Bilan 2016 : le cinéma de genre en mutation

Posté par kristofy, le 28 décembre 2016

C’était quoi le cinéma de genre en 2016 ?

Depuis quelques années, en fait depuis Paranormal Activity en 2007, les films qui ont pour unique promesse de faire sursauter le spectateur avec des apparitions fantômes dans le noir ou des possessions démoniaques se suivent et se ressemblent presque tous. Cette année il y a eu par exemple Conjuring 2: le cas Enfield (29 juin), Dans le noir (24 août), Ouija : les origines (2 novembre), Don’t Breathe, la maison des ténèbres (5 octobre), et même un remake du légendaire Blair Witch (21 septembre). A noter d’ailleurs que deux films français qui, à leur manière, ont marqué le cinéma de genre tricolore ont eu leur remake en langue anglaise, Martyrs et A l’intérieur (mais aucun des deux n'est sorti en salles).

Et en France ? Il y a eu cinq films notables en 2016 qui, bien que très différents les uns des autres, ont été intéressants pour le ‘genre’. Julien Séri est enfin de retour avec Night Fare (13 janvier) et son mystérieux chauffeur de taxi, suivi de Julien Leclercq avec ses Braqueurs (4 mai). Jean-François Richet s’est retrouvé de nouveau aux commandes d’un film américain (10 ans après le remake de Assaut sur le central 13) avec Blood father (31 août) et signe par la même occasion le retour en grâce de Mel Gibson lors d’une séance de minuit au Festival de Cannes.

Cependant le genre français aura été beaucoup mieux conjugué au féminin, avec deux réalisatrices. Contrairement à leurs homologues masculins très influencés par des références américaines qu’ils reproduisent (comme ceux précédemment cités), celles-ci ont mis en images un univers bien à elles. Il y eu Evolution (16 mars) de Lucile Hadzihalilovic (qu’on attendait depuis 10 ans après Innocence) avec un petit succès d’estime et des récompenses aux festivals de San Sebastian et de Gérardmer. Mais le véritable évènement du genre a été découvert à Cannes puis récompensé dans divers festivals (Sitges, Toronto, Strasbourg, PIFFF…) et dont la sortie a été reculée au 15 mars 2017 (en parallèle avec une sortie aux Etats-Unis) : il s'agit de Grave de Julia Ducournau.

Aussi surprenant que cela paraisse le Festival de Cannes a mis en avant cette année ce genre peu habitué au glamour : Grave (à La Semaine de la Critique), Dog Eat Dog de Paul Schrader (Quinzaine des Réalisateurs), The Transfiguration de Michael O'Shea (Un Certain Regard), The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (en compétition), The Strangers de Na Hong-jin (hors-compétition) et Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho (séance de minuit).

Dans les salles de cinéma, pourtant, c'est plutôt la désaffection, à quelques exceptions près. Le spectre était pourtant varié : Midnight Special de Jeff Nichols (16 mars), 10 Cloverfield Lane (16 mars), Hardcore Henry (13 avril), Green Room de Jeremy Saulnier (27 avril), American Hero (8 juin), The Witch (15 juin), American Nightmare 3: Élections (20 juillet), The Wave (27 juillet), Dernier train pour Busan (17 août), Premier Contact de Denis Villeneuve (7 décembre), soit des extra-terrestres, des montres, des tueurs immortels, des dons surnaturels, une catastrophe naturelle, de la sorcellerie, des zombies et la fin de l'humanité.

Finalement, ce que l'on retient c'est bien le renouvellement du genre. Reprendre les vieilles recettes et les refaire non pas seulement au goût du jour, avec les moyens actuels, mais bien avec un point de vue singulier, une envie de surprendre, une volonté de donner au "genre" une profondeur avec plusieurs niveaux de lecture ou d'en faire une expérience physique et cérébrale, repoussant les limites du supportables ou explorant les limbes de nos cauchemars.

Cependant certains des meilleurs films seront restés eux invisibles, à l'exception de quelques projections dans certains festivals. Comme nous le disions récemment : « Les films fantastiques, avec des zombies, des vampires, d'horreur etc... ne manquent pas dans la production mondiale. Régulièrement les productions hollywoodiennes arrivent dans les salles. Ceux là parviennent à dépasser les 300000 entrées (voir atteindre les 700000 spectateurs comme American Nightmare 3 ou 1,5 million de spectateurs comme Conjuring 2. Pour les autres, c'est plus compliqué. Malgré leur excellente réputation et leur carton dans leur pays, les films coréens, espagnols ou japonais ont du mal à s'exporter. Et ne parlons pas du cinéma français qui prend des pincettes à produire des films de ce genre et qui quittent rapidement l'affiche une fois sorti. Quand ils ont été distribués. Qu'on aime ou pas ce genre de films, il s'agit quand même d'une diversité qu'il faudrait mieux défendre, mieux préserver. Il a peut être mauvais genre mais c'est du cinéma. Il n'y a pas de raison qu'il soit un passager clandestin dans les salles ou un apatride squattant les ordinateurs, souvent en téléchargement illégal, ou la vidéo à la demande. »

Y a-t-il encore des salles de cinéma pour le film de genre français ?

