Irrfan Khan (1967-2020), de Bollywood à Hollywood

Posté par vincy, le 29 avril 2020

L’acteur indien Irrfan Khan est décédé des suites de complications au niveau du colon ce mercredi matin. Il avait 53 ans et se battait contre un cancer depuis deux ans environ. Né le 7 janvier 1967, de son vrai nom Sahabzade Irrfan Ali Khan, marié à l'écrivaine Sutapa Sikdar, il a débuté dans de nombreuses séries TV avant de devenir une star de cinéma.

Ses débuts sur grand écran ne furent d'ailleurs pas très glorieux. Une scène coupée au montage dans Salaam Bombay! de Mira Nair, des rôles oubliés dans des films bollywoodiens. Il doit patienter jusqu'en 1998 pour être remarqué en second-rôle (le père du héros) dans Such a Long Journey, film britannico-canadien réalisé par Sturla Gunnarsson.

En 2001, il est propulsé au premier plan, après quinze ans de carrière remplie de feuilletons pour le petit écran, grâce au réalisateur britannique d'origine indienne, Asif Kapadia. Il tient le rôle principal, très intériorisé et quasi mutique, de The Warrior, où il incarne l'homme de main d'un riche propriétaire du Rajasthan qui renonce à sa profession de tueur et part chercher le salut dans les hauteurs himalayennes. Le film reçoit le Prix du meilleur film britannique aux BAFTA, le Douglas Hickox Award aux British Independent Film Awards et l'Hitchcock d'or à Dinard.

Il enchaîne alors les bons choix: une version de Macbeth, Maqbool, par Vishal Bhardwaj, Haasil, qui lui vaut le Prix du meilleur vilain aux Filmfare Awards 2004, Rog, où il est enfin en tête d'affiche d'un film bollywoodien, Life in a Metro (Anurag Basu) pour lequel il reçoit le Prix du meilleur second-rôle masculin aux Filmfare Awards. En 2006, il est à l'affiche de The Namesake (Un nom pour un autre) de Mira Nair, qui termine dans le Top 10 des films indépendants du National Boaord of Review américain.

Alternant productions indiennes de premier plan et films internationaux, rôles de méchants et personnages bienveillants, Irrfan Khan s'impose tranquillement parmi les vedettes du"world cinema" des années 2000. Il a cette faculté des acteurs indiens à pouvoir jouer drame, comédie ou polar, et cette particularité très occidentale d'être en retenue, sensible et énigmatique. On le voit ainsi, aux côtés d'Angelina Jolie dans le beau mélodrame inspiré d'une histoire vrai, Un cœur invaincu de Michael Winterbottom et, dans la comédie colorée de Wes Anderson, À bord du Darjeeling Limited.

Cependant c'est bien l'année suivante, en 2008, que tout va décoller. Il s'offre un gros succès en Inde, Krazzy 4 (Jaideep Sen), et Mumbai Meri Jaan de Nishikant Kamat, prix de la critique aux Filmfare Awards 2009. En flic intrigué et un poil blasé, intègre et un brin autoritaire, il marque les esprits dans Slumdog Millionaire de Danny Boyle, Oscar du meilleur film l'année suivante. De quoi séduire Hollywood qui ne va plus le lâcher entre trois ou quatre films bollywoodiens. On le voit en double rôle dans The Amazing Spider-Man de Marc Webb, en adulte narrant son improbable survie dans L'Odyssée de Pi d'Ang Lee, et plus tard dans Jurassic World de Colin Trevorrow, propriétaire un peu barré du parc d'attraction et dans Inferno de Ron Howard. Irrfan Khan est aussi invité sur le divan d'En Analyse, en patient du psychiatre vedette de la série de HBO. Et en inde, il était la voix de Balou dans la nouvelle version du Livre de la Jungle.

Réalisateur de films pornos dans The Killing of a Porn Filmaker, coiffeur dans Billu de Priyadarshan, poète dans 7 Khoon Maaf, père contrarié dans Le Secret de Kanwar, père obsessionnel dans Hindi Medium (qui lui vaut un "Oscar" indien), joaillier dans New York I Love you, policier repenti dans Jazbaa, l'acteur n'a jamais étiqueté dans un rôle ou un genre. Avec le biopic Paan Singh Tomar de Tigmanshu Dhulia en 2012, il reçoit une pluie de récompenses.

