Décès du comédien et metteur en scène Maurice Bénichou (1943-2019)

Posté par vincy, le 17 juin 2019

Maurice Bénichou est mort à l'âge de 76 ans samedi dernier. Second-rôle qui aura joué dans une quarantaine de pièces et une cinquantaine de films, il était né le 23 janvier 1943 à Tlemcen, en Algérie (à l'époque française).

Son personnage le plus connu reste celui de Dominique Bretodeau dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, personnage nostalgique de son enfance qui se souvient par des objets de son bonheur passé. Cette sensibilité et cet humanisme transpiraient dans la plupart des rôles qu'il avait endossé.

On l'a également vu dans Un éléphant ça trompe énormément d'Yves Robert, en valet dans L'Animal de Claude Zidi, ou encore dans Les Routes du sud de Joseph Losey, La Vocation suspendue de Raoul Ruiz, I... comme Icare d'Henri Verneuil, Qu'est-ce qui fait courir David ? d'Élie Chouraqui, Le Mahâbhârata de Peter Brook, La Petite Apocalypse de Costa-Gavras...

Cette diversité des styles a été le marqueur de sa carrière puisqu'on le croise ensuite dans Les Patriotes d'Éric Rochant, Code inconnu, Le Temps du loup et Caché de Michael Haneke, Drôle de Félix d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau, C'est le bouquet ! de Jeanne Labrune, Paris de Cédric Klapisch, Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer, Si tu meurs, je te tue de Hiner Saleem, en avocat Vergès dans Omar m'a tuer de Roschdy Zem...

Il fut aussi la voix du rabbin dans la version animée du Chat du Rabbin de Joann Sfar. Comédien sur les planches (Brecht, Brook, Ibsen, Tchekhov, Goldoni, Shakespeare...) et metteur en scène (de pièces de Jean-Claude Grumberg, David Mamet), son amour du métier était souvent loin de l'image que le public avait de lui. Il a été nommé une fois au Molière pour la mise en scène d'Une absence et aux César du meilleur acteur dans un second rôle pour Caché.

Quinzaine 50 – 20 cinéastes nés à la Quinzaine des réalisateurs

Posté par vincy, le 14 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.


La quinzaine a souvent eu du flair, soit en choisissant des réalisateurs prolifiques d'une cinéphilie peu exposée (Oliveira, Lester James Peries, Ray ...), soit en fidélisant des cinéastes "étiquettés" cannois, soit encore en sélectionnant des réalisateurs qui n'avaient qu'un ou deux longs métrages (pas forcément exportés) à leur actif (Paul Pawlikowski, Todd Solondz, Stephen Frears, Todd Haynes, Denys Arcand, Ann Hui, Atom Egoyan, Roberto Benigni, Ken Loach ...). Elle a aussi manqué les débuts de Hou Hsiao-hsien et Aki Kaurismaki, n'a jamais choisi Pedro Almodovar ou Nanni Moretti, et a souvent invité Newell, Chahine, Oshima, Fassbinder, Schroeter ou encore Carle.

Aussi la sélection suivante n'intègre pas des cinéastes passés par la Quinzaine comme Théo Angelopoulos, Abderrahmane Sissako, Ang Lee, Bong Joon-ho, Gregg Araki, Michel Ocelot, Lynne Ramsey, Werner Herzog, ou tous ceux que nous venons de citer, puisqu'on ne peut pas dire qu'ils aient été révélés par la sélection parallèle. Cependant on notera que trois d'entre eux sont en compétition pour la Palme d'or cette année. Et que certains ont reçu par la suite Palmes ou/et Oscars.

Bob Rafelson - Head (1969)
Produit et coscénarisé par Jack Nicholson, ce film musical est l'adaptation au cinéma d'une série télévisée The Monkees créée par Bob Rafelson. Le film sera un échec public. Mais avec Five Easy Pieces en 1970, nommé à l'Oscar du meilleur film, et Le facteur sonne toujours deux fois en 1980, le cinéaste deviendra à la fois culte et populaire.

Lucian Pintilie - La reconstitution (1970)
Son premier film, en 1965, Dimanche à six heures, n'avait pas connu une carrière internationale fracassante malgré ses prix à Mar del Plata. Avec ce deuxième long, le cinéaste roumain s'offre une belle exposition qui en fera une figure de proue du cinéma roumain dans la période communiste. Deux fois en compétition à Cannes par la suite, avec Un été inoubliable et Trop tard, il recevra pour Terminus Paradis un Grand prix du jury à Venise.

George Lucas - THX 1138 (1971)
C'est le premier long métrage de Lucas. Déjà dans la Science-fiction. Déjà à Cannes. Sans aucun doute cette sélection lui a conféré l'aura d'un auteur singulier, avant son American Graffiti et surtout avant Star Wars, qui le propulsera sur une autre planète du cinéma. C'est évidemment son ouvre la plus audacieuse.

Martin Scorsese - Mean Streets (1974)
C'est son troisième long métrage (après Who's That Knocking at My Door et Bertha Boxcar), mais c'est véritablement le premier à se frayer un chemin vers l'international. Mean Streets, dans la mouvance du nouveau cinéma américain initié par Coppola (qui le produit), Rafelson, Hopper, Lucas et Spielberg (tous deux avant leur passage au blockbuster), précède Alice n'est plus ici et Taxi Driver (Palme d'or deux ans plus tard). Le film révèle Robert de Niro, grâce auquel il reçoit ses premiers prix d'interprétation, et Harvey Keitel.

André Téchiné - Souvenirs d'en France (1975)
Six ans après son premier film, Pauline s'en va, primé à Venise, le cinéaste galère. Ce deuxième film si tardif, avec la présence de Jeanne Moreau en tête d'affiche et de Marie-France Pisier, qui sera césarisée l'année suivante, va lui ouvrir les portes du 7e art. Surtout, on se souvient de Pisier balançant l'une des répliques cultes du cinéma français: "Foutaises ! Foutaises !"

Jim Jarmusch - Stranger than Paradise (1984)
Quatre ans après Permanent Vacation, Jim Jarmusch débarque à Cannes avec son 2e film, une version longue d'un court métrage réalisé un an plus tôt. Il a tout juste 31 ans. Et il devient rapidement une sensation du festival. Le film obtient la Caméra d'or à Cannes et le Léopard d'or à Locarno quelques mois plus tard. Un tremplin vers la compétition puisqu'il y sera 8 fois sélectionné, emportant le Grand prix du jury pour Broken Flowers en 2005. Il n'a jamais été nommé à un seul Oscar.

Spike Lee - Nola Darling n'en fait qu'à sa tête (1986)
C'est son premier long métrage trois ans après son film de fin d'études. Le turbulent Spike Lee surgit dans la cinéphilie mondiale avec sa Nola. Non seulement ce fut un énorme succès mais il glana plusieurs prix dont celui du meilleur premier film aux Independent's Spirit Awards. Tourné en 12 jours, il insuffle un ton nouveau dans le cinéma indépendant américain. Le film sera même décliné en série tv. Et Spike Lee est de nouveau en compétition cette année.

