Olé! Le Prix Lumière 2014 pour Pedro Almodovar

Posté par vincy, le 19 juin 2014

pedro almodovar

Le Prix Lumière 2014 sera décerné le 17 octobre au grandiose cinéaste espagnol Pedro Almodovar, "figure essentielle de la Movida", lors de la 6e édition du Festival Lumière à Lyon (13-19 octobre).

"Il a accepté vraiment très facilement au regard de son emploi du temps parce qu'il est en écriture et il est très heureux", a déclaré Thierry Frémaux ce jeudi lors d'une conférence de presse. Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière, a ajouté : "C'est un homme qui incarne une certaine idée de l'Espagne."

Pedro Almodovar, 64 ans, a commencé sa carrière à la fin des années 70 avec Salome, un court métrage amateur. Dix ans plus tard, il connaît un succès international avec Femmes au bord de la crise de nerfs. Il a réalisé 19 longs métrages et reçu une multitude de prix : Prix du meilleur scénario à Venise, Goya du meilleur film et du meilleur scénario original pour Femmes au bord de la crise de nerfs, Prix de la mise en scène au Festival de Cannes, European Award du meilleur film, Oscar du meilleur film étranger, Golden Globe du meilleur film étranger, César du meilleur film étranger, Goya du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Tout sur ma mère, European Award du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario, Oscar du meilleur scénario original, Golden Globe du meilleur film étranger pour Parle avec elle, Prix du scénario au Festival de Cannes, European Award du meilleur réalisateur, Goya du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Volver...

Almodovar a aussi été distingué par un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 1999 et un Prix du cinéma européen en 2013 pour sa contribution européenne au cinéma mondial. Cinéaste engagé, il est également producteur pour de jeunes cinéastes comme Damian Szifron dont Les nouveaux sauvages était en compétition à Cannes cette année ou Diego Galán dont le documentaire Con la pata quebrada est actuellement à l'affiche en France.

Le Prix Lumière a déjà honoré Quentin Tarantino, Ken Loach, Gérard Depardieu, Milos Forman et Clint Eastwood.

Catherine Frot en concert, Alien toute une nuit...

Pedro Almodovar préparera une programmation spéciale pour le Festival Lumirèe, "Almodovar : Mi historia del cine". La manifestation a également prévu plusieurs focus : "Coluche dans le cinéma français", "Catherine Frot chante Boby Lapointe", des rétrospectives comme "Le temps de Claude Sautet (1960-1995)", "Directed by Frank Capra", "1964 : un certain Bob Robertson" (ou l’invention du western italien), "Ida Lupino (1918-1995), réalisatrice, actrice, scénariste, productrice" ou encore "Mon voyage dans le cinéma français : projections, documents et master class" par Bertrand Tavernier.

Le marché du film classique lancera sa 2e édition. Michel Legrand sera l'invité d'honneur, Henri Langlois projettera son ombre sur l'événement et le Festival rendra un hommage à Isabella Rossellini et Ted Kotcheff. Enfin une « Nuit Alien » - avec les films de Ridley Scott, James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre Jeunet - comblera la Halle Garnier.

L'an dernier, le festival a accueilli 135 000 festivaliers sur 58 sites différents pour 272 séances de cinéma et 130 films.

Qunetin Tarantino, Ken Loach, Gérard depardieu, Milos Forman, Clint Eastwood

Lumière 2012. Une soirée de clôture au Paradis!

Posté par Morgane, le 24 octobre 2012

Tout comme lors de l'ouverture, la Halle Tony Garnier a fait salle comble en ce dimanche après-midi pour assister à la clôture de cette quatrième édition du Festival Lumière. Thierry Frémaux monte sur scène appelant à le rejoindre tous les bénévoles (au nombre de 388) qui ont rendu ce festival possible. Il est vrai que ce travail de titan a été mené de main de maître. Gérard Collomb, en tant que maire de Lyon, est venu annoncé, comme on s'en doutait, qu'il y aurait bel et bien une cinquième édition l'an prochain.

Avant de projeter ce monstre du cinéma qu'est La porte du paradis (par son résultat mais aussi par le travail pharaonesque qu'il a demandé), Isabelle Huppert, actrice principale, prend le micro pour dire son émotion. "Je crois que ce film a été victime d'une injustice historique. C'est le début de cette réparation aujourd'hui. (...) Tout ça grâce à Michael Cimino qui est un immense réalisateur, un immense metteur en scène."

