Lumière 2020: tous les voyants au vert pour le festival du Grand Lyon

Posté par vincy, le 11 octobre 2020

La Halle Tony Garnier était en comité intime samedi soir, mais Thierry Frémaux a su réchauffer l'immense espace qui, pour raisons sanitaires, ne pouvait accueillir que 20% de sa jauge habituelle. Mais c'est déjà une grande nouvelle en soi: Lumière a lieu. Les spectateurs sont au rendez-vous. Les salles vont être pleines (en respectant la distanciation sociale).

Perdus dans le Grand Lyon, on y voyait quand même un défilé de limousines, de stars sur le tapis rouge, le tout rythmé par une musique d'un Sergio Leone signée Ennio Morricone (on y reviendra). Cette année, le programme est riche (et les montages concoctés pour résumer les carrières de chacun comme les grandes lignes du festival étaient formidables). On est ainsi passé de Joe Dassin (hommage à Melina Mercouri oblige) à France Gall (Sabine Azéma et le "Résiste" de Resnais, comme un hymne d'époque), de Viggo Mortensen polyglotte à Thomas Vinterberg sans frontières, d'Oliver Stone en guest-star à Jacques Audiard pour rallumer la flamme de son père. Tout ce beau monde, hormis Dassin et Gall évidemment, était présent, profitant de ses cinq minutes à leur gloire dans un déroulé chargé. Cela n'a pas empêché une splendide compilation des partitions de Morricone, disparu cette année, au piano et en solo par Steve Nieve.

On résiste, on prouve que le cinéma existe. A Lyon, désormais dotée d'un maire écolo qui a bien compris que le festival avait été très soutenu par son prédécesseur, on a beaucoup de vélos mais aussi un festival qui compense son empreinte carbone (quelque part dans les Alpes) et qui fait de l'insertion culturelle (écoles, prisons etc...). Bref Lumière est "vert".

Et quoi de mieux qu'un court-métrage défendant les paysans? La réalisatrice Alice Rohrwacher, plusieurs fois primée à Cannes, et l'artiste JR ont donné en guise de cadeau un court métrage, Omelia contadina. 9 minutes où, l'on suit une communauté paysanne se rassemblant sur un plateau à la frontière de trois régions pour célébrer les obsèques de l'agriculture paysanne. Une "action cinématographique" pour éviter la disparition d'une culture millénaire. Avec des plans filmés du ciel (merci les drones), des portraits géants de paysans conçus par l'atelier de JR, et cette mise en terre plus que symbolique, la cinéaste rappelle avec grâce et sans fioritures, que sans les agriculteurs, on ne nourrit personne. Cet hommage émouvant au "vivant" part d'un magnifique poème toujours d'actualité de Pier Paolo Pasolini. Car les combats d'hier sont toujours les grandes causes d'aujourd'hui. Mais il semble qu'à tous les enjeux climatiques, vitaux, il va falloir ajouter la défense activiste de la culture, tant elle est sacrifiée comme si elle était un pan de l'économie lambda. Pasolini écrivait: "Je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure je ne suis pas mort". Alors tout est encore possible...

Jean-Pierre et Luc Dardenne, Prix Lumière 2020

Posté par vincy, le 16 juillet 2020

Il fallait s'y attendre un jour: les frères Dardenne, deux fois Palme d'or à Cannes, pour Rosetta et L'enfant, recevront le prestigieux prix Lumière 2020. C'est la première fois que des cinéastes francophones reçoivent la distinction créée en 2009. Ils succèdent à Francis Ford Coppola.

La 12e édition du festival Lumière se déroulera à Lyon du samedi 10 au dimanche 18 octobre 2020.

Réalisateurs de 11 longs métrages de fiction, de six documentaires et producteurs d'une trentaine de films (dont Le couperet de Costa-Gavras, L'exercice de l'Etat de Pierre Schoeller, La Part des anges de Ken Loach, Au-delà des collines de Cristian Mungiu et De rouille et d'os de Jacques Audiard), Jean-Pierre et Luc Dardenne ont été de multiples fois distingués en Europe, notamment avec David di Donatello, un European Award, un prix Robert Bresson à Venise et surtout deux Palmes d'or, un grand prix du jury, un prix de la mise en scène et un prix du scénario à Cannes.

