La sulfureuse pirate Nelly Kaplan largue les amarres (1931-2020)

Posté par kristofy, le 12 novembre 2020

Nelly Kaplan a succombé à ce satané Covid-19 qui a mis fin à ses 89 ans : elle était l'une des doyennes parmi les réalisatrices. Sa carrière a débuté à une époque où il y avait très peu de femmes qui faisaient du cinéma. Elle est arrivée en France avec ses vingt ans et une passion pour le 7ème art. Elle devient vite l'assistante d'Abel Gance. Nelly Kaplan le glorifiera à travers deux documentaires: en 1963 avec Abel Gance, hier et demain et en 1983 avec Abel Gance et son Napoléon. Elle écrira des livres sur ce réalisateur dont l'œuvre monumentale s'étale de 1911 à 1971. Avec lui, la romancière, essayiste, scénariste, documentariste et scénariste s'intéresse autant au développement de projets qu'aux diverses machines de tournage et de montage. Son autre complice sera le producteur Claude Makovski (décédé ce mois d'août) avec qui ils vont monter ensemble une société de production, Cythère films. Nelly Kaplan veut produire et réaliser, ce qu'elle fait déjà depuis quelques années avec des courts-métrages et des documentaires (dont Le Regard Picasso en 1967 qui gagnera un Lion d'or à Venise).

Son premier long-métrage en 1969, fin d'époque de la 'Nouvelle Vague', va faire sensation. La fiancée du pirate , avec une Bernadette Laffont au sommet de son art, va devenir culte, par son esprit de liberté, son insolence, sa férocité et sa poésie. Cette satire anticonformiste et féministe s'attaque aux conventions bourgeoises dans l'esprit idéologique de l'époque, tout en restant un film populaire et d'apparence romantique. On retient aussi sa musique, avec "Moi, je me balance", de Georges Moustaki et interprétée par Barbara... Avec son personnage amoral et libertaire, dans un style entre art brut et surréalisme, elle fait le portrait d'une femme de son temps, émancipée, dans une époque contraignante et coincée. Le film est alors interdit aux moins de 18 ans. Il faudra attendre vingt ans pour qu'il soit considéré comme grand public.

Nelly Kaplan en plus d'être réalisatrice était écrivaine de romans d'où transpirait beaucoup d'érotisme (d'ailleurs son troisième film Néa est une déclinaison des succès des Emmanuelle). Elle écrivait sous pseudos certaines de ses nouvelles sulfureuses: Mémoires d'une liseuse de draps, chez Pauvert, en 1974, signé Belen, fut censuré et interdit de diffusion.

Retour sur quelques films de Nelly Kaplan :

Abel Gance, hier et demain, 1963 : ce documentaire valorise les différentes recherches techniques de Abel Gance à propos du travelling, de la surimpression d’images, de stéréophonie, et de la polyvision.

La Fiancée du pirate, 1969 : Bernadette Lafont vend ses charmes aux notables de la ville, ils sont se cachent tous d'être ses clients mais publiquement ils veulent la chasser... On y voit un enterrement très aviné. Son histoire à la fois féministe et libertaire est si subversive que Nelly Kaplan en assure elle-même la production. Le film ira au Festival de Venise et deviendra un succès.

Papa les petits bateaux, 1971 : Autour de Sheila White il y a Michel Bouquet, Sydney Chaplin, Michel Lonsdale, Pierre Mondy, Catherine Allegret. Une bande de bandits pas doués kidnappent la fille d’un riche armateur, mais celle-ci leur en fait voir de toutes les couleurs. Une bande rivale est attirée aussi par la rançon, mais c’est aussi le cas de la victime. Un jardin va se remplir de cadavres…. Cette comédie avec une trame de film noir parodique est une curiosité.

Il faut vivre dangereusement, 1975 : Nelly Kaplan est à l'écriture et à la production, mais la réalisation est de son partenaire artistique Claude Makovski. On y suit Claude Brasseur en détective-privé qui accepte un travail de filature d’une femme soi-disant infidèle, Annie Girardot. En fait il s'agit de plusieurs personnes qui convoitent un gros diamant précieux.

Charles et Lucie, 1980 : C'est l'autre grand film de Nelly Kaplan qui se tourne vers un drame plus sérieux, et une chronique douce-amère sur le couple, avec Daniel Ceccaldi et Ginette Garcin. Un antiquaire peu débrouillard et une gardienne d’immeuble perdent le peu qu’ils avaient, victimes d’escrocs qui leur ont raconté une histoire de gros héritage fantôme. Dans leur malheur le couple va rencontrer toutes sortes de gens et leur union en sortira renforcée. Ce film sa séduit jusqu'aux Etats-Unis.

Plaisir d'amour, 1990 : Pierre Arditi est une sorte de Don Juan qui veut séduire trois femmes à la fois, sans se douter qu’en fait ce sont elles qui se jouent de lui (avec Françoise Fabian et Dominique Blanc). Une ronde des sentiments qui a été le dernier film réalisé par Nelly Kaplan, qui se consacrera désormais à l'écriture de scénarios

Abel Gance et son Napoléon, 1983 : Napoléon a été un énorme film et reste l'une des œuvres incroyables d'Abel Gance, avec une durée de plus de 5 heures ! Les évolutions de ce projet d'une ampleur inédite en 1927 sont racontées ici dans cette sorte de making-of passionnant.

