« Les misérables » candidat de la France aux Oscars

Posté par vincy, le 20 septembre 2019

Ce ne sera pas une réalisatrice. Céline Sciamma avec Portrait de la jeune fille en feu et Alice Winocour avec Proxima n'ont pas été retenus pas la commission chargée de désigner le film qui représentera la France aux prochains Oscars. Les Misérables de Ladj Ly, produit par SRAB Films, tentera donc sa chance pour être le 9 février prochain à Los Angeles.

Prix du jury à Cannes, vendu dans une vingtaine de territoires dans le monde, le film sortira aux USA le 10 janvier 2020, avec le distributeur Amazon Studios. En France, il est prévu dans les salles le 20 novembre. Il a déjà fait le tour de festivals comme Sydney, Shanghai, Durban et Toronto...

L'objectif réaliste sera d'être finaliste, ce qui n'est pas arrivé depuis 2016 (avec Mustang), à défaut d'être lauréat. Parasite, Palme d'or à Cannes, de Bong Joon-ho part largement favori et devrait offrir le premier Oscar du film international (nouvelle dénomination) à la Corée du sud. Aussi surprenant que cela paraisse aucun film sud-coréen n'a jamais été nommé dans cette catégorie!

Parmi les autres poids lourds attendus, on retrouve Douleur et gloire de Pedro Almodovar, La vie invisible d’Euridice Gusmão de Karim Aïnouz, It Must Be Heaven d'Elia Suleiman, Et puis nous danserons de Levan Akin, Les siffleurs de Corneliu Porumboiu  et le film d'animayion de Makoto Shinkai Weathering with You. Plusieurs pays n'ont pas encore fait leur choix tels le Canada, la Chine, l'Italie, Israël ou la Russie.

David Lynch, Geena Davis, Wes Studi et Lina Wertmüller honorés par les Oscars

Posté par vincy, le 3 juin 2019

L'Académie des Oscars avance toutes ses dates pour la saison 2019/2020, y compris celle du conseil des Governors Awards, entité qui se charge depuis 11 ans de décerner les Oscars d'honneur. Ce conseil des gouverneurs a choisi quatre personnalités - deux hommes, deux femmes - pour l'éidtion 2019: les comédiens Wes Studi et Geena Davis et les cinéastes David Lynch et Lina Wertmüller.

On comprend à la lecture de ces quatre noms que les conseil a été soucieux d'une ouverture aux minorités mais aussi à des formes de cinéma rarement oscarisés. Studi, Lynch et Wertmuller recevront un Oscar d'honneur pour l'ensemble de leur carrière tandis que Davis, seule oscarisée des autres (meilleur second-rôle féminin dans Voyageur malgré lui en 1988) sera distinguée par le Jean Hersholt Humanitarian Award.

La cérémonie, habituellement à la mi novembre, se déroulera cette année le 27 octobre.

Wes Studi, acteur amérindien de 71 ans, a été remarqué dans des films comme Danse avec les Loups, Le dernier des Mohicans, Heat, Avatar, ou le récent Hostiles. C'est le premier comédien d'origine amérindienne à recevoir une statuette. Jusque là, seuls Graham Greene et Chef Dan George avaient été les seuls amérindiens nommés à un Oscar d'interprétation.

L'italienne Lina Wertmüller, 90 ans, a été la première réalisatrice nommée à l'Osacr dans la catégorie réalisateur, en 1975 avec Pasqualino (elle était également nommée dans la catégorie meilleur film en langue étrangère et meilleur scénario original), présenté à Cannes Classics cette année.. Deux fois en compétition à Cannes comme à Berlin, une fois à Venise, la cinéaste a été l'une des figures du nouveau cinéma italien dans les années 1970, tournant avec Giancarlo Giannini, Sophia Loren et Marcelo Mastroianni.

David Lynch est culte, indéniablement. Palme d'or en 1990 avec Sailor et Lula (l'un de ses quatre films en compétition à Cannes), le cinéaste a été trois fois nommé à l'Oscar en tant que réalisateur (Elephant Man, Blue Velvet, Mulholland Drive) et une fois en tant que scénariste (Elephant Man). Lynch c'est évidemment, aussi, Twin Peaks pour le petit écran et un cinéma de plus en plus expérimental et formaliste depuis 20 ans. Producteur, scénariste, comédien, musicien, chef opérateur, il est l'un des auteurs les plus singuliers du cinéma américain.

Enfin, Geena Davis sera distinguée en tant que fondatrice du Geena Davis Institute on Gender in Media, une ONG qui cherche à améliorer la représentation des femmes et des minorités sexuelles au cinéma et à la télévision, notamment dans les programmes jeunesse. Elle a aussi lancé le Bentonville Film Festival pour soutenir les femmes et la diversité dans l'industrie. En tant que comédienne, elle a connu une belle période entre 1986 et 1992 (La mouche, Beetlejuice, Thelma et Louise, Héros malgré lui) avant de glisser progressivement vers la production et la télévision.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ?

Posté par vincy, le 14 mai 2019

Qu'on le veuille ou non, le Festival de Cannes reste un des épicentres du cinéma mondial. Il n'en a jamais eu le monopole. Mais il est clairement parmi les événements majeurs du 7e art. Depuis sa création, il mue, au gré des révolutions. Les révolutions formelles et artistiques pour commencer, avec la Nouvelle Vague, le Nouveau cinéma américain, la 5e génération de cinéastes chinois, le surgissement de films venus de pays jusque là inconnus, les films tournés en numérique, etc... La concurrence actuelle des plateformes de streaming, des séries et des jeux vidéos équivaut à celle dans les années 1960, quand la télévision détournait les spectateurs du grand écran.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ? — Rencontre avec le réalisateur Erwan Le Duc

Mais il est incontestable que d'un point de vue comptable, Cannes a moins d'impact que les blockbusters d'Hollywood, notamment auprès des millennials, qui ne retiennent souvent que l'actu "glamour" du festival, relayée par la presse populaire et les influenceurs et influenceuses. Ceci dit, ce n'est pas l'objectif du Festival.

Les marques Disney, Netflix et autres Apple et Amazon (sans oublier les Chinois) imposent un marketing de masse qui concentrent aujourd'hui les spectateurs sur certains films, ou, pire, chez eux. Cannes - comme Berlin, Venise, Toronto, Sundance, Locarno, Telluride, Busan, etc - a vocation à résister à cette tendance. Le glam et les stars, tout ce cérémonial pour les télévisions et la presse people, ne font qu'attirer le regard des fans pour leur parler d'autres films.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ? — Rencontre avec Jérémy Redler, président de la Commission du Film Ile-de-France

Avec les Oscars, la Palme d'or reste ainsi la récompense suprême du 7e art. Une sorte de Nobel. Même si ces derniers temps, ce sont plutôt les films présentés à Venise qui ont la cote aux Etats-Unis. Il n'empêche, année après année, même si les blasés évaluent le Festival de Cannes sur un échelle de médiocre à grandiose (c'était toujours mieux avant parait-il), même si les plus fidèles oublient que ce sont souvent les surprises et les nouveaux talents qui donnent de la saveur à une compétition, Cannes s'impose à chaque foi dans les bilans annuels et palmarès de critiques.

