Little Festival : un été animé pour les très jeunes cinéphiles

Posté par MpM, le 1 juillet 2019

Les parents de (très) jeunes enfants le savent, pas toujours facile de trouver une programmation qui leur soit véritablement adaptée en termes de durée, de contenu et de tonalité.

C'est pourquoi on se réjouit de la belle initiative de Little KMBO qui propose tout l'été la première édition du Little Festival destiné au jeune public dès trois ans. Plus de deux cent salles dans toute la France participent à l'opération en proposant l'un des huit films ou programmes d'animation qui constituent la sélection.

Qui dit festival dit avant-premières, et les jeunes spectateurs pourront découvrir avant tout le monde le long métrage Le voyage dans la lune de Rasmus A. Sivertsen (sortie prévue le 6 novembre), véritable odyssée spatiale ludique et ultra-référencée qui célèbre à sa manière le 50e anniversaire du premier pas sur la lune. Ce troisième volet des aventures de Solan et Ludvig (après De la neige pour Noël et La Grande course au fromage, également présenté dans le cadre du festival), est un régal d'humour et de fantaisie, y compris pour les parents qui apprécieront le second degré permanent des personnages et des dialogues.

Autre exclusivité avant sa sortie le 11 septembre, le programme Un petit air de famille qui réunit cinq courts métrages sur les thématiques familiales, à découvrir à partir de 4 ans. En parallèle, les enfants pourront (re)découvrir Dans la forêt enchantée d'Ouky Bouky (également signé par Rasmus A. Sivertsen) ainsi que des programmes de courts comme Les contes de la mer, A la découverte du monde ou encore La ronde des couleurs. Des ateliers d'initiation à l'astronomie et aux arts créatifs seront également organisés en marge des projections. De quoi faire vivre aux jeunes spectateurs un été aussi cinéphile qu'animé !

---

Little Festival

Juillet-Août dans toute la France, avec un temps fort les 20 et 21 juillet
Informations sur le site de la manifestation

Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011

Pour moi, tout commence en décembre 2010 lorsque je rencontre Serge Bromberg pour la première fois dans les locaux de Lobster Film à Paris. Je viens lui poser de nombreuses questions sur la restauration des tout premiers films de Chaplin qui viennent de sortir en DVD. Nous discutons un peu. Il me montre une partie de sa collection, quelques bobines de Buster Keaton que j’admire. Et en guise de cadeau, le restaurateur accepte de me montrer sur quel projet fou il travaille d’arrache-pied depuis quelques temps. Il ouvre une boîte et je découvre avec horreur des milliers de petits bouts de pellicule ! C’est Le voyage dans la lune de Georges Méliès, dans une version colorisée inédite (voir notre critique), et Serge Bromberg me dit : « vous verrez, dans quelques mois, ce projet fera du bruit. On en entendra parler partout ! ». Chose promise, chose due. Le film est aujourd’hui restauré au prix d’incroyables efforts et il ressort en salles, accompagné d’un superbe documentaire.

C’est l’histoire d’un voyage dans le temps et aux quatre coins du globe. Un voyage qui débute en 1902, qui passe par Cannes, Londres, Tokyo, New-York et qui fait même un arrêt sur la lune ! C’est une histoire incroyable. Un pari de dingues, de passionnés qui n’avaient qu’une idée en tête : ressusciter le film le plus célèbre de Georges Méliès, l’inventeur du cinéma de divertissement.

Le premier blockbuster de l’histoire du cinéma

La qualification est forcément racoleuse, et pourtant nous ne sommes pas si éloignés de la réalité. Au début du siècle dernier, le cinéma en est à ses balbutiements et c’est la production cinématographique française qui règne en maître dans le monde. Ce sont nos films qui s’exportent aux États-Unis et non l’inverse. Et LE réalisateur de films divertissants de l’époque n’est autre que Georges Méliès, magicien de profession, qui tombe amoureux du cinéma et des possibilités infinies qu’il peut offrir. Dans ses studios de Montreuil, Méliès réalise en 16 ans plus de 500 films et Le voyage dans la lune, tourné en 1902, est un de ses projets les plus ambitieux. L’artiste/artisan aime plonger le spectateur dans des univers féériques et fantastiques. Il nous embarque dans des explorations sous-marines à la rencontre de monstres impitoyables ou bien nous envoie haut dans le ciel parmi les étoiles. Cependant, Méliès, veut aller toujours plus loin ! Il aimerait surprendre toujours plus et livrer LA superproduction de l’époque.

Il décide donc d’aller sur la lune ! Le budget est colossal (10 000 francs), la longueur du film (15 minutes) totalement inédite pour l’époque, et Méliès engage un nombre important de figurants. Bref, les moyens mis en place sont ceux qu’Hollywood peut mobiliser pour un blockbuster d’aujourd’hui.

L’histoire est simple : des scientifiques décident d’être propulsés sur la lune à bord d’une sorte d’obus géant. Là-bas, ils découvrent une nature luxuriante, quoique mystérieuse et quelque peu hostile, ainsi que les « locaux », les Sélénites, qui tentent de les capturer. Heureusement, les aventuriers parviennent à regagner la terre ferme où ils sont accueillis en héros.