Humanisme et néo-réalisme

"Les frères Dardenne ont empreint le cinéma contemporain de leur regard puissant et immédiatement reconnaissable. Une poétique de la réalité poussée à son paroxysme, qui fait écho à leur origine de cinéastes-documentaristes. Ils viennent d’un pays, la Belgique, extraordinairement actif et productif dans l’histoire du cinéma, ils sont célébrés sur la scène internationale et admirés par leurs collègues (...), il est temps de célébrer l’œuvre de Jean-Pierre et Luc Dardenne pour ce qu’elle est : humaine, forte, engagée, tournée vers la jeune génération et criante de vérité" explique le festival lyonnais.

"Nous sommes très honorés de recevoir ce Prix Lumière 2020, ont déclaré Jean-Pierre et Luc Dardenne. Pour nous, deux frères cinéastes, ce prix recèle une émotion particulière. Il nous met en contact avec la fraternité originelle du cinéma, avec les deux frères qui ont filmé pour la première fois des corps, des visages d’hommes et de femmes, d’ouvriers et d’ouvrières sortant de leurs ateliers. Plus d’un siècle après, nous filmons des corps, des visages qui sont les descendants de ceux filmés par les frères Lumière et nous essayons chaque fois de les filmer comme si c’était la première fois. Ce sera magnifique de recevoir ce Prix dans le cadre du festival qui fait dialoguer, comme nulle part ailleurs, le patrimoine mondial du cinéma et le public d’aujourd’hui."

Morale et misérables

Emilie Dequenne, Olivier Gourmet, Jérémie Renier, Fabrizio Rongione, Déborah François, Arta Dobroshi, Idir Ben Addi, Cécile de France, Marion Cotillard, Adèle Haenel: le cinéma des Dardenne est un cinéma de corps et de visages, de précision théâtrale et de regard social. Il y a chez eux une volonté de montrer les marginaux, les déclassés, les éclopés, les misérables de notre temps. Ils "résistent à leur manière, violemment, maladroitement, tendrement. Les deux frères cinéastes le font avec brio, avec talent, avec une attention à la morale des choses, nous faisant découvrir d’immenses acteurs et nous prouver que ce que l’on regarde, surtout si on le fait avec cette humanité, compte autant que le regard lui-même" a souligné Bertrand Tavernier.

Rosetta (1999) reste leur plus grand succès en France avec plus de 700000 entrées, devant Le gamin au vélo (2011) et Deux jours, une nuit (2014), tous deux au-dessus des 500000 spectateurs.

Cannes 2020: la sélection de l’ACID « hors les murs »

Posté par vincy, le 4 juin 2020

Après la Sélection officielle et celle de la Semaine de la Critique, c'est au tour de l'ACID de vouloir promouvoir 9 films (dont 4 documentaires), qui bénéficieront d’une valorisation au Marché du Film en ligne mais aussi, de projections à l’automne.

- Les affluents de Jessé Miceli (Cambodge)
- Funambules d’Ilan Klipper (France)
- Les graines que l’on sème de Nathan Nicholovitch (France)
- Il mio corpo de Michele Pennetta (Suisse)
- The Last Hillbilly de Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe (France)
- Loin de vous j’ai grandi de Marie Dumora (France)
- Si le vent tombe de Nora Martirosyan (Arménie), une coprésentation avec la sélection officielle du Festival de Cannes. Le film sortira au premier trimestre 2021.
- La última primavera d'Isabel Lamberti (Espagne)
- Walden de Bojena Horackova (Lituanie)

Les films seront projetés du 25 au 29 septembre au Louxor à Paris, du 2 au 4 octobre au Comoedia à Lyon, du 8 au 11 octobre au Gyptis et à La Baleine à Marseille, mais aussi à la Cinémathèque de Corse et dans des festivals partenaires.

