Lecce 2013 : un palmarès équilibré

Posté par MpM, le 16 avril 2013

LecceOn peut souvent déduire la physionomie d'une compétition à la seule lecture de son palmarès. A Lecce, lors du 14e festival du cinéma européen, il semble qu'aucune grande tendance ne se soit vraiment dégagée, chaque jury récompensant des œuvres distinctes.

Et c'est vrai qu'aucun film ne sortait du lot, à l'exception notable du captivant (mais radical) Rêve et silence de Jaime Rosales, découvert à la Quinzaine des Réalisateurs en 2012.

Paradoxalement, le film s'est avéré trop exigeant pour recevoir le moindre prix : dans chaque jury, il s'est en effet trouvé au moins un membre pour le détester. Et c'est vrai qu'on peut être surpris par l'approche très formelle du réalisateur catalan qui utilise presque systématiquement le plan fixe et situe hors champ une partie importante de l'action.

Au lieu d'être de simples décors, les lieux deviennent alors des personnages à part entière. Les protagonistes du film, eux, sont des êtres de passage qui vont et qui viennent, parlent, regardent, pleurent, en un mot vivent, à la fois dans et hors du cadre.

C'est donc un film bien plus consensuel qui a remporté l'Olive d'or (photo ci-dessous). Loving de Slawomir Fabicki décortique comment un jeune couple en apparence très amoureux en arrive à se faire la guerre.

Une étude de mœurs pas toujours très subtile qui oppose deux stéréotypes traditionnels : d'un côté une femme angélique et compréhensive et de l'autre un homme borné et jaloux. Passé la moitié du film, ça ne fonctionne plus, le scénario s'enfonçant dans les clichés sans vraiment explorer son sujet.

Le jury international, composé de la productrice Grazia Volpi, de l'actrice Maya Sansa, de la responsable de l’institut du film néerlandais Claudia Landsberger, du directeur du festival du film de Kiev Andriy Khalpakhchi et de l'acteur Leon Lucev, a par ailleurs récompensé Silent ones, un premier film esthétiquement ambitieux mais au scénario un peu creux, par un très logique prix de la meilleure photographie et Trois mondes de Catherine Corsini par un prix du scénario qui ferme les yeux sur les quelques passages ratés du film.

The almost man de Martin Lund repart quant à lui avec le prix spécial du jury, qui a voulu couronner le talent de l'acteur principal et la tonalité humoristique du film, portrait peu flatteur d'un homme de 35 ans en pleine crise identitaire.

De son côté, le jury Cinéeuropa s'est laissé séduire par The dead and the living de Barbara Albert, un road movie à travers l'Europe à la recherche d'un passé douloureux et indicible lié à la seconde guerre mondiale. Un film qui cherche à dire beaucoup de choses d'un coup, ce qui est rarement une bonne chose, mais qui se distingue par une bande-son très réussie.

Enfin, c'est Ships (photo ci-contre) de la cinéaste turque Elif Refig qui a reçu le prix Fipresci (Fédération internationale de la presse cinématographique). Impressionnant par sa maîtrise cinématographique et esthétique, ce premier long métrage marque l'émergence d'une nouvelle réalisatrice pleine de promesses.

Les personnages en quête d'identité y semblent des enfants qui construisent leur propre univers, comme un refuge à l'intérieur du monde. Pour eux, l'aspiration au voyage devient aussi bien espoir et désespoir que rêve et désillusion.

Au final, presque tous les films sélectionnés sont ainsi repartis avec quelque chose, à l'exception donc du film espagnol Rêve et silence, d'un film russe particulièrement misérabiliste (Living de Vasily Sigarev) et d'un film grec pas mal fichu mais un peu poussif (11 meetings with my father de Nikos Kornilios).

