Dernière note pour le compositeur oscarisé Francis Lai (1932-2018)

Posté par vincy, le 7 novembre 2018

« Chabadabada, Chabadabada, Chabadabada... ». On connaît tous cet air d'Un homme et un femme, Palme d'or signée Claude Lelouch en 1966. Francis Lai était le "musicien" du cinéaste, avec qui il a eu une relation quasi exclusive ces 25 dernières années. Il est mort à l'âge de 86 ans ce mercredi 7 novembre.

Ce niçois a écrit pour Edith Piaf, Dalida, Petula Clark, Serge Reggiani, Mireille Mathieu, Juliette Gréco et Yves Montand (la fameuse Bicyclette.

En 1970, il reçoit l'Oscar et le Golden Globe de la meilleure musique de film pour l'énorme succès Love Story d'Arthur Hiller.

Honoré pour l'ensemble de son œuvre à Venise, Prix d'honneur pour l'ensemble de sa carrière aux World Soundtrack Awards, les César ne l'ont paradoxalement jamais récompensé. Plusieurs fois nommé, jamais vainqueur.

Il a aussi écrit pour Elton John, Charles Aznavour, Johnny Hallyday (L'Aventure c'est l'aventure), et Patricia Kaas.

Francis Lai, grand mélodiste et prince de l'épure, savait écrire des chansons et des airs entêtants. Son amour du piano et de l'accordéon ne l'empêchait pas de maîtriser admirablement les envolées à cordes plus symphoniques ou les ambiances un peu pop. Dans les années 80, il avait séduit des cinéastes aussi différents que Claude Zidi (Les Ripoux), Bertrand Blier (Trop belle pour toi) et Nikita Mikhalkov (Les yeux noirs). Il a aussi  composé pour les films de Christian-Jaque, René Clément, David Hamilton, Dino Risi, Yves Boisset, ou encore Henri Verneuil.

Festival Lumière: Carné et sa gueule d’atmosphère, Deneuve et son Cake d’amour, Tarantino et sa Love Story

Posté par Morgane, le 11 octobre 2016

En trois jours, le Festival Lumière a déjà offert un nombre impressionnant de films et d'échanges!

Carné et son Hôtel du Nord ouvrent le bal

Samedi 8 octobre à 11h avait lieu la toute première séance de cette 8ème édition à l'Institut Lumière en présence de Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier qui, n'ayant pu être là l'année dernière pour raisons de santé, fait son retour au Festival Lumière, notamment en présentant son documentaire Voyage à travers le cinéma français (3h12 d'anecdotes et d'extraits de films... notamment le film de Carné)

Véritable puits de science cinéphile, Tavernier a bien évidemment plusieurs anecdotes au sujet d'Hôtel du Nord qu'il se fait un plaisir de partager avec nous... Pour lui c'est certes un film célèbre mais qui n'a pas toujours été apprécié à sa juste valeur. Dans l'imaginaire commun (et même de ceux qui ne l'ont pas vu), Hôtel du Nord c'est en premier lieu sa fameuse réplique "Atmosphère, atmosphère mais est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère?" Il faut savoir que cette réplique est née d'un coup de sang de Henri Jeanson, co-scénariste du film avec Jean Aurenche, envers Marcel Carné. Tavernier la raconte très bien dans son documentaire. En effet, Jeanson était dans un état d'énervement contre Carné qui, au sujet des acteurs, lui disait toujours "fais-les marcher sur les pavés mouillés, ce sera bon pour l'atmosphère", "fais-leur faire ceci, ce sera bon pour l'atmosphère" etc... Comme quoi, une réplique devenue culte, ça ne tient pas à grand chose!
Bertrand Tavernier nous parle aussi d'Annabella (Renée dans le film) qui "a une grâce, une légèreté et une véritable façon de ne pas jouer qui est très moderne", la comparant finalement à Isabelle Huppert.
Et le cinéaste nous rappelle également que c'est un des rares films de l'époque (Hôtel du Nord dâte de 1938) qui évoque la guerre d'Espagne. Jeanson avait lui-même couvert la guerre d'Espagne avec Saint-Exupéry et était un homme engagé politiquement, condamné à plusieurs reprises pour anticolonialisme, incitation au meurtre, pacifisme et autre... C'est aussi Jeanson qui s'est battu pour imposer Arletty (Raymonde) et Louis Jouvet (M. Edmond), acteurs de théâtre, auprès de Marcel Carné, qui ne choisissait que des comédiens de cinéma. Enfin, Bertrand Tavernier termine ainsi: "Le travail de Carné est d'une force et d'une invention (17 jours de tournage seulement). Chaque plan est pensé, le découpage est d'une grande fluidité. Il ne savait peut-être pas travailler sur les scénarios mais il savait incarner le film dans la mise en scène!"