Qu'on prenne l'édition 2018, plutôt ratée pour le cinéma français en sélection officielle hormis l'excellent "coup" du Grand bain et le snobé jusqu'au bout En guerre, et on retrouve Dogman (9 Donatello et 3 European Film Awards), Plaire, aimer et courir vite (Prix Louis Delluc), Blackkklansman (un Oscar au final), Capharnaüm, Une affaire de famille et Cold War tous trois cités aux Oscars. Une affaire de famille a fait un doublé Palme d'or-César et raflé 8 prix aux Oscars japonais. Il y a pire bilan.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ? — Rencontre avec Jean-Marc Thérouanne, Délégué général du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul

A chaque édition, un bon tiers de la compétition, et une bonne dizaine de films des autres sélections, sont parmi les films favoris en France et ailleurs au moment des Top 10 de fin d'année. Ce n'est pas le cas forcément des autres festivals, à l'exception de Venise ces dernières années.

Cannes reste donc le temple de la cinéphilie mondiale. Les grands auteurs sont fiers d'y aller, et font tout pour y aller (tournant et post-produisant leurs films à temps pour les sélections). Le Festival ne peut de toute façon pas accueillir tous les grands films de l'année. Mais il y a une variété et une diversité suffisamment forte pour que le logo du festival ait encore une vraie valeur sur les affiches.

Par ailleurs, avec plus de 4000 journalistes, cela reste l'événement culturel le plus suivi du monde, devant les Oscars, qui sont surtout suivis par le grand public. De quoi donner de l'écho à un film, ce qui vaut toutes les campagnes de marketing et un bon indicateur pour la sortie en salles. Certes, cela peut aussi "tuer" un film. Mais n'oublions pas que Cannes a donné de la valeur marchande et artistique en découvrant ou primant au début de leurs carrières des cinéastes comme Martin Scorsese, Xavier Dolan, Quentin Tarantino ou Sofia Coppola. Cela en surévalue certains aussi, mais le temps trie le bon grain de l'ivraie.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ? — Rencontre avec Ron Dyens, producteur chez Sacrebleu productions

Tout est question de marché. Tant que la presse professionnelle américaine est présente quotidiennement, on peut se rassurer: c'est qu'il y a du business. Certes, le marché évolue. Les négociations sont plus difficiles. Les sorties sont aussi plus risquées.

Dans une interview au Monde, Jérôme Seydoux explique: "Dans le temps, les majors avaient une filiale spécialisée en films plus « metteurs en scène ». Beaucoup des studios ont abandonné, tout simplement parce qu’ils perdaient de l’argent. Aujourd’hui, ce cinéma-là est entre les mains de Netflix, Amazon, Apple ou d’autres. Il n’a pas disparu. Quand Netflix fait Roma, c’est un film qui a du mal à financer sa sortie en salle. Idem pour celui de Scorsese. Prenons un film indépendant qui a coûté 20 millions de dollars. Netflix en offre 25, alors que sa sortie en salle nécessiterait entre 15 à 20 millions de dollars aux Etats-Unis. Il faudrait donc 40 millions de dollars de recettes en salle pour le rentabiliser, alors qu’avec les 25 millions de Netflix, le producteur gagne sa vie sans prendre de risques. Le cinéma indépendant américain s’est beaucoup amoindri faute de combattants et de clients. Aux Etats-Unis, les blockbusters se portent de mieux en mieux, alors que les films indépendants et les films étrangers ont quasiment disparu."

Mais, heureusement, il y a toujours un appétit pour le cinéma d'ailleurs. Les 12000 (et plus) de professionnels venus du monde entier, inscrits au Marché international du film, leader mondial qui fête ses 60 ans cette année, ne s'installent pas une semaine sur la Croisette pour bronzer. Dès la mi-avril, les agents, vendeurs et producteurs préparent leurs annonces. Cannes reste un gage de curiosité et d'éclectisme qui peut satisfaire tout le monde. Ni le marché de Berlin, ni celui de Sundance n'arrivent à son niveau. Une preuve supplémentaire.

[Dossier] Cannes, centre du monde cinématographique ? — Anne-Laure Brénéol et Lionel Ithurralde de Malavida Films

Si les films de Netflix n'ont pas accès aux sélections cannoises (les exploitants français s'attachant à la chronologie des médias, la diffusion en salle et finalement à l'exception culturelle française), les acheteurs de Netflix seront bien présents pour opérer une razzia sur certains films présentés au Palais des festivals, à la Quinzaine ou à la Semaine.

Non, le seul problème c'est bien ce ressenti que les films cannois ne sont pas populaires. Ils gagnent des prix dans leurs pays par la suite, vont parfois aux Oscars (mais ce n'est pas le bon critère pour juger d'un Festival). Mais séduisent-ils le public? On affirme que oui. Le Grand bain a été un succès. On oublie que E.T. a été un film de clôture. On oublie surtout qu'il y a un effet Palme d'or. Outre les gros hits (Apocalypse Now, Un homme et une femme, la dolce vita, Pulp Fiction, ...), combien de films auraient obtenu leur score final sans une Palme? Impossible d'imaginer que La vie d'Adèle ou Entre les murs dépassent le million de spectateurs (et soient si bien exportés), que La leçon de Piano soit au-dessus des 2 millions d'entrées, qu'un film thaïlandais comme Oncle Boonmee intrigue 130000 Français, qu'Une affaire de famille ou Amour finissent aux alentours de 800000 tickets vendus. Jamais ces films n'auraient eu de tels scores sans la Palme. Et allons même sans Palme, Mummy ou 120 battements par minute n'auraient jamais pu élargir leur public comme ils l'ont fait.

Alors, oui, il n'y a pas que Cannes. le cinéma tourne autour de quelques rendez-vous majeurs - Sundance, Cannes, le trio de la rentrée Telluride-Venise-Toronto, - et quelques marchés - Berlin, Cannes, Toronto, Busan, l'AFI de Los Angeles. Mais en étant situé au printemps, la montée des marches donne le coup de sifflet à l'année du cinéma "art et essai" (mais pas seulement, puisque les studios s'en servent aussi pour le lancement de grosses productions).

Il ne s'agit pas de concurrencer Marvel ou la soft power asiatique. Il ne s'agit pas de refléter tout le cinéma romanesque et populaire indien, turc ou nigérien. Le Festival a une autre mission. Cannes devient une forteresse, pour le moment, chargée de protéger un cinéma hétérogène réalisé par des artistes qui croient encore qu'on peut raconter des histoires autrement: ni binaires, ni formatées, ni infantilisantes.

En cela, dans ce domaine, le Festival de Cannes reste incontournable, essentiel et même vital.

