[2019 dans le rétro] Nos courts métrages français préférés

Posté par MpM, le 9 janvier 2020

On poursuit ce tour d'horizon 2019 avec un panorama forcément subjectif des courts métrages français qu'il ne fallait pas rater !

2 ou 3 choses de Marie Jacobson de Anne Azoulay


Marie Jacobson est médecin. Aujourd'hui, elle apprend que c'est à son tour de mourir. Bientôt, d'ici quelques semaines. Entourée par les morts qui lui sont chers, la jeune femme s'évade dans ses souvenirs, se projette dans le passé et l'avenir, vit tant qu'elle le peut, entre refus de sa propre fin et bonheur d'être encore vivante, ne serait-ce qu'un instant.

La comédienne Anne Azoulay signe un premier court métrage bourré d'humour et de tendresse, malgré un sujet plombant et délicat. Avec justesse, douceur et sincérité, elle capte ce qui fait le sel de l'existence, et défie joliment la grande faucheuse.

Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour


Sur la trame classique d’une rencontre entre deux personnages qu’a priori tout oppose, Le chant d’Ahmed est un conte sensible et attachant qui s'attache avant tout au facteur humain. Ahmed est employé aux bains douches publics depuis des années et voit la retraite approcher. Pour l'épauler, on lui envoie Mike, un adolescent en délicatesse avec la justice et la société. Le vieil homme consciencieux et le jeune homme qui fait feu de tout bois se découvrent une complicité inattendue, pleine d'humour et de non-dits.

Le secret du film réside dans quelques scènes fortes, finement écrites (notamment celle où Mike rappe devant Ahmed, ou lorsqu'il tente désespérément de ramasser une savonnette à l'aide d'une pince), qui apportent sincérité et justesse au récit, mais aussi une forme d'émotion subtile. On se laisse emporter par ce conte tout en retenue qui n'assène aucun message, mais observe simplement avec bienveillance l'une de ces surprises que réserve parfois la vie.

Electric Swan de Konstantina Kotzamani


La réalisatrice grecque Konstantina Kotzamani (Limbo) a posé sa caméra à Buenos Aires, pour filmer le quotidien dans un immeuble qui vacille sur ses fondations. Tout en haut, ses habitants les plus aisés sont pris de vertige et de nausée. Dans le sous-sol, le gardien craint de se noyer.

Dans des plans ultra-composés et élégants, à la beauté fulgurante, Electric Swan interroge les rapports de classe à travers la géographie sociale de cet immeuble mouvant. Entre dérision, mélancolie et bribes de surnaturel, la critique sociale se mêle à une réflexion plus large sur l'humanité, la solitude et le déracinement.

L'Heure de l'Ours d'Agnès Patron

Dans une prairie aux hautes herbes folles vivent un enfant, sa mère et un homme aux allures de cow-boy. Le couple s'aime, sous le regard de plus en plus exaspéré du jeune garçon. Agnès Patron signe une fresque flamboyante et majestueuse qui raconte, dans des éclats de rouge et de vert sur fond noir, le combat immémorial des enfants pour gagner leur liberté et s'affranchir des adultes.

Dans ce film à la fois minimaliste et spectaculaire, même les herbes qui dansent au rythme du vent sont d'une expressivité folle. Servi par l'exceptionnelle musique symphonique de Pierre Oberkampf, il mêle le souffle épique au récit intime, et emporte le spectateur dans une danse effrénée et tribale qui semble nous ramener aux origines de l'Humanité.

A noter : le film est actuellement visible sur le site d'Arte.

Le jongleur de Skirmanta Jakaite


La Lituanie, coproducteur du film, nous a habitués à un cinéma absurde et déroutant qui ne ressemble à aucun autre. Le Jongleur n'y fait pas exception, avec son récit déconstruit, sa voix off mécanique et monocorde, qui vient parfois doubler ce qui est écrit à l'écran dans une typographie de machine à écrire, et ses saynètes en apparence décousues qui passent d'un personnage à l'autre sans raison évidente.

Tout est d'un gris vibrant, sans cesse troublé par des éclats de rouge ou de vert. On ne sait si on est dans l'au-delà, ou pour la première fois face au monde tel qu'il est réellement. Cette étrangeté brute et implicitement inquiétante nous laisse ainsi dans un état troublé et confus qui renvoie à de vastes interrogations existentielles sur la vie, l'univers et le reste.

