[La Rochelle 3/6] Arthur Penn: l’individu, la collectivité et la violence

Posté par Martin, le 27 juillet 2019

Le Festival du film de La Rochelle, qui a lieu chaque année fin juin début juillet, est l’occasion de découvrir des films inédits, avant-premières, rééditions, et surtout des hommages et des rétrospectives. Cette année, furent notamment à l’honneur les films muets du Suédois Victor Sjöström (1879-1960) et les dix premiers films de l’Américain Arthur Penn (1922-2010), un des pères du Nouvel Hollywood. Parmi les nouveautés, fut remarqué le très bel essai de Frank Beauvais, Ne Croyez surtout pas que je hurle, qui sortira le 25 septembre 2019. Ces cinéastes questionnent chacun à leur manière la place de l’individu dans la collectivité. Tour d’horizon en trois chapitres.

Chapitre 2 : Arthur Penn

Arthur Penn est un cinéaste à part. Ses films évoquent tous une part de l’Histoire américaine, mais selon un angle singulier, comme de biais. C’est sans doute ce qui fait qu’il lui faut tant lutter contre les studios qui ne comprennent définitivement rien à l’intellectuel qu’il est, avec sa sensibilité européenne et des thèmes ancrés dans le sol américain. Un western intimiste tourné avec des moyens télévisés : et cela donne son premier film Le Gaucher (1958) – pour lequel il souffre de ne pas avoir le final cut. Un film déconstruit, sous l’influence de Godard sur un comédien de stand up : c’est le libre et singulier Mickey One (1965). Ni l’audacieux scénario de Bonnie and Clyde (1967) ni le film fini ne séduiront la Warner – le film deviendra pourtant un immense succès.

Dès ses débuts, Arthur Penn dérange. A y regarder de plus près, les questions même de son cinéma – qu’est-ce qu’appartenir à un groupe ? la loi est-elle toujours bonne ? – l’éloignent de la philosophie manichéenne américaine alors même qu’il en utilise les codes – le shérif ou policier face aux escrocs, la mafia face au renégat… Chez Penn, il n’y a plus ni Bien ni Mal, mais des foules idiotes, des soldats arrogants et stupides, des politiciens corrompus et les autres, des déclassés, perdus, trahis, tués. Si ce regard pessimiste correspond bien à un nouveau cinéma en train d’éclore (Le Parrain date de 1972, Taxi Driver de 1976), Penn est de quelques années en avance sur les autres cinéastes du Nouvel Hollywood.

Une des caractéristiques de ce cinéma, c’est le regard frontal sur la violence. Penn commence à faire du cinéma en pleine guerre du Vietnam, et s’il ne l’aborde pas de front, ses films sont généreux en morts sanglantes. Cette guerre a une image, et même des images : pour la première fois, la violence s’invite dans les foyers américains par le biais de l’écran de télévision. Difficile dès lors de se reconnaître dans un groupe dominant qui se constitue sur le chaos et la mort. Les personnages de Penn sont des individualistes, moins par volonté qu’en réponse à une société qui les rejette. Quelque chose en eux les empêche de faire partie du monde, comme une tache qu’ils portent à la naissance. C’est le cas du Billy le Kid du Gaucher, précédé de sa légende : dès l’enfance, il aurait tué. C’est le cas de Helen Keller, la fillette aveugle et sourde, de Miracle en Alabama (1962). Penn fait de ces personnages, qui ont existé, des héros modernes : luttant pour communiquer, pour trouver une place dans une société qui ne sait pas quoi faire d’eux. Si l’institutrice de Helen lutte avec elle, pour elle, Billy perd très vite le père protecteur qui lui apprend à lire et veut faire de lui un homme, c’est-à-dire un être social. Mais être socialement, sans père ni repère, qu’est-ce que c’est ?