Terence Davies - Distant voices, Still lives (1988)
Après trois moyens métrages, le romancier et réalisateur britannique dévoile la délicatesse de son style dans ce premier long. Et ce sera la découverte d'un grand auteur. Le film sera récompensé par un Léopard d'or au Locarno Festival 1988 et cité pour le César du meilleur film européen. Il emporte également le prix FIPRESCI à Cannes puis à Toronto. Davies revient de loin: faut de budget conséquent, il a du tourner le film durant les week-ends pendant deux ans.

Michael Haneke - Le septième continent (1989)
Le futur cinéaste double-palme d'or a commencé sa carrière à l'écart du Bunker. Connu dans son pays pour ses téléfilms, il arrive avec son premier long métrage dans la section parallèle. Il y présentera les deux suivants avant d'être "upgradé" en compétition pour presque tous les films qui suivront. C'est déjà le style Haneke avec cette histoire d'une famille dont la vie quotidienne n'est rythmée que par des actes répétitifs jusqu'à s'autodétruire.

Jaco Van Dormael - Toto le héros (1991)
Quatre ans avant le carton du Huitième jour en compétition, le réalisateur belge arrive à Cannes dès son premier coup (en même temps il n'a réalisé que quatre longs métrages en près de 30 ans). Après quelques documentaires et courts métrages, ce succès public autour d'une histoire existentielle et de revanche (comme tous ses films), formellement originale, récolte toutes les récompenses: Caméra d'or à Cannes, quatre prix du cinéma européen, un césar du meilleur film étranger, quatre "César" belges...

James Mangold - Heavy (1995)
Bien avant de tourner pour les studios et les méga-stars (Logan, Wolverine 2, Night and Day , Walk the Line et Cop Land entre autres), le réalisateur américain est venu discrètement présenté son premier film à la Quinzaine, quelques mois après son avant-première à Sundance. Le film, avec Liv Tyler, est dans la lignée du cinéma américain des seventies, un peu prolétaire, un peu dramatique.

Jean-Pierre et Luc Dardenne - La promesse (1996)
C'est leur troisième fiction, et les deux frères belges sont déjà auteurs de plusieurs documentaires. Pourtant, avant qu'ils ne soient consacrés par une double Palme d'or, les Dardenne surgissent en mobylette avec un néophyte, Jérémie Renier. Tout y est déjà: la classe moyenne (plutôt celle du bas), la caméra à l'épaule, la conscience morale, le dilemme biblique, la jeunesse. C'était bien la promesse d'un certain cinéma qui allait conquérir le plus grand des festivals. Le film obtient une quinzaine de prix dans le monde.

Jafar Panahi - Le ballon blanc (1995)
De retour en compétition à Cannes cette année, le cinéaste iranien condamné à ne plus tourner ni à sortir de son pays, s'est envolé dans les étoiles il y a 23 ans à la Quinzaine avec son Ballon Blanc, drame familial poétique. C'est le seul film du réalisateur qui est sorti en Iran. Caméra d'or avec ce film, Panahi enchaînera ensuite avec un Léopard d'or au Festival international du film de Locarno pour Le Miroir, un Lion d'or à la Mostra de Venise pour Le Cercle et un Ours d'or du meilleur film au Festival de Berlin pour Taxi Téhéran. Manque plus que la Palme.

Naomi Kawaze - Suzaku (1997)
Après plusieurs documentaires, dont l'écriture influera sur celles de ses fictions, la japonaise Naomi Kawase passe au long métrage avec un drame familial dans un village en déclin. Elle aussi reçoit la prestigieuse Caméra d'or à Cannes, ouvrant la voie à six sélections en compétition ou à Un certain regard. Elle est récompensée d'un Grand prix du jury en 2007 et auréolée d'un Carrosse d'or de la Quinzaine des réalisateurs en 2009.

Bruno Dumont - La vie de Jésus (1997)
Les débuts de Bruno Dumont ont commencé au milieu de la Croisette, deux ans avant son Grand prix du jury pour L'Humanité et neuf ans avant son deuxième Grand prix du jury pour Flandres. Cet abonné au Festival (Ma Loute fut en compétition) n'a jamais dédaigné revenir à cette sélection qui l'a révélé. on y a vu l'an dernier Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc et surtout la série tv P'tit Quinquin. Dumont filme déjà le Nord, la précarité, les exclus, avec des comédiens non professionnels, avec au centre un jeune chômeur qui vit chez sa mère à Bailleul dans un triangle amoureux pas joyeux. Le film recevra en plus le Prix Jean Vigo et une mention spéciale à la Caméra d'or.

Sofia Coppola - Virgin Suicides (1999)
Prix de la mise en scène l'an dernier à Cannes avec Les proies, lauréate d'un Lion d'or à venise, auteure d'un film culte et populaire (Lost in Translation, qui remis Bill Murray sur les rails et révéla Scarlett Johansson), l'héritière Coppola a fait ses premiers pas à Cannes avec un film qui a vite fait le buzz. Kirsten Dunst n'était pas encore connue. Kathleen Turner n'avait plus le glam d'antan. Pourtant cette tragédie familiale, enveloppée des mélodies mélancoliques du groupe Air, a lancé sa carrière avec des projections blindées et l'affirmation d'une cinéaste qu'il fallait suivre.

Cristian Mungiu - Occident (2002)
Dès son premier film, le cinéaste roumain arrive à Cannes, qu'il ne quittera plus d'une manière ou d'une autre: en sélection officielle, dans un jury... ou au palmarès en 2007 avec la Palme d'or, le Prix FIPRESCI pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, en 2012 avec le Prix du scénario pour Au-delà des collines et en 2016 avec le Prix de la mise en scène pour Baccalauréat. Occident est sans doute le plus "léger" de ses films, se focalisant sur l'exode des jeunes voulant partir dans la partie la plus prospère de l'Europe, dans un pays où la corruption, l'injustice et la pauvreté ne laissent pas beaucoup d'espoir...

Nadine Labaki - Caramel (2007)
En compétition à Cannes cette année avec Capharnaüm, la cinéaste libanaise, qui nous avait enchantés à Cannes avec son précédent film Et maintenant, on va où ? il y a sept ans, a d'abord fait étape à la Quinzaine avec ce premier film, le sensuel et féministe Caramel. Un salon de beauté et de coiffure de Beyrouth permettent à cinq femmes d'évoquer leurs amours (parfois infidèles) et leurs désirs (parfois tabous). Ce portrait du Liban, et de ses communautés comme de ses conflits, a charmé le Festival, et connu un joli succès public.