Les multiples facettes de Catherine Deneuve

Ce week-end j'ai également eu l'occasion de voir Catherine Deneuve, Prix Lumière 2016, dans deux rôles très différents: en vampire chez Tony Scott et en princesse chez Jacques Demy.
Les Prédateurs, film de 1983, plante le récit d'un couple de vampires interprétés par Catherine Deneuve et David Bowie. Elle, Miriam, est immortelle, mais son ami John est brutalement frappé de vieillissement accéléré. Roman de Whitley Strieber, Tony Scott en tire son premier long métrage qui sera présenté hors compétition à Cannes. Film très marqué eighties, Tony Scott vient du monde de la publicité et ça se voit. L'esthétique est très léchée et les costumes de Catherine Deneuve, dessinés spécialement par Yves Saint-Laurent, sont sublimes. La caméra flotte au gré des rideaux de cette immense maison qui semble hors de son temps et donne un caractère onirique au film dont on ne sait plus parfois s'il est un film ou un video-clip d'1h36. Les thèmes sont nombreux. Il y a bien sur celui du temps qui passe, de la quête éternelle de jeunesse, cette peur de vieillir et de mourir. Mais en filigrane c'est aussi un véritable film de son époque avec l'apparition du sida, cette médecine qui ne peut rien contre, et puis l'homosexualité féminine qui est assez peu représentée sur grand écran. Si ce film n'a pas reçu un bel accueil à sa sortie, il est finalement devenu un film emblématique de son temps, une sorte de référence ancrée dans son époque.

On change de registre avec Peau d'âne (1970). Sept ans après Les Parapluies de Cherbourg et trois ans après Les demoiselles de Rochefort, Catherine Deneuve signe de nouveau avec Jacques Demy pour leur troisième comédie musicale. Poétique, coloré (on voit du bleu Klein - des chevaux aux visages des serviteurs - dans tout le royaume), féérique, anachronique etc... les adjectifs sont fort nombreux et s'emmêlent pour décrire ce film atypique et hors du commun qui, 45 ans après, réussit encore à parler à tous. La magie opère aussi bien chez les bambins que chez les adultes chez qui il réveille leur âme d'enfant. Les décors et les costumes son splendides et d'une inventivité qui fait rêver tout un chacun. Gitt Magrini a ici réalisé un véritable travail de fée, notamment pour les trois robes couleur du Temps, de la Lune et du Soleil (celle couleur du Temps a été confectionnée dans une toile sur laquelle on projette, en 16mm, l’image mouvante d’un ciel bleu). Et que dire des chansons composées par Michel Legrand et écrites par Jacques Demy? Que ce soit celle du cake d'amour ou celle de la marraine la fée, elles nous trottent fort longtemps dans la tête. De ce film on retiendra un seul mot, MAGIE. Et il est certain que celle-ci opère dans cette belle adaptation du conte de Perrault.

Quand Tarantino vient nous parler de Love Story

Quentin Tarantino a donc proposé un cycle de ses films préférés de l'année 1970. Puis il a décidé d'établir ses quartiers à Lyon pour quelques jours pour notre plus grand plaisir. Et chaque jour c'est la petite surprise de savoir à quelle séance il sera. Dimanche il a présenté Hollywood Vixens de Russ Meyer et lundi soir il était à l'Institut Lumière pour la projection de Love Story d'Arthur Hiller. Jamais avare en discours, Tarantino nous parle du Nouvel Hollywood, du cinéma de genre qui a beaucoup influencé le reste du cinéma, du cinéma européen très populaire aux États-Unis en 1970-71-72. Puis vient la question de Thierry Frémaux, pourquoi Love Story? Car venant du réalisateur de Reservoir Dogs, Kill Bill, Boulevard de la mort, le choix peut sembler étonnant... "La réponse est simple, parce que j'aime ce film!". Mais on se doute bien que Tarantino ne va pas en rester là. Il nous explique alors qu'en 1970 c'était LE film le plus populaire et de loin! Son succès est basé sur quelque chose d'un peu particulier. "Erich Segal écrit le scenario puis fait un livre à partir du film. Étrangement la sortie du livre précède la sortie du film alors que le film a été réalisé avant l'écriture du roman. Toujours est-il que le roman est un succès phénoménal! Toutes les nanas entre 15 et 25 ans ont lu ce livre. Donc quand le film est sorti, toutes ces filles-là ont été le voir et ont emmené leurs fiancés avec elles d'où l'énorme succès du film..."

