Lumière 2020: Falling et Nomadland, l’entraide pour ne pas sombrer

Posté par vincy, le 13 octobre 2020

© ecran noir

Une sonate et une balade. Toutes deux remplies de silences. Viggo Mortensen et Chloé Zhao n'ont a priori rien en commun. Pourtant, à voir leur film en avant-première à Lumière, il y a une résonance particulière, comme un écho sensible et ténu qui fait le lien entre Falling et Nomadland.

Falling est le premier film en tant que réalisateur de Viggo Mortensen. Présenté en clôture à Sundance, sélectionné à Cannes 2020, ce drame intime, accompagné par la douce musique de Viggo lui-même, suit un père, atteint de démence au crépuscule de sa vie, et son fils, qui a quelques vérités sur le cœur à lui balancer. A travers cette histoire, il oppose aussi deux Amériques irréconciliables. Le patriarche sénile est un homme conservateur, anti-communiste, paysan, homophobe, misogyne, doté d'un handicap affectif qui l'a conduit à finir seul, abandonné de ses femmes et de ses enfants. Le fils est  marié à un homme d'origine asiatique, avec qui il a adopté une petite fille latino, vit en Californie et vote pour Obama. Mais, derrière ces gros traits de caractère, se dessine surtout l'incompréhension de l'un vis-à-vis de l'autre, le tableau d'un naufrage (la vieillesse) et l'envie d'aimer (au-delà des reproches et rancœurs). Falling est mélancolique et sombre. La chronique familiale - pas très loin des films aux personnages de vieux grincheux comme Monsieur Schmidt ou Un homme simple - s'offre quand même quelques parenthèses rageuses et touchantes, voire drôles avec l'irruption de David Cronenberg en proctologue. Mais on retient aussi cet amour de Viggo pour la nature, les saisons, les paysages, alors qu'il ne filme jamais la ville, préférant la protection du foyer.

C'est là qu'un lien invisible se dessine avec Nomadland de Chloé Zhao, récent Lion d'or à Venise. L'âge qui avance, une Amérique des oubliés, mais surtout ce rapport au "vivant": le ciel, les paysages splendides de l'Ouest américain, l'hiver enneigé et l'été lumineux... Comme si l'avancée vers la mort amenait un besoin de se réconcilier avec l'essentiel. Nomadland est, aussi, à sa manière, une histoire de famille. Celle qu'on se choisit, tant on n'a plus grand chose en commun avec celle de sang, quand il y en a une. On suite une femme proche de la retraite, récente veuve (et toujours inconsolable), plongée dans la précarité après la fermeture de l'usine qui faisait vivre un bled du Nevada. Entre villes fantômes et camps sauvages "hippies", elle prend goût à sa nouvelle liberté, loin des contraintes d'une société matérialiste. Ici, tout se bricole, se recycle, entre survie et contemplation. La beauté des images, portée par les lancinantes mélodies de Ludovico Einaudi, ne cache rien de la misère : esclavagisme chez Amazon, troc nécessaire pour palier au manque de dollars, etc... Mais la réalisatrice réussit avec grâce ce mélange de fiction - un road-movie en van comme une odyssée - et de réalisme - de vrais nomades qui racontent leur vie et donnent une touche d'authenticité bienvenue.

Dans leurs films, Mortensen et Zhao ont en commun ce besoin d'entraide pour ne pas sombrer. Un sentiment très fort qui montre une envie de solidarité. Entre les démunis, exclus de la masse, méprisés ou ignorés. Entre un père et un fils, qui doivent surmonter leurs différents et affronter le temps qui passe. Dans les deux œuvres, la mort n'est pas montrée, mais elle est omniprésente. Falling nous invite à aimer pour vivre tandis que Nomadland préfère nous rappeler la force de la liberté. Deux choix qui amènent le spectateur à se projeter dans un "vivre ensemble" où la sincérité et la tolérance sont des vertus indispensables.

Venise 2020: Le Lion d’or pour Nomadland de Chloé Zhao

Posté par vincy, le 12 septembre 2020

Cette édition si spéciale du festival de Venise, la 77e, n'aura pas brillé d'un point de vue médiatique. Les Américains étaient relativement absents. Le tapis rouge était cloîtré. Les spectateurs masqués. Ambiance de confinement. Pourtant, de l'avis général, tout s'est bien passé. Si le festival manquait sans doute d'un film dont le good buzz fasse le tour de la planète, il a réussi à exister malgré la covid. Mieux, avec le court métrage de Pedro Almodovar, La voix humaine, unanimement apprécié, il s'est offert un petit gâteau surprise en guise de cadeau.

