Le coming-out trans d’Elliot Page ravive les questions sur la représentation des LGBT+

Posté par wyzman, le 6 décembre 2020

Outre le retour dans les charts du tube de Mariah Carey « All I Want for Christmas », ce 1er décembre aura été marqué par le coming-out de l’acteur : il est trans, non-binaire (il ne se définit ni comme un homme ni comme une femme), s’appelle Elliot et ses pronoms sont « il » et « iel ».

Un coming-out révélateur

Sur ses différents comptes sur les réseaux sociaux, le Canadien de 33 ans écrit ainsi : « Salut les amis, je veux partager avec vous que je suis trans, mes pronoms sont il/iel et mon nom est Elliot. Je me sens chanceux d'écrire cela. D'être ici. D'être arrivé à cet endroit dans ma vie. Je ressens une immense gratitude pour les personnes incroyables qui m'ont soutenu tout au long de ce voyage. Je ne peux pas commencer à exprimer à quel point il est remarquable d'aimer enfin qui je suis assez pour poursuivre mon authentique moi. J'ai été sans cesse inspiré par tant de personnes de la communauté trans. Je vous remercie pour votre courage, votre générosité et votre travail incessant pour faire de ce monde un endroit plus inclusif et plus compatissant. Je vous apporterai tout le soutien possible et continuerai à lutter pour une société plus aimante et plus égalitaire. »

Et si cette annonce a fait l’effet d’une bombe, c’est sans doute parce que personne ne s’y attendait. L’acteur révélé par Hard Candy de David Slade (2005) et Juno de Jason Reitman (2007) est depuis cette année-là un talent à suivre de près. Jusqu’en 2014, il a alterné blockbusters et films indépendants (presque) oscarisables : la saga X-Men, Bliss de Drew Barrymore, Inception de Christopher Nolan, To Rome with Love de Woody Allen, etc. Mais c’est suite à un premier coming-out survenu en 2014 que le comédien est devenu l’icône de toute une génération fière de sa sexualité et de son identité et disposant d’une meilleure représentation que ses aînées. Du moins c’est ce que l’on croit sur le papier.

Après des projets indépendants au succès relatif (Freeheld, Into the Forest, Tallulah, My Days of Mercy, The Cured, Flatliners), Elliot Page trouve stabilité et sérénité du côté du petit écran. Grâce à Netflix, il rayonne dans Umbrella Academy et Les Chroniques de San Francisco. Particulièrement sensible aux questions sur le genre, le géant du streaming n’a d’ailleurs pas manqué d’impressionner les internautes par la rapidité avec laquelle le deadname* d’Elliot Page a disparu des différents projets auxquels il a participés et qui sont toujours disponibles sur la plateforme. Preuve s’il en fallait une qu’un coming-out trans est bien moins complexe à appréhender que ce que l’on nous fait parfois croire.

*Le deadname d’une personne trans est le prénom qui lui a été donné à la naissance et qui est indiqué sur son état civil mais qui ne correspond pas à son genre

Un traitement médiatique à plusieurs vitesses

Mais parce que comme nous vous le disions plus haut, personne ne s’attendait à ce coming-out trans, le traitement médiatique de celui-ci en dit long sur la situation des personnes trans dans le monde et l’incompréhension qu’ils peuvent subir. Dans un fil Twitter, le compte Le coin des LGBT+ revient ainsi sur la manière dont différents médias (Le Monde, Le Figaro, 20 Minutes, BFMTV ou encore Valeurs actuelles) ont traité l’information.

Et si globalement, un effort a été fourni par presque tous pour utiliser les bons pronoms, force est de constater que nombreux sont ceux à vouloir faire appel au deadname du comédien — élément pourtant rejeté par les personnes trans qui peuvent y voir la volonté de ne pas accepter leur nouvelle et véritable identité — sous couvert de vouloir mieux faire comprendre le coming-out de l’acteur à ceux qui sont moins au fait de ces questions.

Pour ne pas entrer dans les détails de ce que ce coming-out signifie, nombreux sont ceux à mettre l'accent sur les messages qu'Elliot Page a reçus dans la foulée. L'occasion de refaire de Hollywood un espace hautement fantasmé d'ouverture et de mentionner le soutien apporté par Miley Cyrus, Rubi Rose (Batwoman), Kate Mara (House of Cards), Anna Paquin (True Blood), Julianne Moore, Indya Moore (Pose), Lena Dunham (Girls) ou encore James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie).

Vers une meilleure représentation ?

Comme on pouvait s’en douter, il n’a pas fallu longtemps pour que la question de la représentation soit abordée. En effet, dans le hit de Netflix Umbrella Academy, Elliot Page incarne une femme cisgenre attirée par les femmes. Et à l’heure où il est de plus en plus fréquemment demandé à des acteurs cisgenres et hétérosexuels de ne pas jouer des personnages LGBT+ pour laisser leur chance à des comédiens justement LGBT+, la situation pourrait sembler ironique. Mais si l'on en croit les informations de Gay Times Magazine, le personnage de Vanya ne devrait aucunement changé ou son interprète recaster.

Et si la situation semble si cocasse, c'est que Hollywood a depuis trop longtemps pris l’habitude de ne pas faire confiance à des comédiens ouvertement queer. On pense notamment à Cate Blanchet dans Carol, Timothée Chalamet et Armie Hammer dans Call Me By Your Name, Jared Leto dans Dallas Buyers Club, Felicity Huffman dans Transamerica ou encore Jeffrey Tambor dans Transparent. Et sans surprise, le cas de Nick Robinson jouant un jeune lycéen gay dans Love, Simon est à mettre à part tant le film de Greg Berlanti a évité les critiques de par son caractère historique, comme le note USA Today. Il s’agit en effet de la première comédie d’un grand studio centrée sur une romance gay.

Alors que Variety rappelle justement que les comédiens, producteurs et scénaristes trans et bankables à Hollywood peuvent se compter sur les doigts (Laverne Cox, Trace Lysette, Brian Michael Smith, les soeurs Wachowski, Joey Soloway et Janet Mock), la machine à rêves américaine veut actuellement se convaincre que les histoires racontées demain seront meilleures que celles produites aujourd’hui. Car il faut bien admettre que la situation est loin d’être idyllique. Le rapport 2020 de la GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) sur la représentation des LGBTQ au cinéma révèle que sur les 118 films de grands studios produits en 2019, 22 seulement disposaient de personnages queers — mais aucun de personnage trans ! Ce qui était déjà le cas en 2018 et en 2017...

[We miss Cannes] 20 films « queer » dans l’histoire du festival

Posté par redaction, le 23 mai 2020

Une journée particulière d'Ettore Scola. Le fascisme et la solitude. Un intellectuel exclu de la radio nationale et menacé de déportation pour homosexualité, rencontre une femme italienne ordinaire, emprisonnée dans sa vie d'épouse et de mère.

