Léa Seydoux retrouve Wes Anderson et s’engage chez Ildiko Enyedi

Posté par vincy, le 16 février 2018

Léa Seydoux retrouve l'univers de Wes Anderson, après avoir joué dans The Grand Budapest Hotel. Elle remplacera Scarlett Johansson dans la version française du film d'animation L'île aux chiens, présenté en ouverture de la 68e Berlinale.

Autour d'elle, on retrouvera Isabelle Huppert (qui avait déjà été Mrs Fox dans Fantastic Mr. Fox, le précédent film d'animation du réalisateur) pour le rôle vocal de Frances McDormand, Mathieu Amalric (qui était le fameux Mr Fox) pour le rôle vocal de Jeff Goldblum, Vincent Lindon (à la place de Bryan Cranston), Louis Garrel (pour Liev Schreiber), mais aussi Yvan Attal, Nicolas Saada et Hippolyte Girardot. Le rôle principal tenu par Edward Norton, qui double Rex, aura, en français, la voix de Romain Duris. Notons quand même que Greta Gerwig se doublera elle-même dans la langue de Molière (ce qui est classe, avouons-le).

Puisque nous sommes à Berlin, Léa Seydoux sera le rôle principal du prochain film d'Ildiko Enyedi, la cinéaste hongroise lauréate de l'Ours d'or l'an dernier avec Corps et âme (par ailleurs nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère). L’histoire de ma femme est l'adaptation d'un roman éponyme de Milan Füst paru en 1958 (et disponible en France chez Gallimard) qui raconte l'histoire du capitaine Jacob Stör (interprété par le norvégien Anders Baasmo Christiansen), géant rabelaisien jouissant au maximum de sa vie de marin, de son prodigieux appétit, de ses aventures. Un soir, il fait un pari avec un ami dans un café : il épousera la première femme qui en franchira le seuil. Entre alors Lizzy,une petite Française dont il est passionnément, exclusivement, incurablement amoureux, et qu'il épouse comme promis.

Le film est une co-production France/Hongrie/Allemagne/Italie. Pyramide le distribuera. Mais le tournage ne débutera pas avant 2019, à Budapest, Paris, Hambourg et Trieste.

Arras 2015 : rencontre avec Nicolas Saada pour Taj Mahal

Posté par MpM, le 10 novembre 2015

Parmi les belles avant-premières du Arras Film Festival, on a pu découvrir le très étonnant nouveau film de Nicolas Saada, Taj Mahal, qui évoque la vague d'attentats qui a touché Bombay en novembre 2008. Inspiré de faits réels, il suit Louise, une jeune Française coincée dans l'enfer du Taj Mahal, un hôtel international en proie à une attaque terroriste.

Construit comme un triptyque, le film évoque d'abord l'arrivée du personnage en Inde, avec des bribes de scènes mêlant errance dans Bombay et ennui dans le luxe standardisé de l'hôtel. Il s'achève avec une nouvelle forme d'errance, celle de la jeune femme après le drame. Au milieu, le réalisateur raconte l'attaque en elle-même avec une grande économie de moyens, et toujours du point de vue de son héroïne.

Puisqu'il fait le pari de ne rien montrer, Nicolas Saada a réalisé un étonnant travail de son (allant jusqu'à tourner une véritable séquence de fusillade, d'explosion et d'attaque, dont il utilise seulement la bande son) et de mise en scène. Jamais on aura entendu une telle qualité de silence au cinéma, troublée à intervalles réguliers par les manifestations lointaines et fantomatiques des exécutions sommaires. Jamais on aura autant tremblé face à l'enjeu minuscule de réussir à trouver un chargeur de téléphone portable. Jamais, enfin, un bas de porte laissant filtrer une lumière et des ombres n'aura été aussi angoissant.

Une véritable leçon de mise en scène en huis clos, dénuée de toute tentation spectaculaire, qui utilise des moyens purement cinématographiques (espace, durée, hors champ) pour recréer l'ambiance terrifiante de cette attaque à la fois invisible et omniprésente.