Arnaud Desplechin reçoit le 16e Prix Jacques-Deray du film policier

Posté par redaction, le 25 février 2020

Samedi 22 février à 19h à l’Institut Lumière, le réalisateur Arnaud Desplechin a reçu le 16e Prix Jacques Deray du meilleur film policier français de 2019 pour Roubaix, une lumière. le film a été présenté en avant-première mondiale et en compétition au dernier festival de Cannes. Il est en lice pour 7 César, dont ceux du meilleur film, réalisateur, acteur et scénario adapté.

Le réalisateur est revenu sur le fait divers et le documentaire à l’origine du projet, de son travail sur le scénario, co-écrit avec Léa Mysius, qui a fait l’objet d’une documentation minutieuse dans la ville de Roubaix, qui est aussi sa ville natale ainsi que sur ses propres influences, citant Georges Simenon et Fiodor Dostoïevski. "Aussi douloureux soit votre condition, il y a toujours une lumière" a conclu Arnaud Desplechin avant de recevoir le Prix.

C'est Thierry Frémaux qui a lu la lettre-hommage de Bertrand Tavernier, adressée à Arnaud Desplechin. "Comme spectateur, j’accompagne l’œuvre d’Arnaud Desplechin depuis ses débuts, depuis La Vie des morts et La Sentinelle, où nous avons commencé à correspondre. C’est un cinéaste qui me surprend toujours par le choix de ses sujets et par la façon dont, à chaque projet, il propose une mise en scène, un voyage. Et c’est encore le cas, ô combien, avec Roubaix, une lumière" explique Tavernier, qui confie: "j’ai été ébloui par cette œuvre extrêmement forte et singulière". Il ajoute: "Grâce à la caméra (admirable photo d’Irina Lubtchansky), le film les regardait en face, avec franchise et pourtant avec humilité. Leur fragilité, leurs souffrances, la part d’ombre et de nuit qu’ils trimballaient stoppaient tout déballage pyrotechnique, toute obligation spectaculaire, car la force de ce regard porté sur eux suffisait".

"Le film va constamment au cœur des choses, au cœur des âmes et il ne laisse personne de côté. Tous les personnages, je dis bien tous, sont importants. C’est un cinéma de grands et de petits rôles – les gens ont des accents, des trognes, des manières régionales et ils sont pourtant universels. Ils sont et incarnent ces existences, ces douleurs aussi, et cette misère, tout ce qu’une partie de la classe politique et médiatique ignore" pointe-t-il avec élégance.

Arnaud Desplechin succède à Pierre Salvadori (En Liberté !), Christian Carion (Mon garçon) Arthur Harari (Diamant noir), Vincent Garenq (L'Enquête), Frédéric Tellier (L'Affaire SK1), Jérôme Salle (Zulu), Philippe Lefebvre (Une nuit), Maïwenn (Polisse), Fred Cavayé (À bout portant), Michel Hazanavicius (OSS 117, Rio ne répond plus), Pascal Thomas (Le Crime est notre affaire), Alain Corneau (Le Deuxième souffle), Guillaume Canet (Ne le dis à personne), Jacques Audiard (De battre mon coeur s'est arrêté) et Olivier Marchal (36, quai des Orfèvres).

Le Festival Lumière 2019 fait le plein de spectateurs

Posté par vincy, le 25 octobre 2019

En neuf jours, le Festival Lumière a projeté 182 films durant 449 séances. La fréquentation est en hausse avec 200000 spectateurs et participants, selon les organisateurs. Les salles étaient en effet régulièrement remplies. Lumière affiche une augmentation de près de 10% de ses entrées en salles, soit un taux de remplissage moyen pas loin des 90%.

60 salles de cinéma de la Métropole de Lyon participaient à la manifestation dédiée au cinéma de patrimoine. Par ailleurs, 5700 personnes ont été accréditées, dont 3000 jeunes (+20%) et 1350 professionnels: cela inclue les 500 accrédités au  Marché International du Film Classique et les 450 journalistes.