Marée de Manon Coubia


Juste avant l'ouverture de la saison de ski, les hommes se réunissent pour préparer les pistes, façonner le paysage et dompter la montagne. Mais cette nuit, la nature sauvage n'est pas prête à laisser l'homme décider pour elle. Antoine, 25 ans, est seul dans sa dameuse. Il fait alors face à l'ambivalence de cette montagne qu'il aime, respecte et connaît. Hypnotisé par sa beauté fulgurante et sa force ancestrale, il se laisse happer par la blancheur fascinante de la neige.

Manon Coubia, qui renoue pour la troisième fois avec l'univers des sommets, propose une parabole minimaliste et fulgurante sur la fragilité de l'être humain face aux éléments naturels dont il sous-estime sans cesse la puissance, non pas concrète, mais spirituelle et presque mystique. Une plongée sidérante dans la beauté de ce qui nous échappe, fortement liée aux mystères de la nuit, de la vie et de la mort.

Mon juke-box de Florentine Grelier


Lauréat du prix André Martin du court métrage, remis chaque année à l’occasion du festival d'Annecy,  Mon juke-box propose un regard tendre et complice sur la relation qui unit la réalisatrice à son père, grand connaisseur de juke-box. Comme ces machines qu'il affectionne tant, lui-même a mille anecdotes à raconter, démarrant au quart de tour à l'évocation d'un lieu ou d'une époque de sa vie.

Réalisé dans une indéniable économie de moyens, le film a quelque chose d'artisanal qui non seulement lui permet de se rapprocher formellement de son propos, mais qui le rend aussi extrêmement touchant. Sûrement parce que l'on aime tant lorsque le cinéma essaye et expérimente, on se laisse emporter, et même submerger, par ce récit intime qui ne triche jamais.

A noter : en lice pour les César 2020, le film est visible en ligne pour une durée limitée.

Moutons, loup et tasse de thé de Marion Lacourt


Juste avant la nuit, les membres d'une famille se préparent au sommeil, chacun avec ses propres rituels. En cachette, un enfant invoque un loup. C'est le début d'un voyage jusqu'aux confins du cosmos.

L'onirisme et l'humour sont les maîtres-mots de cette splendide fable aux teintes lumineuses et chatoyantes, qui joue, en les inversant, avec les figures des contes de notre enfance. Ici, le loup est le confident idéal tandis que la masse des moutons trop identiques finit par être franchement inquiétante. Comme un écrin à cette fable singulière, Marion Lacourt crée un univers à la beauté saisissante, fourmillant d'idées visuelles et d'expérimentations formelles qui en renforcent la puissance hypnotique.

A noter : Le film est actuellement visible sur le site d'Arte.

Sapphire crystal de Virgil Vernier


Virgil Vernier poursuit son travail d'observateur du monde à travers un film hybride qui emprunte tous les codes du documentaire immersif, et nous emmène à la rencontre de la jeunesse plus que dorée de Genève.

Tout est passionnant dans ce vrai-faux travail d'ethnologue, qui capte avec brio l'essence de ces soirées surfaites pleines de conversations creuses, d'argumentations futiles, d'anecdotes transgressives, et de cocaïne à l'or fin. On est à la fois fasciné et étourdi par ce monde si lointain, attiré malgré nous par ses éclats de vanité et d'outrance satisfaite d'elle-même.

Sirki de Boris Labbé


Projet réalisé en collaboration avec la ville de Sapporo, Sirki réunit quatre courts métrages de deux minutes en hommage à la culture Aïnou (population autochtone du Nord du Japon) dont elle reproduit des motifs traditionnels liés à leur vie quotidienne et à leurs croyances.

Boris Labbé y met en oeuvre des éléments récurrents dans son travail, comme la boucle, la prolifération et la métamorphose. On est comme hypnotisé par les "danses" des différentes formes, tantôt concentrées au centre du cadre, tantôt l'envahissant dans un mouvement perpétuel d'extension et de rétraction, au rythme des voix entraînantes et cadencées de la musique Aïnou.

Sous la canopée de Bastien Dupriez


Bastien Dupriez creuse son sillon en proposant à nouveau un film expérimental qui combine abstraction et propos narratif. Le réalisateur, dont on aimait déjà beaucoup Aérobie et Sillon 672, utilise la gravure sur pellicule et la peinture sur verre pour nous emmener au cœur d'une forêt peuplée de paradisiers multicolores. Au fur et à mesure du film, les beaux oiseaux se muent en taches de couleur qui virevoltent au rythme de la musique envoûtante d'Antoine Zuccarelli, puis semblent se mêler dans une explosion de teintes vives et joyeuses.

