[We miss Cannes] 15 longs métrages d’animation qui ont marqué l’histoire du Festival

Posté par MpM, le 22 mai 2020

Ce qui frappe dans les relations que Cannes entretient avec le cinéma d'animation, ce n’est pas de constater que celui-ci est omniprésent depuis les premières années, mais bien de remarquer que toutes les formes d’animation ont trouvé leur place sur la Croisette : pas seulement les plus populaires, ou à contrario pas seulement les plus « nobles » et/ou auteurisantes, mais bien un mélange rigoureux des deux.

Sont ainsi passés sur la croisette, en vrac, Norman Mc Laren, Walt Disney, Jan Svankmajer, Michel Ocelot, Bill Plympton, Pete Docter, Jean-François Laguionie, Peter Foldes, Florence Miaihle, Bretislav Pojar, Garry Bardine, Walerian Borowczyk... ou encore Georges Schwizgebel, Mamoru Oshii, Chris Landreth, Rosto, Gitanjali Rao, Isao Takahata, Vincent Patar et Stéphane Aubier, Jérémy Clapin, Boris Labbé, Mamoru Hosada, Virgil Widrich... sans oublier, via les programmations de cinéma "underground" des années 70 (telles que s'en souvient le spécialiste de cinéma expérimental Raphaël Bassan dans cet article de 2017), Robert Breer, Jordan Belson ou James Whitney.

Cannes, d'une manière globale et au fil des années, ne semble donc pas avoir eu de préjugés particuliers concernant l'animation - plus ponctuellement, et au gré des délégués généraux des différentes sections, c'est une autre question.

Du Prix du dessin animé à la Palme d'or


Dès 1939, il est d'ailleurs prévu dans le règlement du Festival la possibilité de décerner (s'il y a lieu) un Grand prix international du Dessin animé, à la fois dans la catégorie longs et courts métrages. Comme on le sait, cette édition n'aura pas lieu. Mais en 1946, le long métrage La boîte à musique (produit par Disney, et composé en réalité de dix courts métrages musicaux) remporte ce Grand Prix. L'année suivante, ce sera au tour de Dumbo, puis, en 1949, du court métrage Sea Island. La récompense réapparaîtra sporadiquement, au gré des aléas des appellations officielles du palmarès.

Ainsi, en 1952, Animated Genesis de Joan et Peter Foldes reçoit le prix de la couleur, tandis qu'en 1953, le prix du film d'animation court métrage refait son apparition, et récompense The romance of transportation in Canada de Colin Law. Mais il faut dire que cette année-là, sont aussi remis un "prix international du film de la bonne humeur" ou encore un "prix international du film légendaire", sans oublier le "prix international du film le mieux raconté par l'image", ce qui en dit long sur la fantaisie du réglement de l'époque.

En 1954, on en revient à une certaine sobriété sur le nom des prix : une multitude de prix internationaux ex-aequo. Malgré tout, un prix du film de marionnettes est remis à Un Verre de plus de Bretislav Pojar. La création de la Palme d'or l'année suivante amorce heureusement la normalisation des intitulés, et le retour à la raison concernant le cinéma d'animation qui ne sera dès lors plus considéré (officiellement) comme un genre. C'est d'ailleurs Blinkity Blank de Norman Mc Laren qui remporte cette première Palme d'or du court métrage. Il sera suivi en 1957 de Scurta istorie de Ion popescu-Gopo et de La petite cuillère de Carlos Vilardebo en 1961. A noter qu'entre les deux, en 1959, Le songe d'une nuit d'été de Jiri Trnka remporte le prix de la meilleure sélection à la Tchécoslovaquie (ex-aequo). Quoi que cela veuille dire, il n'est pas fait de la mention de la technique utilisée pour réaliser le film, et cela restera ainsi. On savoure les victoires que l'on peut, histoire de voir le verre à moitié plein.

Nouvelle dynamique ?

On peut aussi regarder le verre à moitié vide : aucun long métrage d'animation n'a gagné la Palme d'or et il faut même remonter à 2008 pour trouver un film d'animation en compétition (Valse avec Bashir de Ari Folman). Les sections parallèles font plus d'effort, surtout ces dix dernières années, mais les réticences envers l'animation au sein des différents comités de sélection sont palpables. Le cinéma image par image n'y est jamais vraiment traité comme du cinéma à part entière. Au mieux, c'est une case à remplir. Au pire, cela ne choque personne qu'il soit totalement absent d'une sélection.

Heureusement, le court métrage est là pour assurer une place à l'animation. Qu'on ne pense surtout pas qu'il s'agisse d'un lot de consolation. En animation, depuis toujours, c'est le format court qui est le format noble et prisé, et souvent le plus riche, innovant et inspirant. Pour des raisons de temps de fabrication, bien sûr, mais aussi parce que l'animation entretient depuis ses origines une relation privilégiée avec le cinéma expérimental et d'avant-garde, qui se moque du sacro-saint format long métrage, imposé avant tout pour les facilités de l'exploitation en salles. L'animation a compris depuis longtemps que la valeur n'attend point la durée du métrage. Ce qui ne l'empêche pas de s'essayer avec bonheur à d'autres formats.