Son film le plus emblématique, celui où il su et pu montrer toute l'étendue de son talent est d'ailleurs une coproduction indo-franco-allemande, The Lunchbox, de Ritesh Batra, présenté à Cannes en 2013 à la Semaine de la critique, et lauréat de plusieurs prix (Grand prix aux Asian Pacific Awards, prix de la critique à Toronto). Il est récompensé par le prix du meilleur acteur aux Asian Film Awards pour son personnage de comptable solitaire, méticuleux, chrétien, qui reçoit par erreur de savoureux plats d'une femme qu'il ne connait pas...

Il était un homme d'affaires accompli dans son dernier film, Angrezi Medium, de Homi Adajania, sorti sur les écrans français le 13 mars dernier, juste avant le confinement. Irrfan Khan, bon joueur de cricket, avait la volonté d'exporter le cinéma indien et ses talents à l'étranger. Il était de loin le comédien indien le plus respecté hors des frontières avec Anil Kapoor. Reconnaissant qu'en inde, il n'y a pas cette culture du jeu réaliste, qu'il a souvent défendu, préférant les personnages complexes et dérangés aux premiers rôles romantiques, faisant le pont entre les cinémas, il affirmait: "J'ai réalisé que mon «destin», ou une force, m'a poussé à identifier la recherche de votre zone de confort comme une sorte de limitation. Et tout le monde a tendance à tomber dans la zone de confort." Clairement, il a choisi d'en sortir durant près de 40 ans.

L’inde en deuil avec le décès d’Om Puri (1950-2017)

Posté par vincy, le 6 janvier 2017


La star indienne Om Puri est décédée ce vendredi 6 janvier des suites d'une crise cardiaque à son domicile de Mumbay, rapporte le Press Trust of India. Acteur sans frontières, passant du cinéma indépendant aux productions hollywoodiennes, du drame à la comédie, des premiers rôles dans des hits bollywoodiens aux seconds rôles où il s'amusait avec son statut de patriarche du cinéma national, Om Puri avait 66 ans et tournait toujours plusieurs films chaque année.

Né le 18 octobre 1950, Om Puri avait débuté dans les années 1970 dans des films en marathi, avant de tourner dans de nombreuses productions en hindi, et même dans certains films pakistanais. Mais son statut de vedette du cinéma bollywoodien et de tête d'affiche du cinéma art et essai indien a pris une autre ampleur lorsqu'il a été l'un des premiers grands acteurs du pays à joué dans des productions occidentales, et notamment Gandhi, la monumentale fresque de Richard Attenborough, huit fois oscarisée. Om Puri a aussi été vu dans La Cité de la joie et La Prophétie de l'anneau (The Lovers) de Roland Joffé , Wolf et La Guerre selon Charlie Wilson (où il incarnait l'ancien président pakistanais Mohammed Zia) de Mike Nichols, L'ombre et la proie de Stephen Hopkins, The Mystic Masseur d'Ismail Merchant, L'Intégriste malgré lui (The Reluctant Fundamentalist) de Mira Nair ou Les recettes du bonheur de Lasse Hallström, qui se déroulait en France. Om Puri aura donc donné la réplique à Ben Kingsley, Patrick Swayze, Jack Nicholson, Tom Hanks, Michael Douglas, Helen Mirren...

Son immense filmographie, étendue sur cinq décennies, ne peut pas être résumée. Il avait notamment été distingué comme meilleur acteur aux National Film Awards de l'Inde en 1982 pour Arohan et en 1984 pour Ardh Satya (qui lui valu aussi le prix d'interprétation masculine au festival de Karlovy Vary), au Festival international du film de Bruxelles de 1998 pour My Son the Fanatic. Aux FilmFare Awards, l'une des récompenses les plus prestigieuses et la plus populaire du cinéma indien, il avait reçu le prix du meilleur second-rôle masculin pour Aakrosh en 1981, en plus d'être nommé trois fois au cours de sa carrière et d'être honoré par un prix pour l'ensemble de sa carrière en 2009. Le Festival des Films du Monde de Montréal et le Festival de Telluride lui ont aussi décerné un prix pour toute sa carrière, respectivement en 2000 et 2001.

Enfin, les BAFTA (Oscars britanniques) l'avaient nommé dans la catégorie second-rôle masculin pour sa performance dans Fish & Chips (East is East), jolie comédie sociale britannique de Damien O'Donnell sortie en 1999. Gros succès en Grande Bretagne qui a éclipsé l'énorme succès en Inde de A.K.47, un polar en langue Kannada. Ce coup double révélait bien la curiosité et l'audace d'un comédien toujours juste et charismatique.

