Le coming-out trans d’Elliot Page ravive les questions sur la représentation des LGBT+

Posté par wyzman, le 6 décembre 2020

Outre le retour dans les charts du tube de Mariah Carey « All I Want for Christmas », ce 1er décembre aura été marqué par le coming-out de l’acteur : il est trans, non-binaire (il ne se définit ni comme un homme ni comme une femme), s’appelle Elliot et ses pronoms sont « il » et « iel ».

Un coming-out révélateur

Sur ses différents comptes sur les réseaux sociaux, le Canadien de 33 ans écrit ainsi : « Salut les amis, je veux partager avec vous que je suis trans, mes pronoms sont il/iel et mon nom est Elliot. Je me sens chanceux d'écrire cela. D'être ici. D'être arrivé à cet endroit dans ma vie. Je ressens une immense gratitude pour les personnes incroyables qui m'ont soutenu tout au long de ce voyage. Je ne peux pas commencer à exprimer à quel point il est remarquable d'aimer enfin qui je suis assez pour poursuivre mon authentique moi. J'ai été sans cesse inspiré par tant de personnes de la communauté trans. Je vous remercie pour votre courage, votre générosité et votre travail incessant pour faire de ce monde un endroit plus inclusif et plus compatissant. Je vous apporterai tout le soutien possible et continuerai à lutter pour une société plus aimante et plus égalitaire. »

Et si cette annonce a fait l’effet d’une bombe, c’est sans doute parce que personne ne s’y attendait. L’acteur révélé par Hard Candy de David Slade (2005) et Juno de Jason Reitman (2007) est depuis cette année-là un talent à suivre de près. Jusqu’en 2014, il a alterné blockbusters et films indépendants (presque) oscarisables : la saga X-Men, Bliss de Drew Barrymore, Inception de Christopher Nolan, To Rome with Love de Woody Allen, etc. Mais c’est suite à un premier coming-out survenu en 2014 que le comédien est devenu l’icône de toute une génération fière de sa sexualité et de son identité et disposant d’une meilleure représentation que ses aînées. Du moins c’est ce que l’on croit sur le papier.

Après des projets indépendants au succès relatif (Freeheld, Into the Forest, Tallulah, My Days of Mercy, The Cured, Flatliners), Elliot Page trouve stabilité et sérénité du côté du petit écran. Grâce à Netflix, il rayonne dans Umbrella Academy et Les Chroniques de San Francisco. Particulièrement sensible aux questions sur le genre, le géant du streaming n’a d’ailleurs pas manqué d’impressionner les internautes par la rapidité avec laquelle le deadname* d’Elliot Page a disparu des différents projets auxquels il a participés et qui sont toujours disponibles sur la plateforme. Preuve s’il en fallait une qu’un coming-out trans est bien moins complexe à appréhender que ce que l’on nous fait parfois croire.

*Le deadname d’une personne trans est le prénom qui lui a été donné à la naissance et qui est indiqué sur son état civil mais qui ne correspond pas à son genre

Un traitement médiatique à plusieurs vitesses

Mais parce que comme nous vous le disions plus haut, personne ne s’attendait à ce coming-out trans, le traitement médiatique de celui-ci en dit long sur la situation des personnes trans dans le monde et l’incompréhension qu’ils peuvent subir. Dans un fil Twitter, le compte Le coin des LGBT+ revient ainsi sur la manière dont différents médias (Le Monde, Le Figaro, 20 Minutes, BFMTV ou encore Valeurs actuelles) ont traité l’information.

Et si globalement, un effort a été fourni par presque tous pour utiliser les bons pronoms, force est de constater que nombreux sont ceux à vouloir faire appel au deadname du comédien — élément pourtant rejeté par les personnes trans qui peuvent y voir la volonté de ne pas accepter leur nouvelle et véritable identité — sous couvert de vouloir mieux faire comprendre le coming-out de l’acteur à ceux qui sont moins au fait de ces questions.

