2018 dans le rétro : la bonne année du cinéma de genre

Posté par kristofy, le 27 décembre 2018

C’était quoi le cinéma de genre en 2018 ?

On avait observé l’année dernière que 2017 avait été symbolique d’un certain glissement vers une reconnaissance du cinéma de genre : certains de ces films dépassent ‘leur public’ et obtiennent un plus large succès auprès du ‘grand public’. Le film de monstre La Forme de l’eau de Guillermo Del Toro, sorti en février, avait reçu le Lion d’or de Venise avant de décrocher 4 Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleurs décors, et meilleure musique (au français Alexandre Desplat) ; Get Out de Jordan Peele a engrangé 254 millions de dollars de recettes mondiale pour un budget d’environ 5 millions tout en recevant le convoité Oscar du meilleur scénario original ; et en France c’était le film Grave de Julia Ducournau qui avait fait l'évènement pour finir avec le Prix Louis-Delluc et 6 prestigieuses nominations aux Césars.

Ils sont où les films de genre français avec des zombies affamés ou des aliens envahisseurs ? C’est la bonne nouvelle de 2018 : il y a eu plus de films français de ce type distribués en salles, et plusieurs sont des premières œuvres. Parfois l’élément fantastique est central, parfois il réside en périphérie. Il peut prendre la forme d'un polar ou celle d'une introspection intime. En bonus, on y voit aussi quelques noms célèbres sur les affiches.

Une belle diversité

Citons dans ce panorama très diversifié : Burn Out de Yann Gozlan (avec François Civil, Olivier Rabourdin, Manon Azem), Revenge de Coralie Fargeat (l'actrice Matilda Lutz a été retenue dans les 34 révélations pour les prochains Césars), Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico (qui ensuite a reçu le Prix Louis-Delluc du premier film, ex-aequo), La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher (avec Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant), Ghostland de Pascal Laugier, Madame Hyde de Serge Bozon (avec Isabelle Huppert), Dans la brume de Daniel Roby (avec Romain Duris, Olga Kurylenko), Caniba de Verena Paravel & Lucien Castaing-Taylor, Climax de Gaspar Noé, Hostile de Mathieu Turi, High Life de Claire Denis (avec Robert Pattinson et Juliette Binoche), et sur Netflix La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière (avec Anna Mouglalis). A noter toutefois comme les années précédentes que certains de nos talents doivent chercher un soutien hors de France à l’international pour leurs projets (au Canada, Etats-Unis, Canada, Espagne…), ce qui induit souvent un tournage en langue anglaise (Ghostland, Revenge, Hostile, High Life…).

Le maître du suspens Stephen King a même salué à sa manière le cinéma français avec cette éloge : « Juste quand vous pensiez que les films de zombies ont été épuisés, un film parfaitement remarquable débarque, réalisé par Dominique Rocher, intitulé La Nuit a dévoré le monde. Il va vous laisser bouche bée. »

La France est toujours un peu en retard pour le soutien à ses cinéastes de genre : Xavier Gens à réalisé The Crucifixion et Cold Skin, qui ne sont pas sortis chez nous, Julien Mokrani a vu la production de son projet Les Sentinelles abandonnée… Pourtant les nouveaux talents français sont déjà là et ils sont nombreux : Steeve Calvo, William Laboury, Mael Le Mée, Just Philippot qui ont eu une distribution sur grand écran de leurs courts-métrages en février avec 4 histoires fantastiques. Par ailleurs, les films Tous les dieux du ciel de Quarxx et Girls with balls de Olivier Afonso font le tour des festivals en attendant d’être exploités en salles, tout comme Furie de Olivier Abbou. Combien d’entre eux vont devoir s’exporter ailleurs pour leurs prochains projets ?

Le CNC prend enfin la mesure (tardive) que le film de genre français contribue aussi à faire grandir plusieurs métiers techniques spécialisés (effets spéciaux, maquillages et prothésistes, cascadeurs, décors…) et qu’il faut les soutenir  : « Notre volonté est d’encourager la diversité au cinéma et d’inciter les créateurs à s’engager sur des voies insuffisamment empruntées. En France comme à l’étranger, en particulier au sein de la jeune génération, il y a un réel engouement, pour les films de genre : les créateurs français y ont toute leur place ! ». Trois projets en particulier vont être aidés par une bourse dans leur production : La nuée de Just Philippot, Ogre de Arnaud Malherbe, Else de Thibault Emin (une extrapolation de son court-métrage d’il y a 10 ans, en sortie de Fémis, c’est dire si le chemin est long). Il faudrait désormais que les distributeurs suivent, surtout quand il y a une interdiction aux moins de 16 ans.

