Silvio Berlusconi au cœur du prochain film de Paolo Sorrentino

Posté par vincy, le 11 septembre 2016

paolo sorrentino oscars 2014Alors que Paolo Sorrentino vient de montrer les premiers épisodes de sa série TV The Young Pope, avec Jude Law, au festival de Venise, le cinéaste italien oscarisé pour La Grande Bellezza a annoncé que son prochain film sera consacré à Silvio Belusconi.

Ce sera évidemment à la manière de Sorrentino qui a toujours aimé travestir la biographie tragique et souvent corrompue en œuvre stylisée: L'homme en plus retraçait le destin du footballeur Agostino Di Bartolomei, Les conséquences de l'amour décryptait les méthodes de la Cosa Nostra et Il Divo suivait le parcours politique de Giulio Andreotti...

Cette fois-ci, Sorrentino, qui écrit actuellement le scénario, se concentrera sur les liens entre Berlusconi (déjà pastiché par Nanni Moretti dans Le Caïman en 2006, où Sorrentino avait d'ailleurs un rôle en tant qu'acteur) et son premier cercle, tout en décodant les liens entre l'homme politique, le patron des médias, et son emprise sur l'Italie durant deux décennies. Selon les producteurs, le film sera surtout une analyse du monde de Berlusconi plutôt qu'une satire ou une critique.

Le titre provisoire du film a un double sens : Loro peut vouloir dire "eux" comme il peut s'agir d'un jeu de mot avec L'oro ("L'or").

Le tournage est prévu pour l'été 2017 et la sortie programmée pour 2018.

Ironiquement, c'est une société de Berlusconi, Medusa, qui avait coproduit les derniers films du cinéaste. Cette fois-ci, on s'en doute, Medusa ne sera pas impliquée.

Bellocchio censuré par Berlusconi ?

Posté par vincy, le 18 janvier 2011

La censure a de multiples visages. En Italie, elle peut être effectuée par de simples pressions financières ou politiques. Silvio Berlusconi n'en rate pas une : rachat d'un des derniers cinémas romains d'art et essai, pour en faire un magasin Benetton, baisse des crédits d'impôts pour la production cinématographique, retrait des livres des écrivains soutenant l'ancien activiste Cesare Battisti dans les bibliothèques vénitiennes...

Et on apprend dans le Corriere della Sera du 11 janvier que Marco Bellocchio a du abandonner son prochain film, faute de financement. L'article est intitulé ainsi :  "??Nessuno vuole produrre il mio film sull' Italia di oggi" (personne ne veut produire mon film sur l'Italie d'aujourd'hui). Bellocchio ce n'est pas rien : trois prix à Berlin, six sélections à Cannes, prix de la critique aux European Film Awards, un Donatello du meilleur réalisateur, deux prix à Locarno, six au Festival de Venise...

Italia Mia etait un projet qu'il devait enchaîner après son nouveau film, Lacrime (anciennement La Monaca di Bobbio), qui pourrait être à Cannes ou à Venise cette année. Il s'agissait d'une satire politique inspirée par les années Berlusconi. L'histoire suit une jeune fille mêlée à un certains nombre d'affaires publiques et médiatisées et s'achève dans une villa luxueuse et insulaire où des événements choquants ont laissé leur trace. Cela rappelle en effet l'actualité récente de Berlusconi.

Bellocchio s'est toujours intéressé à l'histoire de son pays, de Mussolini (Vincere) aux années de plomb (Buongiorno, Notte) en passant par le Vatican (Le sourire de ma mère).

Mais comment financer un tel film quand le Président du conseil des ministres italien est malmené dans les sondages, par son camp politique, et par la justice? Il risque en effet une mise en examen pour l'affaire Ruby en étant soupçonné d'incitation à la prostitution de mineure et abus de fonction. Son groupe Mediaset possède trois chaînes de télévision majeures, Medusa Cinema, Medusa Film, Cinecitta Digital Factroy, Ares Film, et les multiplexes The Space Cinemas... Sans oublier que les chaînes de télévision publiques sont assujetties à son pouvoir. Autant dire qu'il contrôle toute la chaîne.

Italia Mia a été refusé par une dizaine d'investisseurs, malgré son budget modeste (moins de 7 millions d'euros, soit un devis inférieur à celui de Vincere). Bellocchio n'avait jamais connu pareille situation. Il pourrait en faire un film, tant les dysfonctionnements de son pays l'inspirent.
"Bien sûr je ne voulais pas mettre en scène une comédie. Je voulais parler de l’Italie d’aujourd’hui, il n’y a donc pas de quoi rire. Je n’avais pas pour autant l’intention de suivre les journaux à la lettre, ou de donner dans le pamphlet."

Il ne reste plus qu'à des producteurs étrangers d'avoir le courage de le financer.