Petit à petit, pourtant, l'angoisse sourd. La musique se fait mécanique, le noir et des dégradés de rouge-orangé envahissent l'écran. Quelque chose menace la forêt. On aperçoit furtivement une forme humaine, puis des silhouettes d'arbres qui se tordent et tombent à terre. Des formes et des couleurs en mouvement, qui cherchent bien moins à représenter concrètement qu'à traduire en sensations cette destruction qui est à l'oeuvre sous nos yeux.

Un adieu de Mathilde Profit

Un premier court métrage en forme de promesse qui raconte avec simplicité et justesse les dernières heures que passent ensemble un père et sa fille qui part à Paris pour poursuivre ses études loin du domicile familial. Jamais formulée, mais omniprésente, l'imminence de la séparation est dans tous les gestes, tous les regards.

Si l'on est un peu moins sensible aux péripéties du début du film (notamment la rencontre surexplicative avec un jeune homme rencontré sur l'autoroute, ou le personnage caricatural de la propriétaire), la deuxième partie du récit, resserrée autour des deux personnages principaux, est en état de grâce. On aura peu vu l'année passée de dialogues aussi délicats et bouleversants que celui qui se tisse entre le père et la fille, toujours avec cette épure formelle et narrative qui est la marque du film. Quant à l'épilogue (muet), complexe chassé croisé dans les rues de Paris, il dit en quelques plans ce que la pudeur a empêché les personnages d'exprimer.


Annecy 2019 : focus sur l’animation française 2/2

Posté par MpM, le 20 juin 2019

Le Japon avait beau être à l'honneur cette année à Annecy, c'est pourtant l'animation française qui a brillé de mille feux avec des propositions puissantes et éclectiques, et une démonstration magistrale d'inventivité et de savoir-faire. Tout, de l'esthétique aux sujets, en passant par les modes de narration et les techniques, est venu prouver l'immense vitalité d'un cinéma qui ne cesse d'expérimenter et d'explorer les possibilités infinies de son format.

Pour ce qui est du long métrage, nous avons déjà parlé de la richesse exponentielle d'un cinéma qui semble au firmament, remportant notamment un Cristal bien mérité (J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin) et proposant au parallèle plusieurs films de qualité, dont un chef d'oeuvre, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian.

Côté courts, la France n'était évidemment pas en reste, prouvant son excellente forme en remportant notamment le Cristal du court métrage. On doit bien avouer que l’on n’est guère amateur de Mémorable de Bruno Collet, mélodrame grandiloquent sur un artiste atteint de la maladie d'Alzheimer. L’idée d’aborder le sujet par le prisme de l’humour n’est pas en cause, mais rend paradoxalement presque chaque "bon mot" attendu, et de fait un peu poussif. Les voix ont d’ailleurs tendance à sonner faux, trop déclamatoires et trop écrites. Enfin, la musique vient sans cesse souligner les effets, quand on aurait eu besoin de distance et de légèreté scénaristique.

Sur le même sujet, on préfère le film étudiant (suisse) Élise de Valentine Moser, qui joue sur une temporalité totalement mêlée pour traduire les sensations d’une vieille dame elle aussi atteinte de la maladie d'Alzheimer. Plus minimaliste, bien sûr, mais parvenant avec beaucoup d’ingéniosité à fusionner fond et forme.

Couronné du prix du jury, Oncle Tomas, la comptabilité des jours a pour sa part toute sa place au palmarès. Coproduction entre le Portugal, la France et le Canada (via l’ONF), le nouveau film de Regina Pessoa est une œuvre extrêmement personnelle, que la réalisatrice narre elle-même à la première personne. Elle y dresse le portrait de son oncle, sorte d’original brisé par la vie auprès duquel elle trouvait refuge dans son enfance.

Mêlant notamment gravure et animation en volume, il prend son temps pour nous cueillir, révélant peu à peu, par petites touches, la palette d’émotions complexes qui infusent la relation ténue entre la petite fille et son oncle. Qu’ils peignent ensemble sur un mur, ou partent en randonnée, le lien qui les unit n’est jamais asséné ou sur-expliqué. La voix-off reste même pudiquement à la surface des choses, laissant le spectateur combler lui-même les silences. C’est cette relative simplicité narrative qui permet au film d’atteindre une telle force d’évocation.
A noter que le film est en ligne jusqu'au 22 juin !