Xavier Dolan - J'ai tué ma mère (2009)
A quoi reconnait-on un chouchou cannois? A sa trajectoire cannoise: de la Quinzaine au Grand prix du jury de la compétition, en passant par une Queer Palm et le film chéri d'une édition (Mummy). Xavier Dolan s'est imposé dès son premier film. Les critiques se sont vite emballées autour de ce drame de la jeunesse, où l'on retrouve déjà les principaux thèmes de son œuvre et son style personnel. Anne Dorval, Manuel Tadros, Suzanne Clément sont déjà devant sa caméra. Ces 400 coups reçoivent à Cannes le prix Art et Essai CICAE et le prix de la SACD pour le scénario, puis plusieurs mois plus tard le prix du meilleur film québécois aux "César" locaux.

Damien Chazelle - Whiplash (2014)
Avant d'être le plus jeune réalisateur oscarisé pour La la Land, le cinéaste américain a débarqué avec un film faussement musical, vraiment dramatique, et totalement initiatique. Une pulsion violente autour du perfectionnisme. Le film, déjà sacré à Sundance, a fait explosé sa cote grâce à sa réception à la Quinzaine, dithyrambique, et ce quelques mois avant d'être distingué à Deauville et d'être nommé aux Oscars. Ironie de l'histoire, son scénario a été dans la fameuse Black List des grands scripts non produits et il lui a fallu réalisé un court métrage à partir d'une partie du scénario pour convaincre des producteurs. Désormais il est au firmament, parmi les noms les plus courtisés par Hollywood. Pourtant ce n'est pas le premier film de Chazelle (il en avait réalisé un quand il était étudiant). C'est cependant bien à Cannes que sa notoriété a décollé.

Les 25 meilleurs films français du XXIe siècle selon Indiewire: une certaine idée du 7e art

Posté par vincy, le 9 juillet 2017

Le magazine américain Indiewire a désigné cette semaine un classement subjectif des 25 meilleurs films français du XXIe siècle. Le cinéma français vu des Etats-Unis est plutôt art et essai comme on peut le constater. Voir très pointu. Hormis Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, énorme succès outre-Atlantique à l'époque, il n'y a aucun film qualifié de "populaire", ni Intouchables, ni même l'oscarisé The Artist. Ceci dit, IndieWire est un magazine qui défend le cinéma indépendant. Et en tout cas une certaine forme de 7e art.

En revanche on constate qu'il y a trois Palmes d'or, de nombreux films sélectionnés à Cannes (plus de la moitié!), et dans une moindre mesure à Berlin ou Venise. Une sélection dans ces festivals a l'avantage de faciliter une vente à un distributeur nord-américain et donc d'être diffusé en salles aux USA. Cinq des 25 films mentionnés ont reçu le César du meilleur film.
Jacques Audiard, Michael Haneke, Olivier Assayas et sa compagne Mia Hansen Løve réussissent à placer deux films chacun. On est surpris de voir un film sorti il y a deux semaines dans cette liste (Visages villages) qui révèle l'oubli d'un 120 battements par minute, ou d'y trouver un film ignoré par le jury de Berlin et les César alors qu'en effet il était l'un des plus beaux films de l'année 2016 (Quand on a 17 ans).

Godard, Desplechin, Bonello, Sciamma, Dumont (avec un film pour la télé!) cotoient ainsi Ozon, Leconte, Schnabel et Beauvois. Un Eugène Green a sa place tandis que Leos Carax s'arroge la première place avec un film lui aussi ignoré au palmarès cannois, mais sans aucun doute, l'un des plus audacieux de ces 17 dernières années.

C'est, comme tout classement, contestable. Mais ça révèle aussi que le cinéma français, outre sa grande diversité de ton et de style, est apprécié pour sa manière de tordre la narration (Carax, Godard, Varda...) et sa façon de filmer les relations humaines, avec une sensibilité singulière.

Le Top 25 (avec entre parenthèses, nos étoiles)

1. Holy Motors (2012) de Leos Carax (****)
2. Amour (2012) de Michael Haneke (****)
3. 35 rhums (2008) de Claire Denis (***)
4. Adieu au langage (2014) de Jean-Luc Godard (****)
5. Eden (2014) de Mia Hansen Løve (**)
6. Un prophète (2009) de Jacques Audiard (****)
7. Le fabuleux destin d'Amélie Poulain (2001) de Jean-Pierre Jeunet (*****)
8. Tomboy (2011) de Céline Sciamma (***)
9. Caché (2005) de Michael Haneke (**)
10. La vie d'Adèle (2013) d'Abdellatif Kechiche (****)
11. L'heure d'été (2008) d'Olivier Assayas (**)
12. Visages villages (2017) d'Agnès Varda et JR (***)
13. Le scaphandre et le papillon (2007) de Julian Schnabel (***)
14. Un conte de Noël (2008) d'Arnaud Desplechin (****)
15. Un amour de jeunesse (2011) de Mia Hansen Løve (**)
16. L'Apollonide (Souvenirs de la maison close) (2011) de Bertrand Bonello (***)
17. Quand on a 17 ans (2016) d'André Téchiné (****)
18. De battre mon cœur s'est arrêté (2005) de Jacques Audiard (****)
19. Après mai (2012) d'Olivier Assayas (**)
20. Entre les murs (2008) de Laurent Cantet (*****)
21. P'tit Quinquin (2014) de Bruno Dumont (****)
22. Swimming Pool (2003) de François Ozon (***)
23. Des hommes et des dieux (2010) de Xavier Beauvois (**)
24.L'homme du train (2002) de Patrice Leconte (****)
25. La Sapienza (2014) d'Eugène Green (***)

Cannes 70: Et Cannes créa l’actrice française…

Posté par vincy, le 23 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-25. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Au fil des décennies, entre flâneries sur la Croisette, poses sur le tapis rouge, robes traînant sur les marches ou sourires radieux éclairés par les flashs des photographes, l'actrice française a su être la Marianne, l'emblème du chic gaulois, l'ambassadrice de la beauté et le symbole d'un jeu mêlant glamour et drame. Souvent jurées, voire présidentes de jury, les comédiennes ont aussi été les égéries de grandes marques, les figurantes classes d'une montée des marches ou d'une remise de prix.

Inutile d'en faire la liste exhaustive. Elles sont toutes passées par Cannes. De Danielle Darrieux à Emmanuelle Béart, de Marie-France Pisier à Laetitia Casta en passant par Simone Signoret, Sandrine Bonnaire ou Nathalie Baye. Mais on ne va en retenir que quelques-unes, celles qui ont cette particularité d'avoir marqué le Festival, par leur nombreux films sélectionnés ou par leur présence sensationnelle, et qui ont un retentissement mondial, dont Cannes n'est pas étranger. Un Top 10, qui couvre toutes les décennies cannoises. Et en cadeau bonus, une comédienne à part dont on fête les 50 ans de la disparition.

Françoise Dorléac. Il y a 50 ans, le 26 juin 1967, Françoise Dorléac disparaissait tragiquement pas très loin de Cannes. Elle avait 25 ans. La sœur de Catherine Deneuve était alors une des rares stars françaises de la nouvelle génération. 16 films à son actif en 8 ans de carrière. Magnétique, charmeuse, à l'aise dans la comédie et le drame, gracieuse, la comédienne avait tout pour plaire. Elle avait tourné avec Michel Deville, René Clair, Édouard Molinaro, Philippe de Broca, Roger Vadim, Roman Polanski, Ken Russell.