Des hits au box office

Cette année dans les salles de cinéma le public a eu beaucoup d’occasion de frissonner. Le surnaturel a fait peur avec Verónica de Paco Plaza, Hérédité de Ari Aster (avec l'excellente Toni Collette), Sans un bruit de John Krasinski (avec la non moins excellente Emily Blunt), L'Exorcisme de Hannah Grace de Diederik Van Rooijen et La Nonne de Corin Hardy (avec Taissa Farmiga et Demian Bichir), qui, avec 1,4 million d'entrées en france se hisse au niveau de Ron Howard et Guillermo del Toro. L’horreur s’est cachée dans Le Secret des Marrowbone de Sergio G. Sánchez (avec Anya Taylor-Joy et Mia Goth), Strangers: Prey at Night de Johannes Roberts (avec Christina Hendricks), American Nightmare 4 : Les Origines, qui est aussi millionnaire en entrées, The Strange Ones de Christopher Radcliff, sans compter quelques frayeurs du côté du monde jurassique ou du labyrinthe post-apocalyptique.. L’Asie dont les multiples pays produisent des dizaines de bons films de genre a été quasiment ignorée cette année 2018, mis à part les sorties trop discrètes de Battleship Island de Ryoo Seung-wan et de Avant que nous disparaissions, d'Invasion de Kiyoshi Kurosawa. De son côté, le japonais Shinsuke Sato a gagné pour la seconde fois le Corbeau d'or au BIFFF avec Inuyashiki, film toujours invisible en France...

Les surprises les plus fortes de l’année en films de genre, de la SF à l'horreur, nous sont venues en fait des plus grands cinéastes : Guillermo del Toro avec La Forme de l'eau, Steven Spielberg avec Ready player one, Lars von Trier avec The House that Jack built, la version en 3D de Détective Dee : La légende des Rois Célestes de Tsui Hark, et Ghostland de Pascal Laugier. 2018 a été aussi l’occasion de redécouvrir le classique de Stanley Kubrick 2001 : l'odyssée de l'espace dans une restauration célébrant son 50ème anniversaire.

Hollywood continue encore de produire/distribuer des suites ou des remakes de grands succès passés: Halloween de David Gordon Green (avec Jamie Lee Curtis), Suspiria de Luca Guadagnino (avec Dakota Johnson et Tilda Swinton), The Predator de Shane Black. Ou s'acharne à écrire de mauvais films dans l'air du temps comme Unfriended, Action ou vérité?, Escape room. Parallèlement, de nombreux titres pourtant de qualité, portés par des sélections en Festivals, sont ignorés (Tigers are not afraid de Issa Lopez) ont n’arrivent qu’en DVD/VàD (comme Muse de Jaume Balagero). Il faut donc aussi désormais évoquer la plateforme Netflix : c’est là qu’il fallait aller pour découvrir Apostle de Gareth Evans, Hold the dark de Jeremy Saulnier, Illang the wolf brigade de Kim Jee-woon, Psychokinesis de Yeon Sang-ho, The night comes for us de Timo Tjahjanto, Annihilation d'Alex Garland, avec Natalie Portman, Bird Box de Susanne Bier, avec Sandra Bullock, et donc aussi La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière (avec Anna Mouglalis).

Le genre était de genre féminin, assez logiquement. La plupart des films marquants, soit par leur popularité, soit par les louanges reçues, avaient une ou plusieurs héroïnes, victimes ou/et combattantes.

Alors finissons avec une belle promesse (au féminin) pour 2019: Alita: Battle Angel. Réalisé par Robert Rodriguez et coproduit par James Cameron, cette adaptation du manga japonais Gunnm nous transporte le futur... bien au-delà de 2019

3 bonnes raisons d’aller voir Hostile de Mathieu Turi

Posté par kristofy, le 26 septembre 2018

Le pitch: Dans un monde en ruine après une catastrophe inconnue, l'espèce humaine tente de se reconstruire. Les survivants ne sortent que la journée car la nuit venue d’étranges créatures sortent pour chasser. Juliette est la seule à oser s’aventurer près des villes. Un jour, sur le chemin du retour, elle perd le contrôle de sa voiture. Lorsqu'elle reprend connaissance, elle est blessée, coincée dans son véhicule, et… IL FAIT NUIT.