Poursuivis par la foule


Billy le Kid n’est pas antipathique, mais il est du mauvais côté. Penn arrive à nous faire aimer des personnages de voleurs, de tueurs, et dont la principale caractéristique est d’être recherchés, voire objets d’une chasse à l’homme – ce sera encore le cas avec Bonnie and Clyde (1967). La tête de Billy est mise à prix. Mickey One est poursuivi par des truands, menace sourde et invisible, intériorisée par le personnage incapable de vivre autrement que dans la fuite.

Dans La Poursuite impitoyable (1966), la chasse à l’homme – c’est le titre original : The Chase – est nettement plus concrète. Bubber (Robert Redford) apparaît finalement peu dans le film : il s’échappe de prison, la foule se lance à sa recherche, tandis que ses amis et le shérif tentent de le sauver. Bubber met en route l’intrigue, et quand il réapparaît enfin, il n’a pas idée de ce qui s’est passé sans lui. Il ne sait pas par exemple que le shérif (Marlon Brando) a tout fait pour le sauver. Il ne sait pas que sa femme (Jane Fonda) est amoureuse d’un autre, qui n’est autre qu’un de ses amis. Bubber est coupable – il s’est échappé, il a essayé de voler un homme au début – mais c’est le personnage le plus innocent. Il ne s’est pas vendu comme le shérif, il n’a pas trahi comme sa femme et son ami, et surtout il n’a pas déclenché un incendie, il n’a pas tué, comme la foule furieuse s’apprête à le faire.

Cette inversion des valeurs est totale dans le film : le lieu même de la justice devient celui de la violence aveugle. C’est en effet dans son bureau, au-dessus de la prison, que le shérif est lynché par les sudistes ivres. Cette longue scène, d’une rare violence, montre le visage de Brando qui se défait peu à peu sous les coups. Lui, le dernier visage humain de la ville, devient un masque de sang. Mais cette violence, elle rôde partout : dès le début, Bubber retourne l’homme à qui il veut voler sa voiture et se rend compte que son complice de fuite l’a tué. Ensuite, c’est un mécano noir qui est dangereusement suivi par trois gaillards ivres : à tout moment, le récit pourrait basculer dans le crime raciste. Et évidemment il y a le crime social, le plus insidieux, car le mieux admis, qui règne au-dessus des autres – ce magnat qui refuse de boire un verre avec ses employés et pense acheter le shérif qu’il a lui-même placé. Les cercles de cette société sont infranchissables : en haut, le patron et les grands bourgeois, puis il y a ceux qui rêvent d’en être, et enfin il y a la troisième caste, les criminels, les noirs et les pauvres. Cette violence culmine dans un autre lieu hautement symbolique pour la culture américaine du déplacement et de la vitesse : la casse où s’est réfugié Bubber. Des idéaux, il ne reste que les cadavres, les carcasses démontées qui brûlent dans une civilisation qui ressemble furieusement, et cela bien avant que le feu ne prenne, à l’enfer.

Maximilian Schell, star mondiale oscarisée et oubliée (1930-2014)

Posté par vincy, le 1 février 2014

maximilian schell en 1970Qui connaît encore Maximilian Schell? Pourtant ce comédien et cinéaste allemand fut l'une des rares stars germaniques à Hollywood. Schell a longtemps été, avec Maurice Chevalier et Marcello Mastroianni, l'un des comédiens européens les plus populaires en Amérique. Accessoirement, il est le parrain d'Angelina Jolie. Il vient de décéder à Innsbruck (Autriche), d'une "maladie grave et soudaine", à l'âge de 83 ans. Maximilian Schell était né le 8 décembre 1930 à Vienne en Autriche.

Un acteur populaire et oscarisé

Oscar du meilleur acteur en 1961 pour son rôle d'avocat d'accusés nazis dans Jugement à Nuremberg (de Stanley Kramer), deux fois nominé (meilleur acteur en 1976 pour The Man in the Glass Booth et meilleur acteur dans un second rôle en 1978 pour Julia), il avait alterné les projets personnels et les productions hollywoodiennes, refusant de se laisser enfermer dans un personnage stéréotypé. Il débute sur le sol américain en 1958 avec Le Bal des Maudits, d'Edward Dmytryk, aux côtés de Marlon Brando.

