[We miss Cannes] Ces 14 films qui auraient mérité la Palme d’or

Posté par redaction, le 24 mai 2020

Ils ont souvent un prix au palmarès (grand prix du jury, mise en scène...) mais ont loupé la Palme malgré l'enthousiasme des festivaliers et des critiques. Des Palmes du cœur. Ils ont aussi marqué leur époque, la carrière du réalisateur, et sont restés parmi les meilleurs films de leur filmographie. Recevant par la suite Oscars, European Film Awards, César, Donatello ou Goyas comme pour les consoler d'avoir été éconduits. Ces films n'ont pas été palmés mais l'histoire du cinéma les a retenus. Ils sont restés ancrés dans la mémoire. Sélection non exhaustive et purement subjective.

Les ailes du désir de Wim Wenders (1987). Prix de la mise en scène. Face à la Palme Sous le soleil de Satan (méritée aussi disons-le). Une deuxième Palme pour Wenders n'aurait pas été superflue.

Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore (1989). Grand prix du jury. Face à la Palme Sexe, mensonges et vidéos (un peu surévaluée aujourd'hui). Une Palme italienne pour cet hommage au cinéma...

Retour à Howards End de James Ivory (1992). Prix du 45e festival. Face à la Palme Les meilleures intentions (sans doute la Palme la moins explicable de l'histoire). Une Palme pour James Ivory au sommet de son art...

Tout sur ma mère de Pedro Almodovar (1999). Prix de la mise en scène. Face à la Palme Rosetta (qui ne plaira qu'aux fans du cinéma des Dardenne). La Palme qu'aurait du recevoir Almodovar depuis plus de vingt ans.

In the Mood for love de Wong Kar-wai (2001). Prix d'interprétation masculine. Face à la Palme Dancer in the Dark (on avoue : c'était un choix cornélien pour l'époque). Mais si Von trier aurait pu la mériter pour Breaking the Waves en 1996, des deux films cette année-là, le plus audacieux et singulier, et le plus beau, était celui du hong-kongais.

Mulholland Drive de David Lynch (2002). Prix de la mise en scène ex-aequo. Face à la Palme Le Pianiste (beaucoup trop classique à notre goût). Une deuxième Palme pour Lynch, véritable maître qui osait seul un cinéma plus expérimental et exigeant.

Old boy de Park Chan-wook (2003). Grand prix du jury. Face à la Palme Elephant (méritée bien sûr, mais rappelons-le, un film pour la TV à l'origine). Ça aurait été la première palme sud-coréenne, et pour un film de genre.  De quoi être précurseur, 16 ans avant Parasite.

Les lumières du faubourg d'Aki Kaurismäki (2006). Grand prix du jury. Face à la Palme Le vent se lève (certes un grand film de Ken Loach). Le cinéaste finlandais n'a jamais été consacré à la hauteur de son talent et de son humanisme.

Inglourious Basterds de Quentin Tarantino (2009). Prix d'interprétation masculine. Face à la Palme Le ruban blanc (toujours cette distinction entre grand film de 7e art et grand film populaire). Une deuxième Palme pour Tarantino aurait été de trop? Pas sûr, tant il est l'un des rares cinéastes hollywoodiens à encore être un auteur.

Drive de Nicolas Wending Refn (2011). Prix de la mise en scène. Face à la Palme The Tree of Life ( grande œuvre cinématographique, mais moins culte avouons-le). Elle aurait eu de la gueule cette Palme pop, entre film de genre et hommage vintage aux eighties.

La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino (2013). Aucun prix. Face à la Palme La vie d'Adèle (évidemment incontestable, ce qui est d'autant plus cruel). Le plus surprenant est que ce film qui a tant marqué cette année de cinéma fut oublié du palmarès. Mais une Palme italienne pour ce portrait d'une civilisation décadente aurait été dans l'air du temps.