Tout la destinait à une carrière internationale. Juste avant son accident de voiture, elle avait conquis le public, en compagnie de Deneuve, avec les éternelles Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy. Pourtant c'est bien un film de Demy et avec Deneuve qui avait assombrit son passage sur la Croisette.

En 1964, Françoise Dorléac accompagnait le film de François Truffaut, La peau douce. Dorléac et Truffaut sont alors en couple. La première est au top du box office avec L'Homme de Rio. Le second a des difficultés financières. Le film est là pour consacrer la star en devenir et remettre le réalisateur sur les rails de la prospérité. Hélas, la critique éreintera le beau drame adultérin. Et le jury ignorera complètement le film au palmarès. Le film ne sera finalement vu que par 600000 spectateurs. La blessure est immense pour Truffaut, qui ne reviendra plus à Cannes avant 1973.

Mais l'ironie de l'histoire est ailleurs, dans un match que personne n'attendait. De ce Festival, personne ne retiendra la sublime Françoise Dorléac. Tous les yeux étaient rivées sur sa cadette, Catherine Deneuve, qui explose à Cannes avec son premier grand rôle dans le film qui, en bonus, reçoit la Palme d'or : Les Parapluies de Cherbourg.

Michèle Morgan. Le cas particulier de l'actrice récemment disparue est qu'elle était déjà une star internationale lorsqu'elle est venue au premier festival de Cannes, en 1946. Elle y a présenté La symphonie pastorale en compétition. Elle est revenue en compétition en 1956 avec Marie Antoinette, reine de France, en 1990 avec Ils vont tous bien et hors-compétition en 1962 avec Le crime ne paie pas. Ce fut surtout la première actrice de l'histoire du Festival à recevoir le prix d'interprétation féminine. La quintessence du jeu à la Française où elle incarne une aveugle dans le film de Jean Delannoy. C'était son grand retour en France, pays qu'elle avait quitté au début de la guerre pour Hollywood. Elle avait le mal du pays et son passage sur la Côte d'Azur lui faisait un bien fou. Elle était ravie de son prix. Et à jamais, l'image la plus représentative de ce premier festival c'est cette jeune femme de 25 ans, en bikini, libre et radieuse, s'amusant devant les photographes sur le sable de la plage du Carlton.

Brigitte Bardot. Avec elle l'après-guerre prend fin, l'émancipation sexuelle éclot, la libération de la femme naît. La star des starlettes, c'est elle. Elle débarque sur la Croisette et va affoler paparazzis et photographes. La première "people" de l'histoire du Festival. Brigitte Bardot n'a jamais été en compétition à Cannes.

Mais sa seule présence, en "touriste", en 1953, convaincue que son sex-appeal ferait tourner la tête des festivaliers, a suffit à en faire une vedette dans l'air du temps. Elle n'a tourné que quelques films, avec des petits-rôles. Son sex-appeal n'est pas encore mondial. Elle vit avec Roger Vadim, qui a des difficultés à monter son film, Et Dieu créa la femme... En débarquant à Cannes, elle veut à la fois voler la vedette aux grandes actrices, améliorer sa notoriété et ainsi rassurer les éventuels producteurs d'investir dans le projet de son époux.

Le film sort trois ans plus tard, grâce à la participation financière de l'acteur principal, Curd Jürgens. Il en fait une actrice de premier rang. Déchaînant les passions, défiant la censure, entre érotisme libéré et modèle féministe, Et Dieu créa la femme... entraînera aussi la fin du couple Bardot/Vadim.

Jeanne Moreau. Deux fois présidente du jury (1975 et 1995), Jeanne Moreau est l'une des plus fortes incarnations du festival. A la fois actrice incontournable, autorité cinéphile, muse de la Nouvelle vague, citoyenne engagée. Lady Moreau a débarqué en 1960 avec Moderato Cantabile. Elle fait face à Jean-Paul Belmondo dans un film mis en scène par Peter Brook d'après le roman de Marguerite Duras. Excusez du peu. Jeanne Moreau obtient le prix d'interprétation à Cannes.

Elle a déjà dix ans de carrière derrière elle, avec Vadim, Malle, Becker, Allégret, Decoin dans sa filmographie. Certains de ses films ont été de jolis succès (La Reine Margot a séduit 2,4 millions de Français). Moderate Cantabile sera aussi un succès avec un million de spectateurs. Mais ce prix d'interprétation à Cannes est son premier grand prix international.

De ce jour-là, elle ne quittera plus la Croisette avec parfois deux films en compétition la même année (en 1966 tout comme en 1991). Les dernières fois où Jeanne a présenté un film à Cannes, c'était en 2005, à Un certain regard avec Le temps qui reste de François Ozon, et en 2009 avec Visage de Tsai Ming-liang, en compétition. Elle n'était pas là pour monter les marches. Le temps est passé.

Catherine Deneuve. On ne va pas s'éterniser sur le cas Deneuve. Une Palme d'or d'honneur. Un prix d'interprétation spécial. Deux films ayant reçu la Palme d'or. Une vice-présidence de jury. Plusieurs fois remettante de la Palme. La Deneuve est plus qu'une abonnée de la Croisette, elle est Cannes. Même si elle apprécie peu le chaos du Festival comme toutes ces mondanités du 7e art. Le plus impressionnant est sans doute le nombre de films qu'elle a accompagné, depuis son lancement au firmament des étoiles en 1964, avec Les Parapluies de Cherbourg, jusqu'à aujourd'hui. Six décennies de présence ininterrompues.

D'abord Hors compétition avec Luis Bunuel, Claude Lelouch, Tony Scott et Alain Corneau. Puis régulièrement en compétition grâce à André Téchiné (trois fois), Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Leos Carax, Lars von Trier, Marjane Satrapi, Arnaud Desplechin... Ces dernières années, elle a soutenu un film d'ouverture, une petite production de Paul Vecchiali, un film de Christophe Honoré. Mais elle est surtout revenue pour présenter ses grands films à Cannes Classics, du Dernier métro à Indochine, du Sauvage à La vie de château.

Cannes a toujours illustré sa carrière en soulignant son éclectisme et son ouverture sur le monde. Star mondiale, elle assume son rôle : avec des tenues extravagantes et glamours de grands stylistes, en épaulant la novice Björk qu'elle défend en conférence de presse, en rendant hommage aux cinéastes à qui elle doit beaucoup ou en embrassant à pleine bouche le Maître de cérémonie, juste pour le fun.

Isabelle Huppert. On a déjà évoqué le cas spécifique de Isabelle Huppert dans cette série (lire notre article). L'actrice est celle qui a reçu deux prix d'interprétation, avec ses deux cinéastes emblématiques (Chabrol et Haneke). Une exception en soi. Depuis Aloise en 1975, Huppert est une régulière. Dès l'année suivante elle est couronnée avec Violette Nozière. Quatre films en compétition dans les années 70, 6 dans les années 80 (dont trois en 1980), 2 dans les années 90, 2 dans les années 2000 et 6 depuis 2010.

