Et si on regardait… les courts de Manifest

Posté par kristofy, le 15 avril 2020

Manifest est née de la volonté de trois sociétés de production (Les Fées Productions, Offshore, Filmo), rejoint plus tard par 5A7 Films, Plus de Prod & Méroé Films, de mutualiser leurs compétences afin de valoriser la diffusion en festivals et l’exploitation en France et à l’international de leurs films de courts métrages.

Plus d'une trentaine de courts métrages sont à découvrir gratuitement en ligne.

Voici un programme spécial quarantaine pour les jours à venir (il en reste beaucoup). Pour une durée limitée, le meilleur de leur catalogue est à visionner en ligne gratuitement, sur leur chaîne Vimeo.

Des court-métrages réalisés par nos talentueux réalisateurs tels que Arthur Cahn, Sylvain Robineau, Stéphane Ly-Cuong, Maud Garnier, Axel Courtière, Terence Nance, Sarah Arnold, Manon Coubia, Fabien Ara, Valérie Leroy ou Thomas Petit…

En voici trois à découvrir.

Il était une fois mon prince viendra de Lola Naymark
avec Nina Meurisse, Bastien Bouillon, Jacques Boudet
Luna, 27 ans, rêve du prince charmant et de la vie de château depuis l’arrière boutique de la boulangerie où elle travaille. Dans la même journée, son chemin va croiser une poubelle plein de billets et un jeune homme qui bégaie. Que faire de nos rêves d’enfants quand on a bientôt trente ans ?

Laissez-moi danser de Valérie Leroy
Nomination au César du meilleur court métrage
Mylène, 45 ans, est femme de ménage sur un ferry. Ce soir ses collègues lui ont organisée une fête surprise pour son anniversaire. Mais sur l’enveloppe qu’on lui tend, il y a l’ancien prénom de Mylène, son prénom d’homme, son ancienne vie. Qui peut vouloir trahir sa transidentité? Dans la clameur de la fête où commence à gronder les revendications sociales de ces femmes exploitées, Mylène va devoir enquêter

Solo Rex de François Bierry
Festival International du Film d’Amour de Mons - Prix du Meilleur Court Métrage International
avec Wim Willaert, Lucas Moreau, Garance Marillier
Érik est un bûcheron solitaire. Kevin est un jeune conducteur de la fanfare cycliste du village. Érik ne sort jamais sans sa vieille jument. Kevin a le béguin pour la clarinettiste. Ils devront apprendre à deux.

Venise 2019 : Gloria Mundi, de Robert Guédiguian, avec sa troupe

Posté par kristofy, le 5 septembre 2019

Avec un discours marqué à gauche, constatant que les nobles idéaux se plient de plus en plus à une fatalité économique, Robert Guédiguian est devenu un réalisateur emblématique d'un certain cinéma français La plupart de ses films ont pour décor Marseille, ce qui permet d'en faire une œuvre presque ethnographique et même "éthologique" : la cité phocéenne devenant peut-être de plus en plus excluante. Pour son 21e film, il est toujours entouré de sa fidèle troupe d’amis - acteurs. Une fidélité qui nous rend attachant et familier les histoires pourtant bien différentes (Guédiguian navigue de l'historique au romanesque, de la comédie sociale au polar). Le temps des films porteurs d’espoir semble terminé chez lui. Il a d’ailleurs déjà fait le bilan avec son précédent La Villa où le capitalisme et l’individualisme, valeurs régnantes du présent, gagnent sur l’idéal de fraternité et de solidarité du passé. Robert Guédiguian continue cette réflexion avec Gloria Mundi.

Le pitch: Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria. Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie… En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.

Le film s’ouvre avec la naissance d’un bébé, comme une nouvelle venue au monde à découvrir. Si l’espoir va quitter ses personnages, il en reste encore un peu chez Robert Guédiguian. Ce nouveau film évoque une jeune génération qui renonce à tout ce que celle d’avant voulait éviter. Le constat est difficile mais terriblement contemporain. Jean-Pierre Darroussin est chauffeur de bus de la ville (au service de la communauté) et son épouse Ariane Ascaride est femme de ménage surtout la nuit (exploitée par le grand capital). Le couple représente en apparence les idéalistes habituels du cinéma de Guédiguian : pourtant, ils ont baissé les bras, il faut laisser faire et laisser dire sans s’engager ni protester, jusqu'à refuser de faire grève. Chez leurs enfants, on voit deux couples antagonistes : Anaïs  Demoustier et Robinson Stévenin sont des travailleurs précaires en difficulté financière (chauffeur Uber avec un crédit et trop d’heures à faire, vendeuse à l’essai dans une boutique) ; Lola Naymark et Grégoire Leprince-Ringuet sont gérant d’un magasin qui s’enrichit de la misère des gens (rachat d’objets d’occasion à bas prix pour les revendre beaucoup plus chers). Les catastrophes vont s’enchainer pour le couple Demoustier-Stévenin (comme dans le dernier Ken Loach, Sorry We Missed You) au point de se perdre dans leurs galères.

Avec Gloria Mundi, Robert Guédiguian se fait encore et toujours observateur des travers de notre société. Ici, la violence du monde du travail (précarité, pénibilité…) induit une certaine violence des rapports humains (agression, prostitution…). La titre du film plus complet dans son générique est ‘sic transit gloria mundi’, soit ‘ainsi passe la gloire du monde’ en latin pour prévenir de se garder de tout orgueil ou vanité. Le film résonne comme une fable sombre avec une tendance à la disparition des valeurs solidarité-égalité-fraternité. Le cinéaste tend un miroir de notre présent... Et en conférence de presse, la troupe semble aussi désespérée...

Robert Guédiguian : On vit une époque de grande régression. Il s’agit non pas de condamner ces personnages mais de condamner la société qui les produit. Je n’oppose pas tant que ça les jeunes aux plus anciens. Il faut décrire le monde comme il est, et comme il pourrait être. Je pense que les choses peuvent changer.

Jean-Pierre Darroussin : On est la génération qui était jeune dans les années 70, avec un désir de changer le monde comme pour celle d’aujourd’hui. Nous, ça nous paraissait possible que les choses puissent changer.

Gérard Meylan : C’est un constat d’échec, la société a fait faillite. Dans une famille chacun tire la couverture à soi.

darroussin meylan

Ariane Ascaride : On interprète des personnages qui ne croient plus en la politique. Aujourd’hui beaucoup de gens se disent que droite ou gauche c’est pareil. La classe populaire ou ouvrière n’est plus dans la vie mais dans la survie, car il faut tenir et la vie est difficile. On revient à des attitudes primaires, à ‘moi d’abord’.

Grégoire Leprince-Ringuet : Le film encourage la jeune génération à comprendre qu’on est ensemble, et pas tout seul.

Le film sera sur les écrans français le 27 novembre.