Posté par kristofy, le 30 mars 2016

evolution

Le cinéma français est tiré vers le haut du box-office par les comédies telles que Les Nouvelles Aventures d'Aladin (4,4 millions de spectateurs!), Les Profs 2 (3,4 millions de spectateurs), Papa ou Maman (2,8 millions ), tandis que les films dits d’auteur ont toujours des relais favorables dans la presse comme Les Souvenirs, Marguerite, Une heure de tranquillité, La Loi du marché qui ont réussi à atteindre la barre du millions d’entrées.

Mais où sont les films français avec des serial-killers masqués, des poursuites de voitures, des bagarres de kung-fu, des zombies affamés, des aliens envahisseurs...  en gros : où sont les films de genre français ? Ils n’arrivent plus à être produits, et quand c’est le cas, ils ne parviennent pas à être distribués par les salles de cinéma. Ce genre de films, ça marche quand c’est américain (la même semaine sortent Midnight special et 10 Cloverfield lane), mais il y aurait comme une sorte de rejet quand c’est en français avec des acteurs français ? Que se passe-t-il  ?

Films américains ultra-rentables versus films français mal-aimés

Les américains, eux, ont bien compris que le cinéma de genre était ultra-rentable, surtout depuis que la recette du retour au found-footage avait été re-découverte à la surprise générale en 1999 avec The Blair witch project en 1999 (60 000 dollars de budget, 248 millions de recettes, plus rentable que le retour de StarWars La Menace fantôme). Depuis chaque distributeur exploite le filon de l’équation frisson ‘mini-budget=maxi-bénéfices’ avec Paranormal activity (15 000 dollars de budget, 190 millions de recettes, 5 suites), Insidious (1,5 million de budget, 97 millions de recette, 2 suites), American Nightmare (3 millions de budget, 89 millions de recettes, 2 suites), Annabelle (6,5 millions de budget, 256 millions de recettes)…

Ce genre de film trouve donc bel et bien son public dans les salles de cinéma en France, avec des sorties sur une large combinaison de plus d’une centaine d’écrans dans les multiplexes. Mais alors, que se passe-t-il quand un film de genre français arrive ? Un refus de la part de ces mêmes multiplexes. Aucune salle de cinéma ne veut programmer ce genre de film quand il est d’origine française. Evolution réalisé par Lucile Hadzihalilovic (récompensé aux festivals de San Sebastian, Stockholm, Gérardmer…) n’est par exemple sorti le 16 mars que dans 6 salles de cinéma sur tout le territoire français. Trop arty ? A la rentrée 2015, Enragés de Eric Hannezo sort dans 151 salles grâce à son casting (avec Guillaume Gouix, Lambert Wilson, Virginie Ledoyen, Franck Gastambide pour un remake d’un film de Mario Bava), mais c’est un échec avec 48 700 entrées. Pourtant en Espagne les spectateurs font un succès à leur marché local fantastique en espagnol comme L’orphelinat, Rec, Les yeux de Julia, Ouvre les yeux, Les proies, Le labyrinthe de Pan, Cellule 211, Malveillance, Insensibles, Mama, Ghost graduation, Les Sorcières de Zugarramurdi, Musaranas

Retour sur une disparition du cinéma de genre français du grand écran en 10 dates


31 janvier 2001 : sortie au cinéma du nouveau film de Christophe Gans Le Pacte des loups, succès en France et aussi à l’international… Le cinéma de genre à grand spectacle qui exploite le patrimoine français est alors à son meilleur. En 2004 ni Arsène Lupin avec Romain Duris ni Immortel (ad vitam) de Enki Bilal ne parviendront à la même qualité, en 2010 il y aura quand-même Les aventures extraordinaires de Adèle Blanc-Sec par Luc Besson.

18 juin 2003 : sortie du second film de Alexandre Aja Haute tension, tellement réussi que le Français va contribuer à redéfinir des nouveaux standards de films d’horreur aux USA avec ensuite les remakes La colline a des yeux, Piranha 3D, Maniac

11 février 2004 : sortie de Blueberry de Jan Kounen. Emmener Vincent Cassel dans un western chamanique avec Michael Madsen et Juliette Lewis en étant inspiré par le personnage de bd de Giraud et Charlier, voila tout à fait le genre de gros projet français qu’il ne semble plus du tout possible de mettre sur pied aujourd’hui, d’ailleurs tout comme le Dobermann de Kounen en 1997…