Avec les autres sélections, le compteur explose. Huppert est une sorte de quintessence cannoise. L'actrice française par excellence, qui, comme Moreau, Deneuve, Binoche ou Cotillard, est sur le tapis rouge pour un film français, européen, américain ou asiatique. Elle n'a aucune frontière. Toutes ces comédiennes révèlent ainsi l'universalité du cinéma, en bonnes héritières des frères Lumière et de l'esprit des Lumières.

Isabelle Adjani. En 1976, Adjani arrive sur la Croisette, auréolée du génie qu'on lui colle à la peau, avec Roman Polanski, pour Le Locataire. Elle est déjà populaire (La gifle), admirée (L'histoire d'Adèle H), curieuse (Barocco). Cannes s'offre alors les deux Isabelle. La Huppert qui repartira avec un prix d'interprétation pour Violette Nozière. L'Adjani déjà insaisissable.

Isabelle A. et Isabelle H. reviennent d'ailleurs ensemble en 1979 avec un Téchiné, Les sœurs Brontë. Mais en 1981, c'est bien Adjani qui domine Huppert. La star de l'époque,c'est elle. Elle obtient un prix d'interprétation pour deux films radicalement différents: Quartet de James Ivory et Possession d'Andrzej Zulawski. Ce dernier film a été un cauchemar. Le début du déraillement qui la conduira dans le mur dix ans plus tard.

Entre temps, elle revient à Cannes, avec L'été meurtrier. Puis se fait rare. Le désastreux Toxic Affair est présenté hors-compétition en 1993. Un échec. Son grand retour s'annonce en 1994 avec La Reine Margot. Le rôle de Jeanne Moreau. Catherine Deneuve au jury. Adjani au sommet. Mais c'est Virna Lisi qui emporte le prix d'interprétation. Une dispute au sein du jury prive la Reine Isabelle de la gloire promise. Et l'étoile file vers les confins obscurs d'une galaxie de films plus ou moins oubliés. Parfois, elle revient briller. Pour présider le 50e Festival de Cannes, remettre un prix, ou s'attirer la colère des photographes. Elle sait encore créer l'événement.

Sophie Marceau. On ne peut pas passer à côté de l'actrice chérie des Français. A Cannes, elle n'a jamais été en compétition. Tout juste au début de sa carrière, elle a quand même accompagné Noiret, Depardieu et Deneuve sur le tapis rouge pour le film d'ouverture de 1984, Fort Saganne. 25 ans plus tard, elle est revenue en séance de minuit avec un film de genre, Ne te retourne pas. Elle a bien présenté deux films à Un certain regard (dont son premier film en tant que réalisatrice, le court métrage L'aube à l'envers).

Bref on ne peut pas dire que Sophie Marceau ait une histoire particulière en tant qu'actrice avec Cannes. Elle fut quand même membre du jury en 2015. Mais, connue de la Chine à la Russie, du Japon à l'Allemagne, elle a souvent été réclamée par Cannes pour faire sensation sur le tapis rouge ou remettre un prix. Parfois tout se mélangeait. Un décolleté qui dénude un sein, une robe qui s'emmêle les pinceaux, une autre qui dévoile sa culotte, un discours brouillon où tout se mélange. Son franc-parler, sa sincérité, sa personnalité difficile affrontent alors les quolibets, moqueries, critiques. C'est la copine sympa qu'on regrette parfois d'inviter. Mais elle fait partie du folklore. Les malheurs de Sophie ont toujours fait le bonheur des magazines people et féminins qui ne viennent pas à Cannes pour le cinéma mais bien pour chopper une Cendrillon perdant sa chaussure sur les marches.

Juliette Binoche. Comme Deneuve, elle est née sur la Croisette. En 1985, l'actrice vient de présenter le dernier film de Godard, Je vous salue Marie à Berlin. Trois mois plus tard, elle monte les marches grâce à André Téchiné pour Rendez-vous, le film qui la révèle définitivement. Elle obtient quelques mois plus tard sa première nomination aux César comme meilleure actrice et reçoit le Prix Romy Schneider. Rendez-vous sera primé pour sa mise en scène et Binoche, nue sur l'affiche, va alors rapidement devenir l'une des comédiennes les plus sollicitées.

Pourtant, il faut attendre quinze ans avant qu'elle ne revienne à Cannes. Entre temps, elle a eu un Oscar, un César, un prix à Venise et un autre à Berlin. La jeune comédienne est devenue une actrice internationale. Et c'est d'ailleurs avec des cinéastes étrangers qu'elle vient sur la Croisette : Michael Haneke, Hou Hsiao-hsien, Abbas Kiarostami, qui lui permet, grâce à Copie Conforme, de réaliser le grand chelem, et David Cronenberg. Olivier Assayas (co-scénariste de Rendez-vous) et Bruno Dumont ont été les deux derniers cinéastes en date à la faire briller sur les marches. Mais surtout, Juliette Binoche a été la seule actrice française a être le visage de Cannes, égérie le temps d'une édition, sur une affiche bleue électrique.

Marion Cotillard. Après un long moment où les vedettes francophones se sont enchaînées dans l'histoire de Cannes - Emmanuelle Devos, Elodie Bouchez, Audrey Tautou, Valéria Bruni Tedeschi, Emilie Dequenne, Ludivine Sagnier, Mélanie Laurent, etc... - une seule actrice a émergé dans les années 2000 : Charlotte Gainsbourg, qui fut d'ailleurs récompensée par un prix d'interprétation en plus d'être membre du jury. Mais on ne peut pas dire que sa filmographie comme son itinéraire soit liés à Cannes. Ce fut plutôt une forme de consécration d'une déjà longue carrière.

En revanche, Marion Cotillard, après plus de quinze ans de carrière, un Oscar, deux César et quelques films hollywoodiens, va devenir la plus fidèle des actrices à partir de 2010. C'est déjà une star et elle va devenir durant cette décennie l'actrice cannoise par excellence. Pas une année depuis Minuit à Paris en 2011 où elle n'aura pas un ou deux films en sélection officielle: De rouille et d'os en 2012, The Immigrant et Blood Ties en 2013, Deux jours, une nuit en 2014, Le petit prince et Macbeth en 2015, Juste la fin du monde et Mal de pierres en 2016, Les fantômes d'Ismaël en 2017.

Miss Dior qu'on adore ou qu'on abhorre est devenue une tête d'affiche pour Hollywood et une valeur sûre pour les films de festivals. A chaque fois le prix d'interprétation lui échappe. Mais après tout, Deneuve, Binoche ou Gainsbourg justement ont du longtemps attendre avant de l'obtenir. C'est l'actrice qui tourne avec un québécois, un américain, un australien, deux belges, son mari, les grands auteurs du cinéma français. Elle a troqué le taxi marseillais pour la limousine de Renault cannoise. Cotillard c'est la french touch du XXIe siècle.

