Ceci n’est pas une pipe ou comment Jacques Tati a retrouvé sa dignité

Posté par vincy, le 20 janvier 2011

De la clope de Gainsbourg (voir actualité du 23 novembre 2009) à la cigarette chic de Coco Chanel (voir actualité du 22 avril 2009), en passant par la polémique "nationale" sur l'affiche de l'exposition Jacques Tati (voir actualité du 17 avril 2009), le tabac a subit les foudres de la censure publicitaire ces derniers mois. Et bien bonne (?) nouvelle, Jacques Tati pourra toujours fumer sa pipe puisque les députés, qui n'ont sans doute que ça à faire de régler le zèle des propriétaires d'espaces publicitaires, ont décidé,hier  en commission, d'exclure le patrimoine culturel d'une application trop littérale de la loi Evin interdisant toute propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac.

Un vote à la quasi-unanimité d'une proposition de loi de Didier Mathus et du groupe SRC (Socialistes, radicaux et citoyens) visant à "adopter une approche plus souple" de l'application de la loi Evin "afin de concilier les exigences de la loi votée le 10 janvier 1991 avec la protection de la culture".

"Au-delà de la publicité sur le tabac", "ce sont les oeuvres culturelles qui ont été remises en cause", a-t-il noté.

"Les falsifications de l'histoire, la censure des oeuvres de l'esprit, la dénégation du réel (...) doivent rester la marque infamante des régimes totalitaires", note dans son rapport la proposition de Loi.

Seul à s'abstenir, l'UMP Jacques Grosperrin avait, en vain, cherché à convaincre ses collègues que les ministères de la Santé et de la Culture s'étaient engagés à prendre des positions fermes sur le sujet.

Pourtant une petite pipe n'a jamais fait de mal à personne, non?

Gainsbourg censuré : fume du Belge et la moquette avec !

Posté par benoit, le 23 novembre 2009

Gainsbourg, vie héroïqueQuel est le point commun entre André Malraux, Jean-Paul Sartre, Lucky Luke, Jacques Tati, Coco Chanel/Audrey Tautou, Serge Gainsbourg/Eric Elmosnino ?... Tous, sur des visuels vantant leur personnalité, ont été amputés de leur objet de fumaille.

En 1995, André Malraux voit sa cigarette disparaître de son bec sur un timbre poste. En 2005, exit la sèche de Jean-Paul Sartre sur l’affiche de l’exposition à la Bibliothèque Nationale de France. En 2008, celle de Jacques Tati à la Cinémathèque casse sa pipe au profit d’un tourniquet qui rit tout jaune en prenant une allure sinistre de jour de fête.
La débilité du consensualisme ambiant ne s’arrête pas là. Elle éradique aussi la tige des êtres fictifs. Dans ses BD, Lucky Luke a les poumons sains puisqu’il a lâché son sempiternel mégot au profit d’un … brin d'herbe !

Telle hier la clope de Coco avant Chanel de Anne Fontaine, c’est au tour des volutes de fumée de Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar de quitter l’affiche. Début 2010, elles s’évaporeront si bien dans les airs (purs, bien sûr !) que nul ne les verra dans les couloirs de métro. Condamné par la régie publicitaire de la RATP, au nom du respect de la loi Evin contre le tabac, Gainsbarre le Dieu fumeur de Gitanes, n’est pas près de griller une brune en la voyant briller au fond de ses yeux, nom de Dieu !

Pendant longtemps, j’ose confesser que j’ai mis ma santé en péril en fumant au minimum deux paquets de cibiches par jour. Grand adepte de la succion, je ne cessais de tirer ma clope et avalait la fumée profond, très profond. Le non-fumeur était alors - à tort ! - considéré comme un pisse-froid et un rabat-joie. Pour les besoins d’un film, j’ai cessé mon vice à l’entrée du XXIe siècle.

Grand bien m’a pris ! J’ai évité de justesse le tsunami cleano-écolo-Hulot qui stigmatise et traque le pollueur tabagique. Race à proscrire de l’humanité, le fumeur est à présent relégué sur les balcons dans les dîners, expulsé des restaurants et des cafés, parqué sur les trottoirs, exposé aux frimas en espérant que le virus h1N1 n’en fasse qu’une bouffée. Euh, pardon… une bouchée !

Attention, messieurs les censeurs et les biens pensants ! Savez-vous que le mieux  s’acoquine souvent avec l’ennemi du bien ? Savez-vous qu’en gommant l’existence du vice à la face du monde, vous exciter la turgescence de l’interdit ?

J’en suis la preuve vivante. À cause d’une éducation judéo-crétine, j’affectionne le désordre. J’aime le mélange un peu crade des couleurs et des odeurs. J’adore les bouts qui dépassent et les tiges qui crachent. Oups, j’en ai peut-être trop dit… Allez, comme je suis brave fille, je vous laisse le droit d’effacer tout ce qui fait tache. Moi, je vais fumer du Belge et la moquette avec !

Jacques Tati privé de sa célèbre pipe

Posté par MpM, le 17 avril 2009

tati1.jpgtati2.jpg

Ca commence à devenir une habitude ! Après entre autres Jean-Paul Sartre et André Malraux, c'est au tour de Jacques Tati d'être victime d'une application bête et méchante de la fameuse Loi Evin contre le tabac. Le célèbre réalisateur, qui fait l'objet d'une exposition à la Cinémathèque française, s'affiche dans les couloirs du métro parisien avec, en lieu et place de sa célèbre pipe, un jouet pour enfant ! Propagande ambulante pour le tabac, Monsieur Hulot ? Déjà, dans les films, sa pipe n'était jamais vraiment allumée : comment savoir si l'on n'avait pas tout simplement affaire à un ancien fumeur ayant gardé l'habitude de l'objet plus que du produit lui-même ? Et puis Monsieur Hulot se déplace en solex, ce qui en fait un modèle de vie saine et sportive !

Non, décidément, les "censeurs" (les services juridiques de la Ratp) sont allés trop loin dans l'application du sacro-saint principe de précaution. Claude Evin, auteur de la fameuse loi contraignant la publicité sur le tabac, a déclaré que cette polémique était "ridicule" sur France Info : "L'objet de la loi de santé publique que j'ai fait adopter, c'est d'interdire la propagande et la publicité directe et indirecte". Dans ce cas, "on n'est pas dans cette situation de publicité indirecte, il s'agit d'un patrimoine culturel qui s'inscrit dans notre culture cinématographique". En outre, "la cinémathèque n'a aucun lien avec une industrie du tabac".

Laquelle Cinémathèque a d'ailleurs de son côté refusé toute réécriture de l'histoire : puisque Monsieur Hulot ne se sépare jamais de sa pipe, hors de question de la gommer ou de la remplacer par quoi que ce soit d'autre sur le matériel promotionnel ou le catalogue. De toute façon, au milieu de l'exposition traîne une immense pipe... inratable.

A priori, l'affiche qui annonce le retour du personnage sur nos écrans (Les vacances de Monsieur Hulot resort en version restaurée le 1er juillet prochain) devrait suivre le même chemin. Ouf ! On se demande toutefois ce qui aurait le plus surpris Jacques Tati lui-même : qu'on l'ampute de ce symbole hulotien ou que sa pipe devienne le symbole du combat contre le politiquement correct ?