Ces films qui représentent l'oeuvre de Nelly Kaplan avait été regroupés dans un coffret dvd chez Potemkine.

Cannes 2020: la sélection Cannes Classics, et un avant-goût du Festival Lumière

Posté par vincy, le 15 juillet 2020

La sélection Cannes Classics sera présentée, en grande partie, au festival Lumière de Lyon (10-18 octobre), puis aux Rencontres cinématographiques de Cannes (23-26 novembre).

25 longs métrages de fictions et sept documentaires qui composent un panorama éclectique du patrimoine cinématographique mondial, avec en exergue les 20 ans d'In the Mood for Love de Wong Kar-wai. mais aussi un Pasolini, le centenaire de Fellini, les 60 ans de deux grands classiques, et pas mal de films méconnus.

In the Mood for love (2000, 1h38, Hong Kong) de Wong Kar-wai, prix interprétation masculine en 2000 pour Tony Leung
Sortie en France le 2 décembre 2020.

Friendship’s Death (1987, 1h12, Royaume-Uni) de Peter Wollen, qui marque le premier grand rôle de Tilda Swinton au cinéma.

The Story of a Three-Day Pass (La Permission) (1968, 1h27, France) de Melvin Van Peebles

Lyulskiy dozhd (Pluie de juillet / July Rain) (1966, 1h48, Russie) de Marlen Khutsiev

Quand les femmes ont pris la colère (1977, 1h15, France) de Soizick Chappedelaine et René Vautier
Sortie en France en 2021.

Préparez vos mouchoirs (Get Out Your Handkerchiefs) (1977, 1h50, France) de Bertrand Blier

Hester Street (1973, 1h30, États-Unis) de Joan Micklin Silver

Ko to tamo peva ? (Qui chante là-bas ? / Who’s Singing Over There ?) (1980, 1h26, Serbie) de Slobodan Šijan
Sortie en France le 21 octobre 2020.

Prae dum (Black Silk) (1961, 1h58, Thaïlande) de R.D. Pestonji

Zhu Fu (New Year Sacrifice) (1956, 1h40, Chine) de Hu Sang

Feldobott ko (La Pierre lancée) (1968, 1h25, Hongrie) de Sándor Sára

Neige (1981, 1h30, France) de Juliet Berto et Jean-Henri Roger
Sortie en France au printemps 2021.

Bambaru Avith (The Wasps Are Here) (1978, 2h, Sri Lanka) de Dharmasena Pathiraja

Bayanko: Kapit sa patalim (Bayan Ko) (1984, 1h48, Philippines / France) de Lino Brocka
Sortie en France en février 2021.

La Poupée (1962, 1h34, France) de Jacques Baratier
Sortie en France encore non communiquée.


Sanatorium pod klepsydra (La Clepsydre / The Hourglass Sanatory) (1973, 2h04, Pologne) de Wojciech J. Has
Sortie en France en mai 2021.

L’Amérique insolite (America as Seen by a Frenchman) (1959, 1h30, France) de François Reichenbach

Deveti krug (Neuvième cercle / The Ninth Circle) (1960, 1h37, Croatie) de France Štiglic

Muhammad Ali the Greatest (1974, 2h03, France) de William Klein

La Film Foundation de Martin Scorsese fête ses 30 ans

Accattone (Accatone) (1961, 1h57, Italie) de Pier Paolo Pasolini

Shatranje bad (The Game Chess of the Wind) (1976, 1h33, Iran) de Mohammad Reza Aslani

Federico: 100 ans !

La strada (1956, 1h48, Italie) de Federico Fellini

Luci del varietà (Les feux du music-hall) (1950, 1h37, Italie) d’Alberto Lattuada et de Federico Fellini

Fellini degli Spiriti (Fellini of the Spirits) d’Anselma dell’Olio (1h40, Italie / Belgique)

Les 60 ans d’À Bout de souffle et de L’Avventura

À Bout de souffle (Breathless) (1960, 1h29, France) de Jean-Luc Godard
Sortie en France en automne 2020. Sortie vidéo le 4 novembre 2020.

L’Avventura (1960, 2h20, Italie / France) de Michelangelo Antonioni
Sortie en France en novembre 2020.