Pour ne pas entrer dans les détails de ce que ce coming-out signifie, nombreux sont ceux à mettre l'accent sur les messages qu'Elliot Page a reçus dans la foulée. L'occasion de refaire de Hollywood un espace hautement fantasmé d'ouverture et de mentionner le soutien apporté par Miley Cyrus, Rubi Rose (Batwoman), Kate Mara (House of Cards), Anna Paquin (True Blood), Julianne Moore, Indya Moore (Pose), Lena Dunham (Girls) ou encore James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie).

Vers une meilleure représentation ?

Comme on pouvait s’en douter, il n’a pas fallu longtemps pour que la question de la représentation soit abordée. En effet, dans le hit de Netflix Umbrella Academy, Elliot Page incarne une femme cisgenre attirée par les femmes. Et à l’heure où il est de plus en plus fréquemment demandé à des acteurs cisgenres et hétérosexuels de ne pas jouer des personnages LGBT+ pour laisser leur chance à des comédiens justement LGBT+, la situation pourrait sembler ironique. Mais si l'on en croit les informations de Gay Times Magazine, le personnage de Vanya ne devrait aucunement changé ou son interprète recaster.

Et si la situation semble si cocasse, c'est que Hollywood a depuis trop longtemps pris l’habitude de ne pas faire confiance à des comédiens ouvertement queer. On pense notamment à Cate Blanchet dans Carol, Timothée Chalamet et Armie Hammer dans Call Me By Your Name, Jared Leto dans Dallas Buyers Club, Felicity Huffman dans Transamerica ou encore Jeffrey Tambor dans Transparent. Et sans surprise, le cas de Nick Robinson jouant un jeune lycéen gay dans Love, Simon est à mettre à part tant le film de Greg Berlanti a évité les critiques de par son caractère historique, comme le note USA Today. Il s’agit en effet de la première comédie d’un grand studio centrée sur une romance gay.

Alors que Variety rappelle justement que les comédiens, producteurs et scénaristes trans et bankables à Hollywood peuvent se compter sur les doigts (Laverne Cox, Trace Lysette, Brian Michael Smith, les soeurs Wachowski, Joey Soloway et Janet Mock), la machine à rêves américaine veut actuellement se convaincre que les histoires racontées demain seront meilleures que celles produites aujourd’hui. Car il faut bien admettre que la situation est loin d’être idyllique. Le rapport 2020 de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) sur la représentation des LGBTQ au cinéma révèle que sur les 118 films de grands studios produits en 2019, 22 seulement disposaient de personnages queers — mais aucun de personnage trans ! Ce qui était déjà le cas en 2018 et en 2017...

Deauville 2020-Cannes 2020 : Que vaut A Good Man, avec Noémie Merlant ?

Posté par kristofy, le 7 septembre 2020

Parmi les films français ayant reçu le label "Cannes 2020" qui sont invités à Deauville, deux titres étaient très attendus : Teddy de Ludovic & Zoran Boukherma avec Anthony Bajon. Une histoire de loup-garou qui est d'ailleurs très réussie (en salles le 13 janvier 2021), et A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar avec Noémie Merlant et SoKo, où un homme envisage d'enfanter... Il ne sortira qu'en mars 2021. Le pitch est singulier: Aude et Benjamin, infirmier,  s’aiment et vivent ensemble depuis 6 ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin décide que c’est lui qui le portera...

C'est l'importance de son sujet et les questions soulevées qui font de A Good Man un film à la fois risqué, osé, espéré, voir même redouté. Sans rien divulgâcher, puisque le synopsis le suggère et que la révélation se fait très tôt dans le récit : dans cette histoire Benjamin s'appelait avant Sarah, Benjamin est un homme trans qui pourrait enfanter... Le visage androgyne de Noémie Merlant sur l'affiche intrigue mais le film est avant tout une grande et belle histoire d'amour.