Still the Water de Naomi Kawase (2014). Pas de prix. Face à la Palme Winter Sleep (summum de l'académisme pesant). Avec Jane Campion à la présidence du jury, on aurait pu imaginer une deuxième réalisatrice palmée. Que nenni. le plus beau film de la cinéaste japonaise, entre sensualité et deuil, est reparti bredouille.

Toni Erdmann de Maren Ade (2016). Pas de prix. Face à la Palme Moi, Daniel Blake (choix clairement trop facile dans une compétition de haut niveau). De toutes les réalisatrices sélectionnées à Cannes, on ne comprendra jamais l'absence de Marin Ade au tableau d'honneur. D'autant que son film proposait une vision vraiment audacieuse de la femme et du monde moderne, en nous surprenant toujours.

120 battements par minute de Robin Campillo. Grand prix du jury. Face à la Palme The Square (déjà oublié, sans doute trop élitiste et vaniteux). On le sait, c'était le choix du président, Almodovar. Ce sera un regret pour tout le monde. De loin le film le plus bouleversant cette année-là.

No mercy en DVD : nouvelle variation sur le thème de la vengeance

Posté par MpM, le 22 novembre 2010

Présenté dans le cadre de la carte blanche à Alejandro Jodorowsky lors de l'Etrange festival 2010, No mercy de Kim Hyoung-jun s'était vu qualifié par Jodorowsky lui-même de "tragédie adulte, démentiellement raffinée, avec un final digne de tous [ses] respects." Il est vrai que ce thriller coréen crépusculaire, sorti en DVD le 17 novembre dernier, s'inscrit dans la lignée d'un certain cinéma coréen actuel jouant avec les nerfs et l'imaginaire de son spectateur, à l'image de The chaser de  Na Hong-jin ou Memories of a murder de Bong Joon-ho.

Le créneau de No mercy est plus spécifiquement celui du film de vengeance, et il lorgne d'ailleurs assez ouvertement du côté de Park Chan-wook et plus précisément de Old boy, inoubliable grand prix cannois et en passe d'être refait sauce hollywoodienne. Trop ouvertement, probablement, car il laisse de ce fait rapidement entrevoir son jeu, à savoir la mise en place d'un piège infernal dépassant largement la simple enquête policière. On s'attend notamment trop au twist final pour ne pas être un peu déçu lorsqu'il finit par arriver.

Le scénario ménage malgré tout divers rebondissements qui génèrent une tension grandissante. Le mise en scène, elle, parait plus en retrait, très loin de l'élégance choc de Old boy. Pour compenser cette absence d'inventivité et la torpeur de l'ensemble, Kim Hyoung-jun se contente de plaquer une musique trépidante sur les séquences d'action. On peut en concevoir une certaine frustration, et même l'impression que l'intrigue n'avance pas, mais ce rythme inégal permet de renforcer l'isolement du personnage principal. Ce dernier ne cesse de parcourir la ville à la recherche de son salut. Or, plus il essaye d'agir, plus il s'englue dans une situation qui le dépasse. Comme un insecte pris dans une toile d'araignée, et que chaque geste rapproche de sa fin.

Décidément, la vengeance et ses raffinements complexes (voire pervers) sont une inépuisable source d'inspiration pour les réalisateurs de polar, et plus encore semble-t-il pour toute une veine du cinéma asiatique obsédée par la notion de faute originelle qui finit toujours par vous rattraper. Dans le plus pur esprit de la tragédie, les êtres humains deviennent de lamentables jouets entre les mains du destin. Le professeur Kang passe ainsi d'un dilemme à un autre, où il s'agit toujours de choisir entre son éthique professionnelle et son bonheur personnel. Non seulement le choix est impossible, mais en plus il est toujours mauvais. Lorsque le héros s'en rend compte, il est bien évidemment trop tard. Et le dénouement final laisse le spectateur frémissant :  qu'aurait-on fait à sa place ?

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No mercy de Kim Hyoung-jun
Avec : Sul Kyung-gu, Ryoo Seung-bum, Han Hye-jin...
En DVD depuis le 17 novembre (CTV international)