Palmarès, films à suivre et animation russe : retour sur la 15e édition de Mon premier festival

Posté par MpM, le 4 novembre 2019

La 15e édition de Mon Premier Festival s'est achevée mardi 29 octobre par l'annonce très attendue du palmarès. C'est le film néerlandais Fight girl de Johan Timmers (sans date de sortie pour le moment) qui a séduit le jury composé d'enfants. Il s'agit de l'histoire de Bo, une jeune fille en souffrance, qui retrouve un équilibre à travers la pratique de la boxe.

Pour la première fois, le jury a également récompensé la meilleure musique de film. Fabien Leclercq (alias Le Motel) a ainsi été distingué pour Binti de Frederike Migom (sans date de sortie) qui aborde à hauteur d'enfants la question des sans-papiers. Le public avait lui aussi la possibilité de voter, et c'est La dernière vie de Simon de Léo Karmann (attendu en salle en 2020) qui a été plébiscité par les jeunes spectateurs. On y suit Simon, 8 ans, un orphelin qui rêve d'être adopté. Mais Simon a un pouvoir secret : celui de pouvoir prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée.

Le Festival fut également l'occasion de repérer les films à suivre parmi les avant-premières. Pour les plus jeunes, le programme Zibilla ou la vie zébrée raconte avec douceur et humour des histoires d'exclusion qui font toujours écho d'une manière ou d'une autre avec leur vécu. Zibilla, l'héroïne du court métrage principal, est une enfant adoptée qui vient s'installer dans une nouvelle ville. Problème : elle est une zèbre dans un monde de chevaux. Mais c'est en affirmant sa personnalité bien à elle qu'elle viendra à bout des moqueries et des préjugés.

A voir à partir de 5 ans, Le monde animé de Grimault permet de redécouvrir 4 films du maître de l'animation française : L'épouvantail, Le Voleur de paratonnerres, La Flûte magique et Le Petit soldat. Des histoires drôles et subversives dans lesquelles le faible défie systématiquement le fort ou l'autorité, et qui sont un formidable moyen de (re)nouer avec l'oeuvre sautillante, ironique et poétique de Grimault. A redécouvrir sur grand écran dès le 6 novembre, accompagné d'un autre programme, destiné aux plus grands, qui comporte quatre autres films donnant un large aperçu de la palette sensible du réalisateur.

Pour les plus grands (à partir de 8 ans), le festival a également permis de découvrir L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian plusieurs mois avant sa sortie (8 janvier). Le film qui a enchanté Annecy, et dont nous avons déjà eu l'occasion de vous dire le plus grand bien, à la fois en raison de sa sensibilité, de sa fantaisie, et de sa liberté, figure définitivement parmi les incontournables de 2020.

Enfin, Mon Premier festival est toujours l'occasion de se pencher sur une cinématographie particulière, et cette année les jeunes festivaliers étaient particulièrement gâtés puisqu'il s'agissait de l'animation russe ! Ils ont ainsi pu se régaler toute la semaine avec différents programmes de courts métrages, un focus sur le réalisateur Garri Bardine et la (re)découverte de deux très beaux longs métrages : Tout en haut du monde de Rémi Chayé (2016) et La Reine des neiges de Lev Atamanov (1957).

Garri Bardine demeure irrémédiablement l'un des cinéastes d'animation russes les plus captivants de ces trente dernières années. En plus de son humour et de sa fantaisie, flagrante dans l'ode à l'imagination et à l'enfance qu'est La Nounou, dans lequel un petit garçon se crée de toutes pièces une nounou aux nombreux pouvoirs magiques, on est frappé par la manière dont il utilise les conventions de l'animation comme éléments de l'intrigue, notamment en jouant sans cesse sur les matériaux, ou la matière, qui constituent ses personnages.

Dans La Nounou, on assiste à rien de moins que la mise en abyme du processus de création de la marionnette. Dans Le Loup gris et le petit chaperon rouge, ce sont les corps qui s'étirent, s'allongent, se déforment au gré de l'histoire et de ses péripéties, jusqu'à l'explosion finale du ventre du loup. Dans Hop-là badigeonneurs, les multiples accidents provoqués par les apprentis-peintres les obligent sans cesse à se remodeler eux-mêmes. Dans Adagio, allégorie anxiogène sur le rejet de l'Autre et le fanatisme, les personnages sont de simples feuilles de papier pliées, uniformément grises, qui renvoient à une humanité universelle. Il y a ainsi chez le réalisateur une volonté d'améliorer sans cesse la réalité grâce aux artifices de l'animation qui lui permettent d'ajouter des niveaux de lecture complémentaires.

