[Lumière 2019] Bong Joon-ho, son cinéma et son « tempérament bizarre »

Posté par Morgane, le 21 octobre 2019

Après avoir reçu la Palme d'Or au dernier Festival de Cannes avec Parasite (qui a attiré 20000 spectateurs depuis sa sortie rien qu'au cinéma Comoedia de Lyon, soit un record hors-Paris), Bong Joon-ho a été l'un des invités d'honneur de cette édition du Festival Lumière. C'est l'occasion de découvrir toute sa filmographie - dont le splendide Memories of Murder, rattrapé par l'actualité le mois dernier - ainsi que les films coréens qu'il nous propose via sa carte blanche.

Et en ce jour pluvieux, rien de mieux que d'aller écouter ce grand monsieur du 7e art, souvent drôle, toujours humble, et même assez modeste. Pour cette masterclass à la Comédie Odéon mister Bong Joon-ho est accompagné de sa traductrice (qui fait ici un excellent travail!), de Didier Allouche et de Bertrand Tavernier qui a tenu à être présent pour "dire publiquement son amour à Bong Joon-ho, car les hommages posthumes c'est pas si bien que ça."

Les screen quotas
"Ce système des screen quota mettait en place le nombre de jours où les cinémas devaient montrer des films coréens. Mais cela a posé des problèmes lors des accords de libre-échange avec les États-Unis. A la fin des années 90, quand je préparais Barking dog, il y avait des mouvements pour protéger ces quotas. Mais aujourd'hui les screen quotas ont disparu et pourtant le cinéma coréen a réussi à trouver sa place. En Corée du sud, je dirai que c'est du 50-50 entre le cinéma national et le cinéma américain."

Et Bertrand Tavernier d'ajouter "qu'aujourd'hui tout film gagne à être coréen!"

L'image des forces de l'ordre
Dans The Host et Memories of murder, les forces de l'ordre ne sont pas à leur avantage. "Oui, ce sont des policiers des années 80 qui travaillaient pendant la dictature militaire. Mais c'est assez réaliste." Le tueur de Memories of murder a d'ailleurs été arrêté il y a un peu moins d'un mois. Bertrand Tavernier demande alors si ça change son rapport au film. "C'était une affaire non classée qui restait entourée de mystères. Le film est sorti en 2003 sur ce fait qui s'est déroulé dans les années 80. Lorsque le tueur a été arrêté, j'avais des sentiments très troubles, complexes. Maintenant les spectateurs verront la scène finale différemment je pense. Mais j'aimerais garder le film tel qu'il est. Ce serait comme une sorte d'archive de l'époque. Concernant l'image du criminel, pendant l'écriture du scénario, j'avais l'impression de devenir fou. J'avais rencontré des policiers, des proches des victimes, des journalistes, mais celui que je voulais rencontrer c'était le meurtrier et je ne pouvais que l'imaginer. Je me suis donc inspiré et appuyé sur certains films pour cela."

Parti-pris visuels très forts
Bertrand Tavernier: "Vous devez avoir rudement confiance en vous pour tenir ces parti-pris (dans Memories of murder notamment) ou alors vous êtes extrêmement audacieux!"

"Merci pour le compliment mais je crois que c'est dû à mon tempérament bizarre. J'ai un comportement qui part dans tous les sens. Quand on regarde les archives des années 80, c'est une vraie comédie noire. Bien sûr les crimes sont terribles, mais quand on prend de la distance et qu'on regarde les policiers, on a de suite l'image d'une comédie noire. Ils veulent absolument capturer ce criminel, mais n'y arrivent pas. Ils en deviennent complètement fous. Ils vont même jusqu'à consulter un chaman. C'est donc à la fois drôle, car ils sont gauches, mais aussi triste car ils sont réellement désespérés. L'horreur, le désespoir et la comédie étaient déjà assemblés."

Chaque film contre le précédent
" Vous avez vu juste. Quand j'écris le scénario, ce n'est pas intentionnel. Pourtant quand je prends un peu de recul; je réalise que j'écris en effet que chaque film est en réaction avec le précédent."