Dans le désert personne ne vous entend crier, surtout la nuit quand s'approchent d'étranges créatures ! Malgré les apparences Hostile n'est pas un film d'horreur, l'ambiance survival est plus un décor car le vrai sujet du film est son personnage central. C'est une femme seule dans les/ses ténèbres, avec ce qui lui arrive maintenant et aussi ce qui s'est passé avant.

Hostile est un film de genre français : Julia Ducournau avait un peu réveillé le film de genre français avec Grave depuis Cannes jusqu'aux Césars. Cette année 2018 voit arriver dans les cinémas d'autres films de ce type en français : par exemple les zombies de La nuit a dévoré le monde en mars (avec Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant) ou un brouillard qui étouffe l'Humanité Dans la brume en avril (avec Romain Duris et Olga Kurylenko). Si le projet comporte un peu de violence ou du sang on sait que trouver un financement pour le produire ou un distributeur et des salles de cinéma ensuite (surtout si il y a une interdiction aux moins de 16 ans) s'avère un parcours du combattant. Un contexte qui incite à une coproduction internationale et à tourner en langue anglaise : comme Coralie Fargeat avec Revenge en février, Pascal Laugier avec Ghostland en mars, ou Xavier Gens avec Cold skin et The Crucifixion. Et comme Mathieu Turi avec son premier long-métrage (justement parrainé par Xavier Gens). Ce Hostile tourné en anglais entre New-York, Paris et le Maroc, et avec comme héroïne principale Brittany Ashworth a déjà été remarqué aux festivals fantastiques de Sitges et de Neufchâtel, et Mathieu Turi se révèle être un cinéaste prometteur.

Mon nom est Juliette, et j'ai survécu à l'apocalypse. Vous croyez que j'ai eu de la chance ? C'est faux...

Hostile est un film post-apocalyptique : Ce n'est pas la fin du monde, mais presque. Quelque chose s'est produit, notre société de confort telle qu'on la connait n'existe plus, l'Humanité est en train de disparaître, les quelques survivants luttent pour rester en vie. La situation est devenue classique autant au cinéma avec le succès du dernier Mad Max Fury Road qu'à la télévision avec la série Walking dead. Dans cette histoire Juliette est une survivante, elle doit lutter contre la faim et la soif, supporter une jambe cassée, et combattre d'étranges créatures qui surgissent la nuit !

Hostile c'est aussi une love-story : C'est bien connu que seul l'Amour pourrait sauver le monde, l'Amour est d'ailleurs Le Cinquième élément qui peut sauver la planète pour Luc Besson. C'est toute l'originalité de Hostile : l'histoire est celle de Juliette aujourd'hui qui se retrouve en mauvaise posture et seule (enfin presque) dans la nuit. Mais il y a différents flashbacks dans le passé (celui que l'on connaît, avant la catastrophe): Juliette était déjà dans une situation de lutte dans sa vie au moment où elle a rencontré un bel et sombre inconnu qui veut la séduire. Cette romance aura diverses répercussions dont le souvenir pourrait l'aider dans ce nouveau combat pour survivre dans la nuit...

2017 dans le rétro : le cinéma de genre en quête de plus de visibilité

Posté par kristofy, le 22 décembre 2017

C’était quoi le cinéma de genre en 2017 ?

On avait déjà fait la remarque : où sont les films français avec des serial-killers masqués, des poursuites de voitures, des bagarres de kung-fu, des zombies affamés, des aliens envahisseurs...  Où sont les films de genre français ? Ils n’arrivent plus à être produits, et quand c’est le cas, ils ne parviennent pas à être distribués correctement dans les salles de cinéma. Ce genre de films, ça marche quand c’est américain… Cette vision de films américains ultra-rentables versus films français mal-aimés est toujours malheureusement d’actualité. Toutefois, 2017 marque un glissement vers une nouvelle reconnaissance du cinéma de genre.