10 novembre 2004 : sortie en salles de Banlieue 13 de Pierre Morel, où comment Luc Besson a su recycler les Yamakazi adeptes du Parkour en une nouvelle forme de film d’action. Les cascadeurs sont aussi les acteurs, il y aura plusieurs suites Banlieue 13 Ultimatum et Brick Mansions aux Etats-Unis. Europa Corp sous l’égide Luc Besson concentre d’ailleurs pendant quelques années beaucoup de films de genre distribués en France avec succès, et produits dès l’origine avec une ambition d’exportation pour le marché international : Le Transporteur et Danny the dog de Louis Leterrier, Taken de Pierre Morel… Le style des poursuites et des combats façon Parkour se retrouvera plus tard en ouverture du James Bond Casino Royale, aussi dans Die Hard 4 ou Jason Bourne l’héritage

23 janvier 2008 : sortie tardive enfin du Frontière(s) de Xavier Gens pourtant tourné en 2006, une sortie qui arrive via Europa Corp/Luc Besson qui entre-temps l’avait engagé pour filmer Hitman… Déjà l’interdiction aux moins de 16 ans fait grincer des dents. Frontière(s) rencontre peu de spectateurs en salles mais beaucoup plus en dvd, et surtout ça va devenir un véritable petit succès inattendu aux Etats-Unis et ailleurs. Xavier Gens va ensuite réaliser son meilleur film et un des plus éprouvants survival avec The Divide aux Etats-Unis en 2011 : aucune sortie salles française (trop violent ?), directement en dvd.

3 septembre 2008 : sortie chahutée avec une menace d’interdiction pour Martyrs de Pascal Laugier, il y a débat sur une interdiction aux moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans… Pascal Laugier s’impose lui aussi comme l’un des meilleurs réalisateurs de genre français avec déjà en 2004 Saint Ange (à la hauteur du fantastique espagnol) puis plus tard en 2012 avec The Secret aux Etats-Unis. Résultat : Laugier, Gens, Aja se sont exportés vers les USA pour continuer de travailler…

27 février 2014 : sortie du dyptique Goal of the dead, en deux parties co-réalisé par Benjamin Rocher (déjà co-réalisateur de La Horde) et Thierry Poiraud, avec un nouveau dispositif : pas une sortie nationale mais dans certaines salles des séances événementielles des deux films avec entracte (environ 2h30) et la présence d’une partie de l’équipe à la plupart des séances à Paris puis ensuite en province (Angoulême, Lyon, Nice, Dijon, Avignon, Strasbourg, Bordeaux, Nantes…) durant plusieurs semaines, avant une sortie en dvd en juin 2014.

1er octobre 2015 : sortie en vod de Dealer de Jean-Luc Herbulot avec Dan Bronchinson (et quasiment auto-produit par lui). Trop original dans le paysage cinématographique français (et un certain degré de violence), le film sort directement sur plusieurs plateformes vod puis Netflix : il est disponible dans 72 pays en janvier 2016.

16 mars 2016 : sortie de Evolution réalisé par Lucile Hadzihalilovic dans 6 salles en France. Divers appels à des débats sur la production indépendante et la diversité dans les salles de cinéma sont lancés,comme par exemple le sujet de la SRF (Société des Réalisateurs de Films) sur l’exploitation des films en salles qui dysfonctionne : « surexposition de certains films au détriment de tous les autres, accélération de la rotation des films, augmentation exponentielle des coûts de promotion, difficulté d’accès des salles art et essai à certaines œuvres… ». La question est vaste, et la problématique de l'accès aux salles en cas d'interdiction aux moins de 16 ans n'arrange rien.

1er avril 2016 : sortie directement en vod de Alone (le nouveau titre de Don’t grow up, primé au festival fantastique de Paris en novembre) réalisé par Thierry Poiraud (puis en dvd le 8 avril), tourné directement en langue anglaise pour une meilleure circulation du film à l’international. Pourtant, il ne bénéficiera malheureusement pas d'une sortie en salles en France.

PIFFF 2015 : Oeil d’Or pour Don’t grow up de Thierry Poiraud

Posté par kristofy, le 23 novembre 2015

La cinquième édition du Paris International Fantastic Film Festival, le PIFFF, s'est déroulée au Grand Rex du 17 au 22 novembre : le festival avait en effet été maintenu malgré les attentats de Paris quelques jours auparavant.

Les films de genre fantastique avaient déjà un festival à Gérardmer et à Strasbourg, et pour Paris L'Etrange Festival mais en 2011 avait été lancé la première édition du PIFFF. Le festival a précédemment récompensé Bellflower et Masks de Andreas Marschall, The Body de Oriol Paulo et Citadel de Ciaran Foy en 2012, Cheap thrills et L'Etrange couleur des larmes de ton corps en 2013, Spring de Justin Benson and Aaron Moorhead et Alleluia en 2014.