Clivages sociaux
"Je n'ai pas forcément de message politique ou social. Mon obsession c'est l'intérêt que je porte aux gens qui m'entourent. Quand on creuse et qu'on parle d'une société, on parle de toutes façons de la Société et de l'Histoire. Et surtout en Corée où il est impossible de dissocier la Société de l'Individu." Le cas particulier de The Host est très intéressant. Sans forcément vouloir passer de message force est de constater que les membres de la famille sont méprisés car de classe populaire. "Les personnages principaux dirigent un petit snack et font partie du peuple. Ils se demandent s'ils peuvent vraiment être protégés par le pouvoir. C'est à partir de là donc qu'on a à la fois une comédie et des éléments dramatiques."

Cellule familiale
Pourquoi une telle importance de la cellule familiale? "En effet, pourquoi? Je ne m'en rendais pas forcément compte. Mais ce sont toutes des familles qui ont des failles (dans Mother la mère est seule avec son fils, dans The Host la mère n'est plus là). Finalement c'est la première fois dans Parasite que je montre des familles traditionnelles avec un père, une mère et leurs enfants."

Dans tout succès réside une part de mystère
Comment expliquer le triomphe "global" de Parasite? "Pour être honnête, lors de la production, on espérait juste pouvoir rentrer dans nos frais car on trouvait l'histoire bizarre et on était donc assez inquiet. Je n'étais pas du tout sur de moi. Alors c'est moi qui vous retourne la question, comment expliquez-vous ce succès?"

Clermont-Ferrand 2019 : retour sur nos découvertes

Posté par MpM, le 21 février 2019

À Clermont Ferrand, il n’y a pas de notion d’exclusivité ou de première mondiale. Dans le foisonnement des courts métrages présentés, on retrouve donc de nombreux films déjà remarqués en 2018, et dont certains figuraient dans nos classements français et étranger de fin d’année.

Bien sûr, le plus grand festival de courts métrages du monde n’allait pas passer à côté de La chute de Boris Labbé, sélectionné dans la section « labo ». Même chose pour Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet, La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel, Je sors acheter des cigarettes dOsman Cerfon, Le baiser du silure de June Balthazard, Moi votre ami de Camille Polet, La chanson de Tiphaine Raffier, D'un château l'autre d'Emmanuel Marre, III de Marta Pajek, The migrating image de Stefan Kruse, Swatted de Ismaël Joffroy Chandoutis ou encore Last year when the train passed by de Pang-Chuan Huang.

Autant dire que les très nombreux et assidus festivaliers clermontois (où ailleurs voit-on des centaines de personne faire de longues files d’attente pour voir des courts métrages ?) ont pu s’en mettre plein les yeux, et vérifier l’immense diversité, inventivité et richesse esthétique du format court, qui ne cesse d’interroger son époque, quand ce n’est pas le cinéma lui-même.

Démonstration en une dizaine de films.

All inclusive de Corina Schwingruber Ilic (Suisse)


Sans commentaires ni dialogues, All inclusive nous immerge pendant 15 minutes dans le quotidien d’un paquebot de croisière de la taille d’un immeuble. Les plans sur la façade donnent immédiatement l’échelle de cette véritable ville flottante sur laquelle se détachent des centaines de fenêtres et de balcons tous identiques.

C’est dans le choix et la juxtaposition des plans (chorégraphies collectives, séances de poses photos, distribution de gel hydro-alcoolique avant de serrer la main du capitaine...) que se manifeste l’ironie dont fait preuve la réalisatrice. Les passagers de cette aberration maritime dansent, plongent, mangent, en un mot vivent, et nous renvoient l’image d’êtres factices, coincés pour toujours dans un rêve de pacotille dont ils ne peuvent sortir, répétant inlassablement les mêmes gestes joyeux et artificiels.

C’est à la fois drôle et vertigineux, pathétique et presque effrayant, comme la captation de rituels codifiés qui ne seraient pas faits pour être observés de l’extérieur.