C'est ensuite au tour de Michael Cimino, en larmes, de monter sur scène rejoindre son actrice. "Je n'ai pas de mots, mon coeur bat trop vite. J'ai toujours su que les Français aimaient le cinéma mais là, c'est fou. Je suis très fier de partager cette scène avec ma bien-aimée Isabelle. Quand nous avons travaillé ensemble, nous étions des enfants du paradis mais nous ne le savions pas. Je vais m'arrêter là avant d'avoir une crise cardiaque. (...) Je m'attendais à ce que le film soit dans un petit cinéma. C'est un grand choc."

Le choc est désormais pour nous lorsque l'on découvre sur un écran géant la beauté cinématographique du film. 32 ans après sa sortie catastrophique (boudé par le public en grande partie pour son message anti-patriotique), suite à une restauration menée par Michael Cimino et la maison Criterion, cette oeuvre se révèle de nouveau sublime grâce aux couleurs à couper le souffle du grand directeur de la photographie Vilmos Zsigmond (qui avait déjà travaillé aux côtés de Michael Cimino pour Voyage au bout de l'enfer).

Scorsese en 2013?

Après avoir été projeté à Venise et à New York, le voici donc projeté à Lyon avant de sortir dans plusieurs salles début 2013 grâce à Carlotta. C'est donc une sorte de renaissance pour ce film, aujourd'hui reconnu à sa grande et juste valeur.

En 1870, James (Kris Kristofferson) et Billy (John Hurt) fêtent la fin de leurs études. On les retrouve 20 ans plus tard dans le comté de Johnson dont James est devenu le shérif. Billy, quant à lui, est devenu un éleveur appartenant à l'Association des éleveurs (très influente et aux racines politiques très ancrées) qui souhaitent se débarrasser des immigrants d'Europe centrale qu'ils voient comme des "voleurs de bétails et des anarchistes." Une liste noire de 125 noms est alors dressée et des mercenaires envoyés pour les éliminer... tout ça dans la légalité. Derrière cette lutte de survie aux accents politiques et sociaux se joue également un drame humain, celui d'Ella (Isabelle Huppert), directrice de bordel d'origine française, aimée par James (shérif) et Nathan (qui appartient à l'Association) interprété par Christopher Walken.

La Porte du Paradis est un prologue à la Révolution Industrielle, une ouverture sur le XXe siècle sur fond de rêve américain qui s'envole. Loin des verts pâturages décrits par la plupart des films sur la conquête de l'ouest, Michael Cimino montre un tout autre visage de l'Amérique, chose qui ne plaira guère lors de sa sortie. Dirigeant un nombre impressionnant d'acteurs, tous parfaits, dans des conditions parfois difficiles, Cimino offre un spectacle dont les scènes n'en ressortent que plus belles, que ce soit celle du bal lors de la remise des diplômes ou bien encore celle du bal, 20 ans plus tard, sur des patins à roulettes. C'est également un cinéaste qui sait suggérer donnant ainsi une belle finesse à ce western des temps modernes.

La barre est mise haute pour l'année prochaine mais si, comme l'a laissé entendre Thierry Frémaux, l'invité Lumière de la cinquième édition est bel et bien Martin Scorsese le défi sera aisément relevé. Rendez-vous dans un an!

Lumière 2012. Ken Loach reçoit son Prix Lumière et défend le système de financement français

Posté par Morgane, le 23 octobre 2012

Samedi 20 octobre, l'amphithéâtre du Centre des Congrès de Lyon se remplit peu à peu pour le grand soir du Festival Lumière. Acteurs, actrices et cinéastes (les frères Dardenne, Jerry Schatzberg, Ariane Ascaride, Julie Gayet, Anaïs Demoustier, Hippolyte Girardot, Léa Drucker, Marjane Satrapi, Julie Ferrier, Laura Morante, Christian De Sica...) se succèdent devant l'affiche de Ken Loach pour la traditionnelle photo. Les spectateurs garnissent les sièges rouges de la salle.

Puis, sous un tonnerre d'applaudissements, Ken Loach et Éric Cantona font leur apparition.