A Hollywood, il tourne pour les plus grands cinéastes, que ce soit pour le cinéma ou la télévision - George Roy Hill, John Frankenheimer - avant d'être engagé pour Jugement à Nuremberg (11 fois cité aux Oscars). Beau, charismatique, il a tout pour séduire les studios. Un visage anguleux taillé comme une sculpture de bois avec un couteau et un regard profond, qu'un sourire dévastateur pouvait adoucir.

Tête d'affiche aux côtés des plus grandes stars

Sa carrière prend alors son envol : Les Séquestrés d'Altona de Vittorio De Sica, Topkapi de Jules Dassin, The Deadly Affair de Sidney Lumet, La symphonie des héros de Ralph Nelson. Il était ainsi en haut de l'affiche, à égalité avec Sophia Loren, Spencer Tracy, Burt Lancaster, Peter Ustinov, James Mason, Simone Signoret ou encore Charlton Heston.

Au début des années 70, il revient en Europe, tournant avec Michael Anderson (et Liv Ullmann), Alessandro Blasetti (et Francisco Rabal), Jean-Louis Bertuccelli (et Michel Bouquet), et passant lui-même à la réalisation : Erste Liebe (1970), Der Fußgänger (1973), tous deux nominés à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, et Le juge et son bourreau (1975), d'après un scénario de l'écrivain Friedrich Dürenmatt, son meilleur ami.
Il retourne alors aux Etats-Unis. Rencontre son ami Jon Voight (le père d'Angelina Jolie, on y revient) pour Le dossier Odessa. Voight fut aussi la star du Juge et son bourreau. Retrouve Jules Dassin pour The Rehearsal. Incarne médecin, aristocrate, militaire, commerçant... Croise Charles Bronson, Jacqueline Bisset (avec qui il a souvent joué), James Coburn (chez Sam Peckinpah tout de même), mais aussi Sean Connery et Michael Caine (Un pont trop loin de Richard Attenborough). Une filmographie impressionnante pour un non anglophone.

La seconde guerre mondiale, marqueur de sa carrière

Avec Julia de Fred Zinnemann, aux côtés de Jane Fonda, Vanessa Redgrave, Jason Robards et Meryl Streep, il est de nouveau immergé dans une histoire liée au IIIe Reich. Le film obtient 11 nominations aux Oscars.

Ironique que l'Allemagne nazie et la seconde guerre mondiale lui aient procuré autant de grands rôles quant il a du fuir l'Autriche au moment de l'invasion allemande en 1938. Fils de l'écrivain suisse Ferdinand Schell et de la comédienne autrichienne Margarethe Noe von Nordberg, petit frère de l'actrice Maria Shell, elle-même star mondiale, cet helvéto-autrichien refusait de se laisser enfermer dans le simple métier d'acteur. Cinéaste indépendant, il réalisait aussi des documentaires (dont celui sur sa soeur La soeur Maria en 2002 et celui sur Marlene Dietrich, Marlene, en 1984) et mettait en scène des pièces de théâtre ou des opéras (sa passion). Lui-même était bon pianiste.

Il aura tout joué, du père d'Anne Frank à Pierre le Grand, de la série TV Heidi au Fantôme de l'opéra, de Lénine à un Pharaon. Depuis ses premiers pas au théâtre à Bâle en Suisse, en 1953, Schell aura parcouru les planches en Autriche, en Allemagne, à Londres et à New York. Robert Altman le dirigera dans la pièce d'Arthur Miller, en 2006, Resurrection Blues.