Les documentaires 2020

Wim Wenders, Desperado d’Eric Friedler et Andreas Frege (2h, Allemagne)

Alida (Alida: In Her Own Words) de Mimmo Verdesca (1h45, Italie)

Charlie Chaplin, le génie de la liberté (Charlie Chaplin, The Genius of Liberty) de François Aymé et Yves Jeuland, réalisé par Yves Jeuland (2h25, en deux parties : 1h05 et 1h20, France)

Be Water de Bao Nguyen (1h44, États-Unis)

Belushi de R.J. Cutler (1h48, États-Unis)

Antena da raça de Paloma Rocha et Luís Abramo (1h20, Brésil)

Anna Karina, aventurière et icône (1940-2019)

Posté par vincy, le 15 décembre 2019

Son visage était inoubliable. La pâleur nordique de sa peau? La finesse de ses traits renforcée par sa chevelure brune? Ses yeux bleus-gris dans lesquels on se perdait? Anna Karina est née plusieurs fois. Le 22 septembre 1940 à Solbjerg, au Danemark, sous le nom de Hanne Karin Bayer. Coco Chanel l'a rebaptisée, quand elle était mannequin, en 1957. Jean-Luc Godard l'a révélée dès leur premier film ensemble, Petit soldat, film censuré, en 1960. Et en 1968, elle est la voix d'une chanson de Serge Gainsbourg, "Sous le soleil exactement".

Un itinéraire fulgurent. Muse, égérie, épouse de Godard, elle incarne la Nouvelle Vague, cette France révolutionnaire et intellectuelle des années 1960. Elle a été immortalisée dans Pierrot le fou, avec Belmondo, où elle balançait "Qu'est-ce que j'peux faire? J'sais pas quoi faire...". Le symbole de l'ennui, à répétition. Ils ont tourné sept films ensemble, dont Alphaville, Vivre sa vie, Bande à part et Une femme est une femme, qui lui faut un Ours d'argent de la meilleure actrice à Berlin en 1962.

Entrevue avec Anna Karina

Godard-Karina, c'est une histoire d'A qui finit mal. Elle perd leur enfant et ce deuil enterre leur mariage. Il était compliqué, souvent absent. Ils ne se sont plus parlés depuis 20 ans.

Mais résumer Anna Karina à Godard serait injuste. Elle tourne pour d'autres cinéastes en France et à l'étranger, et pas des moindres: Michel Deville (Ce soir ou jamais, Tendres requins), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7), Chris Marker (Le Joli Mai), Roger Vadim (La Ronde), Jacques Rivette (Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot), Luchino Visconti (L'Étranger), Volker Schlöndorff (Michael Kohlhaas), George Cukor (Justine), Tony Richardson (La Chambre obscure)...

En 1973, elle réalise son premier film, Vivre ensemble, histoire d'amour sur fond de drogue et d'alcool, avec Michel Lancelot et Jean Aurel, et qui ressort en 2017, avec un événement hommage à Anna Karina au Festival Lumière. "C'est un portrait de l'époque de ma jeunesse. J'ai vu des gens autour de moi sombrer et mourir", avait-elle dit à l'AFP. Surtout, dans un milieu cinématographique encore machiste, elle s'affranchit des hommes, devenant la première comédienne à réaliser un long-métrage. Elle avait d'ailleurs utilisé un pseudonyme masculin pour déposer une demande d'aide au CNC.

"Tous les comédiens qui veulent comprendre le travail de metteur en scène devraient en effet essayer de tourner leur propre film, ne serait-ce qu’un court métrage, pour se rendre compte de ce que c’est. De la même manière, tous les metteurs en scène devraient jouer la comédie au moins une fois pour voir que ce n’est pas si simple. Ca leur permettrait de comprendre les difficultés du métier, et l’angoisse de l’acteur. Ils verraient qu’il faut être toujours tendre avec un acteur, car cela ne sert à rien de l’engueuler, à part empirer les choses…" confiait-elle à Ecran Noir.

A partir de cette époque, sa carrière devient plus iconoclaste, voire erratique. Elle tourne toujours, sans pause jusqu'au milieu des années 1990: Pain et Chocolat de Franco Brusati, Roulette chinoise de Rainer Werner Fassbinder, L'Ami de Vincent de Pierre Granier-Deferre, L'Île au trésor de Raoul Ruiz, Dernier Été à Tanger d'Alexandre Arcady, Cayenne Palace d'Alain Maline, qui lui vaut sa seule nomination aux César, Haut bas fragile de Jacques Rivette... Elle croise aussi Benoît Jacquot à ses débuts, en 1976 pour lequel elle tourne un court-métrage (Misère musique) et son premier long, L'Assassin musicien. Elle co-écrit également le scénario de Last Song de Dennis Berry, son ultime époux. Elle fait l'une de ses dernières apparitions en 2003 dans Moi César, 10 ans ½, 1m39 de Richard Berry.

Anna Karina tourne aussi pour la télévision - La Dame des dunes de Joyce Buñuel, Chloé de Dennis Berry -, joue au théâtre - Il fait beau jour et nuit de Françoise Sagan, Après la répétition d'Ingmar Bergman -, écrit des romans et des contes musicaux pour enfants...

En 2008, elle revient derrière la caméra. Victoria est un road-movie musical sur des airs de Philippe Katerine. Ils ne se quittent plus. le plus punk des chanteurs français trouve dans la folie et la fragilité de l'ex héroïne des sixties une sorte de double magique. Il lui écrit un album, Une histoire d'amour en 2000, avec un duo, "Qu'est-ce que je peux faire", qui fait écho à Pierrot le fou. En 2018, c'est une compilation de ses chansons pour le cinéma, Je suis une aventurière, qui la met de nouveau en lumière.