De passage à Arras, Nicolas Saada s'est confié à la télé du Festival, en partenariat avec Ecran Noir, pour revenir sur la genèse de ce film envoûtant.

Fin de tournage pour Taj Mahal, le deuxième film de Nicolas Saada

Posté par vincy, le 22 décembre 2014

5 ans après la sortie d'Espion(s) nominé au César du meilleur premier film, Nicolas Saada (LE spécialiste de la musique de films sur Radio Nova) vient de terminer en fin de semaine dernière le tournage de son deuxième long métrage, Taj Mahal. Ce thriller qui se déroule en Inde a pour cadre les attentats de 2008 à Mumbai (Bombay), la capitale économique du pays. La série d'attentats avait tué 173 personnes.

Stacy Martin (Nymphomaniac) interprète la fille de Louis-Do de Lencquesaing (Polisse, 20 ans d'écart, La rançon de la gloire), qui vient de trouver un emploi en Inde. En attendant de trouver une maison, la famille loge dans le palace Taj Mahal de la métropole. Un soir, alors que ses parents dinent à l'extérieur, l'hôtel subit une attaque terroriste. Elle n'a que son téléphone pour être en liaison avec son père. L'hôtel devient un piège. La ville sombre dans le chaos.

Dans le rôle de la mère on retrouve Gina McKee (Naked, Coup de foudre à Notting Hill, Jimmy P., "Les Borgias"). On retrouve également Alba Rohrwacher (prix d'interprétation féminine au dernier festival de Venise) au générique.

Le tournage a débuté à la mi-octobre en Inde avant de migrer à Paris (aux studios d'Epinay). Bac distribuera le film l'année prochaine.

Stacy Martin sera également à l'affiche des prochains films de Ben Wheatley, Matteo Garrone et Joann Sfar.

Lumière 2012, Jour 1. D’Ophüls à Renoir…

Posté par Morgane, le 17 octobre 2012

Pour cette première journée de festival, j'ai mêlé le noir et blanc de Max Ophüls aux couleurs de Jean Renoir.

À cette occasion, c'est Nicolas Saada, critique de cinéma mais aussi scénariste et réalisateur, qui présente Les Désemparés (The Reckless Moment, 1949) de Max Ophüls. Saada revient sur les nombreuses carrières du cinéaste qui, après avoir été acteur puis metteur en scène de théâtre, devient réalisateur, tout d'abord en Allemagne. Obtenant ensuite la nationalité française pour fuir le nazisme, il tourne en Italie et en Hollande mais s'exile finalement aux États-Unis où il tournera, entre autres, l'adaptation du roman de Stefan Sweig, Lettre d'une inconnue, avec James Mason, que l'on retrouve également dans Les Désemparés. Après cet exil "forcé", il revient alors en France où il tourne quatre de ses plus grands films : La Ronde, Le Plaisir, Madame de... et Lola Montès.

Les Désemparés, drame et mélodrame, représente, selon Nicolas Saada, "tout l'art d'Ophüls dans un film". Et en effet, Les Désemparés, c'est du grand art. Chaque plan est calculé, cadré au millimètre, donnant ainsi toute sa tension au film. Les décors (principalement la maison des Harper) jouent également un grand rôle tout comme le noir et blanc qui accentue le côté mélodramatique de ce film à mi-chemin entre "un film d'Hitchcock et une chronique de la vie quotidienne", toujours selon Nicolas Saada. Joan Bennett dégage une force incroyable en femme chef de famille qui doit tout mener de front... et plus encore. Quant à James Mason, il joue parfaitement le maître-chanteur au grand coeur.

Avec Jean Renoir et son Carrosse d'or (1954), énième version du Périchole, c'est un tout autre univers qui s'offre à nous. C'est dans les couleurs vives du Nouveau Monde que Renoir nous entraîne en plein XVIIIe siècle, dans les pas d'une troupe de théâtre italienne débarquée ici pour faire fortune. Mais leur arrivée est bien loin de ressembler à ce dont ils avaient rêvé.