Il a continué à être sollicité par Hollywood durant toute sa vie : Premiers pas dans la mafia, avec Marlon Brando et Matthew Broderick, Little Odessa de James Gray, Vampires de John Carpenter, Deep Impact, avec Elijah Wood et Morgan Freeman, ou récemment Une arnaque presque parfaite avec Rachel Weisz, Adrien Brody et Mark Ruffalo.

L'acteur a reçu deux Golden Globes, un "César" allemand (et un prix honorifique), deux fois le prix d'interprétation par les critiques de New York, et deux prix d'interprétation au Festival de San Sebastien en tant que réalisateur.

Matt Bomer sera Montgomery Clift

Posté par vincy, le 22 septembre 2013

Matt Bomer Montgomery Clift

Le biopic sur Montgomery Clift (1920-1966) a trouvé l'acteur pour incarner la star torturée des années 50 et 60. Le beau Matt Bomer a été choisi pour Monty Clift, le film de Larry Moss (qui finalise actuellement son premier long métrage Relative Insanity avec Helen Hunt). La sortie n'est pas prévue avant 2015.

Matt Bomer, 35 ans, qui a récemment fait son coming-out, a jusque là joué plutôt des seconds-rôles (Flight Plan, Time Out et l'an dernier Magic Mike, où il savait vanter ses arguments physiques). On le verra prochainement aux côtés de Will Smith (Winter's Tale), dans B.O.O.: Bureau of Otherworldly Operations et dans Space Station 76. A la télé, plus présent, il est davantage connu comme étant la star de la série White Collar (FBI: Duo très spécial). Il vient aussi de terminer un téléfilm pour HBO, The Normal Heart, aux côtés de Julia Roberts et Mrk Ruffalo, transposition de la pièce autour du sida de Larry Kramer.

Le biopic sur Montgomery Clift a été écrit par Chris Lovick.
Il démarre avec le tournage d'Une place au soleil, en 1950, où le jeune Montgomery Clift tombe amoureux d'Elizabeth Taylor. Le film abordera largement sa vie privée (ouvertement homosexuel, il ne supportait ni le jugement des autres, ni l'idée d'avoir à s'inventer des idylles avec des femmes) et les conséquences de son accident de voiture en 1956.

D'Hitchcock à Huston

Clift est propulsé dans le star-système hollywoodien, tournant dans des drames ou tragédies réalisées par les plus grands cinéastes de son époque : Alfred Hitchcock (La Loi du silence), Fred Zinnemann (Tant qu'il y aura des hommes), Vittorio De Sica (Station Terminus), Edward Dmytryck (L'Arbre de vie, Le bal des maudits), Joseph Mankiewicz (Soudain l'été dernier), Elia Kazan (Le fleuve sauvage), John Huston (Les désaxés, avec Clark Gable et Marilyn Monroe), Stanley Kramer (Jugement à Nuremberg). Il a reçu quatre nominations aux Oscars.

Jugé, encore aujourd'hui, comme l'un des meilleurs acteurs de son époque, l'icône a cependant souffert de l'ombre faite par la célébrité de Marlon Brando et de James Dean, à la même période. Épuisé par les premiers tournages, il effectue une première retraite en 1953 (et devient alcoolique et dépendant de pilules), détruisant sa santé. Elizabeth Taylor, sa grande amie, le convaincra souvent de revenir au cinéma, lui qui était passionné de théâtre, préférant New York à Hollywood. Mais à peine revenu sur les plateaux de cinéma, il est victime d'un accident grave de voiture, en 1956, d'où il en sort défiguré. La chirurgie plastique recompose son visage, mais pas complètement. Sa grande beauté est ainsi abimée. C'est, paradoxalement à partir de là qu'il tourne ses plus grands films.