On y retrouve évidemment son plus gros tube, Sous le soleil exactement, écrite pour elle par Serge Gainsbourg. C'est d'ailleurs cette chanson que l'on entend dans La Vérité sur Charlie (The truth about Charlie) de Jonathan Demme, remake de Charade, où elle fait une belle apparition. La vérité sur Anna est sans doute dans ce mystère qu'elle savait conserver tout en étant franche et sincère, attachante et vulnérable. Insaisissable, mais inoubliable. Une aventurière libre, qui n'a jamais flanché malgré les coups du sort du destin.

Anna Karina était belle. Mais cela ne suffit pas à expliquer l'effet qu'elle produisait en apparaissant à l'écran. Il y avait une vitalité, une profondeur qui nous faisaient chavirer. Elle savait poser, et elle posait souvent, suspendant notre regard fixé sur le sien. Elle était un corps, un geste, un visage en gros plan qui envahissaient l'image.

Dans Alphaville on entend ainsi Éluard : "Tes yeux sont revenus d'un pays arbitraire, Où nul n'a jamais su ce que c'est qu'un regard". L'aventure, la vie et l'amour comme un tripode la définissant.

Cannes 2018 : Nos retrouvailles avec Jean-Luc Godard

Posté par MpM, le 10 mai 2018

La 71e édition du Festival de Cannes sera godardienne ou ne sera pas. Cinquante ans après le fameux festival 1968 qu’il contribua à faire arrêter, le doyen des cinéastes de la Nouvelle vague est de retour sur la Croisette, avec à la fois une affiche tirée d’un de ses films (Pierrot le fou) et un long métrage en compétition, Le livre d'image.

Si l’on sait qu’il ne sera pas personnellement présent à Cannes (il s’en était clairement expliqué lors de sa dernière sélection en 2014), son ombre planant sur le tapis rouge a quelque chose de forcément ultra symbolique, surtout en cette année anniversaire des révoltes étudiantes et ouvrières de Mai 68.

D’autant que Jean-Luc Godard et Cannes, c’est une histoire longue et mouvementée qui court elle-aussi sur un demi-siècle. Le Festival est totalement passé à côté des chefs d'œuvre du cinéaste et, c’est difficile à croire, n’avait remarqué ni A bout de souffle (Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin), ni Pierrot le fou (sélectionné à Venise), ni Le mépris, ni Alphaville (Ours d’or à Berlin), ni La Chinoise (sélectionné à Venise)… ni aucun des films de la prolifique période 1960-1968.

Alors, c’est vrai, le réalisateur avait fait sa première incursion dans la course à la palme d’or en 1962, grâce à Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, dans lequel il apparaît. Mais en réalité, il aura fallu attendre 1970, et un film relativement mineur, Vent d’Est, pour que Godard soit sélectionné à Cannes avec l’une de ses œuvres. Et encore : pas en compétition officielle, mais à la Quinzaine. C'est un début.

Les années suivantes, on le retrouve dans la section « Perspectives du cinéma français » (qui n’existe plus aujourd'hui) : en 1976 avec Comment ça va et en 1977 avec Ici et ailleurs. Enfin, Gilles Jacob répare « l’oubli » (le manque absolu de discernement ?) dont il avait été victime en invitant enfin Godard en sélection officielle en 1980 avec Sauve qui peut (la vie). Suivront Lettre à Freddy Buache (Un Certain regard, 1982), Passion (Compétition, 1982), Détective (Compétition, 1985), Aria (Compétition, 1987), Histoires du Cinéma (Séance spéciale, 1988), Nouvelle vague (Compétition, 1990), Histoire(s) du cinéma (Un Certain regard, 1997), Eloge de l’amour (Compétition, 2001) ou encore Notre musique (Hors Compétition, 2004).

Au milieu des années 2000, il devient un habitué de la sélection Cannes Classics, où sont montrés Moments choisis des Histoire(s) du cinéma (2005), Loin du Vietnam (2009), Pierrot le fou (2009), Masculin féminin (2016) et même Paparazzi de Jacques Rozier en 2017, un court métrage qui relate le tournage du Mépris.

Comme pour se rattraper de l’indifférence des premières années, Cannes semble ne plus pouvoir se passer de Godard, et continue en parallèle des classiques à inviter méticuleusement chacun de ses nouveaux films : en 2010, Film socialisme est à Certain Regard, en 2014, Les ponts de Sarajevo est montré en séance spéciale et Adieu au langage en compétition (il rafle un prix du jury ex-aequo avec Xavier Dolan, tout un symbole).

Et même quand il n’a pas de longs métrages à présenter, Godard réussit à s’inviter dans la grand messe cannoise : en 2013, son court métrage The three disasters est en clôture de la Semaine de la Critique dans le cadre du programme 3X3D aux côtés de Peter Greenaway & Edgar Pêra. En 2016, l’affiche de la sélection officielle est tirée du Mépris. En 2017, il est carrément le personnage principal du Redoutable de Michel Hazanavicius.