En effet, depuis un peu plus d'une décennie, une nouvelle dynamique semble s'être mise en place pour la production de longs métrages d'animation. De nombreux auteurs de courts tentent l'aventure (à l'image de Jérémy Clapin, Florence Miaihle, Benoit Chieux, Franck Dion, Chloé Mazlo...) et insufflent peu à peu l'envie à d'autres. Mécaniquement, le long animé a de plus en plus souvent les honneurs de Cannes, que ce soit en ouverture de la sélection officielle, en compétition et bien sûr à Cannes Classics et dans les sections parallèles. Les films présentés l'année passée étaient d'ailleurs au nombre de quatre, comme l'année précédente. On ne saura jamais ce qu'il aurait pu en être de cette édition, les annonces à venir ayant probablement été faussées par les circonstances, mais on avait l'impression avec ce chiffre d'avoir passé un cap. N'oublions pas qu'une journée dédiée à l'animation a désormais lieu chaque année pendant le festival : l'Animation Day, dans laquelle s'intègre également l'événement "Annecy goes to Cannes" lancé en 2016. Difficile de ne pas y voir un signe du temps.

L'avenir nous dira si le mouvement amorcé se confirme, ce que rendrait possible le dynamisme actuel du long métrage animé, ou s'il s'essouffle malgré cet essor. En attendant, histoire de se souvenir de ce que l'animation a fait pour l'aura de Cannes (et réciproquement), retour sur 15 longs métrages qui ont durablement marqué l'histoire du Festival. Il faudra, un jour, établir la même liste pour le court métrage. Bien plus de quinze entrées seront alors nécessaires.

Peter Pan de Clyde Geronimi, Hamilton Luske et Wilfried Jackson


Walt Disney lui-même accompagna Peter Pan sur la Croisette en 1953. Présenté en compétition, le film est le 18e long métrage d'animation des studios Disney. Adapté de la pièce de J. M. Barrie créée en 1904, il raconte le voyage au Pays imaginaire de Wendy, Michel et Jean, trois enfants guidés dans cet univers fantastique par Peter Pan et la fée Clochette. Ils y rencontrent le terrible Capitaine Crochet, mais aussi les garçons perdus, et vivent toutes sortes d'aventures extraordinaires. Considéré par beaucoup comme l'un des chefs d'oeuvre des studios, c'est incontestablement l'un des grands classiques du cinéma d'animation familial.

La planète sauvage de René Laloux

Présenté en compétition en 1973, La planète sauvage est le premier long métrage de René Laloux, adaptation (libre) du roman Oms en série de Stefan Wul, co-écrit avec Roland Topor, dont les dessins ont servi de bases pour la fabrication des images. Sur la planète Ygam, les Draags, une espèce d'humanoïdes bleus aux yeux rouges mesurant douze mètres de haut, pourchassent et exterminent une autre espèce, les Oms, perçus au mieux comme des animaux de compagnie, au pire comme des créatures nuisibles. Dans un univers surréaliste, tantôt onirique, tantôt cauchemardesque, cette planète pleine de surprises nous tend un miroir souvent dérangeant, et nous interroge sur nos propres pratiques face aux espèces que nous ne jugeons pas aussi évoluées que nous. Le film, envoûtant et curieux, fut l'un des tout premiers longs métrages d'animation destiné à un public adulte. Malicieuse fable écologique avant l'heure, il fit grande impression à Cannes et repartit auréolé d'un prix spécial du jury présidé par Ingrid Bergman.

Shrek d'Andrew Adamson et Vicky Jenson

On l'oublie parfois, mais Shrek, l'ogre vert et bougon de Dreamworks a été en compétition à Cannes. Deux fois, même, en 2001 et avec son deuxième volet en 2004. On ne présente plus ce personnage misanthrope qui voit son beau marais boueux envahi par des créatures de conte de fées qui ont été expulsées de leur royaume par le tyrannique Lord Farquaad. Irrévérencieux, hilarant et irrésistible, le film se moque de Disney, dynamite les contes de notre enfance, et détourne tous les codes du genre. Un pur divertissement qui a enchanté par deux fois les spectateurs du Théâtre Lumière.

Innocence : Ghost in the shell de Mamoru Oshii


Suite du film culte Ghost in the shell sorti en 1995 (et adapté du manga du même nom de Shirow Masamune), Innocence a eu les honneurs de la compétition en 2004, soit en même temps que le 2e volet de Shrek. Une situation qui ne s'est pas reproduite depuis, et dont on se demande parfois si elle est encore possible. Toujours est-il qu'inviter le cinéma complexe et visuellement éblouissant de Mamoru Oshii dans la course à la palme d'or fut à l'époque une manière élégante de mettre sur un pied d'égalité prise de vue réelle et animation, et surtout de rendre hommage à la beauté de l'animation japonaise d'anticipation. Innocence, véritable réflexion sur l'Humanité et son avenir, est l'une des incursions les plus marquantes du Cyberpunk sur le tapis rouge cannois.

Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

Adapté des romans graphiques de Marjane Satrapi, Persépolis est une plongée dans l'Iran de la fin des années 70. Avec humour et justesse, la dessinatrice-réalisatrice y raconte son enfance puis son adolescence à Téhéran, avant, pendant et après la Révolution. Dans un style graphique très dépouillé, tout en noir et blanc, fort d'un casting voix impressionnant (Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Chiara Mastroianni), le film repartira de la compétition cannoise 2007 avec un prix du jury, et rencontrera un énorme succès critique et public. Douze ans plus tard, il reste un exemple à suivre, voire un eldorado inatteignable, pour le long métrage d'animation pour adultes.

Valse avec Bashir de Ari Folman

En 2008, les festivaliers médusés découvrent un film mi-documentaire, mi-fiction, qui s'inspire de témoignages réels et d'un montage de 90 minutes d'images tournées en vidéo. Il aborde l'histoire personnelle du réalisateur qui a participé à l'opération israélienne au Liban "Paix en Galilée" pendant son service militaire. Peu à peu, des souvenirs de son implication dans le massacre de Sabra et Chatila remontent à la surface... Valse avec Bashir marque ainsi un jalon dans l'histoire du cinéma d'animation, à la fois parce qu'il est l'un des premiers documentaires animés découverts par le grand public, mais aussi par son sujet, et par son retentissement.