Camilla (Anna Magnani), Colombine sur les planches, se retrouve très rapidement dans le coeur de trois hommes que tout oppose : son compagnon de voyage, le toréador star locale et le vice-roi en personne. L'ordre établi est bien vite ébranlé mais Jean Renoir préfère garder le ton de la comédie faisant de son film une sorte de vaudeville amoureux dans lequel le coeur de la belle reste à prendre.

Lumière 2011 : Stephen Frears et Jacques Becker, Nicolas Saada et Samuel Fuller

Posté par Morgane, le 5 octobre 2011

Au programme, de nombreux films, des rencontres, des dédicaces etc. Une journée classique sous le signe du Festival Lumière en somme.

Quand Stephen Frears parle de Jacques Becker

À 14h30, le célèbre Casque d’Or (1952) de Jacques Becker est présenté par le non moins célèbre Stephen Frears, en compagnie de Thierry Frémaux.

Quand Thierry Frémaux lui demande quelle est sa relation au cinéma français, Stephen Frears lui répond qu’il en est « tombé amoureux et que c’est là le désastre ».

Il confie qu'il a des goûts assez éclectiques allant d’un cinéma dit classique à un cinéma français beaucoup plus contemporain. Pourquoi ce choix de Casque d’Or ?

Il est tout d’abord tombé amoureux de Simone Signoret lorsqu’elle est venue en Angleterre pour tourner Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton. « On n’avait jamais vu une actrice pareille » s’est-il exclamé.

Mais ce n’est que lorsqu’il a eu une trentaine d’années qu’il voit Casque d’Or, ce « magnifique film qui [lui] rappelle les peintures de Pierre-Auguste Renoir ». Pour lui, c’est l’histoire très moderne d’un amour passionné dans lequel Simone Signoret joue admirablement, aussi bien la femme soumise que la femme libérée.

Et Stephen Frears de dire qu’il aime Jacques Becker car « il est un paradoxe » puisque à l’intérieur de ce cinéma français des années 60, le cinéaste est, derrière ses côtés classiques, un authentique moderne.

À la découverte de Samuel Fuller

Dans la petite salle du CNP Terreaux, on change d'univers avec Park Row (1952) de Samuel Fuller. Les festivals sont des moments aériens où l'on peut voyager de territoires connus en véritables découvertes. C’est Nicolas Saada, critique aux Cahiers du Cinéma, scénariste et réalisateur, grand amoureux du film de Fuller, qui vient nous le présenter.

Pour lui, Samuel Fuller, journaliste, soldat au front lors de la seconde guerre mondiale, est un des premiers cinéastes cultes. Plutôt connu pour ses westerns et ses films policiers, Fuller présente ici un film très singulier et très personnel mettant en lumière une idée qui lui est particulièrement chère : la liberté de la presse.

Réalisant ici un de ses premiers films, « il doit encore faire beaucoup avec très peu de moyens ». Le résultat est bluffant et on a du mal à imaginer que le film ait été tourné en 14 jours seulement.

Pour Nicolas Saada, Park Row est aussi un film de guerre, de tacticiens, dans lequel on retrouve « les germes d’un cinéma moderne » dont s'est inspiré Martin Scorsese pour la réalisation de son film Gangs of New York.

Toujours est-il que ce film relatant la naissance, en 1880, d’un journal, The Globe, en plein cœur de l’enfer de Park Row, la rue new-yorkaise de la presse, donne envie de plonger dans le reste de sa filmographie.

L’instant court : La 40e marche, réalisé par Nicolas Saada

Posté par Benjamin, le 8 juillet 2011

Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après Little big love réalisé par Tomas Mankovsky, voici l’instant Court n° 40.

Au dernier festival de Poitiers, en décembre 2010, Nicolas Saada avait donné une leçon de cinéma sur le thème de la mise en scène. Et il s’était mis en tête de relever un défi de taille : reprendre une séquence du film d’Hitchcock Les 39 marches, et la tourner en une soirée, en présence du public poitevin (voir notre actualité du 7 décembre).

Aujourd’hui, après plusieurs mois de montage, le résultat est enfin visible sur le site internet du festival. Les internautes peuvent visionner librement ce court métrage d’environ 6 minutes, intitulé La 40ème marche… tout le monde voit la référence ?