Thierry Frémaux monte sur scène et présente cette remise de prix "pour l'ensemble de son oeuvre, non pas qu'elle soit finie", à un homme d'une "extraordinaire homogénéité entre ce qu'il raconte dans ses films et ce qu'il fait dans la vie."

Les lumières baissent, le silence se fait et Looking for Éric commence, ponctué de-ci de-là de salves d'applaudissements lors de répliques mythiques, principalement prononcées par Cantona, que ce soit l'épisode des mouettes et du chalutier ou bien la fameuse phrase "I'm not a man. I am Cantona". C'est un grand plaisir de redécouvrir cette comédie (qui ne sont pas si nombreuses dans le répertoire de Loach) sur fond social toujours dur mais qui réussit à enchanter. Le film avait été sélectionné à Cannes. Loach y révèle in Cantona plein d'autodérision et un Steve Everts superbe dont cette expérience loachienne fut sa première expérience cinématographique d'acteur.

Les lumières se rallument, Thierry Frémaux reprend le micro et appelle sur scène toutes les personnalités de cette semaine encore présentes ce soir. Rebecca O'Brien (productrice) et Paul Laverty (scénariste), compagnons de route de Ken Loach sont également présents. Et c'est au tour d'Éric Cantona d'entrer en scène qui, avec un discours bref, concis et ensoleillé de son accent du midi, conclut avec "c'est un grand soir pour Ken... et pour Bath (équipe de foot supportée par Ken Loach) qui a gagné."
Un nouveau tonnerre d'applaudissements pour Ken Loach qui rejoint la scène afin de recevoir le Prix Lumière de cette quatrième édition des mains de l'ancien footballeur. Le King Cantona, imposant par sa carrure et son charisme, semble s'opposer quelque peu au personnage de Ken Loach, beaucoup plus petit, timide et modeste, s'excusant presque d'être là et de recevoir tous ces honneurs.

Le cinéaste anglais entame son discours par "un grand merci et beaucoup de respect au cinéma français car sans votre cinéma, nous n'existerions pas. L'intérêt que vous nous avez montré nous donne l'envie et la possibilité de continuer. (...) C'est votre enthousiasme et votre amour du cinéma qui nous permet de rester vivant." Il rappelle alors que pour Le Vent se lève, par exemple, le film est sorti en France dans 300 salles environ alors qu'en Angleterre, il n'a été projeté que dans une quarantaine de salles et remercie donc grandement la société Diaphana qui distribue ses films en France. Remerciements donc au cinéma français et à son fonctionnement qu'il faut défendre (voir actualité du 21 octobre). S'ensuit une critique d'une Europe ultra-libérale qu'il voudrait beaucoup plus solidaire.

Il poursuit alors sur la responsabilité du Cinéma. "Est-ce que le cinéma peut changer les choses? Probablement non. Et je pense que c'est une bonne chose, sinon on serait tous des Américains avec des flingues dans la poche. Mais on peut soulever des questions, célébrer des choses, partager l'idée d'une communauté humaine. Nous pouvons ajouter notre voix au grand bruit fait par l'humanité." Il déclare également son soutien aux cinéastes qui, soumis à la censure de leurs pays, ne peuvent travailler, ou du moins pas librement. Et conclut par ces mots : "C'est une soirée extraordinaire et recevoir ce prix des mains du King Éric, il n'y a rien de mieux. Longue vie au cinéma!" Que dire de plus...

Lumière 2012, Jours 4-5. La jeunesse de Steven Spielberg et James Gray

Posté par Morgane, le 22 octobre 2012

La salle est pleine au Festival Lumière, le noir se fait et dès les premières notes de la musique de John Williams on reconnaît (même si on ne l'a jamais vu) le film qui a fait trembler toute une génération : Les Dents de la mer. C'est un vrai plaisir de se laisser dériver au gré de ce film de 1975, dans la petite station balnéaire d'Amity où le maire a pour seul objectif un 4 juillet réussi et une saison remplie de touristes. Mais c'est bien sûr sans compter sur l'invitation surprise d'un grand requin blanc qui, 37 ans après, nous donne encore des frissons.

Quatre ans après son premier long-métrage Duel, Steven Spielberg, qui a 29 ans à l'époque, s'immerge dans le film d'horreur aquatique. Musique à suspens, hémoglobine, décor aquatique, marins seuls en pleine mer... tout est réuni pour foutre la trouille et faire en sorte que personne n'aille se jeter à l'eau ensuite.