Il faut enfin souligner l'oeuvre d'un autre maître de l'animation russe, Youri Norstein, dont étaient présentés deux courts métrages : Le Héron et la cigogne et Le Hérisson dans le brouillard. On entre avec ces deux films dans l’œuvre particulière du cinéaste russe à qui l’on doit également le magnifique Conte des contes. Dépouillé, dans un registre de couleurs qui se cantonne à un camaïeu de gris, de verts foncés, de marron, de noirs et de blanc, les deux films sont des démonstrations de la finesse et de la poésie mélancolique de Norstein. Dans le premier, un héron et une cigogne ne cessent de se courtiser puis de se refuser, à tour de rôle. Dans le second, un petit hérisson se rend chez son ami l’ourson pour observer les étoiles, mais se trouve pris dans une nappe de brouillard qui rend inquiétant le décor familier.

Dans les deux films, les éléments météorologiques (la pluie dans l’un, le brouillard dans l'autre) influent sur l’ambiance feutrée et intimiste des récits, brouillent l’image, et vont dans le cas du hérisson jusqu’à plonger le spectateur dans une angoisse diffuse. Dans ce dernier, on est par ailleurs émerveillé par le rendu duveteux du brouillard, le travail sur les ombres, et la tension anxiogène créée à partir d’un jeu de « caméra » subjective qui nous met à la place du hérisson, soudain plongé dans un monde flou où tout est menace potentielle. Un conte délicat qui se termine bien mais laisse malgré tout notre hérisson songeur et mélancolique, et le spectateur stupéfait par une telle splendeur.  D'ailleurs, entre les enfants qui assistaient à la projection, et les adultes présents, on ne saurait dire lesquels étaient les plus émerveillés.

Mon Premier Festival 2019 : une ouverture élégante et ironique avec Le Voyage du prince de Jean-François Laguionie

Posté par MpM, le 28 octobre 2019

Les nombreux enfants présents lors de l'ouverture de la 15e édition de Mon Premier Festival n'en avaient pas forcément conscience, mais c'est un beau cadeau que leur avait réservé la manifestation en invitant Jean-François Laguionie à présenter son nouveau film, Le Voyage du Prince, co-réalisé avec Xavier Picard. Peu savaient sans doute que le réalisateur, qui s'est adressé à la salle avec chaleur et simplicité, est l'un des plus grands auteurs de cinéma d'animation vivants, et qu'on lui doit une oeuvre riche et éclectique de longs et de courts métrages élégants, poétiques, délicats et intelligents. De Gwen (ressorti récemment) à Louise en Hiver, en passant par Le Tableau, sa filmographie fait la part belle à l'imaginaire, à la mélancolie et à des réflexions douces-amères sur le temps qui passe, sans oublier un regard distancié, quand ce n'est pas ironique, sur les travers de l'être humain.

Le voyage du Prince, qui est plus un spin-off qu'une suite de son Château des singes sorti en 1999, reprend le personnage du Prince, et le fait échouer seul et blessé sur un rivage inconnu, de l'autre côté de la mer. Recueilli par des scientifiques chevronnés qui en font leur objet d'études, il découvre une autre civilisation, plus avancée technologiquement que la sienne, mais basée sur une organisation quasi militaire, des injonctions à (sur)consommer en permanence, et une peur auto-entretenue. Le réalisateur réunit ainsi ses thèmes de prédilection dans un récit qui n'en est pas moins romanesque et souvent malicieux.

Son personnage principal, malgré, ou peut-être en raison de son âge, ne s'embarrasse guère de formalités, et joue quelques tours amusants à ses hôtes, dont il vient troubler la vie paisible. Il remet également en cause les croyances de cette société repliée sur elle-même jusqu'à l'immobilisme, et qui préfère nier l'évidence plutôt que se laisser bousculer par la nouveauté ou l'inconnu. Les Académiciens affirment sans trembler leur "supériorité morale" face un étranger qui ne peut être que "brutal et primitif", et toutes les preuves apportées ne sauraient avoir raison de leurs certitudes confortables. Jean-François Laguionie s'en donne ainsi à coeur joie lors de la scène éloquente de la présentation à l'Académie, dans laquelle l'ironie infuse dans chaque ligne de dialogue.