Pour le spectateur lambda, il est possible que ce court métrage paraisse des plus classiques : le personnage principal, joué ici par le jeune et talentueux Grégoire Leprince-Ringuet, est en fuite et se réfugie dans une salle de spectacle où se déroule un débat politique. Pris pour un orateur, on le pousse sur scène pour y faire un discours élogieux à propos du candidat présent. Dans la salle, une jeune femme, qui le reconnaît, se lève pour aller prévenir la police… Tout cela en noir et blanc bien sûr.

Mais ce court métrage a une saveur particulière pour tous les spectateurs qui étaient présents dans la salle ce soir là. Tout ceux qui ont assisté et participé au tournage de ce film et qui, aujourd’hui, peuvent en apprécier le résultat.

C’est donc une leçon de cinéma qui trouve sa réponse finale avec le visionnage de ce petit film, car c’est seulement maintenant qu’il est possible de voir quels sont les passages qui ont été coupés, ainsi que les raccords effectués, etc. Toute la mécanique du cinéma apparaît ici pleinement. Car d’ordinaire, le spectateur n’assiste qu’à la projection du film, il ne sait pas combien de prises ont été nécessaires, quels furent les problèmes rencontrés, ni pourquoi tels cadrages et tels emplacements de caméra ont été choisi plutôt que d’autres. Ici, ceux qui ont assisté à l’évènement peuvent se remémorer les commentaires de Nicolas Saada qui expliquait ses choix mais aussi ses contraintes : le temps imparti (trois heures), la foule à gérer et aussi l’espace de la salle de théâtre à maîtriser. Autant d’éléments qu’il était possible d’appréhender ce soir-là.

Il y a donc beaucoup de plaisir et de nostalgie en regardant La 40ème marche. On se reconnaît dans le public. On ressent un sentiment d’appartenance vis-à-vis du film. Nous y avons participé et nous nous remémorons quelle belle expérience ce fut.

Enfin, j’ajouterai que, si Grégoire Leprince-Ringet a déclamé son texte une trentaine de fois, c’est vraiment en visionnant le film que l’on perçoit la finesse et la force de son jeu d’acteur. Le cadrage le sublime, le cinéma met en lumière son talent.

Ne passez pas à côté de cette jolie expérience, d’autant que vous retrouverez également sur le site du festival les coulisses de la soirée en bonus !

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A lire également :
- le récit de cette soirée de tournage
- l'interview de Nicolas Saada

RIHL 2011 : Poitiers met le (jeune) cinéma à la fête

Posté par MpM, le 1 juillet 2011

RIHLDu 2 au 11 décembre prochain se tiendront les 34e Rencontres Henri Langlois, le Festival international des écoles de cinéma qui a pour ambition de découvrir et faire partager chaque année les meilleurs films de la jeune création cinématographique mondiale. Un objectif parfaitement atteint puisqu'on ne compte plus les réalisateurs aujourd'hui confirmés qui sont passés par Poitiers : Pascale Ferran, Noémie Lvovsky, Arnaud Desplechin...

Envie d'écrire votre nom à la suite ? Vous avez jusqu'au 15 juillet pour faire parvenir votre film au festival. La compétition est ouverte  à toutes les œuvres réalisées après le 1er janvier 2010 dans le cadre d'une école (université ou institut) de cinéma et/ou d'audiovisuel, sans critère de genre ni de durée. Rendez-vous sur le site de la manifestation pour remplir le formulaire d'inscription et découvrir la marche à suivre.

Les  films retenus par le comité de sélection composé de professionnels et cinéphiles s'intégreront à un programme riche en événements, parmi lesquels l'une de ces "leçons de cinéma" dont Poitiers a le secret (en 2010, il s'agissait tout simplement du tournage d'un court métrage dirigé par Nicolas Saada), un panorama du cinéma d'Amérique latine et de nombreuses séances de projection exceptionnelles. Sans oublier les rencontres entre cinéastes et spectateurs, qui permettent à chacun de prolonger le plaisir du cinéma. Car Poitiers est avant tout un lieu où tous les points de vue artistiques ont leur place et où le (jeune) cinéma est immanquablement à la fête !