Midnight Express d'Alan Parker. Une prison turque. Un climax hautement érotique. Une homosexualité tabou mais pas si floue. L'homoérotisme à son comble, où les corps sont les seuls pouvoirs d'affection.

Adieu ma concubine de Chen Kaige. U mélo gay dans une fresque historique chinoise. L'homosexualité interdite, et les tourments qui l'accompagne, dans un environnement ambivalent: le théâtre, où les hommes sont seuls autorisés à jouer, y compris des personnages de femmes.

Happy Together de Wong Kar-wai. Buenos Aires. Deux amants qui ont le mal du pays. Et une séquence d'ouverture explicite où Tony Leung et Leslie Cheung s'enlacent fougueusement.

Bent de Sean Mathias. Allemgane nazie. Berlin des années 30 et ses lieux interlopes, ses cabarets, et sa liberté de mœurs. Tout s'effondre avec un triangle rose, et la déportation. Les homosexuels sont dans les camps. Un épisode qu'on a trop souvent tendance à oublier.

Priscilla, folle du désert de Stephan Elliot. L'Australie dans tous ses états. Des travestis fashion, bien avant la série Pose ou la drag race de Ru Paul. Tellement culte que le film est un modèle.

Tabou de Nagisa Oshima. Des samouraïs. Un jeune homme androgyne dans un autre siècle et dans un pays culturellement conservateur. Le film porte bien son titre. Sans provocation, le récit pointe tous les maux d'une société coincée.

Shortbus de John Cameron Mitchell. Un film pansexuel. Toutes les névroses et les pratiques - du soft au hard, du psy au pratique -se mélangent au final dans un corps à corps vertigineux dans ce film plus hédoniste qu'épicurien.

I love You Philip Morris de Glenn Ficarra et John Requa. Jim Carrey et Ewan McGregor tombent amoureux. A priori rien de scandaleux. Pourtant le film ne sortira pas en salles, malgré un parti-pris pour une liaison plus tendre que "hot".

Kaboom de Gregg Araki. College Studs. Bien avant la série Elite, ce délire fantastique aborde la montée de testostérone et le mélange de fluides qui conduisent des twinks et autres weirds dans une nuit en enfer.

Laurence Anyways de Xavier Dolan. Celui-là de Dolan plus qu'un autre parce que cette fois-ci, le jeune cinéaste s'attache à la question transgenre. Du travestissement à la transsexualité, Melvil Poupaud se glisse dans les robes et opère sa mue sous le maquillage face au regard des autres.

La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche. Palme d'or, double révélation pour Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos. Ce drame romantique lesbien - évidemment torride - a marqué l'époque et les esprits. Si le bleu est une couleur chaude, la passion est ici assez sombre.

L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie. Une plage naturiste gay quelque part en France. Des hommes qui se regardent, se draguent, baisent. Et des meurtres. Ce thriller où se mêlent le réalisme et le fantastique mixe ainsi crûment la sexualité sans âge et le suspense plus onirique.

Pride de Matthew Warchus. On attendait depuis longtemps une de ces comédies anglaises, teintée de social et de romantisme, avec des LGBT au cœur du récit. Ce fut chose faite avec ce feel-good movie où homos et prolos sont solidaires fassent un même ennemi, l'ultra-libéralisme conservateur et autoritaire.

Carol de Todd Haynes. Une histoire d'amour entre deux femmes d'âge et de classe sociale différents. Cate Blanchett et Rooney Mara vont jusqu'au bout de leur désir quitte à mettre tout en péril. Loin de la bluette, le film amène une profondeur à l'attirance et la transgression dans une époque moraliste.

Mademoiselle de Park Chan-wook. La Corée occupée. Entre amours saphiques et fétichisme sado-masochiste, cette fresque sulfureuse et sensuelle sur la sororité est une variations des Diaboliques sous l'emprise du patriarcat et des dominateurs. L'amour triomphe toujours, surtout au féminin pluri-elles.

120 battements par minute de Robin Campillo. Paris, années 80-90. Le Sida tue. Des homos, des hétéros, des hommes, des femmes s'activent pour alerter l'opinion. Des jeunes couples d'activistes se forment. S'aiment. Font l'amour. La fête aussi. Eros et Thanatos jusque dans un ultime hand-job bouleversant.

Sauvage de Camille Vidal-Naquet. Prostitution masculine et dérapages incontrôlés. Entre précarité et exe facile (quoique, cela dépend de ce que demande le client), ce film ouvre les horizons sur des sentiers de perdition vers une impossible reconstruction de ceux qui vendent leur corps.

Girl de Lukas Dhont. Belgique de nos jours. Un jeune adolescent veut être danseuse. Déterminée, et soutenue par son père, elle va tout faire pour atteindre son rêve: changer de sexe et tenir sur des pointes. Un film délicat qui aborde la transsexualité sous un angle intime, jusque dans la chair.

Et puis nous danserons de Levan Akin. Géorgie. Pays homophobe. De la danse encore, et du désir. Mais cette fois ce pas de deux se situe entre rivalité et désir, tentation dangereuse et plaisir irrésistible. L'amour et la danse semblent fusionner avec ces corps gracieux malgré le rejet qu'ils peuvent inspirer.

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Bretagne. Il y a deux cent ans. Une île peuplée de femmes. Du regard naît le désir. La chair est pudique mais le la flamme est palpable. La passion, interdite alors. Mélo presque tragique, cette déclaration d'amour conclut 40 ans de films cannois où les LGBTQI ne sont plus marginaux et où leur sexualité n'est plus métaphorique. Cinéma de genre ou œuvre plus classique, venu d'Amérique latine ou d'Asie, le "queer" n'est plus réservé à quelques cinéastes ou thématiques. Même si, on le voit bien, le destin de ces personnages reste trop souvent dramatique. Il ya  encore quelques combats à mener...

Et si on binge-watchait… Hollywood

Posté par vincy, le 11 mai 2020

En attendant le retour des films en salles, la rédaction d’Ecran Noir vous recommande régulièrement un programme à visionner en streaming. Aujourd’hui, on vous emmène à Hollywood, dans les années 1950, à l'âge d'or des studios, avec la nouvelle série de Ryan Murphy diffusée sur Netflix.

Le pitch: À Los Angeles, quelque temps après la Seconde Guerre mondiale, des aspirants acteurs, scénariste et réalisateur sont prêts à tout pour démarrer une carrière dans l'industrie cinématographique. En plein âge d'or hollywoodien, ils vont découvrir les coulisses d'une industrie remplie d'inégalités notamment envers les personnes de couleur, les femmes ou les homosexuels… Ils vont donc devoir se battre pour réaliser leurs rêves.