La vie de château, présenté en section télévision, fait incontestablement partie des belles découvertes de cette édition. C’est Clémence Madeleine-Perdrillat (scénariste notamment pour les courts métrages La Chanson et Les Bigorneaux mais aussi réalisatrice du Cow-Boy de Normandie et de Gigot bitume) qui cosigne ce récit ultra sensible (son premier court métrage animé) avec Nathaniel H'Limi dont c’est le premier film. Une première fois sous les meilleurs auspices tant l’histoire de cette petite fille qui se reconstruit lentement après la mort de ses parents est à la fois délicate et bouleversante. Destiné aux enfants à partir de 6 ou 7 ans, il aborde avec pudeur la question du deuil mais aussi, de manière absolument lumineuse, l’idée de ces familles que l’on se choisit. Il offre également au public adulte une double lecture pleine de sensibilité, qui évoque en creux l’un des grands traumatismes nationaux de ces dernières années.

Formellement, le film joue beaucoup sur les échelles (dans les bras de son oncle, la petite Violette fait l’effet d’une poupée qu’il étreint avec une infinie délicatesse) et quelques idées visuelles de toute beauté. On aime notamment la magnifique séquence du feu, durant laquelle les deux personnages se confient l’un à l’autre avec simplicité, alors que des ombres chinoises apparaissent dans les flammes comme pour redonner vie à leurs souvenirs.

Hors palmarès, les (re)découvertes ne manquaient pas. Une nouvelle fois, Je sors acheter des cigarettes d’Osman Cerfon (prix Emile-Reynaud en 2018) a fait mouche. Toujours aussi puissant, même après plusieurs visions, le film demeure l’un des plus importants de l’année écoulée avec son mélange d’humour décapant et de tendresse bouleversante. Jonathan, un adolescent de 12 ans, habite avec sa sœur et sa mère dans un appartement où les placards et les tiroirs dissimulent des hommes qui ont tous le même visage.

Le réalisme brut du début laisse alors peu à peu place à cette métaphore visuelle pour raconter le sous-texte de l’intrigue, et extérioriser les sentiments qui animent le personnage. Ce mélange d’ironie décalée et d’étrangeté est le cocktail idéal pour évoquer l’éternelle recherche d’un père absent, figure à la fois honnie et fantasmée, qui hante au sens propre la vie du jeune garçon.

C'était en revanche la première fois que l'on découvrait Sous la canopée de Bastien Dupriez, qui creuse son sillon en proposant à nouveau un film expérimental qui combine abstraction et propos narratif. Le réalisateur, dont on aimait déjà beaucoup Aérobie et Sillon 672, utilise la gravure sur pellicule et la peinture sur verre pour nous emmener au cœur d'une forêt peuplée de paradisiers multicolores. Au fur et à mesure du film, les beaux oiseaux se muent en taches de couleur qui virevoltent au rythme de la musique envoûtante d'Antoine Zuccarelli, puis semblent se mêler dans une explosion de teintes vives et joyeuses.

Petit à petit, pourtant, l'angoisse sourd. La musique se fait mécanique, le noir et des dégradés de rouge-orangé envahissent l'écran. Quelque chose menace la forêt. On aperçoit furtivement une forme humaine, puis des silhouettes d'arbres qui se tordent et tombent à terre. Des formes et des couleurs en mouvement, qui cherchent bien moins à représenter concrètement qu'à traduire en sensations cette destruction qui est à l'oeuvre sous nos yeux.

Toujours en compétition, on a également été séduit par Tétard de Jean-Claude Rozec, un récit anxiogène qui repose à la fois sur la cruauté enfantine, et sur l'ambivalence des rapports au sein d'une fratrie. La grande sœur ne cesse de raconter à son impressionnable petit frère qu'il est en réalité un enfant-crapaud, échangé avec le véritable bébé, et l'entraîne dans des jeux effrayants au bord d'un marécage. La montée en tension du récit est ainsi assez réussie, alternant humour noir et peurs véritables, jusqu'au déstabilisant dénouement final.

Dans un autre style, L'espace commun de Raphaële Bezin juxtapose des visions de Rome issues de l'imaginaire collectif en collant et mélangeant à l'écran des extraits de films (26 en tout) tournés dans la capitale italienne. Avec le jeu des surimpressions, elle fait parfois cohabiter des images de différentes époques tournées dans un même lieu, donnant à voir de manière simultanée les différences architecturales au fil du temps.

En sous-titres, un texte condense les conversations que la réalisatrice a eues avec des Romains au sujet justement du rapport que la ville entretient avec le cinéma. Le fait que ce texte soit écrit, et non dit en voix-off, lui donne un aspect de vérité universelle, de propos indépassable, qui rend l'expérience réellement fascinante.