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34e Rencontres Henri Langlois
Du 2 au 11 décembre
Informations sur le site de la manifestation

RIHL 2010: Nicolas Saada et le livre de cuisine hitchcockien

Posté par Benjamin, le 12 décembre 2010

Nicolas Saada est l’invité d’honneur des 33ème Rencontres Henri Langlois et c’est à lui qu’incombe la tâche de livrer la leçon de cinéma axée sur la direction d’acteur (voire La 40eme marche ne se loupe pas). Mais Nicolas Saada est avant tout un passionné. Un cinéaste qui met en avant l’importance de l’école, et de la transmission du savoir, choses qui se perdent cruellement de nos jours. Il parle avec ferveur des classiques d’Hitchcock et de la culture cinématographique, car savoir d’où l’on vient c’est un peu savoir où l’on va.

Sans vouloir faire son professeur, sans vouloir venir prêcher la bonne parole, Nicolas Saada a tout simplement envie de transmettre sa passion du cinéma, d’échanger et de partager avec les autres. Poitiers lui semble donc un carrefour essentiel.

Écran Noir : Pensez-vous qu’il y a une grande valeur pédagogique dans le cinéma d’Hitchcock ?

Nicolas Saada : Et bien oui. C’est ce que je disais : ce ne sont que des prototypes. Il y a un moment quand un ébéniste ou un musicien doit apprendre des choses de base à quelqu’un, il passe par des choses qui sont basiques. Quelqu’un qui veut apprendre le contre-point, l’harmonie, la mélodie à des étudiants de musique, il ne va pas prendre Lady Gaga ! Il va prendre des espèces d’objets absolument pérennes dans l’histoire de la musique. Hitchcock c’est pérenne ! Avec Hitchcock, je pense qu’on peut apprendre plein de choses. On peut piquer des trucs et je vois le nombre de cinéastes qui finalement prennent à Hitchcock non pas une matière qu’ils veulent copier, à laquelle ils veulent rendre hommage, mais un effet qui leur sert à raconter quelque chose. Hitchcock moi-même m’a servi à me dépatouiller de certaines situations, que ce soit dans mon film Les parallèles ou dans Espion(s), Hitchcock m’a toujours servi, soit à faire vivre une scène qui peut être absurde, soit à faire vivre une situation qui peut paraître forcée. C’est un livre de cuisine permanent. Le cinéma selon Hitchcock c’est un livre que tous les étudiants en cinéma devraient lire et relire. C’est le livre de cuisine du cinéma ! Donc moi je me dis, c’est un livre de cuisine, autant appliquer une recette et la faire partager au public de Poitiers.

EN : Demain soir, en même temps que la leçon de cinéma sera diffusé au festival The Ghost-writer de Roman Polanski…

NS : Alors c’est très marrant parce que beaucoup de gens m’ont parlé d’Espion(s) quand ils ont vu The Ghost-writer. Quand j’ai vu le film, je n’ai pas tout de suite compris, mais maintenant en y repensant je crois qu’il y a comme ça des espèces de chevauchements, de croisements entre les deux films.

EN : En tout cas, c’est un film très classique qui a quelque chose d’hitchcockien…

NS : Moi je suis pour le classicisme. Je suis pour tout ce qui est inactuel.

EN : On l’a beaucoup comparé par exemple à Shutter Island de Martin Scorsese et ce qu’on a mis en avant chez Polanski c’est qu’il n’avait utilisé aucuns effets spéciaux.

NS : Moi j’aime beaucoup Shutter Island. J’aime autant les deux. Polanski c’est un metteur en scène dont j’ai beaucoup regardé les films. Par exemple pour mon court métrage Les parallèles, une des références c’était Frantic : c'est un film que j’adore et c’était aussi un film de référence pour Espion(s).

EN : Est-ce que vous pensez que le patrimoine cinématographique se perd aujourd’hui ?