Marie-Castille Mention-Schaar a déjà initié de nombreux films en tant que productrice (pour Antoine de Caunes, Pierre Jolivet...) et  comme scénariste (La Première Étoile avait eu le César du meilleur premier film). Comme réalisatrice, ses comédies ont été décevantes (Bowling, La fête des mères), alors qu'elle est bien plus à l'aise avec des drames basés sur des histoires vraies (Les héritiers, Le ciel attendra qui avait contribué à révéler Noémie Merlant). Et c'est justement dans cette veine de ses films 'inspirés d'une histoire vraie' qu'elle réalise A Good Man.

Aux Etats-Unis, plusieurs centaines d'hommes ont donné naissance à un bébé. Avec son coscénariste, Chris­tian Son­de­reg­gerelle, elle avait déjà participé à la production du documentaire Coby à propos de quelqu'un né fille et qui après 20 ans, était devenu un homme, ambulancier de métier. C'est en fait ce documentaire qui a influencé la préparation de  A Good Man.

« Je ne veux pas tout, je veux les mêmes choses que toi, ni plus ni moins. »

A Good Man est donc une fiction tout autant inventée que documentée. De nombreuses questions à propos du changement de sexe y sont abordées. Cette séance de Deauville, la première du film en présence de l'équipe (Marie-Castille Mention-Schaar, Noémie Merlant, Vincent Dedienne, Jonas Ben Ahmed, Anne Loiret, Alysson Paradis) a été bien accueillie avec plusieurs minutes de standing-ovation à la fin. Certaines voix après la projection ont été moins flatteuses, regrettant les trop nombreux poncifs sur le thème de la transition d'identité. De fait, il accumule certains passages obligés (la mère qui ne parle plus à Benjamin avec qui elle va renouer, la douche avec la lumière éteinte, le meilleur ami qui se sent trahi...), parfois de manière maladroite.

Une autre faiblesse tient à la présentation du personnage de Benjamin aux spectateurs. De quoi désarçonner : on y voit moins un homme qu'une Noémie Merlant déguisée, avec une voix grave pas naturelle. Heureusement cette impression s'estompe en cours de film où progressivement on oublie l'actrice pour ne plus voir que le personnage masculin (sans compter que Benjamin devenu homme est - cliché - accro aux jeux-vidéo et aux hamburgers...). Il ne serait pas étonnant qu'une polémique naisse: pourquoi ne pas avoir pris un acteur trans pour le rôle?

Sans doute Marie-Castille Mention-Schaar a voulu mettre dans son film trop de choses. Cependant, c'est contrebalancé par une certaine subtilité de l'ensemble : une transition femme-homme se fait sur une longue période et en plusieurs étapes qui mêlent l'intime, l'administration, le regard des autres et maintes épreuves. Et avouons-le, Noémie Merlant s'impose encore plus comme interprète audacieuse et stupéfiante.

Marie-Castille Mention-Schaar a déclaré sur scène: « faire un film pour moi c'est échanger, dialoguer, ouvrir le dialogue, essayer toujours de faire en sorte qu'on vive mieux ensemble », et c'est justement ce à quoi va inviter A Good Man.

Rocketman prépare son lancement

Posté par vincy, le 12 avril 2019

Cela fait plusieurs jours que la rumeur court. Certains avançaient même la date du 16 mai pour sa projection. Et selon RTL, l'événement est sûr d'avoir lieu ce jour-là. Rocketman, biopic de la star pop Elton John, de Dexter Fletcher devrait être présenter lors de la 72e édition du Festival de Cannes, qui n'a toujours rien confirmé. Sir Elton John serait sur le tapis rouge pour la montée des marches. Rappelons qu'il avait tourné à Cannes (et à Monaco) le clip d'un de ses tubes, "I'm still standing".

Le film est prévu dans les salles le 29 mai, distribué par Paramount, qui compte bien faire aussi bien que Bohemian Rhapsody (20th Century Fox) et ses 4,4 millions de spectateurs. Dexter Fletcher avait d'ailleurs repris la réalisation de Bohemian Rhapsody après le renvoi de Bryan Singer.