Panique au village de Vincent Patar et Stéphane Aubier

Hors compétition en 2009, certains festivaliers découvrent abasourdis l'univers burlesque et délirant de Panique au village. Les autres avaient déjà eu l'occasion de voir la série diffusée sur Canal + et mettant en scène les principaux personnages du long métrage : CowBoy, Indien, Cheval, Gendarme ou encore Steven. Avalanche de gags, de dialogues cinglants et de situations cocasses, le long métrage est un régal pour ceux qui aiment l'humour plus que décalé, le nonsense, et l'absurde dans tous ses états. Son style particulier (animation en stop motion de figurines rigides) ajoute un côté artisanal et ludique qui renforce l'auto-dérision débridée du récit.

Le Conte de la Princesse Kaguya de Isao Takahata

Joli coup de la Quinzaine en 2014 qui sélectionne le dernier film du réalisateur japonais culte Isao Takahata. On n'a toujours pas compris comment l'officielle a pu dédaigner une telle prise, mais rappelons qu'aucun autre film de Takahata n'a été sélectionné en compétition (idem pour Miyazaki, seulement sélectionné à Cannes Classic en 2006 avec Nausicaa, mais aussi Satoshi Kon, et tant d'autres). Oui, l'Officielle a commis un nombre important d'impairs concernant le cinéma d'animation, cela ne fait aucun doute. Revenons en au Conte de la Princesse Kaguya qui est une fable délicate et poétique inspirée d’un conte populaire datant du Xe siècle, considéré comme l'un des textes fondateurs de la littérature japonaise. L'héroïne, enfant libre littéralement née de la nature, se retrouve brutalement confrontée au carcan douloureux des apparences et du jeu social. Comme prisonnière de son existence, et même de sa propre enveloppe corporelle, elle n'aura de cesse que de retrouver l'osmose avec l'univers, non sans éprouver une forme de nostalgie pour les fugaces bonheurs terrestres.

La tortue rouge de Michael Dudok de Wit

Première collaboration des studios Ghibli avec une production européenne animée, La Tortue rouge est un conte minimaliste sans dialogue, au dessin épuré, qui raconte l'existence d'un naufragé sur une île déserte. Ce premier long métrage du réalisateur Michael Dudok de Wit (connu pour ses courts Le Moine et Le Poisson et Père et Fille) s'affranchit d'une écriture traditionnelle pour aller vers une forme de parabole poétique qui interroge les rapports de l'homme à la nature. Présenté à Un Certain regard en 2016, il s'avère parfois un peu trop "mignon" et "charmant", mais séduit par ses couleurs pastels chaudes et la simplicité épurée de son récit. Le public, peu habitué à ce type de fresques animées, plébiscite le film qui remporte le prix spécial du jury Un Certain Regard et connaît ensuite un beau succès en salles.

Ma vie de courgette de Claude Barras

Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2016, Ma vie de courgette est l'adaptation en stop-motion, avec des marionnettes, du roman Autobiographie d’une courgette de Gilles Paris. Un drôle de film tendre et joyeux malgré son sujet, la vie d'un petit garçon qui se retrouve placé dans un foyer pour enfants après la mort accidentelle de sa mère. Entre complicité et mélancolie, amitié et résilience, le récit parvient à nous émouvoir tout en nous faisant rire, quand ce n'est pas l'inverse. Toujours avec une forme de simplicité qui permet d'aborder les sujets les plus graves sans jamais perdre le jeune public.

La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach

2016 fut définitivement une grande année d'animation sur la Croisette, puisqu'on y découvrait aussi le premier long métrage de Sébastien Laudenbach, connu pour ses courts. Réalisé dans une grande économie de moyens, avec une animation esquissée qui assume d'être inachevée, le film qui fit l'ouverture de l'ACID est adapté d'un conte de Grimm, dans lequel un meunier vend son plus bel arbre ainsi que sa fille au diable en échange d'une richesse éternelle. Vendue et mutilée, la jeune fille s'enfuit, s'émancipe des hommes, et commence ainsi un parcours initiatique destiné à la libérer de toutes ses entraves. Un conte à la fois édifiant, poétique et follement libre, dans son propos, sa tonalité et son esthétique.

Là-haut de Pete Docter et Bob Peterson

En 2009, c'est un film d'animation en 3D qui faisait l'ouverture du festival. Là-haut, issu des studios Pixar, est un merveilleux récit d'aventures et de transmission qui nous emmène de la tristesse d'un maison de retraite à la jungle amazonienne en Amérique du Sud. On y suit Karl, un vieil homme de 78 ans bougon et solitaire, s'envoler littéralement pour le voyage de sa vie, emmenant sans le savoir Russell, un scout de neuf ans. Evidemment, ces deux-là devront apprendre à se connaître et à s'apprécier, tout en déjouant les plans machiavéliques d'un autre explorateur. Gai, irrévérencieux et profondément humain, c'est probablement l'un des rares films d'ouverture cannois à avoir allié aussi brillamment le pur divertissement et le cinéma d'auteur.

Vice-versa de Pete Docter, Ronaldo Del Carmen

En 2015, Cannes présente Vice-Versa en séance hors compétition... et s'entend dire par certains journalistes facétieux qu'il s'agit du meilleur film du festival et qu'il méritait la Palme. Et pourquoi le dernier-né des studios Pixar n'aurait-il pas mérité une place en compétition ? Drôle et malin, divertissant et fantasque, et surtout singulier et audacieux, il met en effet en scène un "quartier général" qui régit les humeurs et les réactions de la petite Riley, 11 ans. Formé par cinq émotions complémentaires (la colère, la peur, la joie, le dégoût et la tristesse), ce centre de contrôle aide la fillette à mener une vie heureuse et paisible, jusqu'au jour où Joie et Tristesse se perdent accidentellement dans les recoins les plus éloignés de sa mémoire... plongeant le spectateur dans une longue suite d'aventures cocasses, entre pur divertissement et tentation psychologique d'analyser nos comportements par le biais d'un trop plein d'émotions.