"Le cinéma de 1970 doit, certainement inconsciemment, s'affirmer pour passer d'une époque à une autre. 1970, c'est l'année où 3 films sur 4 se passent dans un campus et parlent de radicalisation politique. Alors certes Love Story se passe pour la moitié sur un campus mais c'est intéressant de voir à quel point ce film NE parle PAS de politique. Il est par cela totalement en dehors de l'esprit de l'époque."

Tarantino aime ce film également car "Ali McGraw (Jennifer Cavalleri), qui n'est certes pas une grande actrice, et Ryan O'Neal (Oliver Barret), qui n'est certes pas un grand acteur, ont ici une alchimie parfaite qui est une des raisons du succès de ce film. Arthur Hiller (le réalisateur) a compris cela très vite et les a filmés à l'européenne avec de grandes focales, peu de coupes et la technique du plan-séquence (ce que l'on retrouve dans Le Boucher de Claude Chabrol". Et justement le Charbol fait partie des films choisis par Tarantino pour sa rétrospective seventies.

Le réalisateur de « Love Story » Arthur Hiller est mort (1923-2016)

Posté par vincy, le 17 août 2016

Le réalisateur canadien Arthur Hiller, connu pour l'immense succès Love Story, est mort à l'âge de 92 ans. Né le 22 novembre 1923 à Edmonton (Alberta), cet ancien navigateur dans l'Armée de l'air canadienne durant la Seconde Guerre mondiale puis étudiant en psychologie à l'Université de Toronto a réalisé son premier film en 1957, The Careless Years, avec Dean Stockwell.

Ses premières armes, il les a faites à la télévision, avec des séries TV comme Alfred Hitchcock présente, Perry Mason, La famille Addams, et L'homme à la carabine.

Une filmographie très inégale

Il tourne beaucoup et varie les genres: film de guerre (Tobrouk, commando pour l'enfer, avec Rock Hudson), biopic (The Babe, avec John Goodman), drame psychologique (Making Love), comédie musicale (L'homme de la Manche, avec Peter O'Toole et Sophia Loren), comédie (Les Jeux de l'amour et de la guerre, avec James Garner et Julie Andrews, Escapade à New York, avec Jack Lemmon, Plaza Suite, avec Walter Matthau, Transamerica Express, avec Gene Wilder, Ne tirez pas sur le dentiste, avec Peter Falk) ou encore mise en abyme du métier (Avec les compliments de l'auteur, avec Al Pacino).

Entre deux succès, Escapade à New York et Plaza Suite, deux films se sont distingués dans sa carrière: L'Hôpital, avec George C. Scott et Diana Rigg, Oscar du meilleur scénario, et Love Story. Un grand chelem durant quatre ans.

Love Story c'est cinq Golden Gobes, un Oscar pour six nominations et surtout 106 millions de dollars de recettes (l'équivalent de 600 millions de dollars aujourd'hui), soit l'un des 40 plus grands succès du box office américain. Le mélo est un phénomène. C'est le film le plus vu de l'année 1971.

Un fiasco industriel

L'avant-dernier film qu'il réalise pour le cinéma (on passe sous silence Pucked, en 2006, avec Jon Bon Jovi), en 1998, est en revanche un accident industriel. An Alan Smithee Film est réalisé sous le pseudonyme utilisé par un réalisateur voulant renier son œuvre et met en scène un réalisateur anglais nommé Alan Smithee qui doit mettre en scène Trio, un film d'action à gros budget avec notamment Sylvester Stallone, Whoopi Goldberg et Jackie Chan.

Ironiquement, Hiller avait été Président de la Directors Guild of America durant quatre ans puis Président de l'Académie des Oscars juste avant le tournage de ce film qui n'apparaît plus dans sa filmographie. Après cet épisode, il avait préféré devenir discret, sans doute un peu fâché qu'on ait maltraité un si loyal serviteur de manière aussi brusque.