Si ce film (projeté à l'occasion des 100 ans d'Universal), quelque peu cousu de fil blanc, sortait aujourd'hui sur nos écrans, l'accueil serait certainement plus froid : si on apprécie cette séance, n'est-ce pas pour y trouver le plaisir nostalgique que l'on éprouve à revoir ces fameuses Dents de la mer? Quoique : le film reste brillant et efficace.

Le lendemain, je continue dans les pas d'un jeune réalisateur qui a plus d'un film à son arc aujourd'hui, j'ai nommé James Gray. Le Festival Lumière projette Little Odessa, première réalisation du cinéaste qui, du haut de ses 25 ans, nous donne, avec ce film, une énorme claque. Le cinéaste dépeint la mafia russe dans le quarter new-yorkais de Little Odessa à travers le regard de Josh (Tim Roth) qui revient dans son quartier pour exécuter un contrat. Ce drame, très fort et poignant, mêle film noir et véritable tragédie grecque. En dire plus serait presque un crime pour ceux qui ne l'ont jamais vu.
Little Odessa est aussi l'occasion de découvrir un Tim Roth (qui était là mardi soir pour présenter le film à l'Institut Lumière), dur et tendre à la fois, aux facettes multiples. La même force que Mr. Orange dans Reservoir Dogs.

Lumière 2012, Jour 3. Voyage d’Angleterre en Italie en passant par Paris

Posté par Morgane, le 19 octobre 2012

Aujourd'hui au programme du Festival Lumière à Lyon, Cléo de 5 à 7, Kes et Sciuscia. France, Angleterre et Italie. 1962, 1969, 1946. Voyages dans le temps autour de l'Europe. On peut tout de même trouver un point commun à ses trois films : ils font partie des premières réalisations de trois grands cinéastes : Vittorio De Sica, Agnès Varda ou bien encore Kenneth (qui ne signe pas encore Ken) Loach.

Sciuscia (1946) de Vittorio De Sica est un film poignant contant la vie de deux jeunes garçons, dans la Rome de la seconde guerre mondiale, injustement envoyés en prison. À travers ce film, Vittorio De Sica dénonce les conditions de détention affreuses, la justice arbitraire, l'instrumentalisation des enfants et les difficultés lourdes de cette époque qui pèsent sur chaque famille. À travers ce prisme, le cinéaste pointe tout de même le doigt et l'attention du spectateur vers l'amitié entre deux jeunes garçons (cireurs de chaussures) qui, pour s'en sortir, doivent se serrer les coudes, mais...

Vittorio De Sica et ce film appartiennent au mouvement cinématographique du néoréalisme italien (dont Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini est l'un des plus connus) qui nait après la seconde guerre mondiale. "L’expérience de la guerre fut déterminante pour nous, raconte De Sica. Nous ressentions le besoin de planter la caméra au milieu de la vie réelle, au milieu de tout ce qui frappait nos yeux atterrés. Nous cherchions à nous libérer du poids de nos fautes, nous voulions nous regarder en face, et nous dire la vérité, découvrir ce que nous étions réellement, et chercher le salut." Mais De Sica ne veut pas uniquement dresser un portrait, un constat terrible, il cherche à faire réagir les Italiens en leur tendant un miroir en face duquel ils ne pourront se dérober, celui de leur conscience. Car au-delà du constat, le cinéaste accuse l'Italie d'injustices et de traitements quasi inhumains que le pays a infligé à une grande partie de la population et principalement aux enfants.

Grande oeuvre de Vittorio De Sica, Sciuscia annonce déjà le grand chef d'oeuvre du réalisateur deux ans plus tard, Le voleur de bicyclette.

Restons dans le monde de l'enfance avec Kes (1969) de Ken Loach. Le film est présenté par Jean-Pierre Darroussin (photo) avec flegme et nonchalance. Pour lui, c'est un film d'après mai. "En France, on a vécu mai 68, en Angleterre beaucoup moins, mais ils ont vécu une révolution culturelle. Mai 68 n'a pas eu lieu en Angleterre mais c'est une époque de mouvement. 1989, chute du Mur de Berlin et 1969, dissolution des Beattles". Kes est le troisième long-métrage de Ken Loach et c'est "une source fondatrice. C'est dans ce film que son talent se révèle. Film très sensoriel, on le ressent au niveau de l'inconscient. Dans ce film, Ken Loach parle de lui. En tant que fils d'ouvrier, il sent que le monde ne lui appartient pas, qu'il faut le conquérir." Ici, c'est la famille qui est oppressante, voire aliénante. Plus tard dans sa filmographie, c'est la société qui tiendra ce rôle.

