Red Riding Trilogy : David Peace en trois temps

Posté par vincy, le 10 novembre 2009

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"Chacun est coupable du bien qu'il n'a pas fait".

Ce 11 novembre sort un film en trois volumes. Red Riding Trilogy, produit par les britanniques de Channel 4, est composé de trois oeuvres distinctes, situées à trois époques différentes. Julian Jarrold a réalisé 1974, James Marsh 1980 et Anand Tucker 1983. Il manque 1977 puisqu'il s'agit, en littérature, d'une quadrilogie.

Les adaptations des romans noirs et violents de David Peace ont été scénarisées par Tony Grisoni, co-scénariste de trois films de Terry Gilliam. Le cadre s'inscrit dans des faits réels - les attentats de l'IRA, le mouvement punk, l'ascension des conservateurs, ou encore la guerre des Malouines... Sombres histoires , dépourvus d'émotions sentimentalistes, les anges déchus évoluent ici dans un décor apocalyptique, obscur et sanglant. L'Angleterre semble presque en déchéance, tyrannisée par quelques oligarques. Au milieu de cet âge des ténèbres, Grisoni fait juste évoluer la fin pour qu'elle soit un peu plus lumineuse et parle de rédemption plus que de punition.

Le financement d'un projet aussi complexe a cependant posé problème et l'épisode de 1977 sera supprimé. Etrangement, les trois films paraissent avoir une forme de continuité artistique alors que les sujets et les réalisations sont bien distinctes. Les trois films devaient être indépendants. Les trois cinéastes ont juste choisi leur casting ensemble, seul point commun visible entre leurs oeuvres.

1974 a cet aspect crasseux qui nous entraîne rapidement dans les enfers. Stylistiquement réussi, il est aussi brutal qu'il peut-être beau. On est assez loin du précédent film de Jarrold, Becoming Jane et plus proche d'un Chinatown.

Plus classique, 1980, a été filmé par James Marsh, ultra-primé pour Man on Wire. Le film est en 35 mm, alors que 1974 est en Super 16. Il profite de ce format pour atténuer la luminosité, faire des plans de groupe, et surtout valoriser l'architecture très rectiligne qui symbolisait la rigueur et la déshumanisation de la politique thatchérienne.

1983 boucle la trilogie en revanant aux enlèvements de 1974. Anand Tucker, producteur de La jeune fille à la perle, a filmé avec un format large anamorphosé et la nouvelle caméra numérique Red One, ce qui donne au film un style plus moderne.

Corruption, serial-killer, enquêtes... cette trilogie diffusée sur le petit écran au Royaume Uni méritait une sortie cinéma tant visuellement cela se détache des produits balancés chaque mercredi. Les trois films sont transportés par des acteurs aussi brillants que Sean Bean, Peter Mullan, Rebecca Hall, Paddy Consandine et surtout le jeune Andrew Garfield. Il s'impose comme le comédien le plus étonnant du cinéma britannique, depuis Boy A jusqu'à L'imaginarium du Docteur Paranassus. Fragile et encaissant les coups, candide et survivant, casse-cou et sensible, il apporte une dimension identificatrice et très humaine à ce cauchemar.

Ridley Scott s'est dit intéressé pour en faire un film de cinéma. La Columbia vient d'en acquérir les droits.