Côté palmarès, aucun film ne se détache non plus même si Quo Vadis, Aida? de Jasmila Zbanic, Nomadland de Chloé Zhao, Notturno de Gianfranco Rosi et Miss Marx de Susanna Nicchiarell glanent quelques prix mineurs en marge du festival. Nomadland a été couronné par le Lion d'or, qui récompense une réalisatrice singulière dans l'Hollywood d'aujourd'hui, Chloé Zhao. Adulée pour ses films d'auteurs (The Rider, Les Chansons que mes frères m'ont apprises), cette américaine née en Chine a été choisie pour une superproduction Marvel (Eternals, 2021). Avec Nomadland, elle reste dans son territoire. Le film interprété par Frances McDormand et David Strathairn nous renvoie dans le passé et dans les horizons immenses: Après avoir tout perdu pendant la Grande Récession, une sexagénaire se lance dans un voyage à travers l'Ouest américain, vivant comme un nomade des temps modernes. Ironiquement, alors que les Américains sont absent de Venise, c'est une production Fox Searchlight distribuée par Disney qui est sacrée par le deuxième plus grand festival du monde.

Le prix FIPRESCI de la critique a été décerné à The Disciple de l'indien Chaitanya Tamhane pour la compétition (par ailleurs distingué par le jury de Cate Blanchett pour son scénario) et à Dashte Khamoush (The Wasteland) de l'iranien Ahmad Bahrami (Orizzonti) pour les autres sélections. Le film a d'ailleurs été couronné par le jury d'Orizzonti. Le cinéma iranien a aussi été distingué avec le prix Marcello Mastroianni pour le jeune Rouhollah Zamani.

Du côté des Giornate degli autori (Venice Days), le palmarès a couronné The Whaler Boy du russe Philipp Yuryev (meilleur réalisateur), 200 Meters du palestinien Ameen Nayfeh (prix du public), et Oasis du serbe Ivan Ikic (prix Label Europa). Le Grand prix de la Semaine internationale de la Critique a distingué Hayaletler (Ghosts) d'Azra Deniz Okyay (Turquie). Enfin, The World to come de l'américaine Mona Fastvold a remporté le Queer Lion Award.

Côté hommages, deux Lions d'or d'honneur ont été remis à l'actrice écossaise Tilda Swinton et la cinéaste de Hong Kong Ann Hui. Abel Ferrara a reçu le prix Jaeger-LeCoultre Glory to the Filmmaker.

Il restait aux deux jurys principaux de révéler leurs choix: celui de la compétition (Cate Blanchett, présidente, Matt Dillon, Veronika Franz, Joanna Hogg, Nicola Lagioia : écrivain Drapeau de l'Italie Italie, Christian Petzold et Ludivine Sagnier) et celui de la section Orizzonti (Claire Denis, présidente, Oscar Alegria, Francesca Comencini, Katriel Schory et Christine Vachon).

Globalement, l'Europe et l'Asie se sont partagés la pièce montée.

On a déjà parlé du Lion d'or, mais le palmarès est aussi cosmopolite que divers. Le jury de Cate Blanchett n'a pas manqué de donner enfin un prix d'interprétation masculine à Pierfrancesco Favino pour Padrenostro, lui qui l'avait manqué l'an dernier à Cannes pour Le traître (qui lui a valu son premier Donatello du meilleur acteur cette année). De même côté actrice, Vanessa Kirby (The Crown) pouvait difficilement être snobée avec deux films en compétition : The World to Come et celui pour lequel elle a ce prestigieux prix, Pieces of a Woman, premier film anglophone du hongrois Kornél Mundruczó. Kiyoshi Kurosawa reçoit avec le prix du meilleur réalisateur sa plus importante récompense dans sa carrière, faiblement honorée (hormis à Cannes avec un prix en 2015). Initialement choisi par Cannes, le nouveau film du mexicain Michel Franco repart de son côté avec le Grand prix du jury (cinq ans après son prix du scénario à Cannes).

Listen d'Anna Rocha de Sousa est parmi les vainqueurs de la soirée avec un prix spécial du jury Orizzonti et le prix du meilleur premier film toutes sélections confondues. On notera dans la sélection Orizzonti les deux prix d'interprétation pour un acteur tunisien et une actrice marocaine, confirmant année après année la pleine forme du cinéma maghrébin sur le Lido. Quant à Lav Diaz, Lion d'or en 2016, son cinéma si singulier est une nouvelle fois récompensé avec le prix du meilleur réalisateur.