Are you listening, mother ? de Tuna Kaptan (Turquie)


Probablement l’un des films les plus classiques que l’on ramène de Clermont. Dans une première scène intrigante, une femme âgée rentre chez elle, accompagnée par la police. Son fils l’attend à la porte, gêné et soulagé à la fois. Le spectateur pense qu’elle s’était perdue, mais découvre bientôt qu’elle est assignée à résidence, obligée de porter un bracelet électronique qui l’empêche de s’éloigner du boîtier de plus de 15 mètres. Tout l’enjeu du film est d’observer la résistance passive du personnage qui ne cesse de franchir la ligne invisible, déclenchant systématiquement une alarme et la venue des policiers. La répétition du motif est évidemment drôle, et le réalisateur n’hésite pas à aller vers cette tonalité comique. Mais en parallèle, il place quelques éléments à la fois plus absurdes et plus sombres. Chaque déclenchement d’alarme est ainsi sanctionné par une amende lourde à payer pour cette famille modeste. On sent aussi l’espace vital de la vieille femme se réduire. Cela se traduit par la mise en œuvre de moyens de plus en plus coercitifs pour la maintenir « à sa place » en même temps que par le dépouillement de son intérieur. Très peu dialogué, le film recourt ainsi à un langage très visuel et à des motifs quasi burlesques pour accompagner la narration.

La force du film est de laisser le drame à la porte, latent mais hors champ, pour se concentrer sur les personnages et notamment la très belle relation de complicité qui unit le fils et sa mère. Inattendue, une séquence de danse improvisée vient par exemple éclairer de l’intérieur cette maison dans laquelle les absents occupent une place gigantesque.

Un simple carton, à la fin, vient expliquer que l’intrigue est basée sur une histoire vraie, et explique la nature du délit commis par le personnage. Bien sûr cette fin apporte un éclairage tout à fait différent sur le récit, qui se teinte alors d’un discours politique et engagé, et y gagne une profondeur supplémentaire. Dommage pourtant qu’il n’ait pas été possible d’incorporer ces éléments directement à l’intrigue, sans avoir recours à l’effet un peu artificiel de ce texte presque pédagogique.

Le chant d’Ahmed de Foued Mansour (France)


Sur la trame classique d’une rencontre entre deux personnages qu’a priori tout oppose, Le chant d’Ahmed est un conte sensible et attachant qui s'attache avant tout au facteur humain. Ahmed est employé aux bains douches publics depuis des années et voit la retraite approcher. Pour l'épauler, on lui envoie Mike, un adolescent en délicatesse avec la justice et la société. Le vieil homme consciencieux et le jeune homme qui fait feu de tout bois se découvrent une complicité inattendue, pleine d'humour et de non-dits.

Le secret du film réside dans quelques scènes fortes, finement écrites (notamment celle où Mike rappe devant Ahmed, ou lorsqu'il tente désespérément de ramasser une savonnette à l'aide d'une pince), qui apportent sincérité et justesse au récit, mais aussi une forme d'émotion subtile. On se laisse emporter par ce conte tout en retenue qui n'assène aucun message, mais observe simplement avec bienveillance l'une de ces surprises que réserve parfois la vie.

Hurlevent de Frédéric Doazan (France)


Un livre posé sur le sol. Le vent qui se lève. Frédéric Doazan donne vie aux mots et aux signes dans un film poétique où les caractères d'imprimerie aux typographies diverses s'animent et se combinent pour former d'autres signes, d'autres images. On est fasciné par cette manière de montrer le langage en action, pris dans un tourbillon qui le malmène et l'agite, lui faisant vivre rencontres impromptues et existences changeantes.

Tout devient alors possible à l'écran, des combats aux mutations, tour à tour chargés de sens ou absurdes. Comme l'explique le réalisateur, c'est le vent qui est ici le narrateur, mais un narrateur involontaire qui crée les rafales et les bourrasques sans réellement se soucier des effets et du résultat. S'y manifeste pourtant la puissance toujours menacée du langage, via une nouvelle tour de Babel qui nargue les cieux.

Maria de los Esteros de Eugenio Borrero et Our song to war de Juanita Onzaga (Colombie)


Le hasard de la programmation crée souvent des échos et des correspondances entre les films, donnant le sentiment qu’ils se répondent, ou se complètent. C’est la cas de Maria de los Esteros de Eugenio Borrero et de Our song to war de Juanita Onzaga qui sont chacun à sa manière des évocations poétiques et politiques d'événements sanglants traumatiques.

Tous deux se déroulent dans une nature magnifiée (la mangrove, les différents bras de la rivière), captée par une caméra omnisciente qui se fait notre guide. Dans les deux cas, une voix off insuffle du mystère au récit. L’ambiance est trouble, la temporalité peu marquée.