Glenn Close amène le musical Sunset Boulevard au cinéma

Posté par vincy, le 5 mars 2019

Perdante pour la 7e fois (détenant ainsi le record de l'actrice la plus nommée sans avoir jamais remporté de statuette), Glenn Close veut profiter du good buzz autour d'elle, à bientôt 72 ans. Elle a d'abord exprimé son souhait de voir un remake de Liaison Fatale (Fatal Attraction) (1987), l'un de ses plus grands succès (avec les Gardiens de la Galaxie et Air Force One), avec le point de vue de la maîtresse (qu'elle incarnait) et non pas celle du mari (trompeur), en essayant de comprendre pourquoi elle est si dérangée mentalement. Elle concède qu'elle n'a plus l'âge pour jouer le rôle, mais elle confie aussi qu'elle pourrait écrire le scénario.

Un autre de ses personnages mythiques devrait voir le jour plus rapidement sur les écrans. L'actrice de The Wife (actuellement en e-cinema) veut être de nouveau Norma Desmond.

Elle avait interprété l'actrice (fictive) du cinéma muet cherchant à revenir désespérément sur le devant de la scène dans le musical de Broadway inspiré du film culte de Billy Wilder, Sunset Boulevard (1950). Sur les planches, elle avait été Norma à Broadway en 1993 (remportant un Tony Award en 1995) et dans le revival exceptionnel en 2017 à Londres et à New York.

Le tournage devrait être lancé cet automne à Londres, et le film - produit par le musicien du livret Andrew Lloyd Webber (Le Fantôme de l'opéra), qui détient les droits du musical - sera réalisé par le chorégraphe Tony Ashford.

Sunset Boulevard, aka Boulevard du Crépuscule, est un film noir qui mettait en scène Gloria Swanson, William Holden et Erich von Stroheim. Il avait récolté 3 Oscars (direction artistique, musique et scénario) et avait été nommé dans 8 autres catégories (dont meilleur film).

Oscars 2019: Green Book, Oscar du meilleur film!

Posté par wyzman, le 24 février 2019

La 91e cérémonie des Oscars ont soufflé un vent de fraîcheur avec plusieurs adaptations de comics récompensés. La diversité, qu'elle soit LGBT (les deux Oscars d'interprétation masculine pour deux personnages gays, l'Oscar de la meilleure actrice pour une reine lesbienne), afro-américaine ou latino-américaine, a été le mot d'ordre avec Bohemian Rhapsody et Rami Malek, Alfonso Cuaron (deux Oscars ce soir et quatre au total), Regina King, Mahershala Ali et Green Book, Black Panther, Blackkklansman.

Les histoires vraies (Green Book, La favorite, Roma, Bohemian Rhapsody...) ont quasiment tout raflé. Green Book - 3 Oscars - a été le choix consensuel de la soirée mais Bohemian Rhapsody repart vainqueur avec 4 statuettes. Le palmarès a été très éclaté entre plusieurs films, récompensant ainsi un peu tout le monde, sans offrir le sacre à Netflix pour Roma (qui repart quand même avec l'Oscar film en langue étrangère et l'Oscar du meilleur réalisateur).

MEILLEUR FILM: Green Book
Meilleur réalisateur: Alfonso Cuaron, Roma
Meilleure actrice: Olivia Colman, La favorite
Meilleur acteur: Rami Malek, Bohemian Rhapsody
Meilleur second-rôle féminin: Regina King, Si Beale Street pouvait parler
Meilleur second-rôle masculin:Mahershala Ali, Green Book
Meilleur scénario: Green Book
Meilleur scénario (adaptation): Blackkklansman
Meilleur film en langue étrangère: Roma
Meilleur court métrage: Skin
Meilleur documentaire: Free Solo
Meilleur court métrage documentaire: Period. End of Sentence
Meilleur film d'animation: Spider-Man: New Generation
Meilleur court métrage d'animation: Bao
Meilleure musique: Black Panther
Meilleure chanson originale: "Shallow" (A Star is born)
Meilleure photo: Roma
Meilleur montage: Bohemian Rhapsody
Meilleurs décors: Black Panther
Meilleurs costumes: Black Panther
Meilleurs maquillages & coiffures: Vice
Meilleurs effets visuels: First Man
Meilleur montage son: Bohemian Rhapsody
Meilleur mixage son: Bohemian Rhapsody

Stanley Donen (1924-2019), grand styliste qui a tout donné

Posté par vincy, le 23 février 2019

Le réalisateur américain Stanley Donen est mort d'une crise cardiaque jeudi à New York, à l'âge de 94 ans, a indiqué samedi l'un de ses fils, Mark Donen, au Chicago Tribune.

S'il n'avait jamais remporté d'Oscars pour ses films et s'il n'a jamais été nommé en tant que réalisateur, ce qui en soi est un scandale et relativise beaucoup le poids de la statuette dans la cinéphilie mondiale, il avait reçu un Oscar récompensant l'ensemble de sa carrière, en 1998 et un Lion d'or d'honneur à Venise en 2004.

Né le 13 avril 1924, avec un père gérant d'un magasin de robes et une mère fille de bijoutier, il avait souvent confié que son enfance n'était pas très heureuse et qu'il avait été victime d'antisémitisme. Pour s'échapper de l'ennui, il passe l'essentiel de sa jeunesse au cinéma, adorant les westerns, les comédies et les thrillers. En 1933, en voyant Flying Down to Rio avec Fred Astaire et Ginger Rogers, il décide d'en faire son métier et commence à tourner quelques films avec une caméra 8mm. Il prend des cours de danse, se produit au théâtre municipal et a la chance de voir les comédies musicales de Broadway lors des vacances d'été.

Il débute comme assistant chorégraphe (de Gene Kelly) et assistant réalisateur (de George Abbott) durant la seconde guerre mondiale. Finalement, il passe à la réalisation en 1949 en signant un contrat de sept ans avec la MGM. Il n'a que 25 ans. Un jour à New York ( On the Town), adaptation du hit éponyme de Broadway, avec Gene Kelly et Frank Sinatra, un histoire de beaux marins qui pose les bases de son cinéma: aérien, volant même, léger, et musical.

Le succès est au rendez-vous. Il enchaîne avec Mariage Royal, où il retrouve l'autre grand acteur-danseur-chanteur de l'époque, Fred Astaire, pour un autre musical. "Quand Fred Astaire danse, tout est parfait dans ce monde". Puis il fait tourner Elizabeth Taylor dans Une vedette disparaît, comédie romantique de commande qu'il s'applique à mettre en scène.