Mira Nair remplace Stephen Frears pour Bengali Detective

Posté par vincy, le 16 août 2013

Il y a deux ans, le réalisateur britannique Stephen Frears prévoyait de s'atteler à l'adaptation du documentaire The Bengali detective (lire notre actualité). Finalement, ce sera la cinéaste Mira Nair qui réalisera le film produit par la société de Ridley Scott, Scott Free.

Scénarisé par Sabrina Dhawan, avec qui Nair avait collaboré pour Le mariage des moussons, Bengali Detective est l'histoire d'un détective privé, souffrant d'un peu de surpoids, qui explore les bas fonds malfamés de Calcutta tout en rêvant de danser à la télévision indienne.

Le documentaire de Philip Cox avait été présenté à Sundance en 2011. Fox Searchlight en avait acquis les droits pour un remake.

Le dernier film de Mira Nair, The Reluctant Fundamentalist, toujours inédit en France, avait fait l'ouverture du Festival de Venise l'an dernier. Mira Nair avait remporté une Caméra d'or à Cannes pour Salaam Bombay! en 1988.

Venise 2012 : Dialogue des civilisations par Mira Nair en ouverture

Posté par kristofy, le 30 août 2012

Le 69ème Festival de Venise a fait un choix audacieux pour son film d’ouverture (voir notre actualité du 22 juillet) : The Reluctant Fundamentalist (L'intégriste malgré lui) réalisé par Mira Nair, avec autour de Riz Ahmed, les vedettes américaines Liv Schreiber, Kate Hudson, Kiefer Sutherland et Martin Donovan dans un second rôle.

En résumé

Le générique de début montre une multitude de visages qui forment la carte du monde avant de faire apparaître un symbole musulman, puis, quelque part au Pakistan, un homme américain kidnappé en pleine rue. Un journaliste américian (Liv Schreiber) rencontre dans un café un enseignant universitaire (Riz Ahmed) qui va lui rencontrer sa vie… Le film utilise comme narration un semblant de suspens lié à ce kidnapping mais son récit se concentre surtout sur l'histoire de ce pakistanais installé aux Etat-Unis avant et après le 11 septembre. C’est un étudiant de Princeton très doué, qui décroche un bon poste dans une firme de Wall Street. Il est chargé d’estimer comment d’autres sociétés peuvent améliorer leur rentabilité et ses bonnes performances le font apprécier de ses collègues et de son supérieur; il rencontre en même temps une artiste photographe dont il va tomber amoureux… Le future s’annonce radieux mais après les attentats du 11 septembre, il sera peu à peu considéré comme un étranger suspect (à l’aéroport, dans la rue, au travail…) et même agressé comme tel. Il ressent alors le besoin de changer de vie et de retourner auprès de sa famille au Pakistan.  Entre le début et la fin du film une phrase revient lourde de signification : “les apparences peuvent être trompeuses”…

Dialogue entre deux mondes

Mira Nair avait déjà remporté le Lion d’or à Venise en 2001 pour son film Le mariage des moussons. En conférence de presse, la réalisatrice indienne s’est déclarée très touchée par cette histoire. Elle vient d’Inde mais vit à New-York. Elle a vécu le 11 septembre durant la promotion de son Mariage au Festival de Toronto, puis elle y est revenue en réalisant un des segments du film 11'09"01.

Mira Nair veut souligner que son film ouvre le dialogue entre les civilisations, entre l’est et l’ouest : "Nous savons tous qu'il y a eu un énorme schisme entre Orient et Occident au cours de la dernière décennie et qu'un mur s'est élevé entre ces deux mondes". "Je voulais d'une certaine manière rétablir le dialogue, aller au-delà des stéréotypes, de la myopie et de l'ignorance" a-t-elle ajouté.

Venise 2012 : un programme chargé (et varié) hors-compétition

Posté par vincy, le 27 juillet 2012

Mira Nair en ouverture. Jean-Pierre Améris en clôture. Venise 2012 saura satisfaire également les paparazzis, les cinéphiles et les journalistes avec des stars, des oscarisés et des grands noms du cinéma mondial. Et un film de 270 minutes (4h30 donc) de Kiyoshi Kurosawa dans le menu! (* 3 films ont été ajoutés le 7 août)

L'homme qui rit de Jean-Pierre Ameris. Avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin, Christa Theret, Emmanuelle Seigner. Clôture.

Love is All You Need de Susanne Bier. Avec Pierce Brosnan, Trine Dyrholm, Sebastian Jessen, Molly Blixt Egelind.

Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer. Avec Jean-Pierre Bacri, Isabelle Carré, Kristin Scott Thomas.