Cette année le Genre a trouvé 2 fois un nouveau point G avec les films Grave et Get out qui ont réussi à surprendre, interpeller, choquer, et même faire l’actualité dans des médias généralistes autres que cinéma.

Ici le personnage principal est féminin pour Grave et il est noir dans Get out, soit une mise en avant de protagonistes qui étaient plutôt auparavant des victimes dans les films d’horreur… Le cinéma de genre est guidé par des codes à respecter, à détourner, à re-interpréter. C’est l’autre point commun entre ces deux films. "Le fantastique ou le paranormal contaminent peu à peu l'intrigue sans l'absorber tout à fait" comme on l'écrivait dans notre critique de Grave. Dans ces deux films, les codes du genre sont infusés dans du drame avec un peu d’humour et différents niveaux de lecture. Ici, une mise en perspectives de questionnements plus large à propos du racisme avec Get out et du déterminisme avec Grave. De plus, autant pour Jordan Peele que pour Julia Ducournau, il s’agit de leur premier long-métrage derrière la caméra, et leurs films ont fait le tour du monde avec succès : bravo !

Pour ce qui est des films américains ultra-rentables, les multiplexes ont bien profité des ventes de pop-corn grâce aux cartes illimitées avec ces différentes suites (inutiles ?): Resident Evil: Chapitre Final de Paul W.S. Anderson, Le Cercle: Rings de F. Javier Gutiérrez, Underworld: Blood Wars de Anna Foerster, Annabelle 2: la Création du Mal de David F. Sandberg, Jigsaw de Michael Spierig… Dans la même lignée de ‘faire du neuf avec du vieux’ il a fallu subir deux ratages Alien: Covenant de Ridley Scott et La Momie avec Tom Cruise (deux déceptions au box-office), et essayer de se réjouir de Ça de Andy Muschietti, énorme carton pour une vraie déception cinématographique, et de Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, qui aura davantage séduit pour son formalisme que pour son ambition.

blade runner

On remarquera que les films de type space-opéra conçu pour sortir sur tout les écrans de tout les pays de toutes planètes ont connu diverses aventures : Les Gardiens de la Galaxie 2 de James Gunn est moins bon que le premier, mais un numéro 3 est de toute façon prévu; Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson avait l’ambition de démarrer une trilogie, mais son relatif échec ne devrait pas initier une suite; et enfin le 8ème Star Wars: Les Derniers Jedi (mais 9ème film de la saga après Rogue One) ne va pas dépasser les records de recettes du Réveil de la Force, mais cela n'a aucune importance puisque désormais Disney programme un nouveau Star Wars pour chaque année jusqu’à la fin du monde.

Le cinéma de genre s’est renouvelé durant cette année 2017 avec des films comme l'enthousiasmant Split de M. Night Shyamalan (qui signe son grand retour), The Jane Doe identity de André Øvredal, It comes at night de Trey Edward Shults, et (en étant indulgent) Happy Birthdead de Christopher Landon pour les Etats-Unis. Ailleurs : en Angleterre The Last Girl-Celle qui a tous les dons de Colm McCarthy, en Australie Love Hunters de Ben Young, en Italie On l’appelle Jeeg Robot de Gabriele Mainetti, en Corée du Sud Tunnel de Kim Seong-hun, en France quasi-rien à part Le Serpent aux mille coupures de Eric Valette.

2017 c’est aussi un certain glissement vers une nouvelle reconnaissance du cinéma de genre : certains de ces films dépasse ‘leur public’ pour aussi avoir un plus large succès auprès du ‘grand public’. Il suffit de regarder par exemple certaines des récompenses les plus prestigieuses. Quel film a gagné le Lion d’Or au Festival de Venise ? C’est le film de monstre The Shape of water de Guillermo Del Toro ! C’est le grand favori des prochains Golden Globes avec 7 nominations aux, d’autres sont à venir pour les Oscars (sortie en France en février 2018). Un Oscar pour Del Toro n'est d'ailleurs pas impossible. Une consécration pour le maître mexicain. Quel premier film cumule le plus de récompenses ? C’est Get Out pour les cercles de critiques de Boston, Chicago, Detroit, New-York, Toronto, le National Board of Review, et bientôt aussi les Golden Globes… Il pourrait être l'un des premiers films d'horreur nommé à l'Oscar du meilleur film, en plus d'avoir été un carton en salles. De même en France, quel premier film a été le plus remarqué ? C’est Grave qui vient de recevoir le Prix Louis-Delluc du meilleur premier film après un Prix FIPRESCI à Cannes et avant quelques nominations aux Césars…