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Le palmarès complet

Olive d'or du meilleur film
Loving de Slawomir Fabicki (Pologne)

Prix de la meilleure photographie
Silent ones de Ricky Rijneke (Pays-Bas)

Prix du meilleur scénario
Trois mondes de Catherine Corsini (France)

Prix spécial du jury
The almost man de Martin Lund (Norvège)

Prix du meilleur acteur
Wolfram Koch pour Our little differences de Sylvie Michel (Allemagne)

Prix du meilleur acteur dans un second rôle
Roland Rába dans Silent ones de Ricky Rijneke (Pays-Bas)

Prix Cinéeuropa
The dead and the living de Barbara Albert (Autriche)

Prix FIPRESCI
Ships d'Elif Refig (Turquie)

Cinecibo Award
Il pasticciere de Luigi Sardiello (Italie)

Emidio Greco Award
Tiger boy de Gabriele Mainetti (Italie)

Puglia show award
Matilde de Vito Palmieri (Italie)

Special Jury Mention
Rumore bianco d'Alessandro Porzio (Italie)

Ships est un film impressionnant pour sa maîtrise cinématographique et esthétique. Il marque l'émergence d'une nouvelle réalisatrice pleine de promesses qui aborde le thème de l'odyssée, c'est-à-dire du voyage, à la fois comme espoir et désespoir et comme rêve et désillusion. Les personnages en quête d'identité y semblent des enfants qui construisent leur propre univers, comme un refuge à l'intérieur du monde.

Lecce 2013 : les aphorismes d’Aki Kaurismäki

Posté par MpM, le 12 avril 2013

kaurismakiDu propre aveu d'Aki Kaurismäki, le Finlandais n'est pas très expansif, voire renfermé.

Il n'y a qu'à se référer à son œuvre, pleine de personnages masculins mutiques et superbes dont seuls les yeux sont expressifs, à l'image du duo magnifique de Tiens ton foulard, Tatiana.

De ce film, il dit d'ailleurs sans détour "l'essentiel est de rendre hommage au silence de l'homme finlandais."

Au festival de Lecce, dont il est l'invité, Aki Kaurismäki a fait honneur à cette réputation. Détendu et souriant, il s'est livré lors de la conférence de presse à ce qui semble être son exercice préféré, la création d'aphorismes mi-ironiques, mi-surréalistes.

"Je suis au service du cinéma", "Le monde change, alors pourquoi le cinéma ne changerait pas lui aussi ?", "Si vous pensez à Cary Grant et Brad Pitt, vous pouvez voir la différence", "Je suis un homme paresseux : je mets de la musique à la place des dialogues car il faut écrire les dialogues alors que la musique est déjà là", "Si les acteurs sont bons, pourquoi en changer ?"...

Inutile d'attendre de longs développements ou des commentaires sur son oeuvre, on n'en saura guère plus, si ce n'est peut-être que le jour où l'on ne trouvera plus de pellicule, il cessera de filmer.

La superbe exposition qui est consacrée kaurismakiau travail de Kaurismäki dans le château de la ville joue aussi sur cette propension qu'a le cinéaste finlandais à expliquer son œuvre en quelques formules bien senties.

Au détour des panneaux reproduisant des images de ses films, on peut ainsi lire : "c'est facile de tirer un drame épique de 2h30 d'un regard échangé dans la rue, à condition de ne pas se promener avec les mains dans les poches. Métaphoriquement, bien sur" ou "Mon éternel projet est de faire un film qu'une paysanne chinoise pourrait comprendre sans sous-titres." (au sujet d'Ombres au paradis).

Mais aussi : "J'ai réalisé que je devais traiter les personnages féminins exactement comme les personnages masculins. Après tout, d'un point de vue existentiel, les problèmes sont les mêmes." (L'homme sans passé) ; "J'ai toujours eu l'ambition secrète que le spectateur sorte du cinéma en se sentant un peu plus heureux que lorsqu'il est arrivé." (Au loin s'en vont les nuages) ; "Le casting, pour moi, c'est engager les bons acteurs, afin de ne pas avoir à les diriger, ce qui est bien pour un homme paresseux." (J'ai engagé un tueur)...