Teheran tabou d'Ali Soozandeh


En compétition à la Semaine de la Critique en 2017, ce premier long métrage du réalisateur d'origine iranienne Ali Soozandeh confirme la propension du cinéma d'animation à s'emparer de questions politiques ou sociales sensibles, voire taboues, en mettant en scène trois femmes et un jeune musicien dans la ville de Téhéran. Tous les quatre cherchent à leur manière un moyen de s'émanciper d'une société iranienne corsetée par la morale et gangrenée par l'hypocrisie. Utilisant le procédé de la rotoscopie, qui consiste à filmer des acteurs, puis à les redessiner et à les intégrer dans des décors peints, le réalisateur propose un pamphlet politique virulent et d'une extrême noirceur, qui trouve parfois ses limites, mais n'en demeure pas moins un portrait saisissant et singulier de l'Iran contemporain.

J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

C'est l'un des films dont on a le plus parlé l'an passé sur la Croisette : même avant son Grand Prix à la Semaine de la Critique (ce qui fait de lui le premier long métrage d'animation à remporter cette récompense), J'ai perdu mon corps était incontestablement l'un des événements de Cannes 2019. On connaît la suite : achat par Netflix, course aux Oscar, 2 César, et un succès en salles loin d'être négligeable (même si l'on espère toujours mieux pour les films que l'on aime). Avec son sens époustouflant de la mise en scène, son intrigue intimiste et  ténue et sa narration alternée jouant à la fois sur le registre du film sentimental, du cinéma de genre et du récit initiatique, le premier long métrage de Jérémy Clapin réconcilie toutes les cinéphilies, et prouve la nécessité de décloisonner une bonne fois pour toutes animation et prise de vue continue.

Droit de réponse de M.Tarak Ben Ammar

Posté par redaction, le 25 novembre 2011

Ecran Noir publie un droit de réponse de M. Tarak Ben Hammar, producteur d'Or noir et patron de Quinta Communications.

_________

Je ne peux rester indifférent à votre article publié le 22 novembre 2011.

Si Internet permet de nos jours de prendre des libertés avec la réalité des choses, il y a, ou il devrait y avoir, des limites à ne pas dépasser.

Quant elles le sont, comme vous le faites, on s’approche dangereusement de la diffamation.

Il est habituel que des salariés dans l’attente d’un plan social fassent état d’ « arguments » qui ignorent les vérités économiques et juridiques dont la CGT, il est vrai, n’est pas le spécialiste le plus pointu.

Rétablissons quelques faits :

  • LTC, Scanlab et Quinta Industries (alors dénommé Dataciné) étaient en 2002 sous mandataire ad hoc, au bord du dépôt de bilan. Quinta Communications a été le seul repreneur prêt à relever le défi de leur rétablissement. Sans Quinta, les salairiés de LTC auraient perdu leurs emplois depuis 10 ans. Tout au long de cette période, Quinta a contribué plusieurs millions d’euros et apporté un important chiffre d’affaires (payé souvent au-dessus des prix de la concurrence), sans tirer un centime de dividendes. Il est donc ahurissant de prétendre que Quinta Industries/LTC/Scanlab ont opéré pour le « seul bénéfice de Quinta Communications » quand cette dernière a consacré une partie de ses ressources au seul bénéfice de ses filiales des industries techniques.

Ses filiales ont été les dernières parmi leurs concurrents à se mettre sous la protection des tribunaux après que GTC ait été liquidé et qu’Eclair soit entré en plan de sauvegarde, tout comme Technicolor, le leader mondial de l’industrie.

  • Si le public pourra voir « Or Noir », ou Intouchables ou Polisse d’ailleurs, c’est effectivement grâce à l’excellent travail des salariés de Quinta Industries, LTC et Scanlab. Mais, à moins que je ne me trompe, c’est précisément pour cela que ces salariés perçoivent un salaire. Salaire qui contrairement à ce qui est dit, ont été régulièrement payés tout au long de l’année, malgré les difficultés naissantes, alors que ceux du dernier mois l’ont été dans le cadre de la procédure de règles judiciaires. Quant aux salaires futurs, ils sont garantis par l’Administrateur Judiciaire et les organismes étatiques.
  • La « controverse » liée aux conditions de tournage d’Or Noir n’engage que ses auteurs. Le directeur du CNC n’a pris la décision d’accorder l’agrément qu’après s’être assuré auprès des autorités compétentes que Quinta Communications avait respecté toutes les réglementations en vigueur. Les explications du syndicat prétendant que Quinta avait « imposé » quoique ce soit à qui que ce soit sont l’objet d’une plainte en diffamation, actuellement instruite par un juge d’instruction à Paris.
  • Je suis fier d’être l’actionnaire d’une chaîne qui a diffusé Persépolis pour défendre les valeurs de liberté et de tolérance dans un pays qui n’y a pas été habitué.
  • Mon « amitié » avec Ben Ali m’a valu une menace de fermeture de ma chaîne à la suite de la diffusion d’une émission sur les évènements de Sidi Bouzid, émission saluée par le Nouvel Observateur comme une « initiative sans précédent dans les annales des médias Maghrébins»
  • Ce n’est pas Mr Berlusconi qui est mon actionnaire mais une filiale du groupe Fininvest, un des plus importants groupes de média en Europe. Ce groupe est notamment éditeur en France des magazines Grazia, Closer et Le Film Français. Il est actionnaire depuis bien avant que Mr Berlusconi n’entame une carrière politique et notre partenariat ignore totalement les hauts et les bas du destin de quelque homme politique que ce soit.
  • Enfin, la Libyan Investment Authority, fonds souverain d'un pays alors reconnu par la totalité de la communauté internationale, a effectivement pris en 2009 une participation de 10 % dans le capital de Quinta Communications. Si cette participation devait être interprétée comme le signe d'une amitié avec Khadafi, il conviendrait de joindre à la liste de ses amis du dictateur déchu les sociétés Vodafone, Exxon, Lagardère, EDF, BNP Paribas, EDF, Vinci et Nestlé, qui ont toutes la LIA comme actionnaire. La LIA a été reconnue par le Conseil National de Transition comme une émanation légitime de l'État libyen. Son investissement dans Quinta Communications n'est donc certainement pas de l'argent reçu de Khadafi.