Malgré ses "addictions" et ses problèmes psychologiques, il continue en effet de briller à l'écran, avec l'aide de Brando et Taylor (qui le fait enrôler dès qu'elle peut). Mais son déclin physique, les tournages éprouvants ont raison de son talent : il interrompt sa carrière, pour la troisième fois, en 1962. Il ne reviendra que pour un film de Raoul Levy, en 1996, L'Espion, après avoir refusé Fahrenheit 451 de François Truffaut. Il accepte malgré tout de retourner avec son amie Liz Taylor pour le prochain film de John Huston, Reflet dans un oeil d'or.

Hélas, le 23 juillet 1966, son compagnon Lorenzo James le découvre mort dans sa chambre. L'infarctus dont il aura été victime à 45 ans a conclu une autodestruction longue de 13 ans.

Dernier tango pour la belle indomptable Maria Schneider (1952-2011)

Posté par geoffroy, le 6 février 2011

Au-delà de l’hommage unanime rendu à Maria Schneider, décédée jeudi 3 février à l’âge de 58 ans des suites d’un cancer, Ecran Noir voulait revenir sur le rôle emblématique qu’elle aura tenu très jeune (19 ans) dans le chef-d’œuvre de Bertolucci, Le Dernier tango à Paris (1972). Si l’ensemble de la presse n’aura quasiment parlé que de son interprétation au détour d’une scène (celle de la sodomie), il ne faudrait pas réduire l’actrice à ce seul rôle. Malgré quelques errances, elle tourna avec Michelangelo Antonioni dans Profession : Reporter (1975, le seul film qui lui ressemble, selon elle), René Clément dans La baby-sitter (1975), Philippe Garrel dans Voyage au jardin  des morts (1978, une invitation au rêve), Daniel Duval dans La dérobade (1979), Werner Schroeter dans Weisse Reise (1980), Jacques Rivette dans Merry Go-Round (1983), Luigi Comencini dans L’Imposteur (1983), Cyril Collard dans Les Nuits fauves (1992),  Bertrand Blier dans Les Acteurs (2000, où elle y joue son propre rôle), ou plus récemment Cliente (2009) de Josiane Balasko. Cette liste, bien trop courte pour une telle actrice, aura démontré avec brio son goût pour la liberté et les expériences cinématographiques intenses."Mes rôles sont des psychanalyses" avouait-elle.

Sa vie privée a certes compliqué son parcours. Fille du mannequin Marie-Christine Schneider et de l'acteur Daniel Gélin (qui ne l'a pas reconnue) qu'elle ne rencontra qu'à l'âge de 16 ans, cette femme révoltée, avide de rencontres, elle avait souffert de ce manque de père. Elle se dispersa vite vers une liberté artistique : dessins (vendus sur les terrasses de cafés), mannequinat (sans passion) et surtout cette attirance viscérale vers le jeu, cette deuxième vie où l'on peut vite se perdre. Admiratrice de Brigitte Bardot (qui l'a hébergée durant deux ans, lui offrant son réseau en guise d'amitié), elle n'en avait pas la beauté, mais possédait le même goût de l'indépendance. Après le Tango sulfureux, elle débutera sa liaison destructrice avec la drogue, s'enfuira en Californie et au Mexique. Se perdra. Ses relations avec les cinéastes n'étaient pas moins simples. Elle accepte La ronde d'Otto Shenk par cupidité (une fortune pour dix jours de tournage), retarde la production en cours du René Clément parce qu'elle se fait internée par solidarité avec une copine, se fait licencier au bout de deux jours de Cet obscur objet du désir de Luis Bunuel (elle sera remplacée par Angelina Molina et Carole Bouquet), envoie sur les roses Joseph Losey pour Les routes du sud (elle fume des cigarettes illicites tandis que lui boit comme un trou).