Certains fustigent d’ailleurs l’image comico-ridicule que donne de lui le film, et s’insurgent de cette pochade qui s’attaque à leur idole. Le livre d'image sera-t-il une forme de droit de réponse ? Un nouveau virage dans la carrière du réalisateur ? La poursuite de ses expérimentations des dix dernières années ? Peu de choses ont transpiré sur le film, mais il figure probablement parmi les plus attendus de ces dix jours. Parce que Cannes s’essouffle, le cinéma s’étiole, la critique se meurt, mais l’effet Godard, lui, n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction.

Raoul Coutard (1924-2016) éteint la lumière

Posté par vincy, le 9 novembre 2016

Le chef-opérateur Raoul Coutard est décédé mardi soir, le 8 novembre 2016, à l'âge de 92 ans près de Bayonne. Il avait été le directeur de la photographie de films de référence comme Jules et Jim, La peau douce, La mariée était en noir et Tirez sur le pianiste de François TruffautLa 317e section et Le crabe-tambour de Pierre Schoendoerffer, Lola de Jacques Demy ou encore L'aveu et Z de Costa-Gavras. Sa filmographie comporte au total 65 films signés De Broca, Molinaro (L'Emmerdeur ), Rouch, Oshima (Max mon amour), Dembo (La diagonale du fou), Mocky, Pinheiro (Ne réveillez pas un flic qui dort), Nicloux et sur la fin de sa carrière Philippe Garrel, avec qui il a collaboré sur trois films.

Evidemment son destin est surtout lié à celui de Godard (15 films au total ensemble) dont À bout de souffle, Une femme est une femme, Bande à part, Alphaville, Made in USA, La chinoise, Prénom Carmen, et surtout Le mépris et Pierrot le Fou.

Né à dans le Marais, à Paris, le 16 septembre 1924, Raoul Coutard, qui n'avait pas pu financer ses études de chimiste, ancien sergent dans l'infanterie pendant la guerre d'Indochine avant de devenir photographe aux armées puis photographe-reporter pour Paris Match et Life, a d'abord rencontré Pierre Schoendoerffer à Hanoï en 1952, avec qui il se lie pour ses premiers pas cinématographiques. "Nous avons très vite conclu un pacte entre nous : le premier qui arriverait à entrouvrir la porte du cinéma y entraînerait l'autre !", racontait le cinéaste dans un livre il y a quelques années.

Beauregard impose Coutard à Godard

En 1959, À bout de souffle marque la naissance de la Nouvelle Vague. Le producteur Georges de Beauregard, qui voulait faire des films bon marché, avec des tournages rapides. Il impose Coutard à Godard. Sans savoir que leur "liaison" serait l'une des plus marquantes du 7e art. "Pour moi, la rencontre décisive, ce fut Godard. À bout de souffle, qui devait être n'importe quoi, fut une entrée dans la vie professionnelle", expliquait Raoul Coutard à Libération. Il tourne caméra à l'épaule avec une lumière blanche: à l'époque, c'est révolutionnaire.

S'il s'est éloigné de Godard, c'est un peu à cause de Mai 68 - Coutard n'est pas franchement gauchiste. On a souvent associé son travail au noir et blanc, pas très propre, froid comme l'hiver, naturaliste au maximum. Il cherchait une vérité, celle de la lumière, celle du réel. Ses expériences sur les terrains de bataille de l'Indochine, en tant que photographe, lui avaient appris à travailler rapidement. La caméra à l'épaule était une manière libre de faire du cinéma, qui correspondait à ce qu'il savait faire avec un appareil photo. Mais il ne faut pas oublier que c'était un esthète, un maître des couleurs aussi. Des couleurs franches, saturées, des explosions de bleu et de rouge.

Honoré à Hollywood, primé à Cannes, Venise et aux César

Le cinéma, il y est entré plus pour l'argent que pour une passion quelconque. Mais sa légende était scellée dès ce petit film de Godard où un voyou incarné par un jeune premier au nez cassé et une garçonne américaine tombaient amoureux sur les Champs-Elysées. Terriblement moderne avant l'heure, le chef op' s'était raconté dans L'Impériale de Van Su - Ou comment je suis entré dans le cinéma en dégustant une soupe chinoise, mémoires publiées il y a près de dix ans.

Il avait été distingué par 1un International Award de l'American Society of Cinematographers, un César pour Le Crabe-Tambour (et une nomination pour Prénom Carmen), un prix de la meilleure première œuvre à Cannes et le prix Jean-Vigo, en tant que cinéaste, pour Hoa-Binh en 1970, le Grand prix de la technique à Cannes pour Passion et le même prix à Venise pour Prénom Carmen.

Car Raoul Coutard avait aussi réalisé. Outre Hoa-Binh, sur la guerre d'Indochine, il avait signé La légion saute sur Kolwezi (1980) et S.A.S à San Salvador (1982).