Ces différents succès n’occulte pas que le cinéma de genre est bel et bien toujours peu et mal distribué dans nos salles de cinéma, sans compter une certaine frilosité quand des œuvres ont une interdiction aux moins de 16 ans. C’est en Asie qu’il y a eu le plus de films de genre réjouissants, mais malheureusement aucune distribution chez nous : par exemple Blade of the immortal de Takashi Miike (pourtant au Festival de Cannes), Call of Heroes de Benny Chan, Opération Mékong de Dante Lam, Headshot des The Mo Brothers, The Prison de Hyun Na, Vanishing Time: a boy who returned de Um Tae-hwa,… D’ailleurs comment s’étonner de cette non-visibilité asiatique quand ces très bons films que sont El Bar (Pris au piège) de Alex de la Iglesia ou Golem le tueur de Londres avec la crème des acteurs british arrivent directement en dvd/vàd sans avoir une sortie en salles ? C’est d’ailleurs la même chose pour le film américain Leatherface des français Julien Maury et Alexandre Bustillo, pourtant à priori film-porteur puisque c’est la jeunesse du tueur de Massacre à la Tronçonneuse. Sortie directement pour le petit écran. Pour continuer sur une note triste, 2017 a d’ailleurs vu les décès des figures cultes du genre que sont Tobe Hopper et George A. Romero.

La bonne nouvelle pour 2018 c’est que les 2 patrons français du cinéma de genre (obligés par la conjoncture de travailler à l’étranger…) sont de retour : Pascal Laugier avec Ghostland le 14 mars (avec Mylène Farmer!) et Xavier Gens avec  Cold skin (et aussi The Crucifixion). On va suivre aussi la révélation des nouveaux talents avec les films Hostile de Mathieu Turi et Revenge de Coralie Fargeat.

Cadeau de Noël : un des meilleurs films de genre de cette année 2017 qui n'aura malheureusement pas été visible en France est Better watch out (nouveau titre de Safe Neighborhood, et qui en fait sortira en directement en dvd chez nous le 30 décembre sous le titre Watch out) de Chris Peckover :

L’instant court : Broken, réalisé par Mathieu Turi

Posté par kristofy, le 29 octobre 2013

BrokenComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le court-métrage Léo réalisé par Estelle Dumas, voici l’instant Court n° 119.

Sur grand écran, Alfonso Cuaron triomphe avec Gravity, non seulement dans l’espace personne ne vous entendra crier, mais personne ne vous verra pleurer non plus…

A l’inverse du vaste espace infini, un petit espace confiné comme un ascenseur bloqué peut aussi provoquer une perte de repères…

Voici donc le court-métrage Broken, avec Ivan Gonzalez et Isabel Jeannin, réalisé par Mathieu Turi :

Américain et sans attache, Michael ne connaît pas un mot de la langue de Molière.

Française et mère d'un nourrisson, Julie ignore tout de celle de Shakespeare.

Mais lorsqu'une panne d'ascenseur survient, les barrières de la langue et de l'indifférence tombent...

Ecran Noir : Après plusieurs courts-métrages qui se passaient en extérieur, quelles autres contraintes de tournage le huis-clos dans un ascenseur fait-il surgir ?
Mathieu Turi :
C'est vrai que mon court précédent fut tourné dans les montagnes et les vallées du sud de la France. Là, avec Broken, on peut dire qu'on a fait l'opposé ! Mais je savais dès le début qu'il faudrait tourner en studio, car je tenais à faire de l'ascenseur un personnage à part entière, et pour cela, je devais pouvoir imposer ma vision à la base. De même que je ne voulais pas être bloqué dans ma mise en scène par le peu d'espace que représente un ascenseur. Je voulais mettre ma caméra partout !