Kes est l'histoire d'un jeune garçon, Billy Casper, souffre-douleur de son frère, délaissé par sa mère et peu entouré à l'école. Dans un monde qui ne lui correspond pas, Billy trouve un échappatoire en apprenant à dresser un jeune faucon. Comme l'a dit à juste titre Jean-Pierre Darroussin, Kes est un film qui relève énormément du ressenti. L'histoire parmi tant d'autres d'un gamin malmené par la vie dans l'Angleterre de cette époque. Pourtant, Ken Loach nous touche profondément avec cette figure de gosse paumé qui ne demande qu'à se sentir un peu aimé et soutenu. Billy et son faucon c'est un grand cri de désespoir d'une jeunesse délaissée au bord du chemin. David Bradley (l'interprète de Billy que l'on ne verra malheureusement plus sur grand écran ensuite) est impressionnant par sa justesse mêlant à merveille cette timidité de l'enfant qui ne veut pas déranger mais cherche une petite place pour lui et ce petit côté voyou qu'il a endossé pour pouvoir survivre. Une interprétation sans fausse note aucune et un film majeur de la filmographie de Ken Loach.

Un pas de géant nous transporte dans l'univers de Cléo de 5 à 7 (1962) d'Agnès Varda, à deux pas de la Nouvelle Vague. C'est Thierry Frémaux qui prend le micro pour nous présenter ce film restauré cette année même par le CNC et Agnès Varda. Il en profite pour nous rappeler qu'Agnès Varda n'appartient pas officiellement à la Nouvelle Vague mais qu'elle a beaucoup travaillé autour de la bande de Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol et Rivette... et ça se voit à travers ses images.

Corinne Marchand endosse le rôle d'une jeune chanteuse qui attend des résultats d'analyse et s'angoisse, persuadée d'avoir une maladie grave et d'en mourir bientôt. On suit littéralement (90 minutes de film pour 90 minutes dans la vie de Cléo, de 5 à 6h30 et non de 5 à 7) Cléo pas à pas déambulant dans les rues de Paris, torturée par cette attente. C'est tour à tour auprès de sa gouvernante, de son amant, de son musicien, de son amie puis d'un soldat rencontré au hasard d'un chemin qu'elle s'épanche, ouvre son coeur et laisse sortir sa peur. Tous tentent de la rassurer, de lui ouvrir les yeux.

Mais Cléo de 5 à 7, c'est avant tout une fable sur le temps qui passe, l'histoire d'une femme admirée pour sa beauté qui réalise petit à petit que celle-ci s'envole avec les années et ouvre alors les yeux sur le monde qui l'entoure, réalisant ainsi que la vie peut être toute autre. Film d'une femme (peu nombreuses à être réalisatrices à cette époque, pas beaucoup plus nombreuses aujourd'hui non plus malheureusement) sur une femme. Film qui sent étrangement bon les années 60 et nous transporte dans un Paris d'un autre temps.

Lumière 2012, Jour 2. Bob Dylan s’expose et Loulou s’exhibe

Posté par Morgane, le 18 octobre 2012

Le Festival Lumière, ce sont des films certes, mais pas uniquement. C'est aussi l'occasion de masterclass, de dédicaces et d'expositions. Parmi ces dernières, il y a celles qui se trouvnte au Village Lumière dans les jardins de l'Institut et qui présente le travail de Pierre Collier, affichiste depuis 25 ans, et une autre sur Bob Dylan vu par l'oeil aiguisé de Jerry Schatzberg.

Car avant d'être le réalisateur que l'on sait, Jerry Schatzberg (voir aussi notre actualité) était photographe. Il a notamment fait le portrait de nombreuses personnalités telles que Andy Warhol, Catherine Deneuve, Roman Polanski, Steve McQueen,  les Rolling Stones et Bob Dylan. Musicien culte son dernier album, peintre mais aussi acteur (Pat Garrett et Billy le Kid de Sam Peckinpah, La dernière valse de Martin Scorsese, I'm not there de Todd Haynes), Robert Allen Zimmerman a influencé des dizaines d'artistes depuis ses débuts à la fin des années 50.