Dans le premier film flotte le spectre de l’exil (des populations expulsées de leur territoire pour des raisons économiques, à Buenaventura en Colombie), dans le second celui de la mort (le massacre d'environ 120 habitants de Bojaya par les FARC, en mai 2002). Dans les deux cas, la question du territoire et du souvenir sont prégnants, interrogeant l'avenir possible. Comme une communauté d'esprit et d'esthétique dans la manière de traiter le poids lourd du passé et les ondes infinies de la tragédie.

Nuit chérie de Lia Bertels (Belgique)


Par une belle nuit bleutée d’hiver, une poignée d’animaux insomniaques se croisent. Il y a le Ouistiti qui a peur du yéti, l’ours mélancolique, le loup musicien. Tous veillent sous l’éclat majestueux d’un ciel couvert d’étoiles filantes.

Avec son esthétique ronde et douce et son camaïeu de bleus, le récit est plus contemplatif qu’initiatique. À la fois plein de spleen et de douceur. À destination des plus jeunes, mais pas uniquement, il rappelle l’inanité des préjugés et l’importance de ne pas passer à côté des belles choses de la vie : une croisière au clair de lune à dos de baleine, la surprise de surmonter ses peurs, la rencontre avec de nouveaux amis.

On est conquis par la simplicité, l'intelligence et la justesse de ce conte jamais mièvre, dans lesquels les personnages sont immédiatement attachants, et les dialogues profonds. Sans oublier une mention spéciale pour la musique déchirante jouée par le loup, et la chanson finale du poète maudit.

Screen de Christoph Girardet et Matthias Müller (Allemagne)


La pluie qui s'abat sur le sol, la neige qui tombe en flocons légers, le sable qui s'écoule inlassablement... Des voix qui se succèdent, impérieuses ou autoritaires : "ouvrez les yeux, écoutez ma voix, vos paupières sont lourdes..." Stimuli lumineux, bruit blanc d'une télé qui ne capte plus de programmes. Les réalisateurs Christoph Girardet et Matthias Müller utilisent des extraits d'images de films qu'ils mêlent aux extraits sonores d'autres films pour réfléchir sensoriellement, par le biais d'une recherche formelle et expérimentale, à l'impact des images sur le corps et l'esprit de celui qui les reçoit. Ils inventent ainsi une forme de séance d'hypnose cinématographique collective forcément hallucinée.

Sans trop savoir à quelle expérience on participe (est-on le sujet hypnotisé auquel s'adressent les voix de fiction ou le spectateur réel, incapable de détacher son regard de l'écran ? - l'analogie est aussi forte qu'évidente), on est fasciné au sens le plus fort du terme par cette succession de plans qui nous entraînent toujours plus loin dans la force incommensurable de l'image. On voudrait littéralement que l'écran ne s'éteigne plus jamais, nous permettant de baigner pour toujours dans cette alternance de lumière et d'obscurité capable de nous faire quitter notre corps et voyager bien au-delà des mondes connus sans jamais quitter notre fauteuil.

Solar walk de Reka Bucsi (Danemark)


On retrouve dans Solar walk l’esthétique qui nous avait séduits dans Love, présenté à Berlin en 2016. Des couleurs vives, des personnages au design naïfs, et une sorte de rêverie mystérieuse qui nous embarque dans son univers singulier. Aux confins d'un système solaire inconnu, des sortes de lapins cosmiques jouent avec les planètes, et envoient des cosmonautes miniatures dans l'espace.

N'hésitant pas à passer par l'abstraction pure, la réalisatrice nous entraîne dans un tourbillon onirique de formes et de couleurs. Parfois on se perd un peu dans ce récit déroutant, construit par couches successives, et qui fourmille d'intrigues et d'images. Mais il y a toujours une idée visuelle ou un passage particulièrement virtuose pour nous ramener dans le film, à l'écoute des sensations qui défilent à l'écran. Comme si Reka Bucsi avait inventé un langage esthétique se passant de mots et de causalités pour parler directement aux sens du spectateur.

Et sans doute fallait-il bien ce foisonnement sensitif vertigineux, aux multiples correspondances cachées, et cet affranchissement d'une narration traditionnelle pour réinventer avec un tel brio le space opéra existentiel.