Sur un fil de Simon Brook. Avec Peter Brook, Yoshi Oida, Shantala Shivalingappa, Marcello Magni

Enzo Avitabile Music Life (docu) de Jonathan Demme.

Tai Chi de Stephen Fung. Avec Yuan Xiaochao, Angelababy, Eddie Peng, Tony Leung Ka-fai, William Feng, Shu Qi.

Lullaby to My Father de Amos Gitai. Avec Yael Abecassis, Jeanne Moreau, Hanna Schygulla, Keren Gitai, Ben Gitai.

Shokuzai (Penance) de Kiyoshi Kurosawa. Avec Kyoko Koizumi, Yu Aoi, Eiko Koike, Sakura Ando, Chizuru Ikewaki.

Bad 25 (documentaire) de Spike Lee.

The Reluctant Fundamentalist de Mira Nair. Avec Riz Ahmed, Kate Hudson, Kiefer Sutherland, Liev Schreiber, Martin Donovan. Ouverture.

O Gebo e A Sombra de Manoel de Oliveira. Avec Michael Lonsdale, Claudia Cardinale, Jeanne Moreau, Leonor Silveira, Ricardo Trêpa, Luís Miguel Cintra.

The Company You Keep de Robert Redford. Avec Robert Redford, Shia LaBeouf, Julie Christie, Richard Jenkins, Susan Sarandon, Stanley Tucci, Nick Nolte.

Shark (Bait 3D) de Kimble Randall. Avec Xavier Samuel, Sharni Vinson, Julian McMahon, Adrian Pang.

Disconnect de Henry-Alex Rubin. Avec Alexander Skarsgård, Michael Nyqvist, Jason Bateman, Andrea Riseborough.

Du hast es versprochen (Forgotten) d'Alex Schmidt.

The Iceman de Ariel Vromen. Avec Michael Shannon, Winona Ryder, Chris Evans, Ray Liotta, James Franco.

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Séances spéciales :

Anton's Right Here (docu) de Lyubov Arkus.

It was better tomorrow (docu) de Hinde Boujemaa.

Clarisse (docu) de Liliana Cavani.

Sfiorando Il Muro (docu) de Silvia Giralucci et Luca Ricciardi.

Carmel (2009) de Amos Gitai.

El Impenetrable (docu) de Daniele Incalcaterra et Fausta Quattrini.

Witness : Libya (docu) de Michael Mann.

Medici con l'Africa (docu) de Carlo Mazzacurati.

Come voglio che sia il mio futuro ? de Ermanno Olmi.

Convitto Falcone de Pasquale Scimeca.

La nave dolce (docu) de Daniele Vicari.

Mira Nair en ouverture de la Mostra de Venise

Posté par vincy, le 22 juillet 2012

Le 69e Festival de Venise s'ouvrira le 29 août avec le nouveau film de la réalisatrice indienne Mira Nair. L'intégriste malgré lui (The Reluctant Fundamentalist), sélectionné pour la compétition, est l'adaptation du livre de Mohsin Hamid, publié en France en 2007 chez Denoël.

Le tapis rouge sera étoilé puisque le film est interprété par Kate Hudson (en brune), Liev Schreiber, Kiefer Sutherland, Riz Ahmed et Om Puri. Tourné il y a bientôt deux ans,entre Atlanta, Istanbul, le Pakistan, New Delhi et New York, le film retrace l'histoire d'un jeune Pakistanais (Riz Ahmed, récemment vu dans Trishna et Or noir),  installé aux Etats-Unis et sa vie avant et après les attentats du 11 septembre 2001. A l'issue de brillantes études à Princeton, il intègre une entreprise de consultants à Wall Street et espère un jour conquérir Erica, une jeune Américaine qui a du mal à oublier son précédent ami, mort d'un cancer. Sa vie et les valeurs auxquelles il croyait s'écroulent le jour des attentats. Il est alors tiraillé entre son intégration américaine et ses origines pakistanaises.

"Mira Nair a réalisé une adaptation remarquable d'un roman qui traite d'un sujet d'actualité, l'intégrisme sous toutes ses formes", a expliqué le président du festival Alberto Barbera dans un communiqué. "La nuit d'ouverture du festival mettra en valeur un film qui est très stimulant intellectuellement".

En 2001, Mira Nair avait reçu de Nanni Moretti, président du jury , un Lion d'or à Venise pour son film Le mariage des moussons. Son film Mississipi Masala (1991) avait été également primé au Festival vénitien. En 2004, elle avait été en compétition pour Vanity Fair, la foire au vanité.