Ryan Murphy, prince de Bel-Air. Il est sans aucun doute l'un des showrunners les plus en vogue de ces vingt dernoires années avec les séries Nip/Tuck, Glee, American Horror Story, Pose et, l'an dernier The Politician. Hollywood est de loin la plus classieuse de tous. Et une fois de plus ses thèmes de prédilection - la tolérance, l'antiracisme, l'homosexualité - se retrouvent dans cette série de 8 épisodes d'un peu moins d'une heure. Critique de la norme et ode à la diversité, Hollywood met en lumière des femmes, afro-américains, asiatiques, seniors, gays (refoulés ou assumés), gigolos, métis, face à un patriarcat assez réac et peu reluisant. Nus ou en slip, imitant Isadora Duncan ou s'envoyant en l'air avec une ex-vedette des twenties, les autres mâles exposent pourtant davantage leurs failles que leur corps. Murphy continue d'explorer la vulnérabilité des victimes de la norme et en fait un défilé de carnaval où il donne le beau rôle à ceux qu'on conspue ou qu'on juge, surtout à l'époque.

Une utopie antihistorique. Car l'intérêt d'Hollywood est ailleurs. Si Murphy cible explicitement le public LGBT et féminin, il universalise son propos avec une histoire de pouvoir dans l'industrie cinématographique. Certes, dans ces fifties, ce n'est pas Dreamland pour ces personnages marginaux et ces lieux interlopes pour invertis (c'est une forme d'histoire du Los Angeles gay qu'il esquisse ici). Même si tout finit bien (trop bien, mais c'est le propre d'Hollywood: on change les tragédies en love story, les échecs en succès, les illusions en mirages). Il y a du coup un double utopie: la première, sous couvert de ses bonnes intentions, est de faire croire que des minorités méprisées durant un siècle et des poussières peuvent rétroactivement et par cette fiction retrouver une part de gloire, redevenir visible, prendre leur revanche sur la réalité historique en transformant cette même réalité. C'est le principe d'Inglourious Basterds et de Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino: on refait le match.

Voyage dans l'âge d'or des studios. La deuxième utopie est plus cynique. Dans une belle esthétique à la fois art-déco et baroque des années 1950, la série montre comment fonctionnait Hollywood à l'époque, avec ses acteurs et techniciens sous contrats, le racisme ordinaire, la misogynie, l'homophobie, mais aussi le formatage et le contrôle des comédiens. Ryan Murphy s'en prend pourtant davantage au système hollywoodien contemporain. Ironique de la part d'un "talent" qui doit tout à Hollywood (enfin à Netflix surtout). Il ne critique pas le processus de création d'Hollywood, d'ailleurs. Il assume même parfaitement le "soft power" de l'industrie, l'impérialisme des patrons de studios, la puissance des agents, le nombre de produits de divertissements balancés pour faire du cash. Tout juste dégomme-t-il l'ingérence des avocats.

Au total, ces deux utopies forgent l'intérêt d'Hollywood. "Et si...?" Et si on avait produit un film avec une actrice noire, une actrice d'origine asiatique, un scénariste noir et gay, un réalisateur métis, une actrice un peu ridée... Et si les studios avaient fait ce qu'ils font depuis quelques années, c'est-à-dire, lancer des films écrits, réalisés, interprétés par tous les visages de l'Amérique et pas seulement des blancs. Selon la théorie de Murphy, Hollywood en aurait été changé. Et la société américaine, de facto, aussi. Mais, l'Histoire n'est pas vraiment celle-là.

Inexactitudes mais inégalités réelles. Certes, il y a eu un précédent:  l'Oscar pour Hattie McDaniel (la mama dans Autant en emporte le vent, qu'on voit ici raconter la cérémonie de 1940), qui fut la première interprète noire à être nommée (et à avoir gagné). Sinon il faudra attendre 1958 pour avoir un acteur noir en tête d'affiche et nommé à l'Oscar (Sidney Poitier) et 1954 pour une actrice nommée à l'Oscar d'interprétation féminine (Dorothy Dandridge), avant un grand vide jusqu'aux années 1970. Et pour les autres catégories, il n'y aura aucun noir avant les années 1960. L'immense star Yul Brynner, en 1956, fut le premier interprète d'origine asiatique oscarisé. Côté LGBT, même si certains se cachaient, les interprètes, scénaristes ou cinéastes furent plus chanceux, et ce dans toutes les catégories, y compris Rock Hudson, George Cukor et Noel Coward, tous présents dans la série.

Aussi, ce qu'Hollywood raconte est un peu exagéré historiquement. Le système avait déjà intégré les minorités dans ses productions. En fait, Ryan Murphy a imaginé avant tout un plaidoyer où celles-ci, victimes de la haine comme du harcèlement sexuel, prendraient le pouvoir: des femmes d'un certain âge aux homos. En cela c'est bien queer. La série est un combat contre la haine, ses injustices et ses inégalités, avec une élégance séduisante et un scénario de sitcom/soap opéra jubilatoire.

Un casting entre fiction et personnages réels. On peut toujours hurler aux stéréotypes, il n'empêche: on a découvert en voyant la série des acteurs formidables, beaux et attachants (par l'écriture de leur rôle). David Corenswet en acteur qui monte, Darren Criss en réalisateur déterminé, Laura Harrier en comédienne ambitieuse, Jeremy Pope en scénariste doué, Samara Weaving en héritière qui cherche sa place sont de belles révélations. A leurs côtés, il y a des vétérans, excellents, comme Joe Mantello en sublime directeur de production incorruptible et malheureux, Holland Taylor en fabuleuse directrice d'acteurs et d'actrices, Dylan McDermott en génial maquereau au grand cœur, Mira Sorvino, ex-oscarisée dans les années 1990, et ici en actrice vieillissante sur le retour, Maude Apatow (fille de Judd), en épouse pas comblée, le réalisateur Rob Reiner en patron de studio, et son épouse dans la fiction, Patti LuPone, star de Broadway et volant toutes les scènes où elle passe.

Mais le plus drôle est évidemment de ressortir des cadavres exquis, des personnages ayant vraiment existé: Vivien Leigh (Katie McGuinness), Anna May Wong (Michelle Krusiec), Tallulah Bankhead (Paget Brewster), George Cukor (Daniel London), Noel Coward (Billy Boyd), Hattie McDaniel (Queen Latifah) et Eleanor Roosevelt (Harriet Sansom Harris). Ceux qui fontt le lien entre la fiction - la troupe de jeunes talents en devenir - et le réel, c'est Rock Hudson, incarné par Jake Picking et Jim Parsons, en Harry Willson, son agent manipulateur et réel agent artistique de Hudson. Once upon a Time in Queer Hollywood.

Et si on binge-watchait… EastSiders sur Netflix

Posté par wyzman, le 6 avril 2020

Pour lutter contre l’ennui durant ce long confinement, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées ou encore sur vos écrans. Et parce qu’avec le retour des beaux jours et des journées qui se ressemblent, certains ont des bouffées de chaleur, on ne pouvait pas faire l’impasse sur EastSiders !