Cette année le PIFFF n'a plus de jury international prestigieux (Jaume Balaguero, Christophe Gans, Roger Avary, Lucile Hadzihalilovic en 2011) mais il s'est trouvé un nouveaux lieu avec Le Grand Rex (à la place du Gaumont Opéra), et les fans étaient bien au rendez-vous (malgré l'actualité dramatique) avec 8800 tickets vendus. « Cette cinquième édition est donc celle de la double affirmation : affirmation d'un amour immuable pour un genre encore aujourd'hui mal cerné alors qu'il irrigue la production à un niveau assez dément ; affirmation d'un désir gourmand... »

La programmation était d'ailleurs riche de films très attendus : Evolution de Lucile Hadzihalilovic, The Survivalist de Stephen Fingleton (une interview à retrouver ici), Don't Grow Up de Thierry Poiraud, The Virgin Psychics de Sono Sion, le film d'animation Le Garçon et la Bête de Mamoru Hosoda, Scream Girl en ouverture (disponible en vod depuis le 18 novembre) et Green Room de Jeremy Saulnier en clôture (après Cannes et Deauville)...

Cocorico, le palmarès cite les deux films français les plus mystérieux du moment, Don't Grow Up et Evolution :

Oeil d'Or du Public - long-métrage : Don't Grow Up de Thierry Poiraud (son nouveau film après la réussite de Goal of the dead, sortie prévue printemps 2016)
Oeil d'or du Public - court-métrage français : Of men and mice de Gonzague Legout
Prix du Public - court-métrage international : L'ours noir de Xavier Séron et Méryl Fortunat-Rossi (on espère que le premier long-métrage de Xavier Séron Je me tue à le dire avec Jean-Jacques Rausin sortira un jour en France...)
Prix du jury des courts-métrages français : Phantasms of the living de Jean-Sébastien Bernard, mention spéciale pour L'appel de Alban Ravassard
Prix spécial Ciné+ Frisson - long-métrage : Evolution de Lucile Hadzihalilovic (déjà Prix spécial du jury et prix de la meilleure photographie au Festival de San Sebastian, sortie le 16 mars prochain)
Prix spécial Ciné+ Frisson - court-métrage : Juliet de Marc-Henri Boulier

San Sebastian 2015: Runar Runarsson, Lucile Hadzihalilovic, Joachim Lafosse et les frères Larrieu au palmarès

Posté par vincy, le 27 septembre 2015

Le film islandais Sparrows de Runar Runarsson a remporté la Coquille d'or du meilleur film au Festival international du film de San Sebastian. Le deuxième long métrage du cinéaste (Volcano, son premier film, avait été présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2011), a remporté les faveurs d'un jury présidé par l'actrice Paprika Steen qui a fait la part belle au cinéma francophone.

Ainsi Evolution de Lucile Hadzihalilovic a été distingué par un Prix spécial du jury et le prix de la meilleure photographie ; Joachim Lafosse a récolté la Coquille d'argent du meilleur réalisateur pour Les chevaliers blancs ; et 21 nuits avec Pattie, le nouveau film des frères Larrieu, est reparti avec le prix du meilleur scénario. Il faut ajouter le prix du meilleur nouveau réalisateur pour Rudi Rosenbeg avec Le nouveau.

Comme à Berlin, Cannes et Venise, le cinéma latino-américain a fait une razzia dans le palmarès, tous prix confondus. Paulina de l'argentin Santiago Mitre a ainsi reçu le prix jeunesse, le prix Horizontes et le Prix TVE "Another Look". Pour son film El Apostata, l'uruguayen Federico Veiroj a été récompensé d'une mention spéciale du jury et du Prix Fipresci de la critique internationale. Le chilien Sebastian Brahm avec La vie sexuelle des plantes a reçu l'une des mentions spéciales dans la catégorie prix du nouveau réalisateur. Lion d'or à Venise, Desde Alla, du vénézuélien Lorenzo Vigas, a aussi été eut les honneurs d'une mention spéciale dans le palmarès du Prix Horizontes, tout comme le mexicain Julio Hernandez Cordon pour Je te promets l'anarchie. Caméra d'or à Cannes, La tierra y la sombra du colombien César Augusto Acevedo a rajouté dans sa liste de prix glanés sur la Croisette celui de la Coopération espagnole.

Parlant d'Espagne, le cinéma du pays n'était pas absent. Les prix d'interprétation ont été squattés par les films espagnols. La cubaine Yordnaka Ariosa a été élue meilleure actrice pour son rôle dans El Rey de la Habana d'Agusti Villaronga. Côté acteurs, le prix a été partagé entre l'espagnol Javier Camara et l'argentin Ricardo Darin pour leur duo dans Truman, mélo sur fond d'amitié et de maladie, du catalan Cesc Gay. Truman a aussi gagné le prix Zinemaldia Feroz.

Les deux prix du public se sont partagés entre deux films en compétition à Cannes: le japonais Notre petite soeur d'Hizokazu Kore-eda a reçu le plus de suffrages et Mountains May depart du chinois Jia Zhang-ke a été choisi en tant que film européen (c'est une coproduction française).

Enfin, le film américain de Peter Sollett, Freeheld, avec Julianne Moore et Ellen Page, a été deux fois récompensé: le prix de la Solidarité et le Prix Sebastiane, qui récompense un film défendant ou reflétant les valeurs LGBT.

Cette année, le Festival de San Sebastien a également honoré l'actrice britannique Emily Watson d'un prix Donastia pour l'ensemble de sa carrière.