Léa Seydoux. Dernière venue du casting. Il y a eu La vie d'Adèle, avant et après. Avant pourtant, elle était déjà un peu connue avec des auteurs comme Bonello, Breillat, Honoré, Ruiz. Mais Cannes, elle était surtout hors-compétition, en second rôle. Dans Robin des Bois et Minuit à Paris (comme Cotillard). Ou avec un personnage éphémère dans le premier chapitre de Inglorious Basterds en compétition.

Il faut attendre 2013 pour qu'elle s'impose. Dans Grand central à Un certain regard et dans La vie d'Adèle en compétition. Le film obtient la Palme d'or. On n'a d'yeux que pour sa partenaire, la novice et fraîche Adèle Exarchopoulos. Mais les deux comédiennes reçoivent une Palme chacune en distinction honorifique. Une première. Pour Léa Seydoux, c'est le grand virage. Les grosses productions s'ouvrent à elle, de James Bond à Wes Anderson. Elle devient la It-Girl frenchy du cinéma mondial.

Depuis sa Palme, elle est toujours en compétition: chez Bonello avec Saint Laurent, chez Lanthimos avec The Lobster, chez Dolan avec Juste la fin du monde. A l'instar de Cotillard, elle navigue entre blockbusters et films d'auteur, entre Tom Cruise et Benoit Jacquot. Elle assure la promo et assume son statut de "cover girl", avec belles robes, bijoux et ce petit accent français quand elle parle anglais. Elle aussi se joue des frontières, des genres, des étiquettes. Elle vise la catégorie "world actress". Avant la femme française faisait rayonner le cinéma du pays dans le monde ; aujourd'hui le cinéma mondial fait rayonner l'actrice française.

Emmanuelle Riva (1927-2017): une flamme s’éteint

Posté par vincy, le 28 janvier 2017

César de la meilleure actrice en 2013, Emmanuelle Riva est morte vendredi 27 janvier à l'âge de 89 ans, succombant à son cancer. D'Hiroshima mon amour d'Alain Resnais en 1959 à Amour de Michael Haneke en 2012, Emmanuelle Riva avait été sans doute trop rare au cinéma. On la verra une dernière fois sur grand écran dans Paris Pieds nus de Fiona Gordon et Dominique Abel, qui sortira le 8 mars.

Artiste exigeante, actrice bouleversante, elle a voulu travailler jusqu'au bout, comme le suligne son entourage, tournant en Islande ou faisant une lecture à la Villa Médicis à Rome. Son courage, sa dignité, son audace sont d'ailleurs les traits de la personnalité de ses deux personnages emblématiques, jeune chez Resnais et au crépuscule de sa vie chez Haneke. Avec Amour, où elle choisit sa mort, la reconnaissance sera mondiale : un BAFTA de la meilleure actrice et une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice, en plus du César tardif.

Mais il ne faudrait pas résumer sa carrière à ces deux films.

hiroshima mon amour emmanuelle rivaUne flamme entre deux amours

Née le 24 février 1927 dans les Vosges, dans une famille d'origine italienne, elle s'est éprise de théâtre très jeune, en lisant des pièces et rejoignant une troupe amateur. A 26 ans, elle entre à l'école de la rue Blanche avant de se lancer sur scène. C'est d'ailleurs sur une affiche de théâtre que Resnais la repère et la choisit pour son film, scénarisé par Marguerite Duras. Durant le tournage d'Hiroshima mon amour, avec son appareil photo, elle capte des instantanés de cette ville en reconstruction, seulement treize ans après avoir été dévastée par la bombe (on retrouve ces photos dans le livre Tu n'as rien vu à Hiroshima, réédité en 2009). Elle incarne la part d'humanité dans ce monde post-traumatique, tout en étant errante et distante de l'horreur qui la submerge. L'amour promis, espéré, face à la mort, inévitable. C'est là que la Palme d'or Amour boucle la boucle en la filmant au seuil de sa disparition, affrontant décemment sa mort, après avoir vécu une vie d'amour... Elle était incandescente chez Resnais. La flamme s'éteint chez Haneke.

Après avoir tourné Recours en grâce de László Benedek, Adua et ses compagnes d'Antonio Pietrangeli et Kapò de Gillo Pontecorvo, elle retrouve un grand rôle assez rapidement avec celui d'une jeune femme agnostique, passionnément amoureuse d'un prêtre (incarné par Belmondo) dans Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville. On est en 1961. L'année suivante elle reçoit une Coupe Volpi de la meilleure actrice à Venise pour son interprétation dans Thérèse Desqueyroux de Georges Franju.

Son visage, suave, gracieux et lumineux, est une page blanche où l'on peut écrire toutes sortes de secrets, de douleurs, de passions, de douceurs. Pourtant, son itinéraire la détournera de films populaires. Elle a tourné une cinquantaine de films dont Thomas l’imposteur (1965), toujours de Georges Franju, sur un scénario posthume de Jean Cocteau, Les Risques du métier d'André Cayatte, Les Yeux et La bouche de Marco Bellocchio, Liberté, la nuit de Philippe Garrel, Y a-t-il un Français dans la salle ? de Jean-Pierre Mocky, Trois Couleurs : Bleu de Krzysztof Kie?lowski, où elle incarnait la mère, Vénus beauté (institut) de Tonie Marshall, Tu honoreras ta mère et ta mère de Brigitte Roüan, Le Skylab de Julie Delpy et Un homme et son chien de Francis Huster, où elle recroise Belmondo. L'an dernier elle était à l'affiche de Marie et les Naufragés de Sébastien Betbeder. Insaisissable, touchant à tout, du cinéma d'Arcady à celui de Bonitzer, de Jean-Pierre Améris à Emmanuel Bourdieu, elle disait souvent non et préférait sa liberté, et le théâtre.

Retour d'amour

Euripide, Molière, Shakespeare, Marivaux, George Bernard Shaw, Harold Pinter, Luigi Pirandello, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras... elle n'avait aucune barrière, aucune frontières. La jeune fille humble, modeste, issue d'un milieu prolétaire, plus fantaisiste et moins sage qu'il n'y apparaissait, était discrète, a pu être oubliée. Dans l'ombre de son personnage mythique et encombrant du film de Resnais, elle continuait à jouer. Vive et insolente, drôle et toujours jeune, presque punk malgré ses 80 balais, Riva mordait sa vie à pleine dents, et semblait n'avoir aucun regret. Elle touchait à tout, dévorait les textes. Sa curiosité et son affranchissement ont fait le reste.

Dans Amour, il y avait d'ailleurs ce dialogue qui aurait pu être une de ses propres insolences: ""Qu’est-ce que tu dirais si personne ne venait à ton enterrement? - Rien, probablement.".