Il affirmait qu'"un film est bon quand on sort du cinéma complètement sonné ; on ne sait pas ce qui nous arrive ; on ne sait plus si on a dîné, où on a garé sa voiture ; on veut rester seul à y réfléchir. Pour moi, c’est ça, la définition d’un grand film."

Belmondo et Skolimowski recevront un Lion d’or d’honneur à Venise

Posté par vincy, le 14 juillet 2016

Jean-Paul Belmondo et le cinéaste polonais Jerzy Skolimowski, deux grands talents cinématographiques qui ont été des symboles de la Nouvelle vague, recevront un Lion d'or pour l'ensemble de leur carrière au 73e Festival de Venise (31 août-10 septembre).

Le conseil de direction a décidé de remettre à partir de cette année pour chaque édition du Festival deux Lion d'or, l'un à un acteur ou une actrice, l'autre à un réalisateur ou producteur.

Jean-Paul Belmondo, déjà récompensé à Cannes avec une Palme d'or d'honneur, a commencé sa carrière avec Claude Chabrol (A double tour) et Jean-Luc Godard (A bout de souffle) à la fin des années 1950. Pierrot le fou (photo) sera d'ailleurs présenté à Venise, où le film recevra le Prix de la critique. Il a joué dans quelques uns des plus grands succès populaires français (très exportés) mais aussi pour des cinéastes aussi divers que Truffaut, Resnais, Melville, De Broca, Verneuil, Lelouch, Sautet ou encore Zidi, Oury, Giovanni, Malle ou De Sica. "Grâce à son visage fascinant, son charme irrésistible et sa versatilité extraordinaire, il a joué dans des drames, des films d'aventures et des comédies, faisant de lui une star universellement respectée aussi bien par des cinéastes engagés que dans du cinéma d'évasion" explique le communiqué du festival.

Deux fois cité aux BAFTAs comme meilleur acteur dans les années 1960, Bébel, l'homme au 130 millions de spectateurs, a reçu un César pour son rôle dans Itinéraire d'un enfant gâté.

Le directeur du festival Alberto Barbera explique que “Jerzy Skolimowski est l'un des représentants les plus évidents du cinéma moderne nés durant les nouvelles vagues des sixties. Lui et Roman Polanski ont contribué au renouveau du cinéma polonais à cette époque." Il avait d'ailleurs écrit le scénario du premier film de Polanski, Le couteau dans l'eau. Peintre, acteur (Eastern Promises de David Cronenberg, Before Night Falls de Julian Schnabel, Mars Attacks! de Tim Burton, The Avengers de Joss Wheldon), il a réalisé une vingtaine de films dont Le Départ (Ours d'or), Le cri du sorcier (Grand prix du jury à Cannes), Travail au noir (prix du scénario à Cannes), Le bateau phare (Prix spécial du jury à Cannes), Quatre nuits avec Anna (Prix spécial du jury à Tokyo) et Essential killing (Prix spécial du jury à Venise).

Cannes 2016: Une Palme d’or d’honneur pour Jean-Pierre Léaud

Posté par vincy, le 10 mai 2016

Une Palme d'or d'honneur sera décernée à l'acteur Jean-Pierre Léaud lors de la Cérémonie de clôture du Festival de Cannes, le 22 mai. Il succède à Agnès Varda , Clint Eastwood, Manoel de Oliveira, Woody Allen, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Jane Fonda et Bernardo Bertolucci.

C'est à Cannes que Léaud est né puisqu'à 14 ans, en 1959, il monte les marches avec son mentor François Truffaut pour son premier film, Les 400 Coups. Eternel Antoine Doinel, on le voit grandir dans Antoine et Colette (1962), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) ou L'Amour en fuite (1979). Grand habitué du Festival où plusieurs de ses films ont été en compétition, Léaud n'a jamais reçu de prix à Cannes comme ailleurs, hormis un César d'honneur en 2000.

Acteur-égérie de la nouvelle vague, il joue dans 5 films de Jean-Luc Godard et devient même son assistant-réalisateur (Pierrot le fou, Alphaville) comme il le fut pour Truffaut (La Peau douce).

Jean-Pierre Léaud tourne peu mais souvent avec de grands cinéastes: Jean Cocteau (Le testament d'Oprhée), Jean Duviver (Boulevard), Bernardo Bertolucci (Le Dernier Tango à Paris), Jacques Rivette (Out 1), Jean Eustache (La Maman et la Putain, Grand Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes), Aki Kaurismäki (J’ai engagé un tueur, La vie de bohême, Le Havre), Olivier Assayas (Paris s’éveille, Irma Vep), Lucas Belvaux (Pour rire), Philippe Garrel (La Naissance de l’amour), Bertrand Bonello (Le Pornographe), Raoul Ruiz (L'île au trésor), Enki Bilal (Bunker Palace Hotel) ou encore Tsai Ming-liang (Là-bas quelle heure est-il ?, Visage). Son dernier rôle fut pour Noémie Lvovsky dans Camille redouble.

Sa carrière aventureuse et éclectique le conduit de nouveau à Cannes cette année, avec La mort de Louis XIV d'Albert Serra, où il incarne le Roi Soleil, et qui sera présenté en Séance spéciale.