Une jeunesse volée, une actrice violée

Mais l’art est ainsi fait que tout ramène Maria vers ce fameux tango, ode à l'ivresse des corps et le tourbillon des sensations émotives. En effet, comment ne pas parler de Jeanne – l’héroïne au visage angélique du Dernier tango à Paris – lorsque l’on veut témoigner son amour du 7e art. Il est des rôles magnifiques à l’aura vénéneuse qui, non content de marquer une carrière, la réduisent également à néant. Jeanne est de ceux-là. Indubitablement. Sauf que le rôle est arrivé trop tôt sur les frêles épaules d’une Maria Schneider qui, dix ans plus tard, confiais : "J'étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisais. Aujourd'hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m'a déboussolée". Le cadeau d’une carrière prometteuse fut donc empoisonné. Lettres vengeresses, appels téléphoniques menaçants, plaisanteries sans tacts. Sans avoir eu la volonté de lui nuire, le cinéaste italien reconnu, quelques années plus tard, l’avoir piégé lors de cette fameuse scène de sodomie, devenue culte, avec sa motte de beurre faisant office de lubrifiant improvisé (ceci dit, c'est un ingrédient classique quand on manque de gel). Bertolucci raconta au New York Magazine que Maria « criait, en partie parce qu’elle se sentait révoltée par moi et Marlon (Marlon Brando), qui faisait office de figure paternelle et la protégeait souvent. Je crois qu’elle s’est sentie trahie par nous, mais je ne vois pas comment j’aurais pu tourner la scène différemment. Je crois que si je lui avais dit, il aurait été très difficile d’obtenir ce genre de violence dans cette scène. En fait, si je lui avais dit, je ne vois pas comment elle aurait accepté ». Schneider se "sentait violentée". "Mes larmes dans le film étaient vraies." Aujourd'hui, le cinéaste a des remordes. "Sa mort est survenue trop vite, avant que j'aie pu l'embrasser tendrement, lui dire que je me sentais lié à elle comme au premier jour et, au moins une fois, lui demander pardon."

L’incroyable succès du Dernier tango à Paris (5,15 millions d'entrées en France, 3e sur le podium de l'année) fit de Maria Schneider une icône de la révolution sexuelle. Celle d’une époque, d’un film, d’un rôle, d’une scène. Entre scandale et interdiction, la tourmente emporta la belle jusqu’à oublier qu’elle tenait tête, farouchement, au légendaire Brando post-Parrain. Ce n’est pas rien et surtout loin de la bimbo torride que certains producteurs véreux voulaient nous vendre. Avec le recul nous nous disons que le long-métrage de Bertolucci fut une opportunité, certes douloureuse et chaotique, vers un ailleurs remplit de rencontres passionnantes. De ce cinéma exigeant à la hauteur d’un talent rare, figure fugace, belle, aérienne, touchante. Et chacune de ses interprétations l’éloignait un peu plus chaque jour du vacarme d’un film à scandale lui ayant volée sa jeunesse d’actrice à la naïveté douce.

Elle s'était éloignée de la drogue, avait trouvé l'amour (au féminin), n'avait jamais pu tourner le film dont elle rêvait. Une grande actrice s’est éteinte. L’esprit d’un cinéma transfrontalier, et de transgression, aussi.

Jean Simmons (1929-2010), si désirée…

Posté par vincy, le 23 janvier 2010

jean_simmons_gallery_17.jpgElle avait un physique qui nous rappelait Vivien Leigh, quelque chose d'Audrey Hepburn avant l'heure.  Une beauté de tragédienne. C'est d'ailleurs dans Hamlet, de Laurence Olivier, en 1948, en sublime Ophélie qu'elle fut révélée au grand public. Jean Simmons est décédée à presque 81 ans, près de Los Angeles, des suites d'un cancer du poumon.

Sans aucun court dramatique cette londonienne née en janvier 1929 a tout appris sur le tas. Elle commence à 15 ans avec Give us the Moon et enchaîne les petits rôles. Pour elle, c'est un métier, qui lui fait gagner de l'argent. Dans César et Cléopatre (avec Leigh, Stewart Granger et Claude Rains, elle est une harpiste). David Lean lui offre son premier personnage important, celui d'Estella, jeune, dans Les grandes espérances. Grâce à Lean, elle commence à prendre plaisir au jeu. Les rôles s'étoffent et le grand Laurence Olivier la transforme à jamais en Ophélie. Elle y reçoit sa première nomination à l'Oscar (du meilleur second rôle féminin) et un prix d'interprétation à Venise (où le film est aussi Lion d'or).