Hors-système, Emmanuelle Riva laisse une jolie trace dans nos mémoires. Elle a écrit Juste derrière le sifflet des trains, Le Feu des miroirs et L'Otage du désir. Son livre d'entretien, paru il y a trois ans, s'intitulait C'est délit-cieux !. Jeu de mot qui résumait bien sa personnalité. Dans ce livre, elle expliquait: "Très petite, j’aimais dire des poèmes. J’aimais les dire devant les autres. Je ne pouvais pas les garder pour moi seule. Il me fallait donner à entendre la parole de l’auteur, comme une jouissance à ce partage." Un partage généreux qui aura duré 60 ans.

Isabelle Huppert chez Abel Ferrara

Posté par vincy, le 21 décembre 2016

Alors qu'elle sera à l'affiche demain dans Souvenir et qu'elle collectionne les prix aux Etats-Unis avec Elle de Paul Verhoeven, Isabelle Huppert est annoncée dans le prochain film d'Abel Ferrara, Siberia. Selon Le Film Français, elle jouera aux côtés de Nicolas Cage et Willem Dafoe dans ce projet longtemps retardé faute de financement.

Ferrara évoque Siberia comme son Odyssée. Le film parle de rêves, de souvenirs et de nature. Il doit être, a priori, tourné dans le désert. Son acteur fétiche, Dafoe (ils ont tourné quatre films ensemble), jouera son propre rôle. Pour son script, il s'est inspiré du Livre rouge de Carl Jung, qui croise les peurs primales, l'inconscient et les terreurs de l'enfance. Le tournage devrait avoir lieu dans les prochains mois.

L'actrice a aussi confirmé dans l'émission "Quotidien" de Yann Barthès (TMC) qu'elle venait de finir le tournage du nouveau film d'Hong Sang-soo (5 jours à Cannes), qu'elle a retrouvé quatre ans après In Another Country. On la verra également dans Madame Hyde de Serge Bozon, Happy End de Michael Haneke, Marvin d'Anne Fontaine et Barrage de Laura Schroeder.

Huppert is still hype.

Fin de tournage pour le nouveau film de Michael Haneke

Posté par vincy, le 18 août 2016

Happy End n'était pas le film que Michael Haneke avait prévu après Amour (Palme d'or, Oscar). Mais son histoire autour d'un flash-mob ayant fait long feu, le cinéaste autrichien a vite rebondit en écrivant un autre scénario.

Rapidement financé (c'est Haneke) malgré le budget de 12 millions d'euros, le tournage s'est déroulé cet été dans le nord de la France, pas très loin de celui du prochain film de Christopher Nolan, et s'achève ce mercredi 18 août. Pour une avant-première mondiale calée au prochain festival de Cannes, à n'en pas douter.

Entre Calais, Dunkerque et Douai, Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert et Mathieu Kassovitz ont donc passé l'été dans les Hauts de France, avec de nombreux acteurs non professionnels.

Happy End raconte l'histoire d'une famille bourgeoise indifférente à la misère qui l'entoure, notamment les camps de migrants près du port de Calais, communément appelés "la jungle". "Tout autour le monde, et nous au milieu, aveugles", résume la note de production laconique… On sait aussi que la problématique migratoire n'est pas le sujet central.

Les films du Losange accompagneront la sortie du film.

Brady Corbet: « Je porte un intérêt aux gens en marge, ceux qui sont déclassés »

Posté par cynthia, le 13 juin 2016

Brady Corbet arrive timidement dans la salle du célèbre cinéma Le Lincoln. Habillé en mode "soirée pizza entre potes devant l'intégrale de The Walking Dead", l'acteur/réalisateur nous a offert son plus beau sourire avant de s'installer sur sa chaise d'invité d'honneur du Chaps-Elysées Film Festival.

Aussi mignon qu'un bisounours et charismatique qu'un Californien en plein été, Brady Corbet nous a fait craquer en toute simplicité. Après une longue présentation de sa carrière (que l'on peut trouver sur Wikipédia aussi), l'acteur a explosé de rire  lorsque l'on a annoncé qu'il a déjà joué aux côtés de Vanessa Hudgens. Oui l'acteur n'a pas commencé par des films d'auteurs mais plutôt par des films dits "gagne-pain". Alors que la présentation (très détaillée) se poursuit, le rire de l'acteur s’amplifie: "Je vais bientôt devoir raconter comment j'ai perdu ma virginité...". En même temps, ça on ne le trouve pas sur Wikipédia...

Mysterious Skin

Oui il n'a que 27 ans et pourtant il a déjà une longue carrière derrière lui. Il passe son enfance dans une petite ville du Colorado aux côtés de sa mère qui remarque très tôt que Brady ne pense qu'au septième art. Elle l'inscrit à l'âge de 7 ans dans un casting qu'il loupe. Mais comme le hasard n'existe pas, il y trouve un agent qui, malgré son très jeune âge, va l'envoyer à de nombreux castings. Après de nombreuses participations remarquées, l'acteur joue dans le sulfureux Thirteen de Catherine Hardwick (oui elle a eu une vie avant Twilight) avant de jouer dans le film qui va le révéler aux grands publics: Mysterious Skin de Gregg Araki. "Avant Mysterious Skin, on me choisissait sans que je choisisse moi-même les rôles. À partir de ce film, j'ai décidé avec qui je voulais travailler. L'histoire de Mysterious Skin je la connaissais puisque j'ai longtemps travaillé dans une librairie et que j'ai lu le livre dont le film a été adapté. Ce bouquin m'a beaucoup parlé, il m'a même hanté! Lorsque j'ai appris que Gregg Araki voulait en faire un film je l'ai tout de suite contacté."

Haneke et 24h chrono

L'acteur est plus que fier d'avoir participé à ce projet car ce n'est pas les rôles qui l'attirent mais plutôt les projets. "Je me fiche de savoir où sont mes parents fictifs ou d'où vient mon personnage du moment que ça marche. Je le fais tant que ça marche!" déclare-t-il avec une certaine passion dans sa voix. Pour Funny Games de Michael Haneke (la version américaine, évidemment), Brady Corbet s'est dit plus qu'enjoué par cette chance. "J'aurais pu laver le sol, j'aurais été content de faire partie de l'aventure. "

Nous le voyons souvent incarner des rôles complexes à la limite du psychotique alors, qu'a priori, son visage et sa blondeur évoquent plutôt l'inverse.

"Je porte un intérêt aux gens en marge, ceux qui sont déclassés!" Tout est dit! L'acteur aime se surpasser et aller à l'opposé de ce qu'il connaît. Il pousse d'ailleurs les acteurs qu'il dirige à faire de même. Toujours plus loin physiquement, psychologiquement. Brady Corbet  n'est pas un actor studio, modelé par la machine aux Oscars et happé par l'engrenage Marvel/DC, mais un acteur en ébullition et en quête perpétuelle du projet qui sera lui parler. Pourtant... l'acteur a changé de registre en apparaissant dans la saison 5 de 24 h chrono. "La série 24? Je l'ai fait pour l'argent! (rires) J'avais une année assez difficile (rires)! Ce n'est pas mon style même si ce fut une excellente expérience et que les gens avec qui j'ai travaillé ont été adorables..." ajoute-t-il.