Je prends donc l’expression « sales temps pour Tarak Ben Ammar » plus comme un commentaire sur les conditions météorologiques prévalant actuellement en France que comme un diagnostic sur la situation de mon groupe.

Tarak Ben Ammar

____________

M. Ben Ammar est un producteur respectable. Nous n'en avons jamais douté. Héritier des nababs qui manquent tant par leur prises de risques, le producteur a, ne le négligeons pas, le mérite d'avoir construit une société qui a produit de grands cinéastes (Chabrol, Rossellini, Zeffirelli, Schatzberg, Polanski, Verneuil, Bouchareb...). Nous n'avons jamais critiqué ses ambitions.
Concernant notre article du 22 novembre et  ce droit de réponse, nous allons préciser quelques points qui méritent d'être clarifiés, et qui permettront de comprendre que nous n'avons diffamé personne.

1) Les accusations portées contre sa société concernant le conflit syndical sont extraites du tract syndical qui a été distribué lors de l'avant-première d'Or noir. Ces accusations sont donc celles du SNTR CGT, que nous avons placées en italiques et entre guillemets pour bien comprendre qu'il ne s'agissait pas de notre point de vue. Nous laissons aux deux parties le soin d'en discuter.

2) Le non paiement des salaires est là aussi une affirmation des syndicats, reprise dans différents journaux comme La Tribune. M. Ben Ammar a raison, cependant, quand il explique que les salaires sont garantis par l'Administrateur judiciaire. En revanche, nous ne savons toujours pas si le groupe Quinta est prêt à financer le plan de licenciement ou la reconversion des employés de Quinta Industries. De même nous ignorons si ce plan social est en effet plus important que celui prévu cet été (34 licenciements).

3) La controverse liées au conditions de tournage d'Or noir n'est pas une invention de notre part. Elle est exprimée clairement par les syndicats (voir Pour quels motifs obscurs le CNC délivre-t-il l’agrément à Tarek Ben Ammar ?). Par ailleurs, le magazine professionnel Le Film Français avait évoqué le problème de l'agrément dès mars 2011 (voir "L'or noir" de Jean-Jacques Annaud toujours en quête d'agrément) où les deux parties se renvoyaient la balle, campant chacun sur leurs arguments. Le film a reçu l'agrément du CNC, jugeant le dossier conforme juridiquement. La décision est discutée par les syndicats. mais là encore Ecran Noir ne fait que les citer afin d'expliquer un contexte de défiance ; il ne s'agir pas de remettre en question une décision dont on ne connait pas tous les détails.

4) Sur la diffusion de Persépolis, nous aussi nous sommes fiers que la chaîne TV Nessma l'ait diffusé. Nous ne disons pas le contraire. Nous l'avions déjà exprimé en soutenant cette initiative : "La censure est une atteinte aux libertés, et ça c'est sacré! Personne n'est obligé de regarder les films."

5) Concernant les relations avec MM. Ben Ali, Berlusconi et Kahdafi, nous proposons d'en parler directement avec M. Ben Ammar pour nous expliquer sans détour ses positions concernant leurs politiques. Certes il s'agissait de dirigeants "reconnus" par la communauté internationale. Mais nous sommes en droit de nous interroger si la fin (produire, diffuser, cultiver) justifie certains moyens...

Comme il nous l'a proposé, c'est avec plaisir que nous acceptons de le rencontrer. Le débat est un ingrédient fondamental de nos civilisations. Nous le remercions pour avoir apporté son point de vue face à celui des syndicats. Nous espérons que le dialogue entre les deux parties se résoudra positivement pour tous les employés de son groupe.

La diffusion TV de Persépolis entraîne des émeutes en Tunisie

Posté par vincy, le 14 octobre 2011


Marjane Satrapi fait actuellement la promotion de son nouveau film, Poulet aux prunes, et en Tunisie, son premier film Persépolis sème le trouble dans la rue.

Aujourd'hui la police a balancé des gaz lacrymogènes contre plusieurs centaines de personnes, en grande partie salafistes. Ils manifestaient dans Tunis pour protester contre la diffusion de Persépolis sur la chaîne privée Nessma TV, qui appartient à Tarak Ben Ammar et dont Silvio Berlusconi est actionnaire. Plusieurs manifestants se sont réfugiés dans la mosquée de la Kasbah et la police pourchassaient certains d'entre eux.

Le film ose représenter Dieu (un vieil homme à la barbe blanche), ce qui est contraire à la Loi islamique qui interdit toute représentation divine (ou de son prophète).

Le printemps arabe commence à provoquer les soubresauts que certains craignaient. Qu'un P-DG, celui de Nessma, Nabil Karoui, doive présenter ses excuses au peuple tunisien pour la diffusion de cette scène est en soi inacceptable. "Je considère qu'avoir diffusé cette séquence est une faute", avait-il dit. "Nous n'avons jamais eu l'intention de porter atteinte aux valeurs du sacré". NON! La censure est une atteinte aux libertés, et ça c'est sacré! Personne n'est obligé de regarder les film.