Toronto 2015 dévoile Platform, sa première section compétitive, et complète sa sélection

Posté par MpM, le 15 août 2015

un français de diasteme

Pour la première fois cette année, le festival de Toronto qui fête son 40e anniversaire proposera une section compétitive intitulée Platform. Elle comporte douze longs métrages dont deux films français (Un Français de Diastème, notre photo, et Bang gang d’Eva Husson ) et deux coproductions (The White Knights de Joachim Lafosse et Sky de Fabienne Berthaud). On retrouve également le nouveau film de Pablo Trapero, El clan, et celui de Ben Wheatley, High-rise, également présenté à San Sebastian.

"Nous avons créé cette nouvelle section afin de pouvoir concentrer ce focus sur un cinéma artistiquement ambitieux pour notre 40e année et nous sommes ravis de pouvoir mettre l’accent sur ces 12 brillants réalisateurs", a expliqué Piers Handling, directeur et Pdg du TIFF. "Ce sont d’importantes forces créatives : la nouvelle génération de maître du cinéma dont la vision personnelle va captiver le public mais aussi l’industrie et les médias du monde entier."

Le jury international composé de Jia Zhang-Ke, Claire Denis et Agnieszka Holland remettra le 20 septembre le prix Platform Toronto d’une valeur de 25 000 CAD (environ 17 200 €).

Par ailleurs, Toronto a complété sa sélection avec les sections Midnight madness et Avant-gardes qui mettent en avant des films d’horreur ou de genre. Parmi les œuvres sélectionnées, on retrouve le controversé Love de Gaspar Noe ainsi que les nouveaux films de Jeremy Saulnier (présenté à Cannes), Takashi Miike (idem) et Lucile Hadžihalilovi? (en compétition à San Sebastian).

Ont également été annoncés les documentaires et films du patrimoine retenus, ainsi que le Masters programme qui réunit les grands noms du cinéma mondial, dont une forte proportion de cinéastes asiatiques (Hou Hsiao-Hsien, Apichatpong Weerasethakul, Jafar Panahi, Hirokazu Kore-eda, Hong Sang-soo...)

Fin juillet, le festival avait divulgué les films de gala et les projections spéciales.

Les films sélectionnés pour le prix Platform Toronto

- Bang gang d’Eva Husson (France)
- El clan de Pablo Trapero (Argentine/Espagne)
- Un Français de Diastème (France)
- Full Contact de David Verbeek (Pays-Bas, Croatie)
- High-Rise de Ben Wheatley (Royaume-Uni)
- Hurt d’Alan Zweig (Canada)
- Looking for Grace de Sue Brooks (Australie)
- Neon Bull de Gabriel Mascaro (Brésil/Uruguay/Pays-Bas)
- Sky de Fabienne Berthaud (France/Allemagne)
- The Promised Land de He Ping (Chine)
- The White Knights de Joachim Lafosse (France/Belgique)
- Land of Mine de Martin Zandvliet (Danemark/Allemagne)

Midnight Madness

- The Devil’s Candy de Sean Byrne (États-Unis)
- Baskin de Can Evrenol (Turquie)
- The Girl in the Photographs de Nick Simon (États-Unis)

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San Sebastian 2015 : les frères Larrieu et Lucile Hadzihalilovic en compétition

Posté par MpM, le 11 août 2015

san sebastian 2015Le festival de San Sebastian qui se tiendra du 18 au 26 septembre dévoile au compte-gouttes la programmation de sa 63e édition.

Après une première salve fin juillet, qui comportait notamment les films de Marc Recha (Pau et son frère, C'est ici que je vis), Pablo Aguero (Salamandra) et Cesc Gay (Krampack, Les hommes ! De quoi parlent-ils ?), ce sont huit nouveaux films de la compétition qui viennent d'être annoncés.

Côté français, seront ainsi en lice les très attendus 21 Nuits Avec Pattie de Jean-Marie Larrieu et Arnaud Larrieu (avec notamment Isabelle Carré, Karin Viard, André Dussollier...) qui sort en France le 25 novembre et Evolution de Lucile Hadzihalilovic (avec Max Brebant et Julie-Marie Parmentier) qui n'a pas encore de date de sortie.

On retrouvera également les cinéastes britanniques Ben Wheatley (Kill list, Touristes) et Terence Davies (Chez les heureux du monde, The deep blue sea),  le réalisateur japonais de films d'animation Mamoru Hosoda (Les enfants loups Ame & Yuki, Summer wars) et même l'Espagnol Alex de la Iglesia (Balada tristeLes Sorcières de Zugarramurdi) sélectionné hors compétition.

Par ailleurs, la sélection Zabaltegi, qui met en avant le travail de réalisateurs réputés ainsi que des films primés dans divers festivals, réunit quant à elle les Français Simon Rouby et Jean-Gabriel Périot ainsi que Corneliu Porumboiu (Roumanie), Magnus Von Horn (Suède), Walter Salles (Brésil), Eric Khoo (Singapour) ou encore Alexander Sokourov (Russie).