Un marché dynamique

Confirmant ainsi sa place parmi les festivals de premier plan, Lumière peut aussi compter sur un marché du films de patrimoine dynamique. L'an dernier 3093 films de plus de dix ans sont sortis en salles, attirant 4,1 millions d'entrées et récoltant 15,5 millions d'euros de recettes selon le CNC.  En SVàD, un quart du catalogue de cinéma de Netflix est représenté par les "vieux" films (43% chez Amazon Prime et 73,5% chez FilmoTV). Et la part dans la vidéo physique est en croissance, alors que les ventes vidéo baissent.

Cette 11e édition du festival était aussi la 7e du Marché mondial du film classique et la 1ere du Salon du DVD.

[Lumière 2019] Francis Ford Coppola reçoit avec émotion le Prix Lumière

Posté par Morgane, le 20 octobre 2019

Comme chaque année depuis dix ans, la salle du Palais des Congrès se gonfle de monde, tous venus venus assister à la Remise du Prix Lumière. Après Jane Fonda, Wong Kar-wai, Catherine Deneuve, Martin Scorsese, Pedro Almodovar, Quentin Tarantino, Ken Loach, Gérard Depardieu, Miles Forman et Clint Eastwood, c’est donc à Francis Ford Coppola qu’est attribué le Prix de cette nouvelle édition du Festival Lumière.

Les invités sont nombreux. Coppola est accompagné de sa femme Eleanor (réalisatrice de Au cœur des ténèbres: l’Apocalypse d’un metteur en scène et Paris can wait) et de son fils Roman. Les hommages se succèdent. Jeanne Cherhal au piano chante le thème du Parrain de Nino Rota dont les paroles françaises sont de Boris Bergman. Quelques films des frères Lumière sont projetés. Il y a aussi l'inévitable retour en images sur les 10 ans du festival, sur cette édition en particulier et sur Coppola célébré! John Osborn chante l’aria de l’Arlesienne. Sofia, qui est en ce moment à Tokyo, et ses deux filles, ont envoyé une vidéo de félicitations, tout comme James Gray qui évoque son amour et son admiration pour le Maestro.

Bong Joon-ho marqué par Apocalypse Now
Puis c’est à Bong Joon-ho, Palme d'or cette année pour Parasite, de prendre la parole. "C’est un honneur. Je suis un peu en train de trembler. Francis Ford Coppola a fait des films extraordinaires et a changé l’histoire du cinéma. Je ne vais pas m'étaler là-dessus car ça prendrait des heures. Quand Apocalypse Now est sorti en 1979 je n’ai pas pu le voir car il était censuré en Corée. C’est en 1988 qu’il est enfin sorti sur les écrans en Corée. J’étais à l’université et je suis allé le voir le premier jour de sa sortie. Ça a été un choc incroyable, indescriptible! Ensuite j'ai vu le documentaire. On y voyait Coppola aux Philippines, torse nu car il faisait très chaud. Et face caméra il demandait: "Qu'est-ce que le cinéma?" et il disait qu'un enfant de 9 ans, si il veut réaliser un film, il le peut. Ça m'a donné du courage." Après ça, il s'est inscrit au ciné-club de son Université et a réalisé un premier court-métrage. Autre anecdote en lien avec Coppola. "Pour m'entraîner je me suis mis à faire des storyboards de films existants et je l'ai fait avec Le Parrain, une scène de crime. Je suis quelqu'un de non violent mais quand je vois un crime je ne sais pas pourquoi mais ça m'excite. Et aujourd'hui j'ai Coppola en face de moi et je suis tout tremblant. Je suis vraiment très honoré!"

Nathalie Baye et l'expérience cannoise
C'est ensuite Nathalie Baye qui monte sur scène. Elle et le Maestro se sont rencontrés à Cannes lorsque ce dernier était président du jury et elle membre du jury. C'était en 1996. Elle parle de son amour pour le cinéma de Coppola qui parle à tous. Un cinéma indémodable. "A Cannes c'était un président formidable, d'une grande écoute et bienveillant. Il a un humour fou" Et Nathalie Baye de raconter que sur la Croisette cette année-là, un spectateur en bas des marches avait confondu Coppola avec Carlos." Quand je leur ai expliqué qui était Carlos, Francis et Eleanor ont beaucoup ri!"