Son génie du cinéma - alliant avec grâce le rythme et le divertissement - va éclater très vite avec l'un des chefs d'œuvre de la comédie musicale, où il insuffle son envie de joie et de bonheur. En 1952, il tourne Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain) avec Gene Kelly, Debbie Reynolds et Cyd Charisse. Tout le monde connaît le titre phare de cette romance qui a pour toile de fond le passage du cinéma muet au parlant à Hollywood. L'exigence de Gene Kelly et le perfectionnisme de Stanley Donen font des étincelles avec des séquences sublimes, sommet de l'âge d'or de la comédie musicale. Paradoxalement, le film n'a reçu que deux nominations aux Oscars (et aucune victoire). Aujourd'hui, il est considéré comme l'un des deux meilleurs films de son genre de l'Histoire du 7e art.

Sous contrat avec la MGM, Stanley Donen ne va pas être utilisé à sa juste valeur. Il réalise une comédie, L'Intrépide (Fearless Fagan) avec Janet Leigh, et des musicals comme Donnez-lui une chance (Give a Girl a Break), avec Debbie Reynolds, et Beau fixe sur New York (It's Always Fair Weather), avec Gene Kelly, Cyd Charrisse et Michael Kidd. Mais c'est avec Les Sept Femmes de Barbe-Rousse (Seven Brides for Seven Brothers), où chorégraphies (de Kidd) et mise en scène (de Donen) impressionnent. Le film est cinq fois nommé aux Oscars, dont meilleur film, et repart avec l'Oscar de la meilleure musique.

Chez Donen, tout est toujours beau, de la direction artistique aux acteurs. Mais cela ne cache pas la complexité de ses personnages, tourmentés, contradictoires, parfois idéalistes, ou tout simplement cherchant le bonheur dans un monde assez noir. En 1957, pour son déjà 10e long métrage, le réalisateur ose le mélange entre la comédie romantique et la comédie musicale, une gloire mythique comme Fred Astaire et une étoile montante nommée Audrey Hepburn, un film entre questions existentialistes qui traversent les courants de pensée de l'époque et le carpe diem qui se fout du quand dira-t-on. Drôle de frimousse (Funny Face) est son deuxième chef d'œuvre. Et son premier film tourné à Paris, so chic. Tel un styliste de haute-couture, le réalisateur utilise parfaitement les décors et les comédiens pour donner l'émotion idoine. Mais surtout, il prouve qu'il est un as des ciseaux avec un montage endiablé et précis qui sont sa marque de fabrique. "Jean-Luc Godard a dit que le cinéma c'était la vérité en 24 images seconde. Je pense que le cinéma c'est des mensonges en 24 images secondes" expliquait-il.

Ensuite, il co-réalise avec George Abbott Pique-nique en pyjama (The Pajama game) avec Doris Day, et Embrasse-la pour moi (Kiss Them for Me), où il créé le duo improbable Cary Grant et Jayne Mansfield. Deux films mineurs. Mais en 1958, il réussit à réunir Cary Grant et Ingrid Bergman (12 ans après Les Enchaînés) pour Indiscret (Indiscreet). Donen expérimente de plus en plus l'image pour lui donner du rythme, notamment en utilisant le split-screen. Dans ce quasi huis-clos annonçant le futur Charade, il s'en sert même pour contourner la censure. Mais, durant cette période, le talent de Stanley Donen se gâche avec des scénarios pas vraiment à la hauteur. En dehors de l'adaptation du musical Damn Yankees!, co-réalisé avec Abbott une fois de plus, il tourne Chérie recommençons (Once More, with Feeling!) et Un cadeau pour le patron (Surprise Package), tous deux avec Yul Brynner. Il retrouve Cary Grant pour Ailleurs l'herbe est plus verte (The Grass Is Greener), avec également Deborah Kerr, Robert Mitchum et Jean Simmons.

Cela clôt une décennie inégale malgré quelques prodiges. En 1963, Stanley Donen tourne la comédie-thriller pop, piquante et romantique, en plus d'être hitchcockienne, Charade, à Paris, avec Cary Grant et Audrey Hepburn. Il retrouve là son mojo. Avec la réalisation élégante, le montage électrique, l'alchimie des deux stars et la musique d'Henry Mancini, le film devient vite un classique, summum du scénario à twists et de la comédie à répliques.

En tournant moins, Donen semble libéré de la pression des studios. Avec Arabesque trois ans plus tard, il tente quand même la même formule qu'avec Charade. Cette fois-ci les étincelles proviennent du duo Gregory Peck, après le refus de Cary Grant, et Sophia Loren, habillée en Dior. Le cinéaste trouvant le scénario moyen, décide de rendre la mise en scène clinquante, utilisant des angles de caméra étranges et des compositions visuelles excentriques. Il change complètement de direction avec son film suivant, en 1967, Voyage à deux (Two for the Road), avec Albert Finney, disparu il y a peu, et Audrey Hepburn. Ce qui aurait pu être un banal mélo sur un couple prêt à divorcer devient un hymne à l'amour à travers les souvenirs de ce couple tout en critiquant son embourgeoisement. Le génie de Donen est de mélanger les époques avec un montage malicieux où seuls les vêtements, coiffures et voitures permettent de distinguer les époques. Avec en bonus l'une des plus belles partitions de Mancini.

A compter de cette période le génial Donen va se perdre dans des projets moins intéressants, dépassé par un nouveau cinéma américain, loin de l'âge d'or qu'il vénérait. Il filme Bedazzled, adapte (et rate) Le Petit Prince, tourne Lucky Lady (avec Gene Hackman, Liza Minnelli et Burt Reynolds), s'essaie à la science-fiction (le nanar culte Saturn 3, avec Farrah Fawcett, Kirk Douglas et Harvey Keitel), offre deux films en un avec Movie Movie qui est divisé en deux parties, un film de boxe Dynamite Hands, et un musical Baxter's Beauties of 1933. Donen était l'un des rares à s'affranchir des contraintes et des conventions. Rappelons qu'il a réalisé en 1969 L'escalier (Staircase), avec Rex Harrison et Richard Burton, qui y formait l'un des premiers couples gays du cinéma américain. Aujourd'hui le film est perçu comme homophobe. A l'époque, ça a surtout été un désastre au box office.

La carrière du cinéaste s'arrête en 1984 avec La Faute à Rio (Blame It on Rio), remake du film Un moment d'égarement de Claude Berri , avec Michael Caine comme dernière star de sa filmographie. Malgré des projets, malgré son travail de producteur (pour la télévision principalement) ou de metteur en scène à Broadway, il n'a plus jamais sorti de film au cinéma. Il n'avait plus de défis à relever sans doute. Comme il le confiait: "Je pense que ce que nous aimons tous dans la vie, c'est le défi de faire quelque chose… qui n'est pas facile à faire."

Oscars: tout fout le camp!

Posté par vincy, le 27 janvier 2019

Dès qu'on touche règles, le jeu peut être inflammable. En sport, ça a été souvent le cas pour s'adapter aux contraintes de la retransmission TV (et des coupures de pub). Ainsi la légendaire Coupe Davis va être transformée cette année pour les beaux yeux d'un mécène plein de cash, d'une organisation avide de retombées financières et médiatiques, au détriment de la beauté de ce championnat si particulier.