Elle a parallèlement participé au film collectif Words with Gods, aux côtés d'Emir Kusturica, Guillermo Arriaga, Hideo Nakata, Alex de la Iglesia et Bahman Ghobadi. Le film devrait sortir cette année.

Pourquoi Slumdog Millionaire attire la polémique?

Posté par vincy, le 23 février 2009

slumdog millionaire Un film vire au phénomène de société quand les éditorialistes des pages société, monde ou économie en font une référence ou même un sujet. Avec plus d'un million de spectateurs en France, Slumdog Millionaire est déjà catalogué dans les films venus de nulle part et arrivé au firmament de la gloire.

En Inde, cependant, le film est contesté. Il ne séduit pas vraiment le public, que ce soit les classes urbaines aisées ou les provinciaux hindis, préférant les comédies optimistes et divertissantes de Bollywood, ou les blockbusters hollywoodiens. Slumdog est tout le contraire : un film produit par le Royaume Uni, l'ancien colonisateur, et la mise en lumière des bidonvilles, contre-exemple de ce que le pays veut montrer au monde moderne. Là bas, la misère est cachée, détestée.

Les intellectuels et artistes indiens ont donc envahi les médias locaux pour critiquer avec virulence ce film qui plaît tant en Occident. Ainsi The Hindu a fait paraître une tribune du réalisateur Hariharan, sous le titre acerbe de Orientalisme pour un marché mondialisé.

Slumdog, film pornographique? 

Si l'on en croit la plupart des critiques rapportées par la presse occidentale, ce film est un fantasme, une fiction pornographique de la misère pour montrer les affres du libéralisme et la face sordide d'un pays toujours considéré comme étant "en développement". Or, l'Inde, qui compte 450 millions d'habitants très très pauvres, souhaite ne "communiquer" que su sa croissance et sa puissance.

Soyons cynique, à l'instar de Good Bye Lenin! ou Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, il existera sans doute des circuits touristiques retraçant l'itinéraire des gamins du film, des objets reprenant l'expression Slumdog ou encore des studios locaux pour produire le remake version Bollywood.

Il serait temps de rappeler que Slumdog est une fiction, pas un documentaire. Sa part de réalisme réside dans les lieux de tournages, qui existent bel et bien. A partir de ce moment là, toute critique sur la déformation, politique, culturelle ou artistique, dont le film aurait la responsabilité est un débat vain. Slumdog n'est j'amais qu'un conte de fée enraciné dans un contexte social et culturel différent, parfois difficile.

La violence, la mafia, la drogue, la prostitution, les jobs précaires, les combats religieux, le vol, la corruption, l'exploitation des enfants sont des éléments qui n'ont pas été inventés par Simon Beaufoy, le scénariste, mais bien retranscrits par l'auteur du livre, le diplomate indien Vikas Swarup.

Une polémique vaine et un débat détourné 

La polémique est donc vaine. Elle sert le film, qui fait parler de lui. Idéal pour une campagne des Oscars. Elle sert aussi un orgueil national aussi, teinté parfois d'anglophobie. Nul ne doute que si un Oscar va être remis à un Indien (il y en a deux cette année), les gagnants sernt en une des journaux le lendemain.

Après la plainte d'une association de bidonville (voir actualité du 24 janvier), la production a du se justifier sur tous les plans : salaire des enfants (onvités aux Oscars, quel contraste!), redistribution des profits, dons caritatifs ... Une véritable campagne de communication "éthique".

Les critiques comparent Boyle à Mair ou Ray, les grands cinéastes indiens. Cependant ce cinéma indien est quasiment inexistant ces dernières années. Mira Nair a même du partir à Hollywood pour pouvoir travailler. Et défendre le fait que seul un Indien peut faire un film sur l'Inde c'estoubler que Renoir y a réalisé l'un de ses plus beaux films.

Alors, oui, Slumdog n'est pas authentique, n'est pas si choquant et n'a rien de réel. Mais c'est une fiction qui fonctionne du début à la fin, maîtrisée de bout en bout, dans tous ses corps de métier.

Le rêve sera sans doute pour Azharuddin, qui incarne le grand frère, Salim, enfant, de fouler le tapis rouge du Kodak Theater alors que la ville de Mumbay vient de raser son quartier. Son espoir c'est d'avoir une nouvelle maison, et plus une cabane au toit en tôle. Après les avoir inscrits dans une école anglophone, et en plus de leurs cachets, on suggère aux producteurs de lui payer la maison...

Plutôt que de débattre sur le titre d'un film ou son "authenticité", peut-être que les intellectuels et artistes feraient mieux de se préoccuper de cette Inde laissée au bord du monde.