C’est une très jolie série LGBT. Le pitch est simple : à Los Angeles, Cal (Kit Williamson) apprend que son petit ami de 4 ans Thom (Van Hansis) l'a trompé avec Jeremy (Matthew McKelligon). Après la désillusion, Cal entame un énorme travail de réflexion, tente de déconstruire la manière dont il envisage ses histoires d'amour et décide de tromper à son tour Thom avec Jeremy ! Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu...

Si le manque de diversité (et donc de représentativité) du casting n’a pas manqué d’être signalé par les internautes lors de la première saison d’EastSiders en 2012, force est de reconnaître que le créateur et réalisateur de la série, Kit Williamson himself propose ici un programme très efficace sur les psychoses et questionnements de ceux qu’il connaît : les hommes blancs et homosexuels, trentenaires et résidant en zone urbaine. Cela étant dit, au terme de 4 saisons, EastSiders aura fini par atteindre son objectif : montrer à ceux qui sont prêts à l'entendre que le couple n’est pas un monolithe et que malgré l’accès au mariage, le couple gay doit plus que jamais se réinventer.

C’est une série qui parle du couple de manière intelligente. Vous l’aurez compris, au cours de ses 27 épisodes (qui vont de 11 minutes pour la première saison à 53 minutes pour le series finale), EastSiders aura tout mis en œuvre pour déconstruire le couple comme symbole de réussite et de bonheur. Grâce à une belle galerie de couples (gay, lesbien, ouvert, etc.) et de célibataires, Kit Williamson l’assure : l’infidélité et les trahisons ne signent pas nécessairement la fin d’une relation amoureuse. Voilà pourquoi les protagonistes enchaînent parfois les erreurs, quitte à finir seuls avec leurs regrets.

Et parce que le tout est filmé avec une forme de candeur particulièrement touchante lors des premières saisons, l’on finit rapidement par aimer toute cette bande de bras cassés. Et Kit Williamson n’a pas manqué de régaler les fans de la première heure avec les 6 derniers épisodes désormais disponibles sur Netflix.

C’est de la pop culture gay-friendly en boîte. Après avoir mis sur YouTube les deux premiers épisodes d’EastSiders, Kit Williams a lancé une grande campagne de crowdfunding sur Kickstarter pour réunir la somme qui lui permettrait de réaliser la suite. Succès quasi-immédiat du côté des Californiens, la série n’a pas manqué de bénéficier d’une saison 2, toujours portée par une campagne Kickstarter. Par la suite, c’est la chaîne (autrefois) axée sur la culture LGBT Logo (RuPaul’s Drag Race, Finding Prince Charmant) qui a acquis les droits de diffusion au Etats-Unis avant que Vimeo et Netflix n’entrent en jeu.

Après deux Indie Series Awards et pas moins de 8 nominations aux Daytime Creative Arts Emmy Awards, EastSiders est entrée aux panthéons des séries gays incontournables. Les présences des queens de Drag Race Manila Luzon, Katya et Willam, des comédiens Constance Wu, Wilson Cruz et Daniel Newman, des influenceurs gays Max Emerson, Chris Salvatore et Matthew Wilkas et des acteurs porno Colby Keller et Adam Ramzi sont pour beaucoup dans la viralité du programme. Explicite sans jamais être malsain ou trash, EastSiders se dévore sans modération.

EastSiders, 4 saisons disponibles ici sur Netflix.

[2019 dans le rétro] Des films LGBT : une belle quantité et surtout une bonne qualité

Posté par wyzman, le 3 janvier 2020

Après une année 2018 marquée par des avancées majeures dans la représentation de la communauté LGBT au cinéma, l’année 2019 aura été celle des explorations (plus ou moins) réussies.

Une compétition cannoise très queer

Une fois n’est pas coutume, c’est sur la Croisette que l’on a vu d'excellents films autour de personnages LGBT. A commencer par Douleur et Gloire, le dernier film de Pedro Almodóvar. Pendant près de deux heures, le cinéaste espagnol propose une analyse poussée de ses propres traumas grâce à  l'histoire d’un réalisateur, à la sexualité jamais cachée, qui a connu le succès avant d’être dans l’incapacité physique de tourner des films. L’occasion pour Pedro Almodóvar d’offrir un rôle de premier plan à Antonio Banderas qui a décroché un prix d’interprétation. On se souviendra longtemps de cette scène où le personnage de Banderas enfant tombe dans les pommes en voyant le bel artisan se laver devant lui. Egalement en compétition à Cannes, Roubaix, une lumière était la plus atypique des déclarations d’amour d’Arnaud Desplechin. Cela étant, à l'aide de Léa Seydoux et Sara Forestier, il y dépeint une relation amoureuse lesbienne toxique particulièrement intrigante.

Les véritables moments marquants de la compétition nous ont été offerts par Xavier Dolan et Céline Sciamma. Avec Matthias et Maxime, celui que l’on a très tôt considéré comme un prodige prouve qu’il n’a rien perdu de sa superbe. Après deux films internationaux qui n’ont pas autant convaincus que prévu, Xavier Dolan signe un film personnel sur deux amis d’enfance bouleversés par un baiser effectué pour les besoins d’un film. Véritable drame sur l’éclosion des sentiments, Matthias et Maxime fait partie des films les plus touchants de la filmographie du Québécois.

De son côté, Céline Sciamma n’a pas démérité. Avec Portrait de la jeune fille en feu, elle a complètement retourné la Croisette, offrant aux spectateurs et aux critiques le drame lesbien dans la Bretagne de 1770 qu’ils méritaient. Aussi sentimental et cérébral que Carol de Todd Haynes, Portrait de la jeune fille en feu fait la part belle aux jeux de regards et captive par les performances très authentiques de Noémie Merlant et Adèle Haenel.

La Queer Palm, un gage de qualité ?

Toujours à Cannes, mais hors compétition, il ne fallait pas manquer Rocketman de Dexter Fletcher. Ce biopic consacré au génie créatif d’Elton John donne lieu à de jolies séquences musicales tout en ayant l’allure d’un couteux album souvenir validé par l’artiste lui-même. Loin d’être aussi queer et flamboyant que prévu, malgré quelques allusions sexuelles, Rocketman a bénéficié d’une tournée promotionnelle parfaitement assurée par ses (très beaux) acteurs principaux : Taron Egerton, Jamie Bell et Richard Madden. Du côté d’Un Certain Regard, le drame Port Authority aura fait parler de lui grâce à Leyna Bloom, la première actrice transcengenre et de couleur à être la tête d’affiche d’un film cannois. Centré sur la rencontre entre un jeune homme blanc (Paul joué par Fionn Whitehead) et une danseuse trans noire (Wye), Port Authority vaut le détour pour ce qu’il dit de la masculinité et de la notion de « famille ».