C'est sa série de portraits concernant Bob Dylan (réalisés entre 1965 et 1967, majoritairement en noir et blanc) que l'Institut Lumière a choisi pour inaugurer sa nouvelle galerie qui se situe à deux pas de l'Opéra de Lyon. Une scénographie très épurée mais les clichés parlent d'eux-mêmes. Des portraits forts (certains très connus) d'un personnage emblématique, véritable icône du rock. Jerry Schatzberg a donc bien plus d'une corde à son arc.

Preuve aussi, s'il en fallait, que le Festival Lumière permet de voyager dans de nombreux univers, de Bob Dylan on passe à Loulou (en français le film s'intitulait aussi la boîte de Pandore) de Georg Wilhelm Pabst en ciné-concert à l'Auditorium. Une très belle copie restaurée (qui a demandé un travail de titan) accompagnée par une musique composée spécialement pour l'occasion par Arielle Besson et Yonnel Diaz (également musiciens - trompette et saxophone) et interprétée par l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Timothy Brock.

Loulou, femme fatale, libre et libérée, fait tourner la tête de tous les hommes réveillant aussi en eux leurs instincts primaires. Tour à tour adulée mais à la fois condamnée, Loulou se perdra dans des amours trop violents qui auront raison d'elle. Louise Brooks réussit parfaitement à donner vie à ce personnage de femme trop libre pour son époque, mêlant étrangement naturel et minauderie pour le plus grand plaisir des hommes mais aussi leur plus grand désarroi. Comme Dylan, Loulou aura traversé les décennies grâce son look évidemment mais aussi par l'image de la femme émancipée avant l'heure qu'elle symbolise.

La musique, sur un air jazzy mélancolique, accompagne à merveille ce film muet de 1929 qui, considéré trop immoral lors de sa sortie, ne suscitera pas l'intérêt du public et sera même désapprouvé par une grande partie des critiques. Peu à peu le film va regagner ses lettres de noblesse et après la soirée d'hier, on comprend bien pourquoi.

Lumière 2012, Jour 1. D’Ophüls à Renoir…

Posté par Morgane, le 17 octobre 2012

Pour cette première journée de festival, j'ai mêlé le noir et blanc de Max Ophüls aux couleurs de Jean Renoir.

À cette occasion, c'est Nicolas Saada, critique de cinéma mais aussi scénariste et réalisateur, qui présente Les Désemparés (The Reckless Moment, 1949) de Max Ophüls. Saada revient sur les nombreuses carrières du cinéaste qui, après avoir été acteur puis metteur en scène de théâtre, devient réalisateur, tout d'abord en Allemagne. Obtenant ensuite la nationalité française pour fuir le nazisme, il tourne en Italie et en Hollande mais s'exile finalement aux États-Unis où il tournera, entre autres, l'adaptation du roman de Stefan Sweig, Lettre d'une inconnue, avec James Mason, que l'on retrouve également dans Les Désemparés. Après cet exil "forcé", il revient alors en France où il tourne quatre de ses plus grands films : La Ronde, Le Plaisir, Madame de... et Lola Montès.

Les Désemparés, drame et mélodrame, représente, selon Nicolas Saada, "tout l'art d'Ophüls dans un film". Et en effet, Les Désemparés, c'est du grand art. Chaque plan est calculé, cadré au millimètre, donnant ainsi toute sa tension au film. Les décors (principalement la maison des Harper) jouent également un grand rôle tout comme le noir et blanc qui accentue le côté mélodramatique de ce film à mi-chemin entre "un film d'Hitchcock et une chronique de la vie quotidienne", toujours selon Nicolas Saada. Joan Bennett dégage une force incroyable en femme chef de famille qui doit tout mener de front... et plus encore. Quant à James Mason, il joue parfaitement le maître-chanteur au grand coeur.

Avec Jean Renoir et son Carrosse d'or (1954), énième version du Périchole, c'est un tout autre univers qui s'offre à nous. C'est dans les couleurs vives du Nouveau Monde que Renoir nous entraîne en plein XVIIIe siècle, dans les pas d'une troupe de théâtre italienne débarquée ici pour faire fortune. Mais leur arrivée est bien loin de ressembler à ce dont ils avaient rêvé.