Rocketman retrace la vie de la star britannique depuis son enfance jusqu’à son avènement en tant que star de stade, de son statut de gamin introverti, grassouillet et fils unique à celui de diva excentrique, génie du piano. Si on en croit la bande annonce, le film retrace son enfance anglaise, ses premiers cours de piano, ses débuts au club Troubadour à Los Angeles en 1970 et ses deux concerts géants au Dodger Stadium de la métropole californienne cinq ans plus tard.

Taron Egerton incarne le chanteur (note: il croisa d'ailleurs Elton John dans Kingsman: Le Cercle d'or) et interprète lui-même les tubes musicaux. Jamie Bell interprète son parolier Bernie Taupin, Richard Madden son amant et manager John Reid et Bryce Dallas Howard sa mère.

Dans une récente présentation aux Etats-Unis, Dexter Fletcher explique que le film "n'est pas une biographie officielle" mais plutôt une relecture de la vie d'Elton John par l'artiste lui-même. "Nous ne sommes pas limités par les faits, nous avons une liberté d'imagination, ce qui est très important lorsqu'on fait un film". Ajoutant: "Avoir Elton comme narrateur a été très libérateur de ce point de vue".

Fierté LGBT plutôt que recettes en Russie et censure en Chine

Cinq Grammy Awards, 300 millions de disques vendus (dont le single le plus vendu du monde: "Candle in the wind" ), Elton John est aussi l'un des producteurs du film, aux côtés de son mari, le cinéaste David Furnish. Ce qui devrait éviter le "bug" de Bohemian Rhapsody sur la sexualité de Freddie Mercury, largement estompée par le montage. Rocketman n'évitera pas le sujet de l'homosexualité.

Dans un récent entretien à GQ UK, Taron Egerton va beaucoup plus loin en s'offrant une belle colère à l'égard des "Les trucs que nous avons tournés sont assez explicites. C’est la raison pour laquelle j’ai joué dans ce film. Ces scènes sont désespérément importantes", rappelant que "En tant qu’acteur hétérosexuel, ne pas pousser le jeu le plus loin possible pour en faire une célébration sans réserve du fait d’être gay serait une erreur."

"Je me fous de savoir si le film marchera en Russie" affirme-t-il en pointant un pays qui peut rejeter sa distribution pour "atteintes au valeurs traditionnelles". "Ça n’a pas d’importance, poursuit-il. Ça ne veut pas en avoir. Qu’est-ce que 25 millions de dollars en plus au box office ? Pourquoi faire cela ? Pour ne pas dormir la nuit parce que tu as tout édulcoré ?"

Espérons que les scènes ne seront donc pas coupées pour viser un public le plus large possible. Autrement, le bad buzz des fans et des influenceurs LGBTQI+ pourrait être fatal. Mais il reste à savoir comme Rocketman sera projeté dans certains pays qui ne tolèrent pas l'homosexualité. Bohemian Rhapsody a été censuré en Malaysie, en Egypte, et en Chine (au point que les spectateurs ne comprenaient plus rien à l'histoire et au personnage).

Cannes 2018: A Queer Eye

Posté par vincy, le 11 mai 2018

Une Palme d'or pour La vie d'Adèle, deux Grands prix du jury pour Juste la fin du monde et 120 battements par minute, un prix de la mise en scène Un certain regard pour L'inconnu du lac, sans oublier Carol, Les vies de Thérèse, Kaboom... le festival de Cannes depuis quelques années a suivi le mouvement sociétal et cinématographique (les Oscars ont récompensés Moonlight l'an dernier, Une femme fantastique et Call Me By Your Name cette année): l'homosexualité et plus globalement la culture Queer se sont invités dans les sélections comme dans les palmarès. Les cinéastes, hétéros ou LGBTQI, y trouvent des sujets forts pour des genres variés et des films engagés.