Mais c’est sans l’ombre d’un doute Et puis nous danserons (présenté à la Quinzaine des réalisateurs) que l’on ne cessera jamais de vous recommander. Premier long-métrage LGBT en Géorgie, le film de Levan Akin raconte comment Merab, un danseur de l’Ensemble national géorgien est troublé par l’arrivée dans sa classe d’Irakli, un rival plein de surprises. En s’éloignant du très basique film d’apprentissage sur le coming out, Et puis nous danserons montre avec beaucoup de sérieux la prise d’indépendance un jeune homme rejeté de toutes parts et pourtant loin d’être aussi fragile qu’on ne le pense. Grâce à des séquences dansées hypnotiques et terrifiantes et un acteur principal charismatique, le superbe Levan Gelbakhiani, Levan Akin signe ici le meilleur drame gay de l’année. Rien que ça !


Des pépites trop vite oubliées ?

Disponible sur Netflix depuis le 1 février, Velvet Buzzsaw de Dan Gilroy n’a pas fait couler autant d’encre que prévu. Thriller horrifique de bonne facture, le film s’est révélé un peu trop prévisible pour que la presse l’applaudisse. Et malgré un teasing généreux autour des scènes de sexe de Jake Gyllenhaal, son rôle de critique d’art bisexuel n’était finalement accompagné que de coïts hétérosexuels. Une déception qui a vite fait tomber le projet dans les abîmes d’Internet...

A l’inverse, Boy Erased de Joel Edgerton a su davantage convaincre. Malheureusement, son sujet (la thérapie de conversion forcée d’un jeune homme gay par son père pasteur) pourrait en avoir rebuter plus d’un. Nécessaire et rigoureusement réalisé, Boy Erased jouit d’un casting quatre étoiles (Lucas Hedges, Russell Crowe, Nicole Kidman, Joe Alwyn, Xavier Dolan, Flea, Troye Sivan)  qui vaut tous les visionnages du monde !

En parallèle, Entre les roseaux est la jolie surprise de l’année. En dépeignant l’histoire d’amour d’un étudiant finlandais et d’un réfugié syrien, Mikko Mäkelä a pris tout le monde de court. Ode à peine déguisée à la libération des corps et de l’esprit, Entre les roseaux peut se vanter de disposer d’une photographie et d’une lumière extraordinaires. Ses acteurs principaux Janne Puustinen et Boodi Kabbani sont des raisons supplémentaires de découvrir cette belle découverte.

Des surprises très engagées

Longtemps critiqués pour leur manque d’intérêt pour le cinéma LGBT, producteurs, scénaristes et cinéastes francophones semblent de plus en plus inspirés par une communauté aux mille facettes. Si la télévision commence tout juste à s'en emparer, le cinéma, cette année, a montré qu'on pouvait être populaire et queer. Il ne fallait donc pas louper Les Crevettes pailletées, la comédie déjantée de Maxime Govare et Cédric Le Gallo. Dans celle-ci, Nicolas Gob joue un vice-champion de natation homophobe qui est contraint d’entraîner une équipe gay de water-polo. L’occasion pour les acteurs Alban Lenoir, Michaël Abiteboul, David Baiot, Roman Lancry, Roland Menou, Geoffrey Couët, Romain Beau, Félix Martinez ou encore Pierre Samuel de nous faire rêver et rire au cours de séquences d’anthologie (l’enterrement, really!)

Du côté de la Belgique, impossible de ne pas évoquer Lola vers la mer ou l’un des meilleurs drames jamais réalisés sur la jeunesse trans. Porté par le duo père fille Mia Bollaers/Benoît Magimel, le film de Laurent Micheli montre comment l’incompréhension est souvent à l’origine des pires situations transphobes dans le cercle familial. Plus sensé et sensible mais sans doute moins maîtrisé que Girl de Lukas Dont, Lola vers la mer est un sacré road-movie sur la différence !

C'est autre chose qu'un simple clin d'oeil aux gays et lesbiennes dans Avengers ou Star Wars. Car du côté d'Hollywood, si les gays, lesbiennes, trans, bi sont de mieux en mieux représentés, notamment dans les séries, ils restent absent des gros blockbusters de l'année. A deux exceptions notables, datant de 2018 mais sorties en 2019: le personnage homosexuel de Mahershala Ali dans Green Book, Oscar du meilleur film et Oscar du meilleur second-rôle masculin. Et la reine aux amours invertis dans La favorite, qui a valu l'Oscar de la meilleure actrice à Olivia Colman.

Evidemment, on reste loin du cas de la série "Elite" où le gender fluid domine et où chacun baise qui il veut, sans se soucier des jugements.

3 raisons d’aller voir « L’étincelle, une histoire des luttes LGBT+ »

Posté par vincy, le 24 juillet 2019

Le pitch: Une histoire de la lutte LGBT des années soixante à nos jours, après que l’étincelle des émeutes de Stonewall a embrasé l’action militante qui, de New York, devait se répandre partout dans le monde. De San Francisco à Paris en passant par Amsterdam, entre les premières Gay Pride, l’élection d’Harvey Milk, la « dépénalisation » française, l’épidémie du Sida et les premiers mariages homosexuels, ces quelques décennies de lutte s’incarnent au travers de nombreux témoignages d’acteurs et actrices de cette révolution arc-en-ciel.

Des témoignages forts. Avec ce documentaire initialement prévu pour la TV, Benoît Masocco a capté la parole des décideurs et des activistes ou des artistes qui ne secachent pas, de ceux qui ont vécu le combat pour l'affirmation comme ceux qui ont traversé l'apocalypse des années Sida, qu'ils soient américains, français, néerlandais... A chaque fois, c'est bouleversant. Qu'il s'agisse d'une confession intime ou d'un engagement politique, les écouter est une épreuve émotionnelle: ils partagent leur souffrance, leur désespérances ou leur combattivité avec une belle pudeur, une dignité respectable ou une flamme vivace. On voit ainsi défiler Robert Badinter et Didier Lestrade, Bertrand Delanoë et Gérard Lefort, Dustin Lance Black (When We Rise, scénariste de Harvey Milk et J. Edgar) et l'écrivain Edmund White, John Cameron Mitchell (Shortbus) et Cleve Jones... Tous, femmes ou hommes, rappellent le parcours semé d'embûches des homosexuels, des années 1960 à aujourd'hui... Ils se sont battus politiquement, médiatiquement, collectivement. Ils revendiquent une culture queer alternative face à ceux qui se sentent bien dans une société "normalisante". Ils se souviennent avec amusement des rébellions contre les forces policières, avec douleur des morts du sale virus, avec joie des avancées pas à pas pour la cause, avec regrets des années folles, avec bonheur des victoires, amères ou triomphales.