Tavernier et son sublime hommage
Eleanor et son fils Roman montent sur scène accompagnés de Bertrand Tavernier. C'est à ce dernier que revient l'éloge final. Comme à son habitude Tavernier, Président de l'institut Lumière, délivre un hommage d'une grande beauté, digne de la Bible du Cinéma qu'il est! Tavernier sait manier sa plume. "Je crois qu'on a eu une bonne idée quand on a créé ce festival!".  Tavernier a rencontré Coppola à deux reprises. En 1963 lors d'une soirée chez Roger Corman. Coppola venait de réaliser Dementia et Corman ne tarissait pas d'éloges sur lui.

La deuxième fois c'était à Paris un dimanche soir dans un restaurant où Coppola dinait en famille. "Je n'appelle pas ça connaitre et pourtant j'ai l'impression de vous connaitre, mais c'est à travers vos films. J'étais impressionné, je le suis encore plus ce soir. Il est dur d'évoquer son admiration en public et j'ai peur d'admirer mal." Certains films moins connus ont beaucoup touché Tavernier. "Les gens de la pluie. Je crois que je vous ai aimé dès ce film", qui rappelle-t-il est un film matrice, fondateur. Il revient sur d'autres films comme Jardins de pierre, Conversation secrète, Le Parrain et sa sublime première phrase "je crois en l'Amérique, l'Amérique a fait ma fortune", Outsiders "plus modeste mais qui me touche encore plus" et d'autres encore. "Quant à Apocalypse Now j'étais sonné et je savais que ce film allait faire partie de ma vie!"

"Oui Francis, j'ai aimé admirer vos films!"

Coppola touché
Pour finir la soirée c'est donc à Francis Ford Coppola de prendre la parole. "Je n'étais pas préparé à ça. Je n'étais pas préparé à toutes les choses extraordinaires dites sur moi. Je suis très touché par les mots de Bertrand, mon contemporain, ainsi que par ceux de Bong Joon-ho." "Je me suis revu, enfant, assis au bord du trottoir pendant qu'un défilé passait. Je voulais juste en faire partie. Et ce soir, vous m'avez permis de ressentir ce que je veux le plus au monde, le sentiment de faire partie d'un groupe, et je vous remercie pour ça" a confié le maître devant une Halle Garnier bourrée à craquer. Et Coppola finit ainsi: "Il y a trois choses qui manquent cruellement dans le monde et que j'ai ressenti ici: convivialité, enthousiasme et célébration."

[Lumière 2019] Frances McDormand, quand cinéma rime avec engagement

Posté par Morgane, le 16 octobre 2019

Festival Lumière. Lyon. Début de semaine. La salle de la Comédie Odéon est pleine et c'est une véritable ovation qui est faite à Frances McDormand. Thierry Frémaux, fidèle au poste, accueille l'actrice et Didier Allouch est là pour mener la discussion. L'actrice oscarisée (Fargo, Three Billboards) est évidemment l'une des muses des frères Coen (elle en a d'ailleurs épouser un des deux), mais elle a aussi tourné avec Wes Anderson, Sam Raimi, Alan Parker, Ken Loach, Robert Altman, John Boorman, Curtis Hanson, ou encore Gus Van Sant.

Indépendance de ses personnages
Un trait de caractère qui revient chez beaucoup de ses personnages c'est cette indépendance. Est-ce quelque chose qu'elle recherche particulièrement?
"Le seul truc qui revient souvent, ce sont mes fesses trop larges!" Plus sérieusement, l'actrice explique qu'au début de sa carrière elle faisait principalement des seconds rôles qui mettaient en avant des personnages masculins (elle le fait très bien d'ailleurs dans Mississipi Burning). "Mais je savais qu'un jour mon fils partirait de la maison et que j'aurais envie de faire autre chose, d'avoir les premiers rôles et ce fut le cas. Depuis que j'ai 50 ans j'ai la chance d'avoir des rôles de femmes très intéressants et je ne compte pas m'arrêter là."