L'an passé, San Sebastian avait notamment récompensé La nina de fuego de Carlos Vermut (qui sort ce mercredi sur les écrans français), Vie sauvage de Cédric Kahn et La isla minima d'Alberto Rodriguez, qui est encore en salles.

Films en compétition

21 Nuits Avec Pattie de Jean-Marie Larrieu et Arnaud Larrieu (France)
The Boy And The Beast (Bakemono No Ko) de Mamoru Hosoda (Japon)
Les Démons de Philippe Lesage (Canada)
Evolution de Lucile Hadzihalilovic (France, Belgique, Espagne)
High-Rise de Ben Wheatley (Royaume-Uni)
Moira de Levan Tutberidze (Géorgie)
Sparrows de Rúnar Rúnarsson (Islande, Danemark, Croatie)
Sunset Song de Terence Davies (Royaume-Uni, Luxembourg)
The Apostate de Federico Veiroj (Espagne, Uruguay, France)
Un dia perfecto para volar de Marc Recha (Espagne)
Eva no duerme de Pablo Aguero (Argentine, France, Espagne)
Amama (Amama: When a Tree Falls) d’Asier Aituna (Espagne)
El rey de la Habana d’Agusti Villaronga (Espagne, République Dominicaine)
Truman de Cesc Gay (Espagne, Argentine)

Film hors compétition

Mi gran noche d’Alex de la Iglesia (Espagne)

Projections spéciales

Lejos del mar d’Imanol Uribe (Espagne)
No estamos solos de Pere Joan Ventura (Espagne)

Sélection Zabaltegi

327 Cuadernos d’Andrés Di Tella (Argentine, Chili)
Adama de Simon Rouby (France)
Allende mi abuelo Allende de Marcia Tambuti (Chili)
Le trésor de Corneliu Porumboiu (Roumanie, France)
Counting de Jem Cohen (Etats-Unis)
The Here After de Magnus Von Horn (Pologne, Suède, France)
Francofonia d’Alexander Sokourov (France, Allemagne, Pays-Bas)
Heart of a Dog de Laurie Anderson (États-Unis)
In the Room d’Eric Khoo (Hongkong, Singapour)
Une jeunesse allemande de Jean-Gabriel Périot (France, Suisse, Allemagne)
Jia Zhang-Ke, Um homem de Fenyang de Walter Salles (Brésil)
Karatsi de Ivailo Hristov (Bulgarie)
Mariposa de Marco Berger (Argentine)
Montanha de João Salaviza (Portugal, France)
La montagne magique d’Anca Damian (Roumanie, France, Pologne)
Pisconautas d’Alberto Vázquez et Pedro Rivero (Espagne)
The Show of Shows: 100 Years of Vaudeville, Circuses and Carnivals de Benedikt Erlingsson (Islande, Royaume-Uni)
Swap de Remton Zuasola (Philippines)

10 films français qui pourraient créer la surprise cette année

Posté par kristofy, le 21 mars 2015

Le cinéma français est depuis quelques années porté par quelques films qui sont des succès immenses au box-office presque chaque année comme Bienvenue chez les Ch'tis, Intouchables, Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?, et désormais La famille Bélier avec 7 millions de spectateurs, sans compter les films de Luc Besson champions à l’international comme Taken 2, Lucy, et Taken 3 sur la même voie. En 2014 le film le plus rentable (nombre de spectateurs/budget) a été la comédie Babysitting : la suite se tourne déjà en ce moment au Brésil avec la même équipe (moins Gérard Jugnot, mais avec Christian Claivier) pour une date de sortie calée pour le 2 décembre.

Cette année 2015 sera ponctuée de rendez-vous réguliers entre comédies et drames de cinéastes déjà bien connus, pour en citer une quinzaine : Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud (le 25 février), Erran de Jacques Audiard, La tête haute d'Emmanuelle Bercot, Nos futurs de Rémi Bezançon, La Belle saison de Catherine Corsini, Nos Arcadies d'Arnaud Desplechin, L'ombre des femmes de Philippe Garrel, Une histoire de fou de Robert Guédiguian, Le Journal d'une femme de chambre de Benoît Jacquot (1er avril), Jamais de la vie de Pierre Jolivet (8 avril), Floride de Philippe Le Guay, Mon roi de Maïwenn, The Valley of love de Guillaume Nicloux, Belles familles de Jean-Paul Rappeneau (13 mai), La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil de Joann Sfar (22 avril)…

Cette bonne santé du cinéma français est à relativiser avec une baisse du nombre de films produits et aussi une baisse du devis moyen (en recul au niveau de 2010), et surtout des difficultés croissantes de distribution avec toujours des sorties en salles hebdomadaires toujours encombrées et la baisse du marché dvd/bluray.