Il est alors facile de dresser des correspondances entre le monde où atterrit le Prince et le nôtre, dans lequel les étrangers, les naufragés, et globalement tout ce qui est un tant soit peu différent est considéré avec méfiance et angoisse, quand ce n'est pas avec haine. Ce sous-texte politique échappera vraisemblablement aux plus jeunes (le film est conseillé à partir de 7 ans), mais ils y trouveront autre chose, à commencer par une belle histoire d'amitié (entre le Prince et Tom, l'écolier qui le sauve) et d'aventure (lors de l'escapade à la "fête de la peur", ou dans la dernière partie qui conduit les personnages loin de la ville), beaucoup d'humour, et des décors souvent spectaculaires, qu'il s'agisse de la nature sauvage ou des deux cités que visite le Prince. Les enfants sont également tout à fait capables d'éprouver à leur échelle la notion centrale de rejet et d'injustice, qui peut malheureusement leur être déjà familière, ainsi que l'antagonisme entre la ville industrielle grandiose et la forêt qui tente de reprendre ses droits.

C'est aussi la grande beauté du film : s'adresser à tous les spectateurs avec des niveaux de lecture adaptés, et ne jamais douter de leur intelligence. La fin ouverte évite notamment tout angélisme, et si elle ne donne pas raison au pessimisme qui baigne tout le récit, elle laisse clairement percevoir le peu d'espoir que Jean-François Laguionie semble mettre dans ses semblables, à l'exception de ce Prince vieillissant (son double ?) qui est d'ailleurs condamné à une exploration solitaire du monde, sa curiosité et sa soif de découvertes l'excluant de fait des différentes sociétés qu'il rencontre.

Rendez-vous donc dès le 4 décembre pour découvrir au cinéma ce conte brillant qui se savoure véritablement en famille. Et pour achever de vous convaincre, voici l'avis de Raphaël, 7 ans, qui a eu la chance d'assister à la projection.

Le Résumé de Raphaël

Il était une fois, dans un village de singes : un nouvel arrivant vient d’arriver ! Le Pr Abervrach, qui cherche à être réhabilité auprès de l’académie, a une idée : il va faire un énorme rapport qu’il montrera au Maire de la ville…

L’avis de Raphaël

Ce que j’ai aimé : L’histoire ; l’arrivée du prince ; la fête de la peur ; l’escalade dans l’arbre ; la musique…
Ce que j’ai moins aimé : quand le Prince est prisonnier ; quand on lui jette des cailloux.

Mon Premier Festival souffle ses 15 bougies avec Léa Drucker et Michel Hazanavicius

Posté par MpM, le 19 octobre 2019

Avec l'arrivée des vacances de la Toussaint, c'est le retour de l'un de nos festivals préférés, celui qui s'adresse aux spectateurs qui ont probablement le plus besoin d'être pris par la main et accompagnés dans l'univers et l'histoire du cinéma, les enfants à partir de 18 mois. Pour sa 15e édition, qui se tient du 23 au 29 octobre, Mon Premier Festival poursuit en effet le travail d'initiation du regard, de partage et de transmission qui en ont fait l'un des rendez-vous incontournables de l'automne.

Cette année, l'accent sera mis sur les liens privilégiés entre littérature et 7e art, à travers une quarantaine de films dont Zazie dans le métro, Croc-Blanc, Jean de la Lune, Le Tombeau des lucioles ou encore La Jeune fille sans mains, mais aussi sur le cinéma d'animation russe (avec notamment le travail des cinéastes Garri Bardine et Youri Norstein mais aussi le splendide Tout en haut du monde de Rémi Chayé).

Parmi les autres temps forts du festival figurent également un focus sur Michel Hazanavicius, invité d'honneur, qui viendra présenter certains de ses films comme The Artist, des films cultes (La Belle et le clochard, Qui veut la peau de Roger Rabbit, OSS 117 : Le Caire, nid d'espions), des ciné-concertsdes rencontres autour des métiers du cinéma, de nombreux ateliers, et les coups de coeur de la marraine de l'édition, Léa Drucker, qui a choisi de montrer La Belle et la bête, Cendrillon et La Petite Taupe.

Pour ce qui est des avant-premières, elles proposent de découvrir avant leur sortie des films attendus comme Le Voyage du prince (le nouveau film de Jean-François Laguionie, en salle le 4 décembre), Marche avec les loups de Jean-Michel Bertrand (15 janvier) ou encore L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian (8 janvier), mais aussi des rééditions, telles que Le monde animé de Grimault (6 novembre) et Le Chien, le général et les oiseaux de Francis Nielsen (6 novembre).

Une fois encore, les vacances de la Toussaint s'annoncent comme les meilleures de l'année !

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Mon premier festival 2019
Du 23 au 29 octobre
Informations et réservations sur le site de la manifestation