LE PALMARÈS

Compétitition
Lion d'or: Nomadland de Chloé Zhao
Grand prix du jury: Nuevo Orden (New Ordre) de Michel Franco
Lion d'argent du meilleur réalisateur: Kiyoshi Kurosawa pour Les amants sacrifiés
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Vanessa Kirby (Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó).
Coupe Volpi du meilleur acteur: Pierfrancesco Favino (Padrenostro de Claudio Noce)
Meilleur scénario: The Disciple de Chaitanya Tamhane
Prix spécial du jury: Dear Comrades d'Andreï Konchalovsky

Sélection Orizzonti
Meilleur film: Dashte Khamoush (The Wasteland) d'Ahmad Bahrami
Meilleur réalisateur: Lav Diaz (Genus Pan (Lahi, Hayop))
Prix spécial du jury: Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Meilleure actrice: Khansa Batma (Zanka Contact de Ismaël El Iraki)
Meilleur acteur: Yahya Mahayni (L'Homme qui avait vendu sa peau de Kaouther Ben Hania)
Meilleur scénario: I predatori de Pietro Castellitto
Meilleur court métrage: Entre tu y milagros de Mariana Saffon

Prix Luigi de Laurentiis (premier film): Listen d'Anna Rocha de Sousa (Orizzonti)
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Rouhollah Zamani (Sun Children de Majid Majidi, compétitition)

[2020 dans le viseur] Nos 30 films les plus attendus (2/3)

Posté par redaction, le 12 janvier 2020

Black Widow de Cate Shortland

Reset. L'univers Avengers est achevé. Et Natasha Romanoff aka Black Widow s'était sacrifiée. Pourtant, nous la retrouvons dans ce premier film du nouveau cycle Marvel. Une manière de tester la "vista" de Kevin Feige avec une super-héroïne qui méritait son film depuis longtemps.

Druk de Thomas Vinterberg

Ce sont les retrouvailles du réalisateur danois avec Mads Mikkelsen, huit ans après La chasse. Ce drame autour de l'alcool, et de ses conséquences, s'il devait être présenté dans un grand festival, devrait décourager certains de finir la soirée bourrés.

Annette de Leos Carax

Un projet forcément excitant sur le papier. D'abord parce Leos Carax est l'un des cinéastes les plus singuliers et audacieux. Ensuite parce qu'il réunit Adam Driver et Marion Cotillard. Enfin, pour son premier film en anglais, il réalise un musical autour du couple, sur des chansons des Sparks.

Nomadland de Chloe Zhao

Bien sûr, la réalisatrice de The Rider est attendue pour un gros blockbuster, Les Eternels, made in Marvel. Mais c'est son autre film, Nomadland que l'on attend le plus, avec Frances McDormand. Un drame entre road-movie et crise économique, bref une autre facette de l'Amérique.

Eté 84 de François Ozon

Ozon nostalgique? Le voici qui livre un teen-movie dans une station balnéaire en Normandie durant les années 1980, où un ado se révèle à lui-même. Melvil Poupaud, Valeria Bruni Tedeschi, Benjamin Voisin, Philippine Velge et celui qui sera le centre du film, Félix Lefebvre sont au générique.

Stillwater de Tom McCarthy

Après l'Oscar du meilleur film pour Spotlight, le réalisateur s'oriente vers une nouvelle aventure, qu'il a scénarisé par Jacques Audiard, Thomas Bidegain et Noé Debré. Matt Damon incarnera un père qui doit aller en France pour aider sa fille, arrêtée pour meurtre.

Peninsula de Yeon Sang-ho

Quatre ans après avoir pris le Dernier train pour Busan, le virus zombie s'est répandu à travers la Corée. Yeon Sang-ho veut faire de cette suite surprise une extension de l'univers. Cela se passe après les événements de Busan, mais pas avec les mêmes personnages.

The French Dispatch de Wes Anderson

Autant dire qu'on est un peu surexcité à l'idée de cette histoire française par le plus stylé des cinéastes américains. Surtout que le casting de ce scénario-puzzle réunit Timothée Chalamet, Léa Seydoux (qui avec le James Bond et le Dumont s'offre une belle année), Tilda Swinton, Saoirse Ronan, Benicio Del Toro, Frances McDormand, Kate Winslet et Bill Murray.

#Jesuislà d'Eric Lartigau

Si on devait retenir une comédie populaire françaie, ce serait celle-là. Parce q'Alain Chabat (et Blanche Gardin). Parce que la Corée du sud. Parce que Lartigau, comme Nakache/Toledano, maîtrise généralement bien ses scénarios.

Mort sur le Nil de Kenneth Branagh

Le film d'énigme redevient à la mode. En reprenant la moustache et l'accent belge d'Hercule Poirot, Branagh (qui réalise aussi Artemis Fowl cette année), s'offre de nouveau Agatha Christie et un casting chic (Gal Gadot, Armie Hammer, Annette Bening, Tom Bateman, Letitia Wright , Sophie Okonedo, Jennifer Saunders, Ali Fazal...) pour rebooter ce classique policier.