Sous le cartilage des côtes de Bruno Tondeur (Belgique / France)


Comment vivre avec la douleur ? Comment appréhender ce mal étranger tapis en nous, prêt à nous dévorer à la moindre seconde d’inattention ? Bruno Tondeur nous plonge dans les affres de l’impuissance qui nous saisit lorsque notre corps, ce si intime étranger, se met à agir contre notre volonté. Lorsqu’il reprend en quelque sorte le contrôle, et par le mal qu’il abrite (réel ou supposé), se met à occuper la moindre de nos pensées. Quand chaque fibre de notre être n’est plus qu’instinct de survie et peur panique de la mort.

A l’écran, cœur qui bat, poumons qui palpitent. Tuyauterie complexe à laquelle nous ne pensons pas la plupart du temps. Le réalisateur nous la montre pourtant en alternance avec le quotidien du personnage. En interaction avec ce quotidien qui nous apparaît répétitif : mêmes scènes de bureau, de restaurant, de solitude. Juste le personnage et cette créature rose fantasmée qui occupe de plus en plus de place : la matérialisation de ce qui le ronge.

Le film de Bruno Tondeur crée une impression étrange, dérangeante, quasi anxiogène, renforcée par le contraste entre l’aspect enfantin de la « créature » (sorte de bibendum rose affectueux) et l’effet qu’elle a sur le personnage. L’effroi et la stupeur se matérialisent alors visuellement à l’écran, sous forme d’insectes-bactéries de toutes sortes qui grouillent sur et autour de lui dans des visions pas si éloignées de nos pires cauchemars.

Wild will d'Alan King (Australie)


Wild Will fait partie de ces films que l’on aime qualifier d’hypnotiques, et dans lesquels le cinéma s’affirme en tant qu’art du hors champ et de la suggestion. À l’image, un gros plan au ralenti sur le visage hagard d’un homme. Encore hagard est-il un grand mot : en vérité il est inexpressif. Absent à lui même. Vide.

En off, un échange par talkie-walkie. Histoire basique : un policier rencontre l’une de ses connaissances dans la rue, trouve son comportement étrange (il est désorienté et ne semble pas le reconnaître), le ramène au poste. C’est là que l’homme révèle sa vraie nature, dans une scène d’une violence inouïe dont on ne voit pourtant rien à l’écran, si ce n’est un reflet flou dans une paire de lunettes posée sur la table. Tout ou presque se joue au niveau sonore, avec des cris et des grognements qui glacent le sang. Mais ce qui est le plus effrayant, c’est probablement le plan qui revient au visage privé de réaction de Will.

Alan King, que l’on retrouve à tous les postes, y compris à celui d’acteur principal, nous emmène au confins de la monstruosité, dans une dimension parallèle où se révèle brutalement le vrai visage de l’être humain. Le minimalisme précis de son cinéma est en soi plus sidérant que des tombereaux d’effets spéciaux.

Silence soudain pour le compositeur Johann Johannsson (1969-2018)

Posté par vincy, le 11 février 2018

Le compositeur islandais Johann Johannsson, né le 19 septembre 1969 à Reykjavik, est décédé à l'âge de 48 ans, a annoncé samedi soir son manager. Il a été trouvé mort vendredi dans son appartement de Berlin. Une enquête est en cours afin de déterminer les causes de son décès.

Il a été nommé deux fois pour l'Oscar de la meilleure musique de films (en 2016 pour Sicario et en 2015 pour Une merveilleuse histoire du temps, qui lui avait valu un Golden Globe).

Après une douzaine d'années, il s'était fait connaître au public international avec la trame sonore de Prisoners de Denis Villeneuve, qui lui confiera aussi la musique de Premier contact. Il aussi composé 8 albums, dont le dernier, Orphée (2016).

"Je pense que ma musique est une façon de communiquer directement avec les gens et leurs émotions", avait-il expliqué au magazine The Talks en 2015. Il revendiquait aussi un droit au silence comme partie intégrante de ses compositions.

L'an dernier, il avait été le consultant sonore de Mother! de Darren Aronofsky. On entendra encore ses sons épurés et électroniques dans Le jour de mon retour de James Marsch, Mandy de Panos Cosmatos et Marie Madeleine de Garth Davis.

Venise 2017 : Darren Aronofsky accouche de Mother!