En plus de l'exposition, le Festival de Lecce organise une rétrospective de son œuvre, permettant de revoir pratiquement tous ses films. Un vrai régal, des Leningrad cowboys go to America à son dernier long métrage en date, Le havre. Justement, le meilleur moyen d'en savoir plus sur Aki Kaurismäki est probablement de revoir ses films. Tout ce qu'il a toujours voulu dire est là, à portée de mains, mâtiné d'humour et de cette mélancolie profonde qui vient toujours rappeler que la vie est une farce à la fois noire et ironique.

Lecce 2013 : lost in translation

Posté par MpM, le 10 avril 2013

lecce3C'est l'un des grands bonheurs de festival que de se retrouver soudainement en vase clos, avec le cinéma pour seul horizon, langage et intérêt. Lorsqu'en plus le festival a lieu dans une ville aussi belle que celle de Lecce, baignée par le soleil, et aux majestueux monuments de l'époque baroque, on se sent véritablement hors de la réalité.

La réalité, heureusement, ne manque jamais de se rappeler à nous. A travers les films, qui évoquent comme partout ailleurs les maux de notre temps : violence, injustice, pauvreté... Mais aussi à travers ces petits pics que le destin sait si bien ménager.

Ainsi pouvait-on découvrir en ouverture du festival un film italien, intitulé Il pasticciere (Le chef patissier), en présence de son réalisateur Luigi Sardiello et de ses acteurs Antonio Catana, Ennio Fantastichini ou encore Luca Cirasola. Le film raconte l'histoire d'un patissier timide et très consciencieux qui se retrouve mêlé contre son gré à une affaire criminelle.

Difficile d'en raconter plus, pastidans la mesure où le film (en italien) ne possédait pas de sous-titres anglais lors de sa projection officielle. Bien sur, c'est une exception, puisque toute la compétition bénéficie d'un double sous-titrage. Toujours est-il que face à ces interminables dialogues italiens (où chaque phrase semble n'être qu'un seul long mot), le journaliste français, si prompt à vanter l'universalité du langage cinématographique, se retrouve un peu perdu, voire complètement largué.

L'ironie du sort... mais qui ne dément pas complètement la théorie. Car face à un film dont on ne saisit ni les ressorts ni les subtilités, on est plus attentif à la construction du plan, aux choix de mise en scène et au jeu des acteurs. On en revient à une sorte d'essence du cinéma. Et puis, parfois, on se laisse aller à imaginer sa propre histoire... peut-être plus riche et plus belle que l'originale.

Festival de Lecce : le cinéma européen à l’honneur

Posté par redaction, le 8 avril 2013

LecceLe festival de Lecce (Italie), qui se tient du 8 au 13 avril 2013, met chaque année le cinéma européen à l'honneur. Pour sa 14e édition, il propose ainsi une compétition de dix longs métrages venus de tout le continent ainsi que plusieurs rétrospectives.

Parmi les films en compétition pour "l'olive d'or", on retrouve notamment Trois mondes de Catherine Corsini (présenté à Un certain regard en Cannes en 2012), Rêve et silence de Jaime Rosales, The almost man de Martin Lund ou encore Ships de El?f Ref??.

Trois personnalités sont par ailleurs à l'honneur : le réalisateur finlandais Aki Kaurismaki (L'homme sans passé, Au loin s'en vont les nuages, Le havre...), l'actrice italienne Francesca Neri (En chair et en os, Dommage collatéral, La felicita...) et l'acteur, réalisateur et scénariste italien Fernando di Leo (Roses rouges pour le fuhrer, Les Insatisfaites poupées érotiques du docteur Hitchcock, Pour une poignée de dollars...)

En parallèle, le focus sur le cinéma méditerranéen met l'accent sur Israël avec 5 longs métrages, 5 courts et 5 documentaires.

Enfin, une table ronde sur le cinéma européen : "créativité et rentabilité" est également organisée.

Ecran Noir sera à Lecce pendant toute la durée du festival et vous le fera vivre de l'intérieur, grâce à notre collaboratrice MpM, membre du jury FIPRESCI (Fédération internationale de la presse cinématographique).