Ironiquement ce sera son prix le plus prestigieux, hormis un Golden Globe récompensant sa "carrière très variée" en 1958. En tournant un deuxième film avec Stewart Granger, elle se marie avec lui et s'exile à Hollywood. Beauté un peu diaphane, silhouette gracieuse, elle devient vite l'ange diabolique idéal, un peu pervers.  "J'ai toujours aimé avoir des rôles de méchante, ce qui n'est pas vraiment ma nature", avouait-elle. Simmons devient tête d'affiche de thrillers et de polars. Après la Rank en Grande Bretagne, elle est liée à la 20th Century Fox aux Etats-Unis.

En 1952, Otto Preminger l'engage pour être Un si doux visage, avec Robert Mitchum. Le tournage fut "viril" avec des conflits permanents entre Preminger et Mitchum, et le producteur Howard Hugues qui refusait d'arbitrer les différents.Elle débute aussi sa carrière dans les péplums. On notera L'Egyptien, de Michael Curtiz, en 1954, avec Gene Tierney et Victor Mature, avec qui elle a souvent joué ; Spartacus de Stanley Kubrick en 1960, où elle retrouve Laurence Oliver, mais aussi Tony Curtis et Kirk Douglas. Comme Ingrid Bergman, Jeanne Moreau et Elsa Martinelli, elle avait refusé le personnage de Varinia, qui échoua à Sabine Bethman avant que Kubrick ne la vire et le repropose à Simmons. Mais le péplum le plus marquant c'est La tunique en 1953. Enorme succès populaire (le film aurait rapporté 485 millions de $ s'il était sorti en 2010), il a aussi fait les unes de la presse people quand  Stewart Granger menaça avec une arme l'acteur principal du film, Richard Burton, qui a eu une liaison avec Simmons. Ils divorceront en 1960, après dix ans de mariage.

Jean Simmons  continue les productions à costume comme La Reine Vierge où elle incarne la Reine Elisabeth I, mais elle varie les styles aussi. Aux côtés de Spencer Tracy elle joue The Actress, comédie de George Cukor, où un certain Anthony Perkins débute ; face à Marlon Brando en Napoléon Bonaparte, elle est Désirée. Elle le retrouve, en adepte de l'armée du salut, dans Blanches colombes et vilains messieurs (Guys and Dolls) du grand Joseph L. Mankiewicz, avec Franck Sinatra. Elle tourne quelques films de Robert Wise, mélo ou comédie. Un western de William Wyler, avec Gregory Peck. Ce sont souvent de jolis succès en salles. Simmons est populaire, sans être une star de premier plan.

En 1960 elle croise le chemin de Richard Brooks, son époux de 1960 à 1977. Il la dirige dans Elmer Gantry, le charlatan, avec Burt Lancaster. Stanley Donen la fait jouer avec Cary Grant (et Deborah Kerr et Robert Mitchum, fidèles partenaires de l'actrice) dans Ailleurs l'herbe est plus verte. Et à partir de 1961, sa carrière décline, après 10 ans de starisation. Elle tourne moins et commence à se tourner vers le petit écran. Son mari lui offre un rôle en 1969, dans The Happy Ending. Un drame qui lui vaut sa deuxième nomination à l'Oscar (de la meilleure actrice).