Il en va de même avec les Oscars. Cette année, la 91e cérémonie va tout bouleverser. Pas d'animateur pour commencer. Ce qui donne quelques sueurs froides. Kevin Hart, un temps pressenti, a du renoncer à cause d'anciens tweets pas vraiment politiquement corrects, et ouvertement homophobes. Ses excuses n'ont pas suffit. Ce sera la première fois depuis 1989 que la cérémonie n'aura pas de présentateur. Ce sera la 6e fois dans toute l'histoire du show.

Fausse note

Le show du 24 février doit tenir moins de trois heures. Depuis 1974, il explose cette durée.Pourtant la longueur des Oscars ne fait pas forcément fuir les spectateurs. Dans les années 1999-2004, quand le show durait parfois plus de 4 heures, l'audimat passait le cap des 40 millions de téléspectateurs nord-américains.

Pour accélérer le rythme, il a été décidé finalement que seulement deux des cinq chansons nommées seraient interprétées sur scène. Ce drôle de choix, d'autant plus incongru qu'il s'agit parfois des séquences les plus fortes du divertissement, est mal reçu. Les Oscars ont fait dans la facilité en prenant les deux plus gros succès de la catégorie: Kendrick Lamar et SZA’s pour "All the Stars” (Black Panther) et Lady Gaga avec "Shallow” (A Star Is Born). Tous les deux sont issus du label Interscope. Favoritisime? Nul ne doute que si Dolly Parton avait été nommée, le dilemme aurait été plus grand. Mais une chose est sûre, les trois autres titres - “The Place Where Lost Things Go” (le retour de Mary Poppins) par Emily Blunt, “I’ll Fight” (RBG) par Jennifer Hudson et “When a Cowboy Trades His Spurs for Wings” (The Ballad of Buster Scruggs) par Tim Blake Nelson et Willie Watson - n'auront pas leur temps de gloire aux Oscars. Les rumeurs rapportées par la presse professionnelle font aussi part de la honte que ces trois nominations auraient procuré au votants de la branche musicale.

Il y a quand même des précédents. En 2010 et 2012, aucune chanson n'avait été mise en scène. En 2013 et 2016, seules trois des cinq chansons nommées avaient été produites en direct.

Oscars à deux vitesses

Si aucune décision n'est officialisée, ce n'est pas le seul changement que les Oscars vont imposer. Le plus grave est sans aucun doute ailleurs. L'Académie devrait balancer pas mal des prix techniques (montage son, mixage...) durant les publicités, sans diffusion en direct à l'antenne. Un scandale qui continue de chahuter Hollywood. Déjà les Oscars d'honneur sont décernés durant l'automne et non plus en février, avec les autres.

Ce n'est finalement pas un problème d'animateur mais bien de production qu'il s'agit. Ou de confusion. Comme cet Oscar du film populaire, qui devait récompenser un film ayant récolté beaucoup de cash. Les cinq derniers films oscarisés n'ont pas dépassé les 65M$ au box office, limitant l'intérêt d'un public plus large pour la cérémonie. Pourtant, l'Académie a du rétropédaler face à la bronca suscitée.

Au nom de l'audimat, les Oscars se vident de leur puissance spectaculaire et de leur devoir de montrer toutes les facettes du cinéma. Ils se cherchent entre une volonté d'attirer le public avec des stars populaires et connues de la génération Netflix/Fortnite et de satisfaire les cinéphiles et les professionnels, plus adeptes de films d'auteurs ou de drames adultes que de blockbusters.

Satisfaire chacun, déplaire à tout le monde

Le problème des Oscars est ailleurs. Les professionnels qui votent ont des choix de plus en plus globaux (des films internationaux mal distribué aux USA, des films populaires ou des films très "arty", qui gagnent le plus souvent). De la même façon, les Oscars continuent d'être inégalitaires, provoquant des polémiques. Malgré des efforts notables. Cette année, sur les 211 nominations individuelles, 53 sont féminines soit seulement 25% (contre 23% en 2018 et 20% en 2017). Et si ça progresse aussi du côté des représentations ethniques, le compte n'y est toujours pas: dans les catégories acteur et actrice et seconds-rôles, on ne compte que cinq nommés non-blancs sur les 20. Et on n'évoque même pas les LGBTQ+, quasiment invisibles pour cette édition. Il y a encore du chemin pour que la diversité soit équitablement représentée. Mais généralement, les Oscars se rattrapent avec les remettants.

Mais depuis 2014, l'Académie ne voit qu'une seule chose: un audimat en forte baisse, avec un nombre de téléspectateurs historiquement bas l'an dernier et une part d'audience parmi les plus faibles, s'approchant des scores de la soirée des Golden Globes. C'est dire qu'il y a péril en la demeure.

Fin de partition pour Michel Legrand (1932-2019)

Posté par vincy, le 26 janvier 2019

C'était un géant dans son domaine. Et pour nous son nom signifie beaucoup puisqu'il a composé la chanson de Claude Nougaro en 1962, Cinéma, plus connue par son refrain, "Sur l’écran noir de mes nuits blanches"...

Le compositeur de musique Michel Legrand, né le 24 février 1932, est décédé cette nuit à Paris à l'âge de 86 ans, a annoncé son épouse Macha Méril. Michel Legrand a récemment recréé des musiques supplémentaires pour la version scénique de "Peau d'âne" au théâtre Marigny. Il devait aussi donner des concerts à Paris au printemps. Il avait écrit plus de 150 musiques de films.

C'est le cinéma qui lui a donné une reconnaissance mondiale. Mais c'est le jazz qui l'a fait connaître et c'est le easy listening qui lui a ouvert les portes des radios. Dès 1954, il enregistre un album (I Love Paris, 8 millions d’exemplaires aux USA), puis il sort, entre autres, en 1958, Legrand Jazz, avec Miles Davis, Bill Evans, Paul Chambers et John Coltrane, en 1971, Communications '72, avec Stan Getz, et récemment, en 2017, Between Yesterday and Tomorrow, avec Natalie Dessay. Au total une dizaine d'albums. Mais Michel Legrand c'est aussi le jingle le plus connu de la radio (RTL) et le générique de la série animée culte Il était une fois... l'Espace.

Car, sous leurs airs de variété élégante, le pianiste maîtrisait les cassures et les envolées virevoltantes du jazz, les mélodies mélancoliques et les refrains entêtants de la chanson, les élans symphoniques et le swing qui faisait danser nos têtes. Ce que les réalisateurs de la Nouvelle Vague n'ont pas manqué de repérer.

Cela lui vaut d'abord trois Oscars - chanson en 1969, musique de film en 1972 et adaptation musicale en 1984. Il reçoit aussi un Golden Globe et un BAFTA Award. Il a en plus reçu 6 nominations aux Oscars (quatre pour une chanson, une musique de film, une adaptation musicale), 12 nominations aux Golden Globes, 2 aux BAFTA, 3 aux Grammy Awards et 3 aux César.