Qu'est-ce qu'être une actrice à l'âge de Netflix?
Elle répond en tant que productrice. "J'ai eu la chance de travailler avec HBO. Quand j'ai développé Olive Kitteridge j'ai regardé The Wire et je me suis rendue compte du réel pouvoir de la série. Il est difficile de raconter l'histoire d'une femme en 90 minutes car il y a beaucoup de choses qui partent dans tous les sens. 30 ans de sa vie en 90 minutes c'est impossible, il fallait bien quatre heures! J'adore les pièces de théâtre qui durent six, huit, neuf heures. On regarde une partie puis on va prendre un café, une autre partie puis on va déjeuner et enfin la dernière partie et on va diner.  Aujourd'hui on a pris l'habitude de faire la même chose à la maison avec les séries. Moi je fais ça avec Fleabag. Je regarde cette série pendant des heures et je m'arrête juste pour manger et aller aux toilettes."

Ses débuts au cinéma
Son premier film c'était Blood Simple des frères Coen en 1984. "C'était une expérience formidable. Tout le monde était débutant. Ça a été mon école de cinéma!" Puis elle a tourné Mississipi Burning dont elle dit avoir obtenu le rôle grâce à Stella qu'elle jouait sur Broadway dans Un tramway nommé désir. "Venant du théâtre j'avais peur d'en faire trop, surtout avec mon visage. Avec Mississipi Burning j'ai pu utiliser tout mon corps, comme au théâtre mais d'une manière plus subtile."

Les Frères Coen, 9 films depuis 1984. Comment la relation évolue?
"J'ai beaucoup appris sur le mariage venant d'eux! En ce moment je travaille avec Joel sans Ethan. Pour la première fois je travaille sur le début de la création du film. Mais après une réunion, Joel m'a dit: 1, il vaut parfois mieux écouter que parler. 2, quand je ne parle pas je pense et 3, avec Ethan on travaille en se comprenant sans dire un mot." Il est souvent bien difficile de séparer les deux frangins. Et pourtant Frances McDormand dit qu'ils fonctionnent bien évidemment ensemble mais sont très différents. "Ethan a l'esprit très littéraire alors que Joel lui est plutôt visionnaire, invente des technologies, travaille le visuel." Et vous, où êtes-vous là-dedans? "Après quelques martinis un soir j'ai demandé à Joel mon mari, est-ce que je suis ta muse? Il a répondu: Mmm, non! Mais au final je préfère être sa productrice!"

Quand on pense Frances McDormand et les frères Coen on revoit directement Marge Gunderson dans Fargo. "Je le vois comme un film de famille. Je n'étais pas enceinte mais notre fils que nous adoptions arrivait quatre mois plus tard. C'était donc un film très personnel."

Les autres réalisateurs
Neuf films avec les frères Coen c'est pas rien, mais Frances McDormand n'a pas travaillé uniquement avec eux. Après Miller's Crossing elle a joué dans Darkman de Sam Raimi. Elle revient alors sur leur période de colocation avec Sam Raimi et les frères Coen à Los Angeles. "J'adore Sam mais je n'ai pas trop aimé jouer dans Darkman. C'est d'ailleurs sur ce tournage que j'ai rencontré Ken Loach. Il cherchait de l'argent et les producteurs voulaient un nom. Je n'étais pas un nom mais comme je jouais dans Darkman ils m'ont embauchée pour Hidden Agenda. J'étais ravie car après Darkman, j'avais besoin de rédemption alors je l'ai suivi en Irlande du Nord et j'ai adoré ça! D'ailleurs je continue de faire cela. Quand je tourne dans des films à gros budget j'ai besoin ensuite de faire des pièces off off Broadway ou de jouer dans des films à petit budget." On la retrouve également chez Wes Anderson. "Comme avec Sam Raimi, on rentre dans son monde, dans son esprit et on doit obéir à leurs règles. Mais je ne suis pas très douée pour ça. Ce dont j'ai besoin c'est de quelque chose de plus organique."