Camilla (Anna Magnani), Colombine sur les planches, se retrouve très rapidement dans le coeur de trois hommes que tout oppose : son compagnon de voyage, le toréador star locale et le vice-roi en personne. L'ordre établi est bien vite ébranlé mais Jean Renoir préfère garder le ton de la comédie faisant de son film une sorte de vaudeville amoureux dans lequel le coeur de la belle reste à prendre.

Lumière 2012… ça tourne!

Posté par Morgane, le 16 octobre 2012

La Halle Tony Garnier était comble hier soir (tout comme prévoient de l'être de nombreuses salles durant le reste de la semaine, beaucoup de séances affichant d'ores et déjà "complet") pour déclarer OUVERT (tous en choeur mais pas franchement accordés) ce quatrième Festival Lumière.

Les Grands du 7e Art (Jerry Schatzberg, Guillaume Canet, Tim Roth, Agnès Varda, Max von Sydow, Jacqueline Bisset, Emir Kusturica,Tony Gatlif, Monica Bellucci, Lalo Schiffrin, Benoit Magimel, Marie Gillain et bien d'autres encore) ont fait leur entrée petit à petit sous des salves d'applaudissements, et des chuchotements "c'est qui?" chacun essayant de reconnaître les visages qui apparaissaient sur le grand écran. Car la Halle est grande et du fond finalement, on ne voit pas grand chose. Mais on entend très bien et l'écran est immense...

Hommage à Lalo Schiffrin oblige, Thierry Frémaux est monté sur scène au son des notes de Mission Impossible, tout comme Bertrand Tavernier ensuite. Difficile ainsi de ne pas se prendre pour un héros.

Quelques petits films des Frères Lumière sont projetés (les éternels frères Kermo et leur pyramide humaine déjà présents l'année dernière), ainsi que quelques minutes Pathé sur la ville de Lyon et un avant-goût de tout ce que l'on va pouvoir découvrir cette semaine.

S'en est suivi un discours élogieux de Bertrand Tavernier à l'attention de Jerry Schatzberg ainsi qu'une véritable déclaration d'amour de Guillaume Canet envers ce dernier qui en profite également pour raconter le petit coup du hasard qui lui a donné la chance de tourner dans The Day the Ponies Come Back.

En effet, en vacances à New York, Guillaume Canet reçoit un coup de fil pour rencontrer Jerry Schatzberg qui cherche un nouvel acteur car il ne s'entend pas avec celui qu'il avait retenu. Une belle rencontre mais l'acteur français se voit obligé de refuser car il est déjà engagé sur un autre tournage et doit justement rentrer en France le lendemain. Il repart, scenario sous le bras tout de même, et trouve un fois chez lui un message lui annonçant l'annulation de son film car les financeurs se sont désistés. Ni une ni deux, il rappelle Jerry Schatzberg, refait sa valise et reprend l'avion en sens inverse. Son aventure new-yorkaise peut commencer... Jerry Schatzberg monte alors sur scène, prend le micro et de sa voix rauque et éraillée (quasi incompréhensible mais rassurons-nous, Bertrand Tavernier se charge de la traduction) nous dit son bonheur d'être ici et son émotion de voir son film L'épouvantail projeté 40 ans plus tard dans une salle remplie d'environ 4 000 personnes.

Mais environ 1h44 plus tard, c'est nous qui clamons notre bonheur d'avoir pu (re)voir, et pour ma part découvrir, ce film magnifique suivant sur la route des seventies un Gene Hackman bourru au sang chaud mais au coeur tendre et un Al Pacino (qui avait déjà tourné avec Schatzberg dans Panique à Needle Park) fou fou que l'on a rarement l'habitude de voir endosser ce genre de personnage qui lui va pourtant si bien. Un road-movie pédestre, ou presque, qui nous mène dans les pas des ces deux marginaux qui peinent à trouver leur place dans cette Amérique perdue, celle des laissés pour compte, des banlieues où le rêve américain n'a pas pris ou n'a jamais vraiment existé. Un portrait d'une Amérique déchue dans laquelle Gene Hackman et Al Pacino (deux superbes interprétations) aimeraient juste une petite place pour eux.