En plus de cela, il a travaillé avec Ray Charles, Jean Cocteau, Frank Sinatra, Charles Trenet et Édith Piaf. Au cinéma, il débute dès les années 1950 avec des musiques de films tels Les Amants du Tage d'Henri Verneuil, Charmants Garçons d'Henri Decoin et Le Triporteur de Jacques Pinoteau.

En 1960, il compose la musique de Lola de Jacques Demy, amorce de leur fidèle et longue collaboration, et d'une amitié et une complicité fraternelle et fusionnelle, qui sera rapidement et mondialement reconnue grâce aux Parapluies de Cherbourg. Une harmonie parfaite. Une synchronisation de l'image et du son.

Mais Michel Legrand écrit aussi les partitions de films très différents: Le cave se rebiffe de Gilles Grangier, Une femme est une femme, Vivre sa vie et Bande à part de Jean-Luc Godard, Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda où il fait aussi l'acteur, Eva de Joseph Losey, Une ravissante idiote d'Édouard Molinaro, Tendre Voyou de Jean Becker... Il trouve en Jacques Deray ou Jean-Paul Rappeneau (La vie de château, Les mariés de l'an II, Le sauvage) un cinéma qui se calque bien à ses créations musicales, léger ou tragique.

Les triomphes des films musicaux de Demy lui assurent une notoriété mondiale. A partir de 1968, c'est Hollywood qui l'appelle. Michel Legrand travaille parallèlement pour Sydney Pollack, Richard Lester, John Frankenheimer, Orson Welles, Irvin Kershner (pour le dernier 007 avec Sean Connery), Blake Edwards ou encore Robert Altman. C'est surtout avec Claude Lelouch qu'il va ltravailler à partir des années 1980, aux côtés de Francis Lai, lui aussi disparu il y a quelques mois. Depuis Les Uns et les Autres en 1981, ils ont collaboré ensemble quatre fois. Dans les années 197, l continue d'écrire les musiques des films de Losey et Deray, puis s'aventure dans divers genres, chez Louis Malle (Atlantic City), Xavier Beauvois (ses deux derniers films) ou Danièle Thompson (La bûche).

Michel Legrand en 9 morceaux.

Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964). Troisième collaboration avec Demy qui se lance dans le pari fou d'un drame musicale entièrement chanté. Un véritable défi: écrire une musique qui ne s'arrête finalement que rarement et où les dialogues doivent être mélodieux et naturels. Palme d'or à Cannes, le film devient une référence cinéphile mondiale. Et sa musique, souvent déchirante, l'une des plus connues du 7e art.

Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967). Trois ans plus tard, Demy signe un show à la Broadway, pop et coloré, romantique et glam. La musique est plus jazzy, les refrains se croisent, West Side Story et Un Américain à Paris sont convoqués. Outre le tube atemporel, "La chanson des jumelles", qui immortalise les sœurs Deneuve/Dorléac, la musique ne manque pas de pépites.

L'Affaire Thomas Crown de Norman Jewison (1968). Ce sublime thriller avec Steve McQueen et Faye Dunaway sera sa porte d'entrée à Hollywood grâce à une chanson, l'une des plus chantées encore aujourd'hui dans le monde: The Windmills of Your Mind (traduit en français sous le titre Les Moulins de mon cœur). Oscar pour Legrand mais surtout entrée dans l'éternité: ces Moulins ontt partie des 100 chansons du cinéma américain selon l'American Film Institute. Claude François Petula Clark, Barbra Streisand, Sting, Tina Arena, les Swing Out Sister, Céline Dion, Patricia Kaas, Sylvie Vartan l'ont tous interprétée. Y compris Eva Mendes ou Alain Delon.

La Piscine de Jacques Deray (1969). Puisqu'on parle de Delon, et de thriller, Legrand, est appelé pour écrire la musique de ce film noir, où son génie du jazz prend toute sa dimension, prouvant une fois de plus qu'il est capable de traduire les sentiments ou d'illustrer les émotions avec des accords et quelques instruments.

Peau d'âne de Jacques Demy (1970). Conte surréaliste musical, influencé par Cocteau, et toujours avec Deneuve, c'est aussi l'une des plus belles réussites atemporelles, composée de succès qu'on chantonne encore et toujours, de Legrand. Faire un tube avec une recette de cuisine a quelque chose du tour de force. La symbiose entre le réalisateur et le musicien est encore une fois parfaite, dans les excès comme dans la simplicité.

Un été 42 de Robert Mulligan (1971). Après un Oscar pour une chanson, avec ce film Legrand rentre dans le club des compositeurs français recevant un Oscar pour la musique de film. C'est sans aucun doute l'une des plus belles compositions pour le cinéma, à la fois sensible et lyrique, dans la plus grande tradition des Maurice Jarre et George Delerue.

Breezy de Clint Eastwood (1973). Quand un cinéaste fan de jazz rencontre un génie du genre, forcément, cela fait des étincelles. On retrouve dans la chanson les accents des Moulins du coeur. En reprenant les codes de la bluette américaine, Legrand adapte son style et son talent de mélodiste à une tonalité plus américaine, presque blues. Ce film, le troisième du réalisateur, annonce le mélodrame Sur la route de Madison, deux décennies plus tard.

Yentl de Barbra Streisand (1983). Quand la plus belle voix américaine rencontre un chef d'orchestre désormais adulé par le cinéma, cela donne Yentl, succès à l'époque et troisième Oscar pour Legrand. La star actrice et chanteuse ose avec son premier film, un drame musical où le genre et la religion sont au cœur du récit. Avec Legrand, elle ancre son histoire dans un registre classique et le disque. L'album sera disque de platine (1 million d'exemplaires) aux Etats-Unis et la chanson The Way He Makes Me Feel finira première  des charts américains.

Trois places pour le 26 de Jacques Demy (1988). Ultime travail en commun avec le cinéaste, injustement boudé à l'époque, c'est surtout le plaisir de voir Yves Montand chanter sur  du Legrand qui procure un grand plaisir. C'est aussi la fin d'une époque qui, quelque part, se profile. Demy et Montand disparaîtront. Legrand préfèrera d'autres formes de créations musicales et des tournées mondiales qui sacralisent ses musiques, en symphonique ou avec des voix lyriques.

Oscars 2019 : Roma et La Favorite en tête des nominations

Posté par wyzman, le 22 janvier 2019

Deux semaines et demi après les Golden Globes où il a été sacré meilleure film (comédie ou musical), Green Book de Peter Farrelly continue de faire parler. Après être devenu le grand favori de la catégorie meilleur film de la 91e cérémonie des Oscars, Green Book part dans la course aux Oscars aux côtés de A Star is Born, BlacKkKlansman, Bohemian Rhapsody, La Favorite et Roma. Ces deux derniers dominent la liste avec 10 nominations chacun: Hollywood a plébiscité un cinéaste mexicain et un réalisateur grec. Roma est le premier film "Netflix" nommé dans la catégorie suprême, ce qui est un tournant dans l'industrie hollywoodienne à coup sûr. C'est le premier film en langue étrangère depuis Amour en 2012 à être nommé en meilleur film. Pour Alfonso Cuaron, c'est carrément un carton plein puisqu'en son seul nom, il glane 4 nominations (producteur, réalisateur, scénariste, directeur de la photo), le faisant entrer dans un club très select où règnent Warren Beatty, Alan Menken, et les frères Coen.