Posté par kristofy, le 5 septembre 2017

Certains films sont attendus parce qu’on se doute qu’ils vont être bien, d’autres sont attendus parce qu’on doute de ce que ça va être. Mother! dont la première mondiale a eu lieu à Venise, est de cette deuxième catégorie. Pour l’occasion Darren Aronofsky, accompagné de ses acteurs, Jennifer Lawrence, Javier Bardem et Michelle Pfeiffer, avait fait le déplacement en Italie. Rappelons qu'Aronofsky a reçu sa plus prestigieuse récompense sur le Lido avec un Lion d'or en 2008 pour The Wrestler.

"Fraichement" reçu - dans le tableau des étoiles de la presse, Mother! est l'un des films le moins aimé -, cette œuvre étrange est bien faite mais le rebondissement vers la fin du récit rend le film plutôt vain. Tout ça pour ça? Chacun sera libre d'interpréter cet épilogue énigmatique.

Darren Aronofsky : "Pour certains de mes autres films comme par exemple Black Swan ou Noé le développement du projet a duré pendant de longues années. J’ai eu une idée que j’ai commencé à visualiser et à entendre, et j’ai écrit l’histoire de Mother! en cinq jours environ. J’ai proposé le rôle principal à Jennifer Lawrence, elle a voulu le jouer, la production s’est faite assez vite. Faire un film c’est pour moi avant tout une histoire que je considère pouvoir filmer d’un point de vue personnel et unique. Il ne faut surtout pas faire un film pour viser un large public, c’est une erreur. Mother! c’est comme un roller-coaster, venez si vous êtes prêt à faire plusieurs tours…"

On n’en dira pas plus maintenant, sauf trois indices pour vous mettre sur la voie de Mother! et de son mystère à découvrir en salles dès la semaine prochaine :

- la bande-annonce peut faire penser à une histoire comme celle de Rosemary's baby de Roman Polanski… Darren Aronofsky aime beaucoup les films de Polanski, comme Repulsion qu’il serait possible de rapprocher de Black Swan. Ici non, ça n’a rien à voir : Mother! raconte une toute autre histoire…

- la bande-annonce indique "du réalisateur de Requiem for a dream et de Black Swan…" Peut-être qu’il s’agit de ses films les plus connus, en plus d'être liés par un trouble de l’identité. Pour être en phase avec le contenu de Mother! ça aurait été beaucoup plus pertinent d’indiquer le titre de deux autres de ses films… En voyant Mother! on pense davantage à Noé et La Fontaine: à cause de la religion, dont le film semble une allégorie...

-Il y a plusieurs affiches du films en circulation, qui sont très différentes… Les affiches sont graphiquement assez réussies, tout en mettant en avant le personnage de Jennifer Lawrence, ou Javier Bardem. Cependant l’une des affiches est particulièrement symbolique du contenu de Mother!... Cette illustration est un gros indice sur le twist final.

Deauville 2017 : hommage à Darren Aronofsky et projection de Mother!

Posté par wyzman, le 10 août 2017

Adoré par la critique, Darren Aronofsky aura droit à un traitement bien particulier lors du prochain festival de cinéma américain de Deauville qui se tiendra du 1er au 10 septembre. Si l'on vous disait récemment que Laura Dern et Michelle Rodriguez seraient de la partie, le réalisateur de Requiem for a Dream devrait être la principale attraction de cette édition pour de nombreux festivaliers.

Et cela sans doute parce qu'outre la présence du cinéaste américain de 48 ans, l'édition 2017 du festival de Deauville sera aussi l'occasion de découvrir en avant première Mother!, son nouveau film porté par la superstar Jennifer Lawrence. L'affiche officielle vient d'être mise en ligne et la bande annonce dévoilée dans la foulée n'a laissé personne indifférent. Mother! sortira le 13 septembre en France.

Pour rappel, seul le dernier film de Darren Aronofsky a laissé la presse mitigée. Noé racontait entre autres le destin exceptionnel d'un homme se préparant à vivre l'Apocalypse avec sa famille. Sorti en avril 2014, Noé a tout de même amassé plus de 360 millions de dollars dans le monde, devenant ainsi son plus gros carton devant Black Swan.

The Social Network part grand favori des Oscars

Posté par vincy, le 14 décembre 2010

En récoltant tous les titres de Meilleur film dans les différentes remises de palmarès de ce week-end, The Social Network de David Fincher ne laisse pas beaucoup de place à ses concurrents pour la prochaine cérémonie des Oscars.