50 ans de luttes nécessaires. Car ce combat n'est pas fini. Et les débats changent de forme. L'histoire commence avec la révolte de Stonewall à New York et l'année suivante, la naissance des marches de la fierté. La fameuse étincelle. L'émancipation sexuelle, l'égalité civique des noirs américains, la progression du féminisme: tout conduit la communauté LGBT à revendiquer ses droits, sortir du placard et casser les lois discriminatoires. Le documentaire montre l'horreur de certaines lois anti-homosexuels à l'époque. L'avènement d'Harvey Milk et son assassinat, la loi Badinter de 1982 dépénalisant l'homosexualité et les horreurs des anti-Pacs ou anti-Mariage pour tous, la liberté folk des années 1970 et l'enfer pop des années 1980: tout contribue à la libération des mœurs et leur concrétisation politique. Le Sida va siffler la fin de la fête. Un autre combat va commencer. Puis ce sera celui de l'égalité des droits. Aujourd'hui commence un travail de mémoire avec la réhabilitation des grandes personnalités LGBT, la création de centres d'archives ou de chaires universitaires, les droits des transsexuels ... Aujourd'hui, on parle d'homoparentalité dans les pays où le mariage est déjà acquis. Mais il ne faut pas oublier que l'homosexualité reste interdite dans des dizaines de pays (voire passible de peine de mort), qu'en Europe des gouvernements agitent une homophobie populiste qui peut s'avérer meurtrière, que les crimes homophobes augmentent un peu partout.

Nous vieillirons ensemble. L'un des mérites du film est avant tout de déterrer les racines d'un combat qui est devenu public il y a cinquante ans. Et, par conséquent, de montrer des femmes et des hommes homosexuels qui étaient adolescents sous Woodstock et qui sont de beaux seniors aujourd'hui. Pour la première fois, une génération née après la guerre peut être ouvertement et publiquement gay et toujours en vie. Et la génération LGBT post-SIDA peut apprendre de son passé commun, et comprendre qu'après 30 ans, on n'est pas forcément condamné à être obsolète (sauf sur Grindr). Car c'est, en creux, l'un des aspects les plus intéressants de ce documentaire. Avec ses archives, son voyage dans le temps, ses souvenirs qu'on aurait pu croire révolus voire éteints, il dévoile une histoire qui n'est plus si jeune et qui aurait pu disparaître avec la propagation du HIV ou l'obligation de vivre caché. Grâce à ses anciens combattants, la communauté LGBT d'aujourd'hui, peut s'engager dans les combats de demain. L'étincelle devient alors un film qui sert de relais entre ceux qui ont vécu toutes ces batailles et ceux qui aujourd'hui profitent de cette liberté chèrement acquise. Or, on le sait, la liberté est une valeur fragile. Comme une flamme est facile à éteindre. Les luttes continuent.

Cannes 2019 : La diversité se taille une place de choix

Posté par wyzman, le 2 juin 2019

Cette année plus que jamais, le Festival de Cannes semble s’être entièrement réconcilié avec la diversité. Qu’il s’agisse de diversité raciale, sexuelle ou religieuse, les différentes sections et sélections n’ont jamais été aussi ouvertes et représentatives du monde qui nous entoure.

Des films arc-en-ciel

Après les succès de 120 battements par minute et Plaire, aimer et courir vite, la communauté LGBT était dans les starting-blocks. Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma nous a offert une jolie leçon d’amour lesbien tandis que Roubaix, une lumière d'Arnaud Desplechin a brillé par son couple de femmes en tête d’affiche (Léa Seydoux et Sara Forestier). Malgré les polémiques liées au nombre de fesses visibles et à son cunnilingus non-simulé de 13 minutes, Mektoub, my love : intermezzo a brillé par son jeu sur la sensualité de ses héroïnes.

Présenté dans la section Un Certain regard, Nina Wu de Midi Z s’est offert une héroïne lesbienne comme on en voit peu. Port Authority de Danielle Lessovitz s’est fait remarquer par la présence de sa toute première femme transsexuelle et de couleur en tête d’affiche à Cannes (Leyna Bloom). Le film, centré sur l’histoire d’amour compliquée entre un homme cisgenre et une femme transsexuelle, fait la part belles aux personnes transgenres ainsi qu’aux homosexuels.

Et les homosexuels étaient loin des placards cette année à Cannes. Du Rocketman de Dexter Fletcher à Douleur et Gloire de Pedro Almodovar en passant par Matthias et Maxime de Xavier Dolan, la sélection officielle nous a offert une belle galerie d’hommes gays ou bisexuels aux sensibilités et attitudes différentes. Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs, ce sont les héros de And then We Danced de Levan Akin et Tlamess d’Ala Eddine Slim qui nous ont émus.

Des sélections métisses

Trop longtemps perçu comme « blanc », Cannes s’est paré de mille couleurs continuer à être le plus grand festival de cinéma au monde. Si personne n’a été surpris par les personnages asiatiques de Parasite de Bong Joon-ho et Le Lac aux oies sauvages de Diao Yi’nan, les distributions de Bacurau de Juliano Dornelles et Keleber Mendonça Filho et Atlantique de Mati Diop ont été remarqués. Le premier, une fable futuriste mais réaliste, s’est illustré par sa grande représentativité et diversité ethniques quand le second, hommage aux Sénégalais qui rêvent d’un avenir meilleur mais continuent de se noyer dans l’océan Atlantique, s’est démarqué par son panel de femmes fortes.

Bien visibles dans Port Authority, les Noirs n'ont pas souffert d'une représentation erronée voire honteuse avec Les Misérables de Ladj Ly — à l’instar des Maghrébins et des musulmans de France. Malgré un résultat vain, Le Jeune Ahmed des frères Dardenne avait au moins le mérite de proposer une plongée inédite (à leur niveau) dans l'Islam radical, à quelques mètres des clichés. Même son de cloche dans Mektoub, my love : intermezzo où les protagonistes d’origine tunisienne n’ont jamais souffert de leur couleur de peau. Il en va de même pour Frankie d’Ira Sachs : la couleur de peau de la belle-fille fictive d’Isabelle Huppert, de son époux et de leur fille n’a jamais été mentionnée !

A la Quinzaine des Réalisateurs, Alice et le Maire de Nicolas Pariser et Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky ont amené avec eux des personnages féminins forts, joués par des actrices de couleur (Léonie Simaga et Lauren ‘Lolo’ Spencer). La trame autour du vaudou haïtien a permis à des acteurs noirs (Juan Paiva, Wislanda Louimat) de se greffer au casting de Sick, Sick, Sick d’Alice Furtado et Zombi Child de Bertrand Bonello. Impossible de ne pas mentionner les deux femmes d’origine maghrébine qui ont revitalisé la Quinzaine, j’ai nommé Zahia Dehar et Mina Farid, sublimes héroïnes d’Une Fille facile de Rebecca Zlotowski. Enfin, une mention spéciale mérite d’être attribuée à Kiki Layne pour sa belle interprétation de fantôme en Valentino dans The Staggering Girl de Luca Guadagnino !