Grâce à La Favorite et Bohemian Rhapsody mais aussi L'île aux chiens et Can You Ever Forgive Me? la Fox domine la course cette année avec 25 nominations pour le studio (Fox Searchlight et 20th Century Fox), devant Universal et Focus Features (17), Walt Disney (16), Netflix (13), Annapurna Pictures (9), Warner Bros (8). Amazon Studios repart avec 3 nominations

Signalons, même si ce n'est pas une surprise, la nomination d'un Marvel, Black Panther, pour la première fois dans la catégorie meilleur film, en plus de six autres citations (là aussi un record dans le genre). Trois des cinq réalisateurs nommés sont étrangers (ce qui évince Bradley Cooper comme Ryan Coogler). Mais pour Spike Lee, c'est aussi sa première nomination dans les deux catégories reines (film, réalisateur)! Avec BlacKkKlansman, au total six fois nommé, il devient le 6e cinéaste afro-américain à être distingué dans la catégorie réalisateur, qui ne compte cette année aucune réalisatrice. Cannes (avec 3 films, dont la Palme d'or) et Venise (avec 2 films, dont le Lion d'or) se disputent l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

A Star is Born et Vice remportent 8 nominations chacun. Glenn Close capte sa 7e nomination, et enfin une victoire?

Des snobés

Parmi les surprises, notons les absences de Thimothee Chalamet (Beautiful Boy) et Ethan Hawke (First Reformed, pourtant nommés partout depuis 3 mois,, des actrices de films de genre (Emily Blunt et Toni Collette), mais aussi de Michael B. Jordan, Margot Robbie, Saoirse Ronan, John David Washington, Claire Foy et Nicole Kidman, de cinéastes comme Barry Jenkins et Peter Farrelly, de films attendus (mais surestimés) comme Crazy Rich Asians ou La mule (Eastwood est complètement snobé). Leave no trace ne marque pas plus de points malgré les faveurs des critiques, tout comme le documentaire à succès Won't you be my Neighbor?. First man fait aussi partie des perdants tout comme Burning évincé des films en langue étrangère comme des catégories d'interprétation.

Au moins la diversité et reine, du film en costumes au blockbuster de super-héros, du remake musical au biopic musical, de fresques sociales en noir et blanc ou en couleurs pops, du drame politique à la comédie dramatique humaniste. La liste révèle une variété de styles mais aussi de cultures (il suffit de voir les multiples nominations de Cold War, Roma, La favorite, Never Look Away ou celles dans les catégories courts métrages). C'est d'ailleurs la leçon à retenir: les films qui ont triomphé à Cannes et Venise jouent à égalité avec les productions américaines, prenant même des nominations dans des catégories reines, rendant ces Oscars plus cosmopolites que jamais.

On connaîtra les gagnants le 24 février.

Voici la liste complète des nominations:

Meilleur film
Black Panther
BlacKkKlansman
Bohemian Rhapsody
La favorite
Green Book
Roma
A Star Is Born
Vice

Meilleur réalisateur
Spike Lee, BlacKkKlansman
Pawel Pawlikowski, Cold War
Yorgos Lanthimos, La favorite
Alfonso Cuarón, Roma
Adam McKay, Vice

Meilleur acteur
Christian Bale, Vice
Bradley Cooper, A Star Is Born
Willem Dafoe, At Eternity’s Gate
Rami Malek, Bohemian Rhapsody
Viggo Mortensen, Green Book

Meilleure actrice
Yalitza Aparicio, Roma
Glenn Close, The Wife
Olivia Colman, La Favorite
Lady Gaga, A Star Is Born
Melissa McCarthy, Can You Ever Forgive Me?

Meilleur acteur dans un second rôle
Mahershala Ali, Green Book
Adam Driver, BlacKkKlansman
Sam Elliott, A Star Is Born
Richard E. Grant, Can You Ever Forgive Me?
Sam Rockwell, Vice

Meilleure actrice dans un second rôle
Amy Adams, Vice
Marina de Tavira, Roma
Regina King, Si Beale Street pouvait parler
Emma Stone, La favorite
Rachel Weisz, La favorite

Meilleur scénario original
La Favorite ; First Reformed ; Green Book ; Roma ; Vice

Meilleur scénario adapté
The Ballad of Buster Scruggs ; BlacKkKlansman ; Can You Ever Forgive Me? ; If Beale Street Could Talk ; A Star Is Born

Meilleurs décors (et direction artistique)
Black Panther ; First Man ; La favorite ; Le retour de Mary Poppins ; Roma

Meilleurs costumes
Ballad of Buster Scruggs ; Black Panther : La Favorite : Le retour de Mary Poppins ; Mary, reine d'Ecosse

Meilleurs maquillages et coiffures
Border ; Mary, reine d'Ecosse ; Vice

Meilleure photographie
Cold War ; La favorite ; Never Look Away ; Roma ; A Star is born

Meilleur montage
BlacKkKlansman ; Bohemian Rhapsody ; Green Book ; La Favorite ; Vice

Meilleur montage son
Black änther ; Bohemian Rhapsody ; First Man ; Sans un bruit ; Roma

Meilleur mixage de son
Black Panther ; Bohemian Rhapsody ; First Man ; Roma ; A Star is Born

Meilleurs effets visuels
Avengers: Infinity War ; Christopher Robin ; First Man ; Ready Player One ; Solo: A Star Wars Story

Meilleure chanson originale
“All The Stars”(Black Panther), Kendrick Lamar, SZA
“I’ll Fight” (RBG), Diane Warren, Jennifer Hudson
“The Place Where Lost Things Go” (Le retour de Mary Poppins), Marc Shaiman, Scott Wittman
“Shallow” (A Star Is Born), Lady Gaga, Mark Ronson, Anthony Rossomando, Andrew Wyatt et Benjamin Rice
“When A Cowboy Trades His Spurs For Wings” (The Ballad of Buster Scruggs), Willie Watson, Tim Blake Nelson

Meilleure musique de film
Black Panther ; BlacKkKlansman ;L'île aux chiens ; Si Beale Street pouvait parler ; Le retour de Mary Poppins

Meilleur film en langue étrangère
Capharnaüm (Liban)
Cold War (Pologne)
Never Look Away (Allemagne)
Roma (Mexique)
Une affaire de famille (Japon)

Meilleur film d’animation
Les indéstructibles 2 ; L'île aux chiens ; Mirai ; Ralph 2.0 ; Spider-Man: Into the Spider-Verse

Meilleur film documentaire
Free Solo ; Hale County This Morning, This Evening ; Minding the Gap ; Of Fathers and Sons ; RBG

Meilleur court-métrage de fiction
Detainment ; Fauve ; Marguerite ; Mother ; Skin

Meilleur court-métrage d’animation
Animal Behaviour ; Bao ; Late Afternoon ; One Small Step ; Weekends

Meilleur court-métrage documentaire
Black Sheep ; End Game ; Lifeboat ; A Night at the Garden ; Period. End of Sentence

Oscars d’honneur

Dernier tango pour Bernardo Bertolucci (1941-2018)

Posté par vincy, le 26 novembre 2018

Le réalisateur italien Bernardo Bertolucci est mort à Rome à l'âge de 77 ans, ont rapporté ce matin les médias italiens.