Le jongleur de Skirmanta Jakaite est une coproduction avec la Lituanie, dont on a pu voir à Annecy quelques passionnants specimen de cinéma absurde et déroutant. Celui-là ne fait pas exception, avec son récit déconstruit, sa voix off mécanique et monocorde, qui vient parfois doubler ce qui est écrit à l'écran dans une typographie de machine à écrire, et ses saynètes en apparence décousues qui passent d'un personnage à l'autre sans raison évidente.

Tout est d'un gris vibrant, sans cesse troublé par des éclats de rouge ou de vert. On ne sait si on est dans l'au-delà, ou pour la première fois face au monde tel qu'il est réellement. Cette étrangeté brute et implicitement inquiétante nous laisse ainsi dans un état troublé et confus qui renvoie à de vastes interrogations existentielles sur la vie, l'univers et le reste.

Du côté de la compétition étudiante, on s’est également régalé avec des propositions fortes, personnelles, parfois engagées et presque toujours poétiques, qui viennent confirmer l'espoir que l'on peut placer dans l'animation française d'auteur. L'une d'entre elles est Sahara place de Zélie Durand-Khalifat, évocation sensible du grand-père de la réalisatrice et de son projet de film qui ne s'est jamais fait.

Mêlant stop-motion, prise de vue réelles et photographies, c'est une oeuvre incontestablement intime, qui explore une histoire familiale que l'on devine douloureuse, mais en restant toujours sur le fil, à mi-chemin entre le récit personnel et l'écho d'une fiction onirique qui n'a jamais vu le jour.

Baransu d'Alice Lahourcade est quant à lui d'inspiration japonaise. La réalisatrice imagine en effet la rencontre entre deux yokais (des esprits dans la culture nippone) à la fois opposés et complémentaires : l'un chérit les cailloux, qu'il compte une fois par an ; l'autre a pour habitude de les lancer sur les humains pour les éloigner.

Tandis que les deux personnages s'opposent, leur histoire prend vie sur la scène d'un théâtre kabuki. En français, Baransu signifie équilibre, ce qui convient parfaitement à la morale joliment malicieuse de la fable.

Jonathan Phanhsay-Chamson n'est pas exactement un inconnu puisqu'il présentait déjà Les enfants du béton l'an dernier en section films d'études à Annecy. Avec Big boy, il prend une direction nouvelle, moins directement politique et plus introspective. A l'origine de ce nouveau film, il y a un poème à la beauté époustouflante accompagnant les images d'un homme seul dans le désert, en quête de rédemption.

On se laisse envoûter par ce récit initiatique à l'esthétique minimaliste (personnage anguleux stylisé, aplats de couleurs pour les décors) mais à l'onirisme attachant. On est d'autant plus intrigué que le court serait une base pour un long métrage en développement que l'on a absolument hâte de découvrir.

On a également revu avec beaucoup de plaisir Swatted d'Ismaël Joffroy Chandoutis, film hybride qui mêle vidéos youtube et images vectorielles issues d'un jeu vidéo pour raconter le phénomène du "swatting", un acte de cyber-harcèlement consistant à faire intervenir le SWAT armé jusqu'aux dents au domicile d'un gamer en plein streaming.

Au-delà du vrai danger que représentent ces prétendus "canulars", le réalisateur interroge la frontière floue entre réalité et virtuel, donnant la sensation vertigineuse que ce sont les personnages du jeu qui finissent par jaillir, fusils au poing, dans le salon des joueurs.

Enfin, s’il n’était finalement présenté dans aucun sélection à Annecy, il faut dire un mot du lauréat du prix André Martin du court métrage, remis chaque année à l’occasion du festival. Mon juke-box de Florentine Grelier, qui succède à Ce Magnifique gâteau, propose un regard tendre et complice sur la relation qui unit la réalisatrice à son père, grand connaisseur de juke-box. Comme ces machines qu'il affectionne tant, lui-même a mille anecdotes à raconter, démarrant au quart de tour à l'évocation d'un lieu ou d'une époque de sa vie.

Réalisé dans une indéniable économie de moyens, le film a quelque chose d'artisanal qui non seulement lui permet de se rapprocher formellement de son propos, mais qui le rend aussi extrêmement touchant. Sûrement parce que l'on aime tant lorsque le cinéma essaye et expérimente, on se laisse emporter, et même submerger, par ce récit intime qui ne triche jamais.