L’école de la vie : quand les rêves se heurtent à la réalité

Posté par redaction, le 16 novembre 2017

Maite Alberdi a suivi le quotidien d'adultes trisomiques fréquentant une institution spécialisée au Chili. Son documentaire, L'école de la vie, poignant, interroge sur la place que la société leur réserve aujourd'hui.

Rita, Ricardo, Anita et Andres sont atteints du syndrome de Down, la trisomie 21. Ils se retrouvent presque quotidiennement dans un atelier pour confectionner des gâteaux. Ils travaillent, mais ne gagnent pas suffisamment d'argent pour mener une vie autonome. Ils ont des rêves, comme les autres, mais ils se heurtent à une société qui ne leur permet pas de les réaliser.

Ainsi, Ricardo aspire à recevoir un salaire qui lui permettrait d'être indépendant. De leur côté, Andres et Anita voudraient se marier et vivre ensemble, mais leurs familles s’y opposent. Et quand Andres veut quand même acheter une alliance à Anita, il se voit refouler par le bijoutier parce que son portefeuille est loin de contenir la somme nécessaire pour l'acquérir. Quant à Rita, ses désirs se limitent à se faire offrir une poupée Barbie pour son anniversaire et à manger du chocolat en cachette.

Réalisatrice et productrice, Maite Alberdi a vécu au contact d'une tante trisomique. C'est de cette expérience que l'idée lui est venue de faire ce film. Elle a prospecté un peu partout au Chili et n'a finalement trouvé qu'une seule institution accueillant des adultes trisomiques. Avec une petite équipe, elle a ensuite tourné sur une année, à raison de quatre fois par semaine, pour s'imprégner du quotidien des personnages. Elle a accumulé 200 heures de rushes et le montage a duré un an. Au final, le résultat est impressionnant. Car elle a pu capter des scènes de vie étonnantes, parfois tristes, parfois joyeuses et drôles, en tous cas jamais ironiques à l'égard des personnages.

"Aucun dialogue n'a été écrit en amont et mes personnages ne jouent pas", raconte Maite Alberdi. "Ils sont intelligents et disent tout ce qu'ils pensent".

Cette spontanéité rend attachant chacun des personnages, pourtant plus ou moins sympathiques, tous différents les uns des autres. Le documentaire ne répond pas aux questions qu’on se pose sur leur situation. Mais on s'interroge sur les peurs d'une société qui, peut-être par facilité, cantonne les trisomiques dans un quotidien cadré, sans donner à ceux qui semblent suffisamment autonomes la possibilité de vivre de manière plus indépendante. Car si le quotient intellectuel moyen chez les jeunes adultes équivaut à celui d'un enfant de 8 ou 9 ans, l'ampleur de cette déficience est très variable d'une personne à l'autre. Certains arrivent à l'âge adulte en étant pratiquement autonomes, sachant lire et écrire, alors que d'autres n’ont pas les mêmes capacités. C’est un nouveau fait de société car l'espérance de vie des personnes trisomiques augmente. Dans les pays développés, elle est aujourd'hui de 65 à 70 ans, contre seulement 12 ans en 1947.

Il ressort malgré tout beaucoup de lumière du documentaire de Maite Alberdi, qui est accompagné par une musique entraînante. Une belle leçon de vie.

Pierre-Yves Roger