Les critiques de Boston, Washington, San Francisco, Toronto et surtout de Los Angeles et New York (ces deux listes sont parmi les plus prestigieuses toutes remises de prix confondues) ont unanimement élu le drame de Fincher comme meilleur film, mais pas seulement. Le scénario est régulièrement récompensé, tout comme la mise en scène, et même l'acteur principal. Pourtant celui-ci devrait laisser l'Oscar à un autre favori, Colin Firth, dont ce devrait être l'année, avec son personnage de The King's Speech. Idem côté film d'animation où Toy Story 3 truste la catégorie, d'Est en Ouest, à l'exception de Toronto (Dragons).

L'autre surprise provient de France : Carlos, d'Olivier Assayas, mais aussi L'illusionniste de Sylvain Chomet, collectionnent les récompenses. Même Niels Arestrup se retrouve primé pour son second rôle dans Un prophète (à Los Angeles). Sans oublier Alexandre Desplat (côté musique). Carlos (remarqué par les critiques de New York et Los Angeles) n'est pas sélectionnable pour les Oscars (les français ont préféré présenter Des hommes et des Dieux).

Seul l'Oscar de la meilleure actrice semble ouvert : Michelle Williams (Blue Valentine) à San Francisco, Jennifer Lawrence (Winter's Bone) à Toronto et Washington, Annette Bening (The Kids are all right) à New York, Kim Hye-ja (Mother) à Los Angeles, Natalie Portman (Black Swan) à Boston

Critiques de New York

The Social Network : film, réalisateur
The Kids are all right : scénario, actrice, second rôle masculin
The King's Speech : acteur
The Fighter : second rôle féminin
Black Swan : image
L'illusionniste : film d'animation
Inside Job : Documentaire
Carlos : Film en langue étrangère
Animal Kingdom : premier film

Critiques de Los Angeles

The Social Network : film, réalisateur, scénario, musique
Carlos : film en langue étrangère, réalisateur
The King's Speech : acteur
Mother : actrice
Un prophète : second-rôle masculin
Animal Kingdom : second rôle féminin
Last Train Home : documentaire
Toy Story 3 : film d'animation
Black Swan : image
The Ghost-Writer : musique
Inception : décors et costumes

Les Spirit Awards lancent le super-week-end des prix hollywoodiens

Posté par vincy, le 5 mars 2010

Ce vendredi 5 mars seront remis les Independant Spirit Awards, juste avant les Razzies puis les Oscars. Pour leur 25e anniversaire, les prix du cinéma indépendant américain se sont offert un menu prestigieux. On retrouve quelques oscarisables, mais aussi des stars, des films en tous genres et un prix spécial pour A Serious Man des frères Coen (Prix Robert Altman pour les réalisateur, le directeur de casting et l'ensemble des comédiens). Là encore les films présentés à Sundance et à Cannes l'an dernier s'octroient la part du lion. Un prophète est en lice dans la catégorie meilleur film étranger.

Voici les nominations par ordre alphabétique. En gras, les films les plus nommés, avec, en tête Precious et The Last Station (5 citations chacun).

(500) Days of Summer (film, scénario, acteur : Joseph Gordon-Levitt)

A Serious Man (réalisateurs : Joel et Ethan Coen, photo)

A Single Man (premier film, premier scénario, acteur : Colin Firth)

Adventureland (scénario)

Amreeka (film, premier scénario, actrice : Nisreen Faour)

An Education (film étranger)

Anvil ! The Story of Anvil (documentaire)

Bad Lieutenant : Port of Call New Orleans (photo)

Big Fan (film à petit budget)

Cold Souls (premier scénario, second rôle féminin : Dina Korzun, photo)

Crazy Heart (premier film, premier scénario, acteur : Jeff Bridges)

Downloading Nancy (actrice : Maria Bello)

Easier with Practice (premier film)

Everlasting Moments (film étranger)

Fifty Dead Men Walking (second rôle féminin : Natalie Press)

Food inc. (documentaire)

Gentlemen Broncos (second rôle masculin : Jemaine Clement)

Goodbye Solo (acteur : Souléymane Sy Savané)

Humpday (film à petit budget)

La Nana (film étranger)

Me and Orson Welles (second rôle masculin : Christian McKay)

More Than A Game (documentaire)

Mother (film étranger)

October Country (documentaire)

Paranormal activity (premier film)