Féminisme et cinéma
"Une femme cinéaste, si elle se plante une fois elle n'aura pas d'autres chances contrairement à un homme. Il faut qu'il y ait des gens au pouvoir qui leur permettent de se planter plus d'une fois." Concernant son discours lors de la Cérémonie des Oscars: "Pour 3 Billboards, j'allais de cérémonie en cérémonie avec les mêmes femmes nommées. J'ai partagé de longs moments avec elles et j'avais donc envie de les inclure dans mon discours. Sur scène, j'appelle les femmes à se lever et elles le font. Je suis tellement excitée que j'en oublie complètement mon discours alors je finis par: J'ai deux mots à vous dire, inclusion rider! et depuis, ma vie est un enfer! (rires) Ce but est inatteignable je le sais et je réalise qu'il faut que les choses évoluent de manière organique."

"Je suis actrice car je veux faire partir de l'échange humain?"
"Plus jeune je trouvais dérangeant quand les gens venaient me voir dans la rue. Les gens pensent qu'on demande la célébrité alors que pas du tout. J'ai donc décidé de me retirer de la promotion des films. Le deal pour moi c'est une photo avec le reste de l'équipe lors d'une première du film et c'est tout. Ainsi ça m'a rendu mon pouvoir de dire non et ça m'a même donné le droit d'être parfois malpolie. Mais mon fils me demandait justement pourquoi j'étais malpolie avec les gens dans la rue. Alors j'ai fait ça autrement. Je répondais non pour la photo mais je disais qu'à la place on pouvait se serrer la main et échanger quelques mots."

C'est ça être actrice pour Frances McDormand, l'échange humain. Pour preuve, sa masterclasse a été l'une des plus longues de l'histoire du festival, dépassant largement le temps prévu.

7 raisons d’aller au festival Lumière 2019

Posté par vincy, le 11 octobre 2019

Francis Ford Coppola. Le maître vient de changer d'agent et espère pouvoir réaliser prochainement son projet d'une vie, Megalopolis. En attendant, il recevra le prestigieux prix Lumière pour l'ensemble de son œuvre (6 Oscars, 2 Palmes d'or). Le cinéaste fera aussi une master classe le 18 octobre. Et plusieurs de ses films, dont la trilogie du Parrain, Conversation secrète et ses premiers films méconnus seront projetés.

Les invités. Grand écart cinéphile et cosmopolite puisque Lumière accueillera cette année des stars aussi différentes que Donald Sutherland (avec une rencontre le 13 octobre), Daniel Auteuil (rencontre le 14 octobre, présentation de La Belle époque en avant-première), la doublement oscarisée Frances McDormand (rencontre le 14 octobre), Marco Bellocchio (rencontre le 16 octobre et avant-première du Traître), le Palmé de l'année Bong Joon-ho (rencontre le 17 octobre et nuit en son honneur le 18 octobre), Gael Garcia Bernal (rencontre le 18 octobre) et Marina Vlady (rencontre le 19 octobre). Tous auront le droit à la présentation de plusieurs de leurs grands films.

Le marché et le 1er salon du dvd. L'Allemagne est le pays invité du Marché international du film classique. Une table ronde, des projections de films, une exposition d'affiches en plus de quelques festivités ponctueront ce rendez-vous. Ce sera aussi le lancement du premier Salon du DVD le 13 octobre, ouvert au public comme aux pros. Une conférence publique - "Le futur du DVD/BR: durable ou incertain?" - en sera le point d'orgue. A cela ajoutons plusieurs tables rondes et keynotes et études de cas, notamment sur les médias, l'édition, l'exploitation, les business models...

The Irishman. Martin Scorsese est de retour, avec la plus grosse production Netflix à ce jour. L'événement sera à la hauteur des attentes: ses retrouvailles avec De Niro et Pesci, sa première collaboration avec Pacino. Le 15 octobre au soir, The Irishman aura les honneurs de l'une des rares projections françaises sur grand écran (deux jours avant celle de la Cinémathèque française), en présence du réalisateur.