Jacques Rivette (1928-2016) ne nous appartient plus

Posté par vincy, le 29 janvier 2016

A 87 ans, Jacques Rivette ne nous appartient plus: il est parti ailleurs, puisque l'on apprend sa mort ce vendredi 29 janvier. Il est devenu insaisissable, comme son cinéma.

Il avait fondé La Gazette du cinéma en 1950 avant de rejoindre Les Cahiers du cinéma dont il deviendra le rédacteur en chef en 1963. Entre temps, il avait, comme nombreux de ses camarades, débuté sa carrière de cinéaste avec Paris nous appartient en 1958 et cette légendaire scène sur les toits de zinc de la capitale. Le film a mis trois ans à se faire, souffrant de graves problèmes financiers, et il faudra le soutien de Truffaut et Chabrol pour l'aider à le terminer.

Il avait fait ses premiers armes en assistant Jacques Becker et Jean Renoir. Il côtoyait ses amis Rohmer et Jean-Luc Godard. Il écrit avec François Truffaut et Claude Chabrol. Et pourtant, inventif, artisan doué, inspiré, Jacques Rivette aura toujours eu un itinéraire singulier, ne quittant jamais cette envie de réaliser des films comme bon lui semblait. Trois grands films marquent sa carrière. Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, avec Anna Karina. Le film a été censuré, mais grâce à l'aide de Godard, brave le ministre de la culture André Malraux et sort un an plus tard, en 1967, en trouvant un large public. En 1974, Céline et Julie vont en bateau trouble les cartésiens. Comédie fantaisiste et fantastique, où songe et réel s'entremêlent, il est une version mûrie de ce qu'il a expérimenté avec Bulle Ogier au début des années 1970 avec Out 1, film de douze heures et quarante minutes où le récit se laisse emporter par les divagations de personnages interchangeables. Le film est ressorti en décembre dernier.

Rivette aimait la longueur. L'amour fou en 1969 durait plus de quatre heures... Troisième grande étape de sa filmographie, La Belle Noiseuse avec Emmanuelle Béart et Michel Piccoli, dans un troublant rapport artistique et érotique d'un pygmalion et de sa muse, mise en abime de ses propres collaborations avec les comédiennes. Le film reçoit le Grand prix du jury à Cannes en 1991.

Il y avait toujours de la légèreté dans ses histoires. Une envie de cinéma un peu décalé. Dans Va savoir, en 2001, il est au summum de sa fantaisie, et insère des clins d'oeil à ses précédents films avec une jubilation enfantine.

Il était discret, cultivé, marginal et pourtant influent. Rivette par son seul nom était une marque de référence pour les cinéphiles et la critique. Ses personnages balzaciens, son goût pour l'imperfection, son envie de palper les émotions dans des situations parfois absurdes ou au contraire dictées par le genre qu'il s'imposait déroutaient le public. Il a bien reçu quelques grands prix (le prix FIPRESCI à Berlin pour La Bande des quatre, un léopard d'honneur à Locarno, ...) mais il n'a jamais fait consensus. La Belle noiseuse est presque un accident avec ses nominations aux César (meilleur film, meilleur réalisateur).

Car, avant tout, Jacques Rivette aimait expérimenter, quitte à bousculer la grammaire du cinéma. Il refusait le conformisme d'une industrie qui contraint les castings, la durée, le formalisme d'un film. Ses oeuvres les plus déconcertantes ne laissent pourtant jamais le spectateur indifférent. Il y a une forme d'hypnose qui se créé, si l'on est réceptif. Ses scénarios - qui se résumaient à une quinzaine de pages brouillones - étaient souvent palpitants, à base de complots, de vaudeville, d'errances urbaines. Les acteurs faisaient le reste, coréalisant avec lui des séquences en fonction de l'humeur du moment. Chef d'orchestre d'une trouve improvisant devant sa caméra, il réalise au final une trentaine de films, du court métrage à l'oeuvre d'une demi-journée, en près de 60 ans.

Cependant, aucun de ses films ne se ressemblent, tour à tour psychédélique, épuré, classique, foutraque, tragique, baroque, extravagant, sombre, réaliste... Au milieu de fantômes souvent convoqués dans ses histoires, ses actrices ont trouvé avec lui quelques uns de leurs plus beaux rôles: Jane Birkin, Géraldine Chaplin, Sandrine Bonnaire en Jeanne la Pucelle, Jeanne Balibar... Parce qu'il était novateur, poète, il aimait renverser les trames les plus traditionnelles pour en faire des tableaux en mouvements remplis de grâce.

Rien n'est jamais tranquille dans ses films. Les zones de turbulences sont même nombreuses. Il aime tant jouer avec les intrigues, les chassés-croisés, et les sentiments humains. Mais à chaque fois, il pose une question, un cas de conscience. Démontrant que l'humain est avant tout un être faillible.