La colère des manifestants n'est pas retombée : les prêches dans les mosquées, aujourd'hui, se concentraient sur ce blasphème. Selon l'AFP, la manifestation a commencé pacifiquement, pour dégénérer par la suite.

Dimanche, déjà, 200 à 300 salafistes avaient tenté d'incendier le siège de Nessma TV, deux jours après la diffusion du film d'animation, prix du jury à Cannes en 2007.  La diffusion en langue tunisienne (et non en arabe) était suivie d'un débat sur l'intégrisme religieux. Tarak Ben Ammar a reçu des menaces de mort et a répliqué en annonçant une rediffusion du film.

Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères français, Bernard Valero, affirme que "La France se félicite que cet acte de violence suscite une large réprobation des mouvements politiques tunisiens et des autorités de transition". Hélas, en regardant de près les réseaux sociaux ou lisant les témoignages anonymes ou les paroles officielles qui nous parviennent, la position majoritaire semble plutôt penchée en faveur des Salafistes. On ne peut pas montrer l'image de Dieu.

Derrière cela, il y a tout un enjeu politique. Les Tunisiens sont appelés aux urnes le 23 octobre pour les premières élections depuis la chute du régime de Ben Ali, et les islamistes d'Ennahda sont les favoris du scrutin. Les Salafistes ont déjà causé des incidents comme l'attaque d'un cinéma à Tunis.

La pré-liste pour le premier César du film d’animation

Posté par Morgane, le 21 octobre 2010

La 9e Fête du Cinéma d’Animation est également une édition à part car cette année, pour la première fois, lors des César, qui se dérouleront en février prochain, un nouveau prix, celui du meilleur film d’animation, sera remis. Enfin?! Car à la vue de la grande créativité du cinéma d’animation français, de son rayonnement mais aussi de la reconnaissance des animateurs français à l’étranger, on aurait aimé que la création de ce prix se fasse plus tôt, le dernier film français d’animation ayant reçu un César étant Persépolis dans les catégories meilleure adaptation et dialogues et meilleur premier film.

Mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Lors de la soirée d’ouverture du festival qui s'est tenue hier soir au Centre musical Fleury Goutte d’Or-Barbara à Paris, Alain Rocca, trésorier de l’Académie des arts et techniques du cinéma, a annoncé la liste des films pré-sélectionnés pour le César 2011 du film d’animation.

Mais où sont les longs métrages?

Et les gagnants sont :
Chienne d’histoire de Serge Avédikian / Sacrebleu Productions
L’homme à la Gordini de Jean-Christophe Lie / Prima Linéa Productions
La femme squelette de Sarah Van Den Boom / Papy3D Productions
Logorama de François Alaux, Hervé De Crécy, Ludovic Houplain / Autour de Minuit
Love Patate de Gilles Cuvelier / Papy3D Productions
Matières à rêver de Florence Miailhe / Paraiso Production Diffusion
Mémoire fossile de Anne-Laure Totaro, Arnaud Demuynck / Les Films du Nord

Le 13 juin, passez une journée à Téhéran à la Cinémathèque

Posté par Claire Fayau, le 11 juin 2010

une journee a teheran cinematheque francaiseAvec Une journée à Téhéran, la Cinémathèque vous propose un voyage en Iran et plus précisément une journée à Téhéran. Le cinéma iranien, vivant et créatif, est souvent le reflet d'une actualité brûlante (voir nos articles sur les réalisateurs Panahi ou Ghobadi). Kiarostami, la famille  Makhmalbaf, sont des réalisateurs internationalement connus. Une nouvelle vague de réalisateurs commencent à se faire remarquer.

La Cinémathèque nous propose une sélection de douze films (parmi lesquels Persépolis, Les Chats Persans ou encore le tout récent Téhéran ...). Mais l'événement sera incontestablement la rencontre entre l'avocate  et prix Nobel de la paix Shirin Abadi et  le scénariste Jean-Claude  Carrière (qui fait une apparition dans Copie Conforme dAbbas Kiarostami).

Il ne faudra pas manquer la table ronde "le cinéma iranien aujourd'hui" en présence des réalisateurs Sou Abadi, Bahman Ghobadi, Nader T. Homayoun, Rafi Pitts et Marjane Satrapi.

Les enfants ne seront pas oubliés avec la projection du  film Le Miroir de Jafar Panahi, et des ateliers.

Un déjeuner persan sur l'herbe et des animations musicales sont aussi prévues.  Le 13 juin , ce sera  l'occasion de (re)découvrir des œuvres d'art et d'en savoir un peu plus sur la culture iranienne. Et de célébrer l'Iran qu'on aime, celui qui aspire à la liberté en qui résiste à son régime illuminé par l'art, les manifestations et la communication.

_________
Tout le programme sur le site de la Cinémathèque française

Bilan 2008 : les exportations du cinéma français, record en trompe l’oeil

Posté par vincy, le 17 janvier 2009

vin diesel babylon a.d.Cela faisait quinze ans que le cinéma français n'avait pas été aussi populaire à l'étranger. Le chiffre définitif sera connu en mai, sachant que des entrées en Amérique du Sud et en Asie ne sont pas encore comptabilisées. Cependant, avec 78 millions de spectateurs hors de France, c'est presque autant que le nombre de spectateurs en France pour des films français (82 millions). C'est surtout une belle hausse de 16% comparée à l'an dernier, même si ce genre de chiffres n'a pas beaucoup de signification tant les films sortent en décalé. Par exemple, Entre les murs commence tout juste sa carrière aux USA et Mesrine ou Largo Winch ne sont pas encore sortis hors territoires européens francophones. A l'inverse, les "hits" à l'export sont sortis sur tous les territoires, et, donc, ont fait le plein.