La scène d'ouverture (sublime) à elle seule vaut le coup d'oeil, sorte de duel de western au bord d'une route opposant nos deux acolytes qui cherchent à arrêter une voiture qui les emmènera vers un ailleurs meilleur...

À la toute fin, Thierry Frémaux annonce la présence de Michael Cimino aux côtés d'Isabelle Huppert pour présenter Les Portes du Paradis lors de la cérémonie de clôture également à la Halle... Rendez-vous donc dans six jours au même endroit mais d'ici là, plein de belles (re)découvertes et de rencontres cinématographiques nous attendent.

Lumière 2012 : Huppert et Cimino en clôture

Posté par Morgane, le 26 septembre 2012

Le Festival Lumière 2012 continue d'égrainer ses annonces petit à petit... Isabelle Huppert, qui sera présente, et Michael Cimino feront donc la clôture du festival qui aura lieu le dimanche 21 octobre à 14h45 à la Halle Tony Garnier avec La Porte du paradis, qui succède alors à Le Bon, la Brute et le Truand (2009), Le Guépard (2010) et Cyrano de Bergerac (2011).

L'actrice Isabelle Huppert (actuellement ou très prochainement à l'affiche de trois films : Captive, In another country et Amour - Palme d'Or du dernier festival de Cannes) présentera le film La Porte du paradis (1980) de Michael Cimino, projeté en copie restaurée dans sa version de 3h36 récemment achevée par le réalisateur (sur une durée initialement prévue de 5h25).

La sortie du film, il y a plus de 30 ans, fut plutôt chaotique. Avec un budget de 44 millions de $ (120 millions de $ aujourd'hui) et des recettes atteignant à peine 3,5 millions de $ aux USA, ce fut véritable échec ; le film serait à l'origine de la faillite de la United Artists). Sélectionné au Festival de Cannes en 1981, 5 fois cité aux Razzie awards (dont un Razzie du pire réalisateur), La Porte du paradis a désormais retrouvé un statut de grand film du 7e Art auprès des critiques et cinéphiles. Il vient d'être restauré par MGM et l'éditeur-distributeur américain Criterion et sera distribué en France (en janvier sur les écrans) par Carlotta et sera donc projeté lors du Festival Lumière, après avoir été projeté lors des festivals de Venise et de New York.

Isabelle Huppert y interprète Ella Watson aux côtés de Kris Kristofferson, John Hurt et Christopher Walken, entre autres. Elle reviendra certainement pour l'occasion sur cette expérience particulière, ce tournage pas comme les autres, cette sortie désastreuse puis le retour en grâce de cette oeuvre maudite.

Lumière 2012: Jerry Schatzberg et Guillaume Canet en ouverture

Posté par Morgane, le 17 septembre 2012

Le titre du film projeté lors de la soirée d'ouverture le lundi 15 octobre à la Halle Tony Garnier de Lyon a enfin été dévoilé. Ce sera donc L'épouvantail de Jerry Schatzberg que les festivaliers pourront découvrir ou redécouvrir en ouverture du Festival. le film est interdit aux moins de 12 ans en France.

Le film sera présenté en copie neuve et restaurée (comme de nombreux films de ce festival) en présence du réalisateur lui-même.
Jerry Schatzberg est né dans le Bronx en 1927. Photographe dans les années 60, il passe derrière la caméra en 1970 en réalisant Portrait d'une enfant déchue. Trois ans plus tard il réalise alors L'épouvantail, avec Gene Hackman et Al Pacino, qui remportera la Palme d'Or lors du festival de Cannes. Il séduit 700 000 spectateurs dans l'Hexagone. Malgré une reprise en 2007, le film, n'était désormais plus visible sur grand écran pour faute de copies en bon état. Un DVD était sorti en 2009.. Il a été restauré par la Warner et Park Circus qui en ont tiré une copie neuve tout spécialement pour le Festival Lumière. Le film sera ensuite visible sur grand écran en France et prochainement aux États-Unis.

Une des particularités du Festival étant de faire venir des personnalités du 7e Art pour présenter les films des autres, cette soirée n'échappera pas à la coutume. Et c'est Guillaume Canet qui sera là pour présenter le film de Jerry Schatzberg, avec qui il a tourné The Day the Ponies come back en 2000.

Rendez-vous donc le 15 octobre dans la Ville Lumière...