2018 ne fait pas exception. Le queer sera à la mode. Il sera même banalisé, ce qui ne peut que nous satisfaire. Il sera aussi "transgenre".

Yann Gonzalez nous plongera ainsi dans le milieu porno gay de la fin des années 1970 avec Un couteau dans le cœur (compétition), tandis que Christophe Honoré nous conviera à une romance dramatique gay (et homoparental) du début des années 1990 avec Plaire, Aimer et courir vite (aussi en compétition). Les amours (de jeunesse) tourneront aussi dans L'amour debout de Michaël Dacheux (Acid). A bas les étiquettes!

Côté beaux mecs (et tendance marginal) on sera séduit par les plastiques Felix Maritaud et Eric Bernard dans Sauvage de Camille Vidal-Naquet (Semaine de la critique). Dans un registre plus homoérotique qu'homosexuel, Diamantino de Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt se concentrera sur le culte du corps masculin d'un sportif (en l'occurrence celui de Carloto Cotta). Le sport et le corps sont aussi à l'honneur du documentaire de Marie Losier, Cassandro, The Exotico (Acid). Ici on plonge dans l'univers des catcheurs gays.

Mais peut-être que l'histoire qui nous touchera le plus est celle des deux frères, dont l'un est homosexuel, dans Euphoria de Valeria Golino (Un certain regard), avec Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandrea...

C'est d'ailleurs toujours à Un certain regard que l'un des films les plus attendus sera projeté: Rafiki de Wanuri Kahiu. Parce que c'est le premier film kényan en sélection officielle. Parce qu'il a été censuré dans son pays après l'annonce de sa sélection. Parce que c'est une histoire d'amour entre deux femmes qui ne peuvent pas étaler leurs sentiments en plein jour. Et dans la même sélection, avec Girl de Lukas Dhont, on évoquera le genre grâce à une adolescente qui veut devenir danseuse étoile, mais qui est née dans le corps d'un garçon.

Les amours saphiques seront aussi projetés à la Quinzaine des réalisateurs avec Carmen y Lola d’Arantxa Echevarria, une histoire d'amour entre deux jeunes gitanes dans un milieu où là aussi l'homosexualité est un tabou. Et qu'attendre de Climax de Gaspar Noé, qui met le plaisir au centre de tout, cet hédonisme revendiqué et sans limites?

On le voit: le genre, la sexualité, l'homophobie, l'homoparentalité, la pornographie, et bien entendu l'amour sont présents dans des films venus de partout et formellement différents. Et on peut aller plus loin avec le frontal A genoux les gars (Antoine Desrosières, Un certain regard) qui s'affirme le film le plus féministe de la saison, L'ange (Luis Ortega, Un certain regard), dont le personnage de tueur est pour le moins ambivalent ou encore Manto (Nandita Das, Un certain regard), biopic sur un écrivain célèbre accusé plusieurs fois de pornographie...

Mais assurément le film le plus queer du 71e festival de Cannes (en séance spéciale) est un documentaire de Kevin Macdonald (Le Dernier Roi d'Écosse), qui six ans après Marley (sur Bob Marley), s'intéresse à Whitney (sur la diva Whitney Houston). Rien de gai mais cette icône gay (et pop) devrait être l'une des vedettes des dancefloors cannois. Une Queen pour célébrer la culture queer, pour aimer, sans préjugés.

Tunisie: Call me By Your Name censuré

Posté par vincy, le 3 mars 2018

Call me by your name est interdit de cinéma en Tunisie. Le film, quatre fois nommé aux Oscars et qui vient de sortir en France, a vu son visa d'exploitation refusé par le ministère tunisien de la Culture, a annoncé mercredi l'un des principaux distributeurs du pays, Goubantini Groupement, habitué à diffuser des films aux sujets parfois tabous dans le pays.

Selon l'AFP, le long-métrage devait être projeté mercredi soir au Colisée, une grande salle de Tunis qui a annoncé sur Facebook que l'évènement avait été "annulé" faute de visa d'exploitation.