On constate de toute façon une bonne santé du cinéma produit en France, pas forcément en langue ou de culture française. De 38 millions d'entrées en 2000, aujourd'hui le résultat est plus que doublé. Le record précédent était de 76 millions de spectateurs, en 2005, grâce au succès de La marche de l'Empereur, notamment en Amérique du Nord, avec une version complètement remaniée pour la sortie internationale. En 2005, surtout, les films français avaient séduit davantage à l'étranger que dans leur propre pays.

Cette année, l'industrie peut remercier les productions "hollywoodiennes" anglophones, produites par l'ex génération montante, autrefois associée, Besson et Kassovitz. En ce sens, ceux qui ont "digéré" les méthodes des studios américains, ont réussi leur pari, assouvi leurs ambitions, et trusté les meilleures places.

Kassovitz est médaille d'or et fera taire ceux qui ont méprisé Babylon A.D. Le film a attiré 10 millions d'entrées dans le monde. Cela ne suffit pas à le rendre rentable, mais cela conforte l'idée, qu'un blockbuster, même français, a un fort potentiel mondial.

Langman, médaillé d'argent, peut aussi ricaner face aux critiques sur son Astérix aux Jeux Olympiques. La franchise a fait largement mieux en dehors de nos frontières. Avec 9,1 millions d'entrées, principalement en Europe et au Québec, le héros gaulois reste une solide star dans les salles, même avec une production décevante. Faut-il une surenchère dans les budgets pour arriver à de telles fins?

Luc Besson suit avec deux de ses productions anglo-saxonnes. Taken, avec Liam Neeson, a conquis 8,8 millions d'otages et Le Transporteur 3 a véhiculé 7,3 millions de spectateurs vers les salles. Des quatre films les plus vus, ce dernier est celui qui peut encore grimper dans le box office, n'ayant pas encore achevé sa carrière internationale.

A l'inverse, des films comme Persépolis (1,3 millions) et Caramel (1,2 millions) ont prolongé leus beaux scores de 2007, confirmant l'intérêt pour des films d'auteur, généreux, cosmopolites. La graine et le mulet a ainsi charmé 720 000 spectateurs dans le monde et continue de remplir ses quelques salles à New York et Los Angeles. Entre les murs, pas encore complètement déployé, a été cherché 625 000 spectateurs. La plus belle surprise devrait être Il y a longtemps que je t'aime, bénéficiant de très jolies fréquentations au Royaume Uni et aux Etats-Unis, avec déjà 1 million d'amoureux dans le monde. Pas mal pour un premier film réalisé par un écrivain. On peut aussi trouver notable les 4,2 millions de curieux qui ont découvert en version originale sous titrée ou version locale folklorique Bienvenue chez les Ch'tis. Rien qu'en Allemagne, ils ont déjà été un million, et ce n'est finit. Pourtant, le nombre d'entrées en Allemagne, mais aussi en Russie, est en diminution.

Cependant, l'Europe reste le plus gros marché avec 60% des entrées. Mais, les Etats-Unis reste le pays le plus important, avec 17,8 millions d'entrées, principalement grâce à Besson et Kassovitz. Les films d'auteur qui ont le mieux fonctionné son Persépolis, il y a longtemps que je t'aime, et ces dernières semaines Conte de Noël (200 000 spectateurs au total dans le monde à date).

On peut aussi voir les choses différemment. Avec 353 productions hexagonales sorties à l'étranger, et seulement onze ayant dépassé le million d'entrées, la contraction de la fréquentation autour de quelques films semble la tendance lourde, uelque soit le marché, et les producteurs.

Persépolis interdit au Liban

Posté par vincy, le 27 mars 2008

Qu'il soit critiqué et censuré en Iran, on pouvait l'anticiper. Mais que Persépolis, le film d'animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud primé à Cannes et aux César, soit interdit de projection au Liban, c'est plus inquiétant.
Selon l'AFP, une source gouvernementale, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a expliqué que le film avait déplu au chef de la sûreté, un proche du Hezbollah, qui décide de la censure des films. Le ministre de la Culture a, quant à lui, demandé la lever de l'interdiction.
Persépolis semble déranger. Etrange. Il avait déjà été interdit de Festival en Malaisie il y a quelques mois. Ironiquement, l'Iran avait quand même diffusé ponctuellement une version censurée de ce film soi-disant "islamophoble" et surtout "anti-iranien". Heureusement, le piratage est là pour nous faire espérer que de nombreux cinéphiles l'ont vu en bravant les interdits.
Le Liban mérite bien mieux que cette publicité rétrograde que le pays se fait en censurant une oeuvre artistique...

Le scénario s’invite à l’école

Posté par mp, le 26 mars 2008

"Un grand bonheur !" C’est ce qu’a ressenti Julien Lilti, 28 ans, lorsque son scénario a été récompensé par le Festival, l’année dernière. "Une expérience très forte." Passionné de cinéma depuis sa plus tendre enfance, ce jeune scénariste a remporté le 2e prix du Jury Jeune, ainsi qu’une mention du Grand Jury. "C’était la première fois qu’un scénariste du Marathon remportait deux prix la même année." Idéal pour la "confiance". Idéal aussi pour gagner un séjour dans une résidence d’écriture à Vendôme. Il a pu y retravailler le scénario primé, Long Courrier . Mais cette année, c’est pour présenter Pax Romana, son nouveau long métrage, qu’il est "impatient de revenir". Entre temps, il est devenu professionnel et "arrive à en vivre".