Comme d’habitude, il y aura une grande disparité entre les gros films qui occuperont plus de 500 écrans pendant plusieurs semaines, et ceux qui seront vus dans moins d’une cinquantaine de villes et qui ne resteront à l’affiche que quelques jours avant d’être remplacés par une autre nouveauté…

C'est pourquoi nous vous proposons d'ores et déjà une sélection de 10 films français à attendre cette année 2015, en espérant la plus large exposition en salles possible pour eux. Il s’agit de premiers (ou seconds) long-métrages fragiles pour la plupart, avec souvent des acteurs qui ne sont pas forcément tête d’affiche bankable. On espère y voir d’aussi beaux films que Les combattants ou Party Girl, d’ailleurs certains seront à découvrir à Cannes… :

Les Ogres, réalisé par Léa Fehner : Son premier film Qu'un seul tienne et les autres suivront avait été à Venise avant de recevoir le prix Louis Delluc du meilleur premier film en 2009. Voici enfin son second film, avec Adèle Haenel, Marc Barbé et Lola Dueñas. On y verra les aventures d’une troupe théâtrale itinérante, inspirée en partie par celle fondé par le père de Léa Fehner.

Evolution, réalisé par Lucile Hadzihalilovic : Cela fait dix ans que l’on attend de revoir ses images dans un cinéma depuis Innocence. Elle a choisi d’ailleurs des actrices que l’on voudrait aussi revoir plus souvent : Julie-Marie Parmentier et Roxane Duran. On découvrira un village en bord de mer où le seul centre d'activité est l'hôpital. Là, tous les garçons du village font l'objet d'étranges expérimentations médicales qui cherchent à renverser les étapes de l'évolution...

Bang Gang, réalisé par Éva Husson : Premier long-métrage, après avoir été remarquée au Festival du moyen-métrage de Brive en 2013 avec Those For Whom It’s Always Complicated et la romance perturbée d’un trio dans le désert. Il sera question de découvertes adolescentes à Biarritz où la bombe du lycée, 16 ans, pour attirer l’attention d’un garçon va lancer un jeu collectif où bientôt tout les élèves vont découvrir, tester et repousser les limites de leur sexualité. Au milieu des scandales, des amours et de l'écroulement de leur système de valeurs, chacun gère cette période intense de manière radicalement différente. Au casting on retrouve la belle débutante Marilyn Lima, la jeune Daisy Broom (qui a grandi depuis Tel père, telle fille avec Vincent Elbaz) et Finnegan Oldfield (révélé par le court Ce n’est pas un film de cow-boys et qui depuis enchaine les tournages).

Demain, réalisé par Mélanie Laurent et Cyril Dion : Un documentaire filmé dans plusieurs pays (la France et l'île de la Réunion, le Danemark, la Finlande, l'Inde, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Suisse, la Suède et l'Islande…) alors que l’humanité est menacée par l’effondrement des écosystèmes, pour découvrir des expériences les plus abouties dans tous les domaines (agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie...) pour inspirer d’autres personnes pour le futur. Le film abordera les problématiques  de se nourrir, la transition énergétique, la monnaie, l’éducation… Une thématique écologiste qui est déjà soutenue par le public puisque une collecte de crowfunding a déjà apporté plus de 400 000 euros de soutien à la production du film.

Après la bataille, réalisé par Simon Leclère : Premier long-métrage prévu pour juin 2015 qui réunit deux des plus prometteuses révélations : Paul Bartel (vu dans Les geants, et nominé en 2014 pour le César du meilleur espoir masculin pour Les petits-princes) et Solène Rigot (vue dans 17 filles, et en 2014 dans les films Lulu femme nue, Tonnerre, La belle vie, et qui aurait mérité cette année un César du meilleur espoir féminin si le formidable Puppy Love déjà sorti en Belgique était aussi sorti en France…). Le jeune Pavel 18 ans travaille chez l'industriel local d’un village des bords de Loire, comme son père et son grand-père avant lui. Il en est convaincu qu’il épousera un jour Anja, son amie d'enfance, sa presque-soeur. Mais simultanément, il perd son travail à l'usine et voit Anja qui rêve d'émancipation s'éloigner peu à peu. Pavel va préférer s’effacer tout en s’impliquant dans une lutte sociale à l’usine…

L'Année prochaine, réalisé par Vania Leturcq : Un premier film dont la sortie est prévue pour le 24 juin, mais il a déjà été remarqué au Festivals de de Namur, à celui de Angers, et récompensé à Montréal. Clotilde rêve de quitter son village de province, et entraîne son amie de toujours, Aude. Leur amitié fusionnelle se fissurera dans Paris… Les deux héroïnes  Constance Rousseau (découverte dans Tout est pardonné) et Jena Thiam (passé de la série Les revenants à Claude Lelouch et Cédric Kahn) sont entourées de Kévin Azaïs (Les combattants), Julien Boisselier et Anouk Grinberg.

Love, réalisé par Gaspar Noé : Enter the Void en 2007 avait été un évènement resté plutôt confidentiel avec trop peu de spectateurs en salles. Love "célébrera le sexe de manière joyeuse, et donnera aux garçons la gaule et aux filles, l'envie de pleurer" avec l’histoire d'un garçon, d'une fille et d'une autre fille… Soit un excitant mélodrame sexuel attendu au prochain Festival de Cannes.