Ecran Noir : Quelles sont les différentes étapes de l’élaboration du décor ?
MT: Le décor de l'ascenseur fut construit par Marc Pacon dans un "studio" : en réalité une salle de répétition pour des groupes de musiciens. Marc m'a fait une maquette, ce qui nous a permis de choisir la taille, la forme, etc. tout cela en lien étroit avec le script et les personnages. De la même façon, le choix des matières a eu un rôle important : je voulais représenter l'opposition et l'isolement des personnages en utilisant une matière chaude (l'acajou) et une matière froide (l'acier brossé), créant ainsi deux espaces bien distincts. La lumière de mon chef opérateur Olivier Tresson est allée naturellement dans ce sens, avec une séparation des espaces et des univers, opposant des teintes bleues/vertes avec celles plus chaudes de la lumière venant du bas de l'ascenseur.

Ecran Noir : Comment avez-vous connu les comédiens Isabel Jeannin  et Ivan Gonzalez ?
Mathieu : Alors encore en phase de réécriture, et avant même de commencer à penser à un casting, j'ai cherché quelques bandes démo de comédiennes sur le net, juste pour voir. Je suis alors tombé sur celle d'Isabel, qui contenait notamment une scène où elle jouait tout en finesse, tout en retenue. J'ai tout de suite voulu travailler avec elle, et je n'ai pas été déçu, elle a littéralement donné vie au personnage ! En ce qui concerne Ivan, un ami commun nous a fait nous rencontrer, et nous avons accroché tout de suite ! Nous sommes tous les deux des geeks passionnés (mais je suis très loin d'avoir sa culture dans ce domaine !). C'est un immense acteur, qui cherche toujours à rendre son personnage meilleur, à lui créer une vie en dehors du scénario pour mieux se fondre dans son rôle. Ce fut un formidable travail de collaboration, j'ai hâte de recommencer !

Ecran Noir : Les dialogues jouent avec des jeux de mots en phonétique entre anglais et français : c’est un pari sur le niveau d’anglais suffisant des spectateurs ?
Mathieu : L'idée, c'était clairement d'avoir plusieurs niveaux de lecture selon la capacité du spectateur à comprendre l'anglais. Si vous comprenez parfaitement cette langue, vous suivez l'histoire en comprenant tout, et vous êtes plutôt du côté de Michael. Si votre anglais n'est pas parfait, vous vous retrouvez alors comme Julie, un peu perdu, et du coup, même si on perd quelques blagues et quelques nuances de dialogues, l'immersion et l'identification au personnage n'en est que plus forte. C'était le but dès le départ, et je suis ravi d'entendre quelque chose comme "Je n'ai pas tout compris, mais j'étais vraiment ému à la fin !"

Ecran Noir : Broken a été financé avec la plateforme Ulule, que penser-vous du crowfunding ?
Mathieu : On ne peut pas vraiment dire que le film fut financé par Ulule. Le budget total est de 15 000 euros, et Ulule nous a, au final, permis d'avoir moins de 3000 euros. Ce qui, certes, n'est pas rien, mais comme d'habitude avec ce genre de choses, ce sont surtout les amis, la famille, etc. qui financent. Je ne vois pas forcément un avenir là-dedans pour les courts-métrages... En ce qui concerne les récents longs-métrages faisant appel au crowfunding comme le film Veronica Mars ou le prochain film de Spike Lee, les sommes sont bien entendu bien plus importantes, mais je ne crois pas que ce soit aux fans de payer les films, surtout qu'ils paieront aussi leur billet pour aller voir le film qu'ils ont financé !

Ecran Noir : Vous travaillez aussi comme assistant-réalisateur sur des films américains dont une partie du tournage a lieu en France (Inglorious Basterds de Quentin Tarantino, Hereafter de Clint Eastwood, Sherlock Holmes A Game Of Shadow de Guy Ritchie…) : comment ça se passe ?
Mathieu :
Mis à part le fait qu'il faut parler en anglais, et du coup, s'habituer à un vocabulaire technique nouveau, ce n'est pas forcément très différent. On ne raconte pas les mêmes histoires, et pas de la même façon, mais l'organisation du tournage est assez similaire. Ensuite, les techniciens des parties françaises de ces films sont souvent presque tous français ! Mis à part les plus importants chefs de postes, on travaille souvent avec les mêmes personnes.

Ecran Noir : Que pouvez-vous dire des tournages des prochains films de Woody Allen (avec Emma Stone et Colin Firth) ou de Luc Besson (avec Scarlett Johansson et Morgan Freeman) sans dévoiler de secret ?
Mathieu : Absolument rien, juste que j'ai signé plusieurs clauses de confidentialité.