S’il se réjouit de revenir à Bourges cette année, c’est "pour le plaisir, pas avec des arrière-pensées professionnelles". Pour lui, le Festival de Bourges, c’est "tout sauf un marché ou un speed-dating". C’est ce qui lui donne "une spontanéité et sa fraîcheur qu’on ne retrouve pas ailleurs". Bourges, c’est avant tout "une vraie rencontre autour de l’amour du cinéma", avec un public "pas forcément facile".

Exigeants, les enfants le sont aussi. Surtout depuis qu’il leur donne "des armes pour aborder les films". Pour la deuxième année consécutive, il s’est transformé en professeur d’éducation à l’image, dans le cadre de "Tout est langage". Cette action culturelle, menée par le Festival en direction des scolaires, a "pris beaucoup d’ampleur". au cours du mois de mard, il a ainsi pu partir à la rencontre de près de 800 enfants de 8 à 18 ans à travers la région. De cette mission, il retire surtout "la satisfaction de sentir qu’ils ont été intéressés". Il a ainsi pu les sensibiliser au "scénario comme élément primordial de la production d’un film". Ce travail en amont se concrétisera pendant le festival avec la projection de deux films d’animation. U pour les plus jeunes, Persepolis pour les plus avertis. "Avec les lycéens, on peut aller loin. Surtout en option audiovisuel !" Cependant, "les souvenirs les plus marquants, c’est avec les petits" qu’il les partage. Et en particulier ceux de l’école rurale de Saint Caprais (Cher), des élèves, aujourd’hui en CM2, qu’il avait déjà rencontrés l’année dernière. A son retour cette année, surprise : "Chaque enfant m’avait préparé un petit scénario !"

Dans le cadre du Quotidien du Festival, par Rudi

Les César de la dissension

Posté par vincy, le 22 février 2008

film_persepolis.jpg

Passage obligé dans tous les pays, les professionnels votent pour élire les meilleurs d'entre eux. La graine et le mulet, Prix Louis-Delluc, meilleur film selon les journalistes français, primé à Venise, semble favori. Même les exploitants en ont fait leur chouchou. Comme pour les Etoiles d'or, il a récolté quatre titres (les mêmes : film, réalisateur, scénario, espoir féminin). De même Persépolis semble être, pour les exploitants aussi, le meilleur premier film français. 236 responsables de salles ont pris part au vote.

Soit à peine plus que les 200 cinémas indépendants qui s'apprêtent à suspendre leur séance de ce vendredi soir, au moment de la soirée des César. Rideau et écran noir. Cette manifestation vise à exprimer le mal être et les inquiétudes d'une filière de plus en plus fragile et dont la politique publique semble friable. En jeu : la baisse fort probable des crédits alloués par les Directions Régionales des Affaires Culturelles. Laurent Delmas (France Inter) ne disait pas autre chose lors de la soirée des Etoiles d'or. "Certaines mesures récentes risquent de mettre en péril les actions décentralisées" que mènent les festivals. Un festival ce n'est pas seulement un caprice cinéphilique d'un maire, mais avant tout une action culturelle, intégrant le jeune public, les populations défavorisées, mélangeant l'éducation à la culture. Rendre vulnérable ces festivals (nombreux sont ceux qui doivent réduire la voilure cette année), c'est aussi un danger pour le patrimoine cinéphilique. Ces baisses de crédits contredisent la politique du Président de la République dans les deux cas - la pédagogie et le patrimoine . Le patrimoine, et les valeurs de la France, sont un slogan répété en permanence. L'éducation culturelle est au coeur de son programme électoral (qui proposait même d'intégrer le ministère de la Culture à celui de l'Education nationale) ; une mission a d'ailleurs été assignée à Eric Gross pour faire des propositions en ce sens.

Ce travail d'éducation à l'image est essentiel à une époque où tout est images. Cette diffusion "désintéressée financièrement" est indispensable pour que le 7e Art ne soit pas monopolisé par les multiplexes. Des petites salles encerclées par des grosses usines à pop corn, des festivals locaux qui perdent leur soutien budgétaire. Là encore les plus précaires trinquent.

Etoiles d’or : graines de César?

Posté par vincy, le 20 février 2008

blog_kechiche.jpg

Les Etoiles d'or ont rendu leur verdict. Les journalistes de cinéma ont fait un triomphe à La graine et le mulet : meilleur film, réalisateur, scénario, révélation féminine.  Deuxième gagnant, le festival de Cannes qui à travers sa sélection, emporte le meilleur premier film (Persépolis), le meilleur documentaire (L'avocat de la terreur), le meilleur acteur (Mathieu Amalric dans Le Scaphandre et le Papillon), la meilleure musique (Les chansons d'amour).

blog_moreau.jpg

Après l'Etoile d'or d'honneur à Jeanne Moreau (précédée par une Frédérique Bel sautillant sur "J'ai la mémoire qui flanche..."), la cérémonie (trop classique pour être percutante) a décidé de célébrer le centenaire de la musique de films ("c'est à dire les cent ans..." comme le signalait l'animatrice) avec un ciné-concert sur le premier film doté d'une trame musicale (L'assassinat du Duc de Guise, 1908) et un concert à six autour des musiques d'Alexandre Desplats (au piano).

Bon training pour les César, Abdellatif Kechiche a pu tester trois discours. Celui du scénario est beaucoup plus élaboré que celui du réalisateur. On propose un gigantesque couscous pour celui du meilleur film. La plus belle phrase revenait cependant à Andy Gillet, très joli Céladon chez Rohmer, et meilleure révélation masculine. "Je tâcherai de ne pas faire de cette étoile une étoile filante..."

blog_andy.jpg