Antigang (The Squad), réalisé par Benjamin Rocher : Il a co-réalisé les films de genre la Horde et Goal of the dead, cette fois c’est seul derrière la caméra pour redonner ses lettres d’or au film policier. Il s’agit d’une relecture du polar anglais The Sweeney avec Ray Winstone où des flics ont des méthodes hors du cadre de la loi. Le héros sera Jean Reno, avec Alban Lenoir, Caterina Murino et Thierry Neuvic : sortie prévue le 19 août.

Maryland, réalisé par Alice Winocour : Après Augustine (Semaine de la critique Cannes en 2012), pour son second film elle réunit Matthias Schoenaerts, Diane Kruger et Paul Hamy. C’est l’histoire d’un ancien soldat souffrant d'un syndrome de stress post-traumatique et qui se retrouve chargé de la protection de la femme et de l'enfant d'un riche homme d'affaires libanais durant son absence...

La fille du patron, réalisé par Olivier Loustau : Premier film d’un acteur que l’on a pu voir dans différents seconds-rôles, cette fois il sera à la fois derrière la caméra comme réalisateur et co-scénariste et aussi devant dans un rôle principal. Avec lui il y aura Christa Théret et Florence Thomassin, et dans des seconds-rôles Lola Dueñas, Patrick Descamps, Stéphane Rideau, Vincent Martinez, Moussa Maaskri. Un chef d'atelier dans une usine textile est choisi comme ‘cobaye’ pour une jeune femme de 25 ans venue réaliser une étude ergonomique dans l'entreprise de son père, sous couvert d'anonymat. La fille du patron va tomber sous le charme de cet ouvrier discret amateur de rugby qui semble rêver d'une autre vie. Un soir, ils s'échappent tous les deux à moto…

La bouche de Jean-Pierre de Lucile Hadzihalilovic enfin en DVD

Posté par MpM, le 30 mars 2013

la bouche de jean-pierre dvdEn 1996, Lucile Hadzihalilovic achève son moyen métrage La bouche de Jean-Pierre après bien des difficultés financières. Quelques semaines plus tard, le film est présenté à Cannes, en section Un certain regard. Salué de toute part, il bénéficie d'une sortie en salles l'année suivante, reçoit le prix "très spécial" et devient surtout une référence pour toute une génération de cinéphiles et de jeunes cinéastes.

Aujourd'hui encore, on peut comprendre pourquoi cette œuvre intrigante et déroutante aux choix esthétiques affirmés (avec Gaspard Noé à la direction artistique, cela n'étonnera personne) a tant marqué les esprits. La bouche de Jean-Pierre se veut en effet un film "d'horreur sociale" où le climat anxiogène et menaçant prend le pas sur l'intrigue. A travers le regard de la petite héroïne, on découvre un monde oppressant où, sous des dehors souriants et polis, se côtoient la xénophobie, la malveillance et la médiocrité les plus communes.

Isolée dans cet univers très rapidement hostile (où chaque chose a une place, sauf elle), Mimi doit subir les manies et autres lubies de sa tante et de son petit ami. La petite fille, trop jeune pour se rebeller franchement, et sans nulle part où se réfugier, est comme prise dans un piège paradoxal, menacée par ceux-là mêmes qui prétendent la protéger.

Malgré le sujet presque naturaliste, le film a des accents fantastiques, renforcés par une mise en scène elliptique qui mêle gros plans très découpés et séquences à la limite de la fantasmagorie. Une maîtrise formelle et scénaristique qui annonçait dès 1996 les films à l'univers très personnel réalisés depuis par Lucile Hadzihalilovic et Gaspard Noé. Et qui donne aujourd'hui au film un relief supplémentaire.

Par chance, grâce à Badlands, tout jeune éditeur indépendant, La bouche de Jean-Pierre existe depuis peu en DVD, permettant à ceux qui ne le connaissent pas de le découvrir, et aux autres de le revoir dans une version de qualité. Badlands, qui se décline également sous la forme d'une société de production audiovisuelle dont les membres sont issus du webzine 1kult, a en effet bien fait les choses en proposant un DVD complet, supervisé par la réalisatrice elle-même, et comportant plusieurs bonus de nature à ravir les fans.

En plus du film, restauré à partir des éléments négatifs originaux, on trouve ainsi Les souvenirs de Jean-Pierre, qui réunit une partie de l'équipe du film plus de quinze ans après le tournage, Les amis de Jean-Pierre, documentaire passionnant sur l'influence qu'a eu La bouche de Jean-Pierre sur le travail de réalisateurs comme Christophe Gans, Nicolas Boukhrief ou Fabrice du Welz, le court métrage Good boys use condoms de Lucile Hadzihalilovic et un livret contenant le scénario original.

Un (bel) objet à recommander d'urgence à tous les amateurs de cinéma singulier et intelligent.