L'un des grands maîtres du cinéma italien, né le 16 mars 1941, a connu une consécration mondiale avec sa fresque Le dernier empereur en 1987: Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario (au total 9 Oscars), 4 Golden Globes, un César du meilleur film étranger, 3 BAFTAs... Il a été nommé deux autres fois aux Oscars, dans la catégorie du meilleur scénario adapté avec Le conformiste (deux fois primé à Berlin), et dans la catégorie réalisateur pour Le Dernier Tango à Paris.

Bertolucci, Palme d'honneur à Cannes en 2011, Lion d'or d'honneur à Venise en 2007 et European Film Award d'honneur en 2012, a écrit et réalisé 25 films - y compris documentaires - entre 1962 et 2012, signant notamment de belles épopées internationales (1900, Un thé au Sahara, Little Buddha) et des œuvres plus intimes et romantiques (Beauté volée, Innocents, Moi et toi) ou dramatiques et politiques (Le conformiste, La Tragédie d'un homme ridicule, La stratégie de l'araignée).

Donnant un nouveau souffle au cinéma italien dès la fin des années 1960, cherchant différentes voies narratives, en s'éloignant du néo-réalisme et s'approchant d'un cinéma plus clinique, Bertolucci était un esthète et un explorateur (son dernier film a été tourné en 3D). Son aura a cependant été entachée ces dernières années par les révélations de l'actrice Maria Schneider (Le dernier tango) sur les conditions de tournage d'une scène de sexe avec Marlon Brando, qu'elle a subit (à juste titre) comme un viol. La manipulation du cinéaste, avec la complicité de la star américaine masculine, ont été violemment critiquées depuis quelques années, accusant Bertolucci d'avoir détruit la jeune femme. Dans son dernier livre, Tu t'appelais Maria Schneider (Grasset), la journaliste Vanessa Schneider rédige un hommage à sa cousine comédienne, où elle détaille les séquelles psychologiques et artistiques de cette séquence sodomite humiliante.

Le succès du film est en fait un cauchemar pour l'actrice, qui ne s'en remettra jamais. Brando sort du tournage exsangue. Ce Dernier tango va hanter longtemps Bertolucci, jsuqu'à détruire sa réputation vers la fin de sa vie. C'est ironique finalement.

Car en effet, il aimait lui aussi déboulonner les statues, particulièrement celles des Commandeurs, qu'il soit un militant politique héroïque ou un empereur chinois historique. Il interroge finalement la vérité et le mensonge, l'artifice et le romantisme, la honte des uns et la gloire des autres. Là c'est le fantôme de Maria qui a renversé l'icône.

Dans ses jeux de miroirs, le cinéma de Bertolucci cherche des tonalités tantôt sensuelles tantôt oniriques, épurées ou baroques, passant de l'opéra à une nocturne. En bousculant ses personnages, qu'ils soient un occidental dans une culture orientale ou un fasciste refoulé et lâche, en les confrontant au plaisir, au crime ou à la pauvreté extrême, le réalisateur stylise une révolution intime qui rend la classe moyenne monstrueuse et les puissants intouchables.

Obsessions et dilemmes

Le fils du poète Attilio Bertolucci et frère du cinéaste Giuseppe Bertolucci, il a surtout été le cinéaste italien qui s'est emparé de la Nouvelle vague française. Innocents est une histoire de trouple en plein Mai 68 - le sexe et la révolution, deux de ses obsessions - et un énorme clin d'œil à Bande à Part et Godard. Bertolucci aimait transgresser. Il voulait choquer le bourgeois, bouleverser l'ordre social. A la fois idéologiquement et sans doute pour se rebeller contre son éducation. L'ancien assistant de Pier Paolo Pasolini (ami de son père) sur Accatone et co-scénariste d'Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, était un marxiste, fasciné par l'Histoire et le communisme (Le dernier empereur et 1900 en sont les plus belles preuves épiques).

Mais qu'on soit jeune étudiant ou patron d'usine, veuf partagé entre les pulsions sexuelles ou l'aspiration à mourir ou empereur de naissance impuissant à résister aux flux de l'Histoire, le cinéma de Bertolucci est avant tout celui des dilemmes: ses personnages sont toujours partagés entre deux mondes, deux visions, deux sentiments. Leur quête existentielle ou identitaire, amoureuse ou intellectuelle, est le moteur de tous ses récits, fondés sur les conflits (parents/enfants, patron/ouvrier, mari/femme, pouvoir/exploité...), en bon marxiste.

Malgré cela, sa filmographie, après Le dernier empereur et son sacre mondial, évolue vers de nouveaux horizons. Il ne délaisse pas le libertinage et ce libéralisme des mœurs qui le tentent tant, il n'abandonne pas la chair et le désir (Beauté volée, Shandurai) ni les idéaux dans un monde où le communisme s'efface. Il est même assez nostalgique d'une Révolution, qui n'a finalement pas eu lieu, mais dont il s'est approché, pour ne pas dire avec laquelle il a flirté. Ses derniers films sont davantage dans la réconciliation (rien que dans les titres de ses films). Après la douce mort d'Un thé au Sahara, on le suit dans chemins de sagesse de Siddhartha dans Little Buddha, pour aboutir à une folle utopie érotisante et cinéphile dans The Dreamers (Innocents) et un mélange d'espoir et de dignité dans son ultime œuvre, Moi et toi.

Le réalisateur aimait chercher ses limites, montrer les lignes rouges (et parfois les dépasser). Adversaire de la censure, combattant des films à message, nostalgique d'une rêverie communiste, il espérait que sa génération allait changer le monde. De la même manière qu'il essayait de changer le cinéma. Il voulait expérimenter formellement mais il poursuivait surtout l'envie de aire un cinéma aussi sincère qu'intelligent, même si, en apparence, cela semblait plastique, méniéré, esthétisé. Il en reste finalement un cinéma qui fait une équation entre la transmission et l'héritage. Les personnages y sont déjà condamnés, enfermés dans leur statut (social, personnel, psychologique). Ils sont "conditionnés" et la fin n'est jamais très claire. "J'aime que les fins de films soient ambigües, parce que c'est ainsi dans la vie réelle" disait-il.