NS : Oui le patrimoine cinématographique se perd parce qu’on a une peur panique de ce qui est vieux. C’est Godard qui disait : « On dit toujours : je vais voir un vieux Fritz Lang. On ne dira jamais, je vais lire un vieux Stendhal. » Mais c’est vrai et c’est dommage qu’on ait une perte de ça, parce que c’est très important pour décoder des trucs. L’histoire que je raconte toujours, c’est qu’il n’y aurait pas Batman sans Victor Hugo. Donc j’adore cette idée qu’il n’y aurait pas Batman sans Victor Hugo parce que, en fait, le Joker dans Batman est inspiré de L’homme qui rit qui est un roman de Victor Hugo qui raconte l’histoire d’un enfant qui est capturé par des faiseurs de montres qui vendent des enfants défigurés dans les cirques. Et lui, on le défigure à un très jeune âge, on lui ouvre la bouche d’une oreille à l’autre. Et il devient l’homme qui rit. Ça devient une espèce de monstre de foire. Et il grandit comme ça accompagné de toute une troupe de gens avec qui il fait du cirque et il a ce visage défiguré, ce sourire permanent. Et après il apprend qu’il est de descendance royale donc on le kidnappe et on le remet au pouvoir, il se retrouve face à des responsabilités qui sont trop grandes pour lui. Enfin, ça se termine tragiquement. L’homme qui rit a inspiré un film dans les années 20 de Paul Leni. Un film de 1924 ou 25 (film de 1928 en réalité, ndlr) avec un acteur allemand qui s’appelait Conrad Veidt. Et ce film en 1925 est devenu un film culte aux États-Unis. C’est un film américain. Tout jeune, l’auteur de Batman (Bob Kane) a vu le film et il était tellement impressionné par le visage de Conrad Veidt qui reproduisait  les gravures qui accompagnaient le roman de Victor Hugo qu’il l’a noté dans un coin de sa tête. Et c’est à cause de ce film qu’il a eu l’idée du Joker. Donc on se dit, voilà, sans Victor Hugo, il n’y a pas Batman ou en tout cas le Joker. Et moi je trouve ça très intéressant. Je trouve plus intéressant de dire à un gamin que Victor Hugo c’est aussi bien que Batman plutôt que de lui dire que Katy Perry c’est aussi bien que Billie Holiday, parce que ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, on a une tendance à négliger le passé en disant que finalement tout est cool dans la culture d’aujourd’hui, que tout se vaut, que tout est bien, que Lady Gaga c’est comme Barbara. Et du coup on expose tellement toute les références qui sont, je dirais, des références patrimoniales, dans un désir d’aller contre une espèce d’ordre établi qui serait une espèce d’ordre moral des choses.

RIHL 2010: La 40ème marche ne se loupe pas

Posté par Benjamin, le 11 décembre 2010

Écran Noir vous en a longuement parlé, mardi soir s’est tenu la Leçon de cinéma de Nicolas Saada (voir actualité du 7 décembre) au festival de Poitiers avec, en tant qu’acteur principal, Grégoire Leprince-Ringuet.

Inutile de dire que le TAP Cinéma affichait complet et que le festival et Nicolas Saada avaient parfaitement vendu leur affaire. L’alléchante idée de la reconstitution d’un tournage sur la scène du TAP, mais un tournage interactif où le public aura son rôle, a conquis son monde. Des caméras, un preneur de son, un chef op’, une maquilleuse, un réalisateur, deux acteurs, des figurants. Tout était là !

Alors la question est, Nicolas Saada a-t-il réussi son pari de réaliser 31 plans en 3 heures, sans ennuyer le public, en respectant les conditions réelles d’un tournage et en donnant une véritable leçon de cinéma ? La réponse est ou. Le spectacle fut au rendez-vous et Saada qui semblait comme un enfant, ainsi que toute son équipe très professionnelle, ont été très généreux avec le public. Leurs actions, leurs façons de faire étaient commentées, permettant aux spectateurs de comprendre l’enjeu de filmer la scène de tel ou tel point de vue.