André Cayatte. "Le courage social", tel est le titre de la rétrospective du poète, romancier et réalisateur (1909-1989--, qui a dirigé Annie Girardot, Danielle Darrieux, Emmanuelle Riva, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Marina Vlady, Marcel Mouloudji, Anouk Aimée, Bernard Blier, Jacques Brel. De La fausse maîtresse (1942) à Mourir d'aimer (1971) en passant Par Justice est faite (1950), Ours d'or à Berlin, Nous sommes tous des assassins (1952) et Le passage du Rhin (1960), Lion d'or à Venise, Lumière va faire redécouvrir ce cinéaste qui savait scruter son époque, sa société, notamment à travers la justice et les injustices, passant du mélodrame au réalisme social.

Lina Wertmüller. Peu de réalisatrices ont su s'imposer dans l'histoire du 7e art. Et souvent elles ont été les grandes oubliées de la fabrique des rêves. Rebelle, formée aux côtés de Fellini, la réalisatrice a été la première femme nommée dans la catégorie du meilleur réalisateur aux Oscars, en 1977, avec Pasqualino. On pourra aussi voir parmi ses œuvres qualifiées parfois de provocatrices Mimi métallo blessé dans son honneur, Film d'amour et d'anarchie et Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été. De la satire italienne très seventies...

Grands classiques et autres pépites. Les chefs d'œuvre en noir et blanc seront aussi au rendez-vous: Citizen Kane, M Le Maudit, La règle du jeu, La chevauchée fantastique, Voyage à Tokyo, Le Plaisir, La nuit du chasseur, Drôle de drame (accompagné d'un docu sur le duo Carné-Prévert), Miracle à Milan, Quand passent les cigognes.... On pourra aussi (re)découvrir La Beauté des choses de Bo Widerberg, La Femme aux cheveux rouges de Jack Conway, Rue des prairies de Denys de La Patellière, L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz, L’Âme des guerriers de Lee Tamahori ou les Courts métrages d’Émile Cohl...

The Irishman en avant-première au Festival Lumière

Posté par vincy, le 19 septembre 2019

Roma l'an dernier, The Irishman cette année. Le Festival Lumière s'offre ainsi, de nouveau, l'autre production majeure de Netflix avec ce film de Martin Scorsese à 180M$. Il sera projeté le 15 octobre en présence du réalisateur, qui avait reçu le Prix Lumière en 2015.

Cette avant-première sera l'une des rares projections en salles du film en France. Robert De Niro, Joe Pesci et Al Pacino en sont les acteurs principaux. Netflix le diffusera à partir du 27 novembre. The Irishman fera son avant-première mondiale le 27 septembre au Festival de New York et son avant-première internationale le 13 octobre à Londres. Il a aussi été sélectionné aux festivals de Rome et de Tokyo.

Cette année, pour son dixième anniversaire, le festival décerne son prix Lumière à Francis Ford Coppola, l'un des autres géants du cinéma américain, double Palme d'or. Frances McDormand, Bong Joon-ho, Donald Sutherland, Marina Vlady, Daniel Auteuil, Gael Garcia Bernal et Marco Bellocchio en sont les invités d'honneur. Un hommage sera aussi rendu à Jim Harrison et une grande rétrospective sera consacrée à André Cayatte.

Le Festival Lumière lance les Lumière Classics

Posté par vincy, le 24 juin 2019

Une nouvelle section et un nouveau label pour le Festival Lumière (12-20 octobre), afin de valoriser davantage les films restaurés, ADN du festival.

Lumière Cassics est le nouveau nom de la section Nouvelles restaurations. Divisé en deux catégories, films français et films internationaux, Lumière Classics sera "constitué par des films venus du monde entier, restaurés et apportés par les archives, les producteurs, les ayant-droits, les distributeurs, les studios et les cinémathèques."

Un jury complètera le dispositif, non pas "pour juger et classer artistiquement les films mais pour apprécier le travail de restauration, l'opportunité du retour de telle ou telle œuvre et célébrer ceux qui rendent le cinéma classique toujours vivant."

Les inscriptions de films pour Lumière Classics sont ouvertes jusqu’au 8 juillet. Une fois sélectionnés, ils seront ensuite projetés dans les salles permanentes du festival, à Lyon et dans sa Métropole. Le programme définitif sera communiqué fin août.

Le Festival Lumière célèbre ses 10 ans et a déjà révélé que le prix Lumière sera décerné à Francis Ford Coppola.