Si l'on a beaucoup évoquer sa manière si particulière de travailler, c'est parce que, comme un savant dans son laboratoire, il aimait voir comment l'alchimie prenait. Pour lui, le cinéma était une idée du monde. Et il avait sur cette idée un avis à la fois tranché, indulgent et une obsession éthique de ce qu'il fallait en déduire. Dans un entretien à Ecran Noir, Anna Karina disait de lui: "c’est quelqu’un de tellement pur, pas du tout pervers, si honnête et sensible."

Scénariste de Truffaut et Resnais, Jean Gruault disparaît

Posté par vincy, le 9 juin 2015

jean gruaultSon dernier scénario aura reçu un accueil glacial au dernier Festival de Cannes. Jean Gruault, auteur de Marguerite et Julien qu'il avait écrit pour François Truffaut et qui fut finalement réalisé par Valérie Donzelli, a été une victime collatérale de la passion cannoise. Pourtant, il apprécie l'aspect contemporain, anachronique, à la Demy, du Donzelli. Il aime le scandale que pourrait provoquer cette histoire d'inceste. Jean Gruault ne saura pas ce qu'il adviendra de ce film tant attendu depuis sa première version dans les années 70. Né en 1924, le scénariste, dramaturge et producteur est décédé le 8 juin à l'âge de 90 ans.

Ami de Rivette, Rohmer, Chabrol et Truffaut, il va commencer comme assistant de Roberto Rossellini avant de se lancer dans l'écriture de scénarios, et notamment l'adaptation de livres historiques. Il écrit Paris nous appartient et La Religieuse de Diderot (Jacques Rivette), Vanina Vanini (Rossellini), Jules et Jim, L'enfant sauvage, Les deux Anglaises et le continent, L'Histoire d'Adèle H., et La chambre verte (François Truffaut), Les carabiniers (Jean-Luc Godard), La redevance du fantôme (Robert Enrico), Les Soeurs Brontë (André Téchiné), Mon oncle d'Amérique, La vie est un roman et L'amour à mort (Alain Resnais), Les années 80 et Golden Eighties (Chantal Akerman).

Au théâtre, il joue durant les années 50, plutôt que de faire le critique aux Cahiers du cinéma, avant d'être l'auteur de deux pièces, Crucifixion dans un boudoir turc et C'était pendant l'horreur. On lui doit aussi le livret d'un opéra, La noche triste, une autobiographie (Ce que dit l'autre), deux romans...

Il fut également producteur avec les films de la Villa.

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Rencontre avec Jean Gruault (EcranNoir.fr) "Truffaut , il fallait toujours qu'il corrige mes scénarios, même si ça lui plaisait. Il avait besoin de réécrire pour que ce soit sa langue, et plus la mienne"
Entretien avec Télérama "Je ne serais pas surpris que les affreux réacs de la Manif pour tous nous tombent dessus."
Débat à la Cinémathèque avec Arnaud Desplechin

Cannes 2015: Agnès Varda, première réalisatrice à recevoir une Palme d’honneur

Posté par vincy, le 9 mai 2015

agnes varda jeune

9 mois après son Léopard d'honneur au Festival du film de Locarno, la réalisatrice française Agnès Varda va recevoir une Palme d'or d'honneur au 68e Festival de Cannes pour l'ensemble de sa carrière, confortant l'impression d'une édition déjà très française.

"A ce jour, seuls les cinéastes Woody Allen, en 2002, Clint Eastwood, en 2009, et Bernardo Bertolucci, en 2011, se sont vu remettre cette distinction suprême, au nom du Conseil d’Administration du Festival de Cannes" rappelle le Festival dans un communiqué, ajoutant qu'elle "est attribuée à un réalisateur de renom, dont l’œuvre fait autorité dans le monde mais qui n’a pourtant jamais reçu de Palme d’or."

Dans ce même communiqué, Agnès Varda, première femme réalisatrice à recevoir le précieux trophée, note: "Et pourtant, jamais mes films n’ont approché le nombre d’entrées des leurs !"

Photographe, scénariste, actrice, réalisatrice, plasticienne, et gardienne du temple Jacques Demy, Agnès Varda, née en1928, a réalisé quelques unes des oeuvres phares de la Nouvelle Vague: Cléo de 5 à 7, Le Bonheur (Prix Louis Delluc), Les Créatures, Lions Love (…and Lies), puis L'une chante, l'autre pas, Documenteur, Sans toit ni loi, révélant Sandrine Bonnaire et Lion d'or à Venise, Mur, murs, Daguerréotypes, Jane B par Agnès V, Jacquot de Nantes, Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma, Les Glaneurs et la Glaneuse ou encore Les Plages d’Agnès (César du meilleur documentaire).

La réalisatrice a tissé ses toiles avec un regard tantôt fantaisiste, tantôt très cru, film la société au plus près du réel ou cherchant une vérité dans les images des autres.

Il s'agit d'une narratrice singulière, d'un témoin de notre époque, entre recherche de nouvelles formes de cinéma et liberté de filmer intimement ses sujets. Une vraie créatrice, engagée, qui part toujours à la conquête d'une émotion, avec une seule arme: sa caméra.