Bien entendu, ce court métrage, intitulé pour l’occasion La 40ème marche, a été tourné de la façon la plus efficace qui soit. Le réalisateur a préféré l’efficacité à une certaine personnalisation de la scène. Difficile de faire autrement dans ce laps de temps et avec un décor aussi immuable que le théâtre de Poitiers.

Ce fut intéressant d’assister en tant que spectateur aux coulisses de ce tournage, d’observer les variations dans le jeu de Grégoire Leprince-Ringuet (très ludique!) et le rôle de chacun sur le plateau. mais surtout nous étions tous les acteurs d’un soir, participant au film, car le public fut bien entendu filmé.

Au final, l’expérience fut des plus vivantes. Certes, Nicolas Saada a dévié de la traditionnelle Leçon de cinéma, car plus qu’une leçon, c’était davantage un échange avec le public. Mais le public poitevin retiendra surement longtemps cette soirée à la fois bon enfant et enrichissante.

RIHL 2010 : Nicolas Saada invite Hitchcock à Poitiers

Posté par vincy, le 7 décembre 2010

Pour les 33ème Rencontres Internationales Henri Langlois, le festival de Poitiers a convié Nicolas Saada (Espions(s)) pour la Leçon de cinéma. Le réalisateur et critique a décidé de surprendre et d’offrir au public poitevin un vrai spectacle puisqu’il va reproduire sur la scène du TAP une séquence d’un film d’Hitchcock de sa période anglaise. Nicolas Saada va s’entourer d’une petite équipe de tournage, d’acteurs professionnels mais également de figurants amateurs. Le film sera tourné en noir et blanc et Nicolas Saada espère bien en avoir terminé le montage début 2011 pour ensuite le montrer au public.

32 plans sont au programme de cet exercice d’équilibriste qui durera trois heures. Trois heures d’immersion dans de véritables conditions de tournage !

L’origine du projet.

La leçon de cinéma a pour thème cette année la direction d’acteur. Nicolas Saada s’explique alors sur ce choix qui lui était imposé : « J’allais pas faire une séance de casting sur scène, c’est pas très sympa pour les acteurs qui se retrouvent tout nu devant un public à ne pas forcément être à la hauteur de quelque chose qu’on leur demande. Faire des répétitions d’une scène du film ? Est-ce que ça sortait pas d’un cadre de cinéma pour rejoindre le cadre d’une répétition théâtrale ? Je me disais que c’était important de faire quelque chose où la salle pouvait être impliquée et puisse partager l’expérience. »

Le choix du film : Les 39 marches d’Hitchcock.

« Prendre un film d’Hitchcock qui est ultra connu, qui a fait même l’objet de pièces de théâtre et de comédies musicales, qui sont Les 39 marches. Et de partir d’une scène des 39 marches, y en a trois dans le film très importantes qui sont des scènes collectives où il y a une interaction entre des gens et un public. Et j’ai pris une de ces trois scènes, qui paraissait à la fois la plus universelle, la plus adaptée à l’exercice et en même temps la plus excitante et drôle, et amusante pour le public. Et je me suis dit, voilà le public va être partie prenante de ce qu’on va faire, il va être la quatrième côté de la scène, il va être acteur au même titre que ceux qui seront impliqués dans cette scène. »

Grégoire Leprince-Ringuet.

Grégoire Leprince-Ringuet a été contacté par Nicolas Saada pour reprendre le rôle de Robert Donat pour cette leçon de cinéma. Le jeune acteur est une des valeurs sûres du cinéma français actuel, un acteur protéiforme, et il est certain que sa performance sera des plus appréciables.  « J’ai contacté un comédien que j’aime beaucoup avec qui je n’ai jamais travaillé qui s’appelle Grégoire Leprince-Ringuet, qui a, je pense, l’innocence du personnage et même je dirais le physique du rôle, qui est un rôle de personnage hitchcockien un peu perdu. Il est plus jeune que Robert Donat qui joue dans le film d’Hitchcock mais il a ce côté un peu années 30. »

La leçon de cinéma de Nicolas Saada sera singulière à n'en pas douter : apprendre en recréant l’atmosphère d’un tournage le temps d’une soirée et pourquoi pas, se prendre pour Hitchcock !