Le film "a été interdit", a affirmé à l'AFP le distributeur Lassaad Goubantini, en dénonçant "une atteinte aux libertés" et en jugeant que l'interdiction était "sûrement due au sujet du film", une histoire d'amour entre deux hommes.

Une telle interdiction est "en contradiction avec la Constitution tunisienne", a-t-il ajouté. Bien sûr ce n'est pas le seul film à être confronté à une censure toujours présente. On se souvient aussi que Wonder Woman, avec Gal Gadot avait été interdit suite à une plainte du parti nationaliste Al-Chaab sous prétexte que l'actrice principale était israélienne,

L'Homosexualité toujours un délit pénal

Mais en Tunisie, l'homosexualité reste une problème soumis à plusieurs contradictions. Elle est devenue depuis quelques années, grâce à l'action de plusieurs ONG, un sujet de société régulièrement abordé dans les médias, même si les pratiques homosexuelles restent punies de trois ans de prison ferme par l'article 230 du code pénal. Sans compter l'hostilité sociale toujours très présente. Plusieurs crimes homophobes ont lieu chaque année. Des dizaines de citoyens LGBT fuient le pays pour fuir ces persécutions.

Quelques films tunisiens récents ont mis en scène l'homosexualité ou la bisexualité comme Le Fil de Mehdi Ben Attia (2008) ou Histoires tunisiennes de Nada Mezni Hafaiedh (2012). Le Fil n'a d'ailleurs pas été diffusé en Tunisie.

Des résistances, des éclaircies

Pourtant, en novembre dernier, lors des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), un documentaire tunisien sur la situation des LGBT dans le pays, Au-delà de l'ombre, avait connu un immense succès, faisant salle comble. La réalisatrice Nada Mezni Hafaiedh avait été surprise qu'il y ait eu aussi peu de protestations. Lors de la projection, elle rappelait: "Jamais je n'aurais imaginé que mon film serait en sélection et que les Tunisiens pourraient le voir, parce que je sais que malheureusement en Tunisie être homosexuel c'est une abomination, c'est être criminalisé."

Et mi-janvier s'est déroulé à Tunis le premier festival pour défendre les droits des LGBT : le Mawjoudin Queer Film Festival (Tunis), organisé par Mawjoudin, une association tunisienne qui défend les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBTQ+), a présenté quinze longs et courts métrages du monde arabe et d'Afrique, parlant de sexualité, d’identité et de l’expression du genre.

Si le festival a commencé à l’Institut français pour des raisons de sécurité, la suite a eu lieu dans un espace culturel public (El Teatro). La bonne nouvelle est qu'il n'y a pas eu d'incidents.

L'autre éclaircie est venue début février de la justice tunisienne. Celle-ci a prononcé un non-lieu pour 3 hommes arrêtés pour homosexualité, en décembre dernier, à Hammam-Sousse. Le procureur de la république les avait libérés, après leurs refus de se soumettre au test anal (pratique contraire aux Droits de l'Homme mais encore utilisée en Tunisie), censé prouver leur homosexualité. Ils ont finalement été acquittés pour absence de preuves. C’est une première en Tunisie.

El mundo entero de Julian Quintanilla : une fable anti-homophobie à découvrir au Mk2 Beaubourg

Posté par MpM, le 8 décembre 2017

A découvrir chaque soir à 19h au MK2 Beaubourg, le court métrage espagnol El mundo entero de Julian Quintanilla (30 minutes) tient vaillamment l’affiche depuis le 29 novembre. Il n’est pas courant de découvrir en salles un film de ce format, surtout présenté seul, pour lui-même, et non dans un programme ou en première partie d’un long, mais la ténacité du réalisateur et la curiosité de Mk2 Cinémas ont rendu l'aventure possible jusqu'au 12 décembre.