Sur le grand écran, elle ne fera plus rien de vraiment marquant. Sa carrière se prolonge à la télévision, dans des téléfilms et des feuileltons prestigieux, ou en guest star (dans Star Trek!). Elle ne s'est jamais arrêtée, faisant des voix de dessin animé. Elle sera ainsi aux Etats-Unis, la grand mère Sophie du château ambulant de Miyazaki. Son dernier film, après 14 ans d'absence au cinéma, Shadows in the Sun (site officiel), est sorti en juin dernier.

Elle a eu deux enfants. Tracy Granger et Kate Brooks, un de chacun de ses mariages. les prénoms rendent honneur au couple mythique du 7e art, et amis de Simmons, Spencer Tracy et Katharine Heburn.

Ciné party Vengeance : ça se mange chaud ce samedi

Posté par Claire Fayau, le 10 juillet 2009

cineparty_vengeance.jpgAprès  un Week- end Russ Meyer épicé au Festival Megaphone, à "la Vapeur" de  Dijon  et  une  soirée "Motorpsycho "garage soul rock et ciné à Glazart ... Sinny & Ooko vous propose ce samedi  une ciné party "Vengeance" entre western et  Kung Fu ...

Voici le programme :

 - Mamass: Dj set spécial !
The SUPERFREAK & MAMASS Kung Fu Experience ! - Création sonore & visuelle à partir d’extraits de films cultes du cinéma asiatique d'arts martiaux !
- Happening Kung Fu par Transformative Martial Arts

- Concert exceptionnel de Jonas Hellborg & Laurent Levesque
accompagné d’extraits du film La vengeance aux deux visages de Marlon Brando, avec le récemment disparu Karl Malden.
 

- Sélection de scènes cultes avec Bach Films : La vallée de la vengeance (Richard Thorpe), A la poursuite de Jesse James (Joseph Kane), Le retour de Billy the Kid (Joseph Kane) et Règlement de compte à Abilene Town (Edwin L. Marin).

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Forum des Halles, 2, rue du Cinéma / porte Saint Eustache (Paris 1er)  

Samedi 11 juillet - 20h ;  Tarif: 9 euros

L’Eden pour Karl Malden (1912-2009)

Posté par vincy, le 1 juillet 2009

karlmalden.jpgL'acteur Karl Malden, de son vrai nom Mladen Sekulovich, est décédé ce mercredi 1er juillet à l'âge de 97 ans. Il est marié depuis 1938 à Mona Greenberg. A 25 ans il monte sur les planches de Broadway. Karl Malden, sur scène come au cinéma, sera longtemps relié à Elia Kazan. Il joue au théâtre dans Un tramway nommé désir pui All My Sons. Au cinéma, il est un brillant second rôle face à Marlon Brando dans Un tramway nommé désir (Oscar du meilleur second rôle masculin) et Sur les quais (juste une nomination au même Oscar).

Mais il a aussi joué avec les plus grands. Henry Hathway (Le carrefour de la mort, 1947), Alfred Hitchcock (La Loi du silence, 1953), John Frankenheimer (Le prisonnier d'Alcatraz, 1962), John Ford (La conquête de l'Ouest, 1962), Norman Jewison (Le Kid de Cincinnati, 1965, en manager de Paul Newman), Franklin J. Schaffner (Patton, 1970). De McQueen à Widmark en passant par Cooper, il a toujours assuré une forte présence à l'écran, même sans être tête d'affiche. Il était capable de rôles graves comme extrêmes.

C'est évidemment dans Les rues de San Francisco, la série TV, qu'il va se faire(re)connaître dans le monde entier durant cinq saisons. Il avait réalisé un film en 1957 et n'avait plus rien tourné depuis un épisode de The West Wing en 2000.

Ni hommes à femmes, ni comique, il fait partie de ces figures d'Hollywood qui ont laissé leur marque pour rendre la lumière plus belle sur les stars.

Président de l'Académie des Arts et des Sciences du Cinéma (l'organisateur des Oscars) de 1989 à 1992, Karl Malden a été distingué en 2003 par la Screen Actors Guild pour l'ensemble de sa carrière.