Peau d’âme : les contes défaits de notre enfance enfuie

Posté par MpM, le 2 décembre 2010

Un homme et une femme, chacun assis derrière une table où trône un crâne. Autour d'eux, de nombreuses petites bougies, deux grands candélabres et des draps blancs. Sur les paupières closes des deux comédiens sont peints de grands yeux verts au regard vertigineux. Celui de l'âme, rien de moins, qui lit au plus profond des êtres et ne cesse jamais totalement de vous scruter.

Avant même que la pièce commence, on se laisse ainsi envahir par cette ambiance mi-funèbre, mi-onirique qui est préambule à la suite. En effet, lorsque les acteurs s'animent, ils parviennent sans pourtant jamais quitter leur siège à nous emmener dans un pays lointain où l'on croise ogres, fées et marâtres, mais aussi dans les coulisses de la vie, à quelques encablures seulement de cet au-delà que l'on devine. Car le Garçon Doré, le personnage principal, va mourir. Alors, avant cela, il doit raconter sa vie.

Le texte de Benoit Gautier, fin et ironique, déroule ainsi une existence tragico-comique qui revisite avec férocité les contes de notre enfance. Pas si féériques que cela, d'ailleurs, ces contes où l'on est abandonné par ses parents et sans cesse menacé de mort, ou pire. Le rire naît malgré tout de l'interprétation des acteurs, les formidables Nadine Girard et Sylvain Savard, qui se livrent à une joute verbale joyeuse et généreuse, tantôt complémentaires, tantôt antagonistes. Il faut les voir se glisser miraculeusement dans la peau des différents personnages, simplement en adoptant un accent ou une mimique spécifique.

Mais l'émotion n'est jamais loin pour autant. On pourrait même ressortir totalement bouleversé de cette pièce qui l'air de rien nous met face à nous-mêmes, à nos manques, à nos doutes et à nos angoisses. Le Garçon doré, ce malheureux enfant contraint de réinventer sa vie pour se sentir vivant, est en effet tapis au fond de chacun de nous. Il suffit de clore ses paupières pour l'apercevoir.

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Peau d'âme de Benoit Gautier
mise en scène : Benoit Gautier
Avec Nadine Girard et Sylvain Savard
le 2 décembre au Musée d'Art moderne de Troyes
le 10 décembre au Centre culturel canadien de Paris
renseignements et réservations : 09 52 66 19 59 / bafduska@free.fr

Peau d’âme : et si on s’en laissait conter ?

Posté par MpM, le 7 octobre 2010

Fortement influencé par Charles Perrault, notre collaborateur Benoit Gautier a écrit un conte pour adultes et adolescents qui évoque le mal de vivre à travers le miroir déformant de la mémoire et  le trauma des psychodrames enfouis dans les souvenirs. Peau d'âme est une lecture-spectacle à deux voix en franco-québécois qui accompagne le "Garçon doré" dans son univers de rêves et de transferts féériques, inventés pour échapper à une réalité trop hostile. On devine tour à tour le Petit Poucet et le Chaperon Rouge, le grand méchant loup et l'âne dépecé.

Un conte atypique et mystérieux à découvrir le temps de quatre représentations au Centre culturel canadien. Du 18 au 20 octobre 2010,  Nadine Girard et Sylvain Savard de la compagnie "Bafduska Théâtre" s'emparent en effet des deux voix de Peau d'âme, sous la direction de l'auteur lui-même.

"Un décor aux allures de séance de spiritisme s’est imposé à mes yeux pour abriter ce texte qui se raconte comme une longue confidence", explique Benoit Gautier, qui nous a habitué à des mises en scène à la fois inventives et épurées (Leçon d'anatomie, Le problème avec moi, Tu m'aimes-tu...). "Un éclairage bleu nuit et rouge sang, deux tables incandescentes, une forêt de flammes et de grands yeux peints en turquoise sur les paupières des comédiens plongent le spectateur dans le dédale d’un labyrinthe mystérieux plein de rebondissements."

Le cinéma, lui, n'est jamais loin. A travers son récit, l'auteur rend notamment hommage aux figures tutélaires de François Truffaut, Jean Cocteau ou encore Jacques Prévert. Il convoque également Jacques Demy et Federico Fellini. Jusque dans le choix musical, qui fait la part belle à Michel Legrand, Angelo Badalamenti, Danny Elfman...

On ne s'étonne guère de cette filiation, car Peau d'âme a en commun avec le cinéma la tentation de réinventer le monde pour échapper à la morne réalité. Ne vaut-il pas mieux rêver sa vie que ne pas vivre du tout ?!

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Peau d'âme de et mis en scène par Benoit Gautier
Avec Nadine Girard et Sylvain Savard
18, 19 et 20 octobre 2010
Centre culturel canadien
renseignements et réservations : 09 52 66 19 59 / bafduska@free.fr