Le film, candidat au Prix Goya de l'Académie d'Espagne (équivalent de nos César) et qualifié pour les Oscars 2018, parle de Julian, un jeune homme qui se rend comme chaque année sur la tombe de sa mère. Elle lui apparaît sous la forme d’un fantôme fringant avec lequel il a une conversation joyeuse et émouvante. Avant qu’ils se séparent, elle lui confie une mission.

Très coloré, exubérant et décalé, El entero mundo est une comédie parfois outrée mais toujours bienveillante qui tourne en dérision les clichés de l’homophobie et soutient l'idée que le comportement d’une seule personne peut faire évoluer les mentalités. La naïveté parfois simpliste du récit est assumée, et c’est vrai que la moindre once d’optimisme fait du bien pour lutter contre le sentiment d’intolérance galopante.

A l'origine du film, l'envie du réalisateur, qui joue lui-même le personnage masculin, de revoir sa mère, morte d’un cancer à l'âge de 49 ans. Et quelle meilleure manière que de la mettre en scène dans un film ? Pour l’incarner, il a choisi une des plus grandes actrices espagnoles de sa génération, Loles Leon (Femmes au bord de la crise de nerfs, Attache-moi !, Parle avec elle de Pedro Almodóvar), qui met toute sa flamboyance et sa générosité au service de "La Chary", une femme haute en couleurs pour qui rien n'importe plus que de permettre à son fils de vivre heureux avec ses différences.

Julian Quintanilla propose ainsi une fable grand public assez pédagogique qui enfonce quelques portes ouvertes pour mieux dynamiter les clichés de genre ou liés à l'orientation sexuelle, ce qui est toujours bon à prendre.


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El mundo entero de Julian Quintanilla (29'53)
Tous les jours à 19h00, au MK2 Beaubourg, présenté par Julián Quintanilla
Tarif : 3 euros

Le box-office estival oublie les LGBTQ

Posté par wyzman, le 23 septembre 2017

Une fois n'est pas coutume, la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) vient de mettre en ligne un nouveau rapport concernant la visibilité et le traitement de la communauté LGBTQ à travers des œuvres de la pop culture. Cette fois, il est question des films de grands studios sortis cet été, c'est-à-dire entre le 1er juin et le 1er septembre. Et comme vous pouvez vous en douter, le constat est sans appel : les LGBTQ ont encore une fois été oubliés des "gros films".

Le rapport se base donc sur 25 films sortis entre ces dates et les analyse sous le spectre du test Vito Russo. Nommé après l'un des fondateurs de la GLAAD, le test s'intéresse à la présence de personnages LGBTQ, à l'importance donnée à la sexualité du ou des personnages dans chaque film ainsi qu'au poids du personnage LGBTQ au sein de l'intrigue principale. Malgré les sorties de (bons) films tels que Moonlight, Get Out et Les Figures de l'ombre qui ont été des succès critiques et publics, la GLAAD regrette que l'été soit encore un véritable désert pour les projets portés par des personnages issus de la diversité ou de la communauté LGBTQ.

Ainsi, seuls deux films ont réussi le test Vito Russo. Il y a tout d'abord Pire Soirée, une comédie dans laquelle Scarlett Johansson et quatre amies de fac se retrouvent pour une soirée entre célibataires (un flop au box office). Puis vient Do It Like An Hombre, une autre comédie mais cette fois sur un trio d'amis légèrement homophobes qui implose le jour où l'un d'entre eux fait son coming out et tente de changer la mentalité de ses compères. Bien que maladroits et parfois juste offensants, Pire Soirée et Do It Like An Hombre comptent chacun 4 personnages LGBTQ.

Mais le rapport pointe également l'absence cruciale de diversité dans les autres films sortis cet été. De Spider-Man : Homecoming à Dunkirk en passant par Wonder Woman, Baby Driver, La Momie ou encore Hitman & Bodyguard, tous ont échoué au test Vito Russo. Néanmoins, cet échec peut s'expliquer pour certains et en partie par l'intrigue même du film.