Precious (film, réalisateur : Lee Daniels, premier scénario, actrice : Gabourey Sidibe, second rôle féminin : Mo'Nique)

Sin nombre (film, réalisateur : Cary Joli Fukunaga, photo)

That Evening Sun (second rôle féminin : Mia Wasikowska, second rôle masculin : Raymond McKinnon)

The Last Station (film, réalisateur : Michael Hoffman, scénario, actrice : Helen Mirren, second rôle masculin : Christopher Plummer)

The Messenger (premier film, scénario, second rôle féminin : Samantha Morton, second rôle masculin : Woody Harrelson)

The New Year Parade (film à petit budget)

The Vicious Kind (scénario, acteur : Adam Scott)

Treeless Mountain (film à petit budget, photo)

Two Lovers (réalisateur : James Gray, actrice : Gwyneth Paltrow)

Un prophète (film étranger)

Which Way Home (documentaire)

Zero Bridge (film à petit budget)

Cannes : les films européens qui pourraient monter les marches

Posté par MpM, le 27 février 2009

Berlin terminé, les Oscars décernés… pour s’occuper, la profession n’a plus qu’à lorgner du côté de Cannes et des films qui, s’ils étaient prêts à temps, pourraient faire sensation sur le tapis rouge. La liste est longue et parfois fantasque, mais certains noms reviennent avec une vraie constance. Sûrement de quoi amuser Thierry Frémaux qui, comme chaque année, va au cours des deux mois qui viennent découvrir au fil des articles de journaux ce qu’il est censé aimer ou détester.

losabrazos.jpg

Aux réalisateurs français déjà cités (voir notre article du 18 janvier), se sont peu à peu ajoutés l’incontournable Bruno Dumont (Hadewijch), Marina de Van (Ne te retourne pas, déjà pressenti en 2008) et Gaspar Noe (Soudain le vide), trois réalisateurs susceptibles de susciter une vraie bonne polémique comme la Croisette en est friande. Dans un genre très différent, certains parlent du documentaire de Nicolas Hulot, The titanic Syndrome tandis qu'en outsiders, on voit bien Stéphane Brizé (Mademoiselle Chambon, adapté d'un roman de Eric Holder) ainsi qu' Albert Pereira Lazaro et son complice Emmanuel Klotz pour le film d'animation Les lascars.

Déjà venus, Tony Gatlif (Liberté), Alain Resnais (Les herbes folles) et Cédric Kahn (Les regrets) pourraient enfin faire également partie des prétendants présentés aux sélectionneurs du Festival. On l'a compris, le choix final risque d'être particulièrement complexe... d'autant que, traditionnellement, seuls trois ou quatre films français figurent en compétition.  Même avec la possibilité d'un "repêchage" en "séance spéciale" ou dans le cadre de la section "Un certain regard", la majorité des longs métrages envisagés ne fera pas le voyage, et cela indépendamment de toute considération artistique.

Almodovar, Loach, Von Trier, Mungiu...

Il ne faut pas croire que la sélection s'annonce plus facile dans le reste de l'Europe. Même parmi les "fidèles", voire les déjà palmés, un tri drastique va s'imposer. De Pedro Almodovar (Los abrazios rotos, avec Peneloppe Cruz) dont on ne compte plus les tentatives de remporter la Palme à Ken Loach (Looking for Eric, sur et avec Eric Cantonna) qui l'a reçue en 2006, ils sont tous prêts : Lars von Trier (Antichrist avec Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg), Fatih Atkin (Soul kitchen, une comédie avec Morritz Bleibtreu), Michael Haneke (Le ruban blanc), Cristian Mungiu (Palme d’or 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours qui revient avec Tales from the golden age, sur la Roumanie communiste), Marco Belloccio (Vincere), Bela Tarr (The Turin horse), Andreas Arnold (Fish tank), Danis Tanovic (Triage)...

Toutefois, la surprise pourrait aussi venir de ceux qui n'ont jamais connu les honneurs de la compétition ou même du Festival : l'Italien Michele Placido (Il grande sogno), l'Autrichienne Jessica Hausner (Lourdes), l'Islandais Dagur Kari (The good heart), l'Allemand Matthias Glasner (This is love, sur la prostitution enfantine en Thaïlande) ou encore le film d'animation nordique, Metropia, dirigé par Tarik Saleh.

__________

A suivre : les films nord-américains attendus sur la Croisette