Chips, Dieu et mon droit, Le Diable en boîte, Mon année préférée et Venus en 2007. Il a reçu un Oscar d'honneur en 2003 pour "ses remarquables talents qui ont fournit à l'histoire du cinéma quelques uns des plus mémorables personnages."

L'acteur et metteur en scène Stephen Fry lui a rendu hommage ce soir : "c'était un monstre sacré, un érudit, un amoureux de la vie, un génie".

Peter O’Toole et Bob Hoskins prennent leur retraite

Posté par vincy, le 15 août 2012

A un mois d'écart, deux grands acteurs britanniques ont annoncé qu'ils prenaient leur retraite. Peter O'Toole, inoubliable Lawrence d'Arabie, sorti il y a 50 ans, quitte les plateaux à l'âge de 79 ans. Bob Hoskins, formidable dans Qui veut la peau de Roger Rabbit?, raccroche à l'âge de 69 ans.

Peter O'Toole a déclaré au magazine People : "Il est temps pour moi de jeter l'éponge. De m'éloigner de la scène et du cinéma. Je n'ai plus le coeur pour faire celà, ça ne reviendra pas". "Ma vie professionnelle d'acteur  (...) m'a amené au contact de gens merveilleux, de bons compagnons avec qui j'ai partagé le lot inévitable qui échoit à tous les acteurs: les flops et les succès", indique-t-il.

Dans un adieu à la profession, le comédien aux yeux bleus azur, qu'il assure avoir secs en écrivant son communiqué, abandonne un métier qu'il aura connu durant 62 ans.

Si Lawrence d'Arabie est son plus grand succès (il aurait rapporté 444 millions de $ s'il était sorti cette année!), il fut aussi remarqué et remarquable dans Becket (avec Richard Burton), Le lion en hiver (avec Katharine Hepburn), Comment voler un million de $ (avec Audrey Hepburn), Good Bye Mr. Chips!, Le dernier empereur (où il jouait le percepteur éclairé) et récemment dans Troie (dans le rôle de Priam) ou Ratatouille (la voix du détestable critique Anton Ego). Il fut aussi le Pape Paul III dans la série Les Tudors. Huit fois nommé aux Oscars (la dernière fois en 2006 avec venus), il en reçu un d'honneur en 2003.

Ces dernières années, il a été encensé pour son interprétation au théâtre et dans la version télévisée de "Jeffrey Bernard is Unwell," sur la vie d'un journaliste britannique alcoolique.

On le verra encore dans deux films : Catherine d'Alexandrie de Michael Redwood et Marie Mère du Christ d'Alister Grierson.

Manque de désir pour l'un. Maladie pour l'autre.

Bob Hoskins met un terme à sa carrière en raison de la maladie de Parkinson. Son agent a spécifié : "Bob Hoskins souhaite annoncer qu'il va prendre sa retraite, après le diagnostic de la maladie de Parkinson qui a été fait à l'automne dernier",.

Il était à l'affiche cet été dans son dernier rôle, l'un des sept nains - Muyr - de Blanche-Neige et le chasseur.

C'est évidemment en incarnant le détective Eddie Valiant dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? qu'il a fait sensation en 1988. Cet énorme succès (il aurait rapporté 305 millions de $ au prix du billet actuel), lui a donné des partenaires uniques comme Mickey, Donald, Bugs Bunny, Roger Rabbit et surtout la pulpeuse. Jessica Rabbit.

Nommé en 1987 aux Oscars pour son rôle bouleversant dans le film noir Mona Lisa, de Neil Jordan. Il gagna cette année là le British Award du meilleur acteur mais aussi le prix d'interprétation à Cannes. Bob Hoskins a tourné et donné la mesure de son immense talent avec les plus grands cinéastes : Terry Gilliam (Brazil), Aan Parker (Pink Floyd The Wall), Jean-Jacques Annaud (Stalingrad), John Mackenzie (Racket), Richard LaGravanese (segment Pigalle dans Paris je t'aime, avec Fanny Ardant), Oliver Stone (Nixon), Stephen Frears (Madame Henderson présente), Atom Agoyan (Le voyage de Félicia), Francis Ford Coppola (Cotton Club), Robert Zemeckis (Le dernier Noël de Scrooge), Steven Spielberg (Hook ou la revanche du Capitaine Crochet) ... et puis dans des films populaires aussi comme Danny the Dog, Spice World, Super Mario Bros.

L'un était grand, beau, élégant, magnétique. L'autre ordinaire, grandiose, souvent génial. Deux facettes du cinéma britannique qui s'effacent des écrans. Ils manqueront aux cinéphiles.