Les funérailles des roses, un inédit intrigant, queer, drôle et cruel

Posté par vincy, le 25 février 2019

Carlotta a sorti cette semaine dans quelques salles françaises un film japonais du regretté Toshio Matsumoto (vidéaste, théoricien, artiste et réalisateur), Les funérailles des roses (en japonais Bara no soretsu). Le film a 40 ans et il est inédit. Ce premier long métrage, récit d'un Oedipe gay tragique dans Tokyo, explore le monde souterrain des travestis japonais, officiant dans des bars chics et bien tenus, et notamment le si bien nommé Genet (en hommage à l'écrivain français). Mais Toshio Matsumoto, avec un cinéma héritier de Bunuel, Godard et Marker, va beaucoup plus loin sur la forme comme sur le fond. Si le fil conducteur suit Peter, jeune garçon qui fuit le domicile matriarcal pour s'émanciper en fille, amoureuse de son employeur, le film est une succession d'audaces narratives, profitant sans aucune limite de sa non-linéarité. Les funérailles des roses mélange ainsi allègrement la chronologie des événements, avec certains enchaînements proches du surréalisme, et s'amuse de manière très libre à flirter avec le documentaire (des portraits sous forme de micro-trottoir face caméra de jeunes tokyoïtes gays) et le cinéma expérimental.

Hybride jusqu'au bout, le film se travestit comme ses personnages. Il est à la fois une étude anthropologique de la culture queer et underground du Japon des années 1960, pas très loin du swinging London côté mode, et fortement influencé par la Nouvelle vague, le situationnisme et l'existentialisme français. Tout en respectant les contraintes de la censure, il y a un côté punk, c'est à dire un aspect de contre-culture dans le film, qui passe aussi bien par la distanciation (on nous montre parfois le tournage même de la scène que nous venons de voir), la dérision (des gags comme du pastiche), l'angoisse psychologique (tous ont peur d'être abandonnés et sont en quête d'affection), le sous-entendu (sexuel), l'horreur (finale, tragique) et surtout, la surprise.

Car le cinéaste ne ménage pas le spectateur en s'offrant des virages inattendus, passant d'un genre à l'autre, de scènes parodiques et rythmées (les rivalités façon western ou kung-fu sont hilarantes) à des séquences plus oniriques où le temps se distord (sous l'effet d'un joint ou de la peur). On est alors fasciné par ce délire maîtrisé, où se croisent bulles de bande dessinée et art contemporain, plans surexposés ou références détournées, qui brouille les codes du cinéma, pour accentuer la folie du personnage principal, et ce réalisme passionnant d'une communauté loin des stéréotypes filmés par le cinéma japonais parvenu jusqu'à nous à cette époque.

Il y a ainsi le film dans le film (y compris l'insertion de courts métrages du cinéastes), le film d'un Tokyo gay, le film d'un duel entre deux concubines, le film d'un jeune gay paumé, le film d'une jeunesse alternative, le film politique, le film comique, le film romantique, le film dramatique et le film psychologique. Les témoignages sont aussi intéressants que cette histoire est intrigante.

Ces funérailles sont parfois bricolées, mais elles gagnent leur dignité: l'œuvre est assurément majeure dans le cinéma LGBT, le cinéma japonais et le cinéma des années 1960. C'est un film engagé, et même activiste, où se mêlent les avant-gardes de l'époque, entre sentiment de révolte et aspiration au changement. Qu'il soit flamboyant, moqueur, érotique, théâtral ou bordélique, le film est transgressif cinématographiquement (il y a longtemps que le queer ne l'est plus tant que ça dans la société). Toshio Matsumoto a finalement réalisé un film dont les héros revendiquent leur place dans la société comme Les funérailles des roses réclament sa place singulière dans le septième art.

2018 dans le rétro: des films LGBT plus ou moins marquants

Posté par wyzman, le 31 décembre 2018

Malgré de multiples polémiques (Scarlett Johansson renonce à incarner un personnage trans dans Rub & Tug, Jack Whitewall jouera un personnage gay dans le Jungle Cruise de Disney), 2018 aura été une grande année pour le cinéma LGBT.

Explicitement ou implicitement queer, les films qui suivent sont autant de preuves que la diversité sexuelle des personnages peut être synonyme de succès commercial. A moins qu’il ne soit encore et toujours question de personnages gays — et blancs ?

Des films importants

Sans surprise, Call Me By Your Name est le film queer qui aura le plus marqué les esprits cette année. Portée par Timothée Chalamet et Armie Hammer, adapté pour le grand écran par Luca Guadagnino, cette histoire d’amour et d’éveil sexuel était le Moonlight de 2018. Pour rappel, le film est reparti de la dernière cérémonie des Oscars avec le prix du meilleur scénario adapté pour James Ivory.

De son côté, Love, Simon aura marqué les esprits et les livres d’histoire en étant le premier teen movie d’un grand studio américain centré sur un personnage homosexuel. Sa bande originale nous a autant enthousiasmé que l’interprétation tout en finesse de l’acteur principal, Nick Robinson.

Mario de Marcel Gisler était peut-être le film LGBT le plus important de cette année. En mettant en scène une histoire d’amour gay entre deux joueurs de football professionnel, le réalisateur suisse a réussi son pari : nous émouvoir. A l’instar du Bohemian Rhapsody de Bryan Singer. Malgré des perturbations survenues sur le tournage entre le réalisateur et l’acteur phare de ce biopic du groupe Queen, Rami Malek s’y donne corps et âme. Une nomination aux Oscars semble de plus en plus évidente !

L’influence des sélections cannoises

En dépit d’une édition 2018 encore marquée par « l’affaire Netflix », le festival de Cannes a su ravir ses fidèles par la diversité des histoires racontées au travers de ses multiples sélections. En sélection officielle, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré aurait pu faire des ravages s’il n’avait pas été présenté un an seulement après l’implacable 120 battements par minute. Côté séances de minuit, c’est Whitney de Kevin MacDonald qui aura ravi la critique. Cet excellent biopic nous aura permis de découvrir la face cachée de la plus grande diva du 20e siècle, une femme agressée sexuellement dans sa jeunesse et qui a passé toute sa vie d’adulte à cacher son penchant pour les femmes…

Mais c’est sans doute de Girl de Lukas Dont que l’on se souviendra le plus longtemps. Lauréat de la Caméra d’or, du Prix FIPRESCI et de la Queen Palm, ce drame belgo-hollandais raconte l’histoire d’une adolescente et danseuse classique de de 15 ans née malgré elle dans un corps de garçon. Plus prévisible, Rafiki de Wanuri Kahiu aura eu le mérite de mettre en lumière l’hypocrisie teintée d’homophobie des autorités kenyanes.