Une influence française

D'ailleurs, Brady n'est pas du genre à se poser dans sa maison avec sa femme et son gosse devant une série: il déteste! S'il n'aime pas trop les séries, c'est à cause des obligations données: être méchant mais devenir gentil, cliffhanger, etc..."ça ne me parle pas du tout et je sais que je suis bizarre car je dois être le seul à dire ça!" Non, nous te comprenons Brady. Attendre 7 épisodes pour voir que Georges a couché avec Brenda pendant qu'il recherchait sa sœur disparue en mer, très peu pour nous. Et même lorsqu'il s'agit de réalisation, il a joué les marginaux. Il aime traiter des sujets sombres et il sait que les gens seront moins enthousiastes ou prompts à financer ses projets. "On ne peut pas toujours faire du Game of Thrones dit-il avec un sourire...ma blague est ratée!"

Rassure-toi Brady, nous avons compris ce que tu voulais dire. On ne peut pas faire une recette qui marche partout et chez tout le monde en somme. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait avec son premier film (bien psychédélique) L'enfance d'un chef (The Childhood of a leader, avec Robert Pattinson) adapté d'une nouvelle de Sartre. Parce que ce prodigue préfère les films de réalisateurs Français et/ou Européens. "Ma mère a vécu en France et m'a fait regarder beaucoup de films français. Je pense qu'elle voulait que je tombe amoureux de la langue et que je l'apprenne... Au lieu de ça je suis tombé amoureux du mélange des langues." Il n'est pas étonnant donc de voir que pour son premier film Bérénice Béjo tient le rôle principal et que certaines séquences (si ce n'est pas tout le film) sont tournées en français/anglais.

Ovni et passionné, il confesse pour conclure: "mon cœur appartient au cinéma et c'est vraiment à lui que je me dévoue en premier!"

[20 ans de festival] Cannes 2016 : 2009 – 2012 – Michael Haneke couvert d’or

Posté par MpM, le 18 mai 2016

A trois année d’intervalle, ce sont deux Palmes d’or que s’offre le cinéaste autrichien Michael Haneke, déjà Grand prix en 2001 avec La pianiste et prix de la Mise en scène en 2005 avec Caché. Curieusement, pourtant, ces deux récompenses prestigieuses n’ont au vu des deux éditions pas du tout le même sens.

En 2009, Le ruban blanc fait un peu l’effet du film compromis qui met le jury d’accord face à une sélection pas enthousiasmante. Non pas qu’il soit raté, c’est au contraire une œuvre glaçante montrant un monde en décomposition sur le point d’imploser avec l’arrivée de la première guerre mondiale, et terreau fertile de l’avènement du nazisme. Mais sa froideur esthétique, son absence de concession scénaristique, et même son sujet n’en font pas d’emblée le favori de la compétition.

Face à lui, Jacques Audiard propose avec Un prophète un autre style d’esthétisme, avec au fond la même froideur de ton. Le film a ses défenseurs (le cinéaste lui-même semble ne s’être toujours pas remis de ne pas avoir eu la Palme cette année-là, comme si elle lui était due…), mais ne parvient pas à s’imposer avec évidence. Il repartira quand même avec le Grand Prix.

De toute façon, c’est l’année des déceptions : Alain Resnais nous perd avec ses Herbes folles trop abstraites, Quentin Tarantino (Inglorious basterds) est un cran en dessous de ce que l’on attendait, Lars von Trier (Antichrist) bascule dans le ridicule en voulant se lancer dans une énième expérience radicale, Park Chan-wook trébuche dans le grand guignol boursoufflé avec son film de vampire christique (Thirst)…

Ce sont finalement deux comédies qui sauvent cette 62e édition de la routine : Looking for Eric, la merveilleuse fable sociale de Ken Loach, avec un Eric Cantona formidable en coach personnel azimuté, et Taking Woodstock d’Ang Lee, feel good movie coloré, libre et joyeux sur une époque où tout semblait possible. Mais comme il est de tradition à Cannes, la comédie est un "genre mineur" qui ne mérite pas d’être récompensé.

En 2012, l’enthousiasme est revenu, avec des films potentiellement populaires, des œuvres audacieuses marquantes et des histoires singulières, loin de tout formatage. Amour de Michael Haneke fait très vite figure de favori, proposant un regard universel et lumineux sur la vie. Le cinéma plutôt froid du réalisateur se teinte d’une sensibilité nouvelle et attachante, et son duo d’acteurs emporte tout. Nouvelle Palme presque évidente, donc, face à des concurrents qui avaient pourtant mis la barre très haut.

Cette 65e édition cannoise aligne en effet les films forts et les propositions esthétiques audacieuses : La chasse de Thomas Vinterberg, Holy motors de Denis Lavant, Moonrise kingdom de Wes Anderson, Dans la brume de Sergei Loznitsa, Mud de Jeff Nichols, Cogan, la mort en douce d’Andrew Dominik, La part des anges de Ken Loach, Sur la route de Walter Salles… Le tout en une dizaine de jours. Qui dit mieux ? Cette année-là, le jury cannois aurait presque pu palmer la moitié des films en compétition. S’il a choisi Michael Haneke, ce n’était cette fois ni par compromis, ni pour saluer sa carrière. Mais bien parce qu’il était le meilleur à ses yeux.

Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert retrouvent Michael Haneke à Calais

Posté par vincy, le 2 janvier 2016

Après Christopher Nolan à Dunkerque, c'est Michael Haneke qui débarque quelques dizaines de kilomètres plus à l'ouest, à Calais. Le cinéaste autrichien va y tourner Happy End, au printemps prochain. Il retrouve pour l'occasion Jean-Louis Trintignant (Amour) et Isabelle Huppert (La Pianiste) pour un récit autour des migrants. C'est la quatrième fois qu'Huppert tourne avec le cinéaste autrichien.

Après des repérages cet automne dans la région, Michael Haneke a présenté fin novembre son projet au comité de lecture de Pictanovo, l'organisme de soutien aux productions audiovisuelles de la région, qui a décidé de verser une aide de 150 000 euros environ.

"C'est un film d'Haneke, donc forcément sur la famille, on retrouve son univers avec des personnages excessifs", a rapporté la représentante de l'agence, qui précise que la thématique migratoire "n'est pas le sujet du film", même si elle est "évoquée, intégrée dans la problématique du film".

En octobre, Michael Haneke avait signé avec 5 500 autres professionnels du cinéma un appel à l'Europe pour qu'elle respecte "ses devoirs" en matière d'accueil des réfugiés, dans le cadre de l'opération "For a 1.000 lives: Be Human".

En juin, le réalisateur, double Palme d'or pour Le ruban blanc et Amour, avait abandonné son projet Flashmob, où devait également jouer Isabelle Huppert.