De son côté, la Quinzaine des réalisateurs n’a pas démérité. Gaspar Noé était de retour avec Climax. Lauréat de l’Art Cinema Award, son nouveau bébé raconte comment une soirée entre vogueurs tourne au massacre à l’overdose. Bourré de personnages queer, Climax aura surpris, choqué, ravi, impressionné la Croisette. Au choix. Enfin, impossible de ne pas mentionner le drame romantique de Arantxa Echevarria, Carmen et Lola. Cette histoire d’amour entre deux gitanes était un must-see.

Si le psychédélique Diamantino nous a fait mourir de rire, force est de reconnaître que Sauvage de Camille Vidal-Naquet nous aura mis dans tous nos états. Son interprétation pleine de vigueur et d’honnêteté le place déjà parmi les meilleurs de sa génération. C’est peu dire !

Netflix, héros de la contre-programmation

N’en déplaise à certains producteurs et distributeurs, le géant du streaming est aujourd’hui un acteur majeur dans la diffusion de films LGBT. Netflix s’est ainsi démarqué ce printemps en proposant à ses abonnés Les Bums de plage et Alex Strangelove. Le premier, réalisé par Eliza Hittman et récompensé à Sundance 2017, s’intéresse à un adolescent de Brooklyn (Harris Dickinson) qui tente de compartimenter son temps entre ses amis paumés, sa petite amie suspicieuse et les hommes qu’il rencontre via Internet et avec lesquels il aime avoir des rapports sexuels.

Le second, beaucoup plus léger, s’est retrouvé sur le service de streaming quelques semaines avant la sortie de Love, Simon et raconte une histoire similaire. Persuadé qu’il va finir sa vie avec une femme, Alex se met à questionner sa sexualité après avoir rencontré Elliot, un jeune homme ouvertement homosexuel.

Les grands oubliés

Par chance, cette année, seuls trois films pourtant fort intéressants n’ont pas su trouver leur public. Il y a d’abord eu Désobéissance de Sebastian Lelio et qui raconte les péripéties d’une jeune femme juive-orthodoxe qui avoue à sa meilleure amie la nature de ses sentiments à son égard. Puis vient Come As You Are de Desiree Akhavan. Bien que porté par Chloë Grace Moretz, Sasha Lane et Forrest Goodluck, le drame américain centré sur un établissement spécialisé dans les thérapies de conversion n’a fait qu’accentuer l’attente mondiale autour de Boy Erased, le nouveau film de Joel Edgerton avec Lucas Hedges, Nicole Kidman, Russell Crowe, Xavier Dolan et Troye Sivan au casting.

Enfin, nous refermons cette liste quasi exhaustive des films LGBT qui ont fait 2018 avec The Happy Prince de Rupert Everett. Le biopic qui présente les dernières heures de l’écrivain Oscar Wilde (incarné Rupert Everett) est passé complètement inaperçu mais pourrait se rattraper lors des prochaines grandes cérémonies de remises de prix.

Cannes 2018: A Queer Eye

Posté par vincy, le 11 mai 2018

Une Palme d'or pour La vie d'Adèle, deux Grands prix du jury pour Juste la fin du monde et 120 battements par minute, un prix de la mise en scène Un certain regard pour L'inconnu du lac, sans oublier Carol, Les vies de Thérèse, Kaboom... le festival de Cannes depuis quelques années a suivi le mouvement sociétal et cinématographique (les Oscars ont récompensés Moonlight l'an dernier, Une femme fantastique et Call Me By Your Name cette année): l'homosexualité et plus globalement la culture Queer se sont invités dans les sélections comme dans les palmarès. Les cinéastes, hétéros ou LGBTQI, y trouvent des sujets forts pour des genres variés et des films engagés.

2018 ne fait pas exception. Le queer sera à la mode. Il sera même banalisé, ce qui ne peut que nous satisfaire. Il sera aussi "transgenre".

Yann Gonzalez nous plongera ainsi dans le milieu porno gay de la fin des années 1970 avec Un couteau dans le cœur (compétition), tandis que Christophe Honoré nous conviera à une romance dramatique gay (et homoparental) du début des années 1990 avec Plaire, Aimer et courir vite (aussi en compétition). Les amours (de jeunesse) tourneront aussi dans L'amour debout de Michaël Dacheux (Acid). A bas les étiquettes!

Côté beaux mecs (et tendance marginal) on sera séduit par les plastiques Felix Maritaud et Eric Bernard dans Sauvage de Camille Vidal-Naquet (Semaine de la critique). Dans un registre plus homoérotique qu'homosexuel, Diamantino de Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt se concentrera sur le culte du corps masculin d'un sportif (en l'occurrence celui de Carloto Cotta). Le sport et le corps sont aussi à l'honneur du documentaire de Marie Losier, Cassandro, The Exotico (Acid). Ici on plonge dans l'univers des catcheurs gays.

Mais peut-être que l'histoire qui nous touchera le plus est celle des deux frères, dont l'un est homosexuel, dans Euphoria de Valeria Golino (Un certain regard), avec Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandrea...

C'est d'ailleurs toujours à Un certain regard que l'un des films les plus attendus sera projeté: Rafiki de Wanuri Kahiu. Parce que c'est le premier film kényan en sélection officielle. Parce qu'il a été censuré dans son pays après l'annonce de sa sélection. Parce que c'est une histoire d'amour entre deux femmes qui ne peuvent pas étaler leurs sentiments en plein jour. Et dans la même sélection, avec Girl de Lukas Dhont, on évoquera le genre grâce à une adolescente qui veut devenir danseuse étoile, mais qui est née dans le corps d'un garçon.

Les amours saphiques seront aussi projetés à la Quinzaine des réalisateurs avec Carmen y Lola d’Arantxa Echevarria, une histoire d'amour entre deux jeunes gitanes dans un milieu où là aussi l'homosexualité est un tabou. Et qu'attendre de Climax de Gaspar Noé, qui met le plaisir au centre de tout, cet hédonisme revendiqué et sans limites?

On le voit: le genre, la sexualité, l'homophobie, l'homoparentalité, la pornographie, et bien entendu l'amour sont présents dans des films venus de partout et formellement différents. Et on peut aller plus loin avec le frontal A genoux les gars (Antoine Desrosières, Un certain regard) qui s'affirme le film le plus féministe de la saison, L'ange (Luis Ortega, Un certain regard), dont le personnage de tueur est pour le moins ambivalent ou encore Manto (Nandita Das, Un certain regard), biopic sur un écrivain célèbre accusé plusieurs fois de pornographie...

Mais assurément le film le plus queer du 71e festival de Cannes (en séance spéciale) est un documentaire de Kevin Macdonald (Le Dernier Roi d'Écosse), qui six ans après Marley (sur Bob Marley), s'intéresse à Whitney (sur la diva Whitney Houston). Rien de gai mais cette icône gay (et pop) devrait être l'une des vedettes des dancefloors cannois. Une Queen pour célébrer la culture queer, pour aimer, sans préjugés.