Dès sa sortie, le film est un énorme succès. Les forains se l’arrachent et le film est même très fortement "piraté" aux États-Unis. Des copies frauduleuses circulent sur tout le territoire, obligeant Méliès à ouvrir une succursale à New-York pour faire valoir ses droits.

Cependant, et c’est ce qui nous intéresse ici, Méliès veut que le spectacle soit total et pour cela, il veut de la couleur, ce qui coûte cher ! Certaines copies seront vendues en noir et blanc (la majorité), tandis que d’autres seront en couleur (des versions « de luxe »). Et en couleurs signifie, dans le cas du Voyage dans la lune, la dextérité de 400 jeunes filles armées d’un pinceau et peignant chaque case de pellicule une par une, chaque personne ayant en charge une couleur précise. Cela signifie une patience absolue et de longues journées de labeur.

Malgré l’époque et un art encore hésitant, Georges Méliès s’affranchit des limites du réel. Il va sur la lune et met de la couleur sur la pellicule, puisqu’il ne peut la filmer en direct. Et c’est d’ailleurs cela qui donne au Voyage dans la lune son aspect si original et atemporel. La couleur n’est pas une couleur « naturelle », elle est flagrante, voyante, et renforce l’aspect fantastique et féérique du film.

Pour le 150ème anniversaire de sa naissance, Georges Méliès peut se dire que, bien qu’il ait fini dans la pauvreté et dépouillé de ses studios, son cinéma, lui, est toujours présent, et sa féérie parfaitement intacte.

________

Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2011

Le voyage dans la lune de Georges Méliès vient d’être restauré dans une version colorisée inédite par Lobster Films, la Fondation Technicolor, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et Tom Burton de la Technicolor Film Foundation et il est présenté depuis Cannes dernier dans les festivals du monde entier.

Le film ressort en salles cette semaine (voir notre critique), accompagné d’un documentaire, Le voyage extraordinaire d’Éric Lange et Serge Bromberg. D’une durée d’une heure, ce dernier retrace la carrière du cinéaste ainsi que le tournage du film, pour, dans une seconde partie, se concentrer sur la restauration. Des témoignages (de Michel Gondry ou Costa-Gavras pour ne citer qu’eux), des documents inédits et des commentaires pertinents composent ce documentaire très instructif.

Une restauration dans l’attente

Tout commence en 1993 lorsqu’un anonyme donne généreusement plus de deux cents films muets à la Filmoteca de Catalunya parmi lesquels se trouve une version en couleur du Voyage de la lune, perdu depuis 80 ans !

En 1999, la Filmoteca et Lobster Films échangent des pellicules. Des Segundo de Chomon pour les espagnols et des Georges Méliès pour les français, dont le fameux Voyage dans la lune qui est dans un état plus que déplorable. Mais pour Éric Lange (restaurateur chez Lobster Films), c’est un rêve d’enfant et le pari de toute une vie qui se présente. Il accepte, ne sachant encore ce qu’il pourra faire de cette pellicule « collée », qui forme un seul et unique bloc aussi solide que du bois. Comment faire pour détacher la pellicule sans la détruire ? Peut-on sauver le film ? Peut-on le restaurer ? Autant de questions auxquelles personne n’a de réponse…

En 1999, les techniques de restauration sont insuffisantes, alors le film est conservé dans un coin, dans l’attente d’une solution. La pellicule est toutefois placée sous une cloche de verre, subissant des vapeurs acides qui doivent « faire respirer » le matériel. Ces vapeurs permettent à la pellicule de se décoller lentement. Avec une minutie exemplaire, Éric Lange, tel qu’on le voit dans le documentaire, travaille sur son temps libre et s’aide d’un bout de pellicule pour dérouler le film de Méliès, bout par bout. Des petits morceaux se détachent et il photographie chaque image, une à la fois ! Il y passe de nombreuses nuits et, un an plus tard, ce sont  13 375 images (dont certaines sont brisées en plusieurs morceaux) qui sont stockées dans un disque dur et qui attendent des technologies suffisamment performantes pour être restaurées.

Cependant, la politique de la Fondation Technicolor, de la Fondation Groupama Gan et de Lobster Films, est, non seulement de restaurer le film, mais également de sauvegarder la pellicule ! Toute pellicule « ancienne » est placée sur une nouvelle, plus stable et plus résistante, dont on estime la durée de vie à 1 000 ans. Or, ici, la pellicule était dans un tel état que seules les images sur le disque dur sont sauvées. La pellicule, après le traitement des vapeurs acides, s’est solidifiée pour devenir aussi fragile que du verre. Impossible de la passer dans une tireuse optique pour la déposer sur un support plus stable sans qu’elle s’abîme et se brise davantage. Le film d’origine est donc quasiment perdu…

Le secours du numérique

De 1999, il faut passer directement à 2010 où Lobster Films s’associe à la Fondation Technicolor et à la Fondation Groupama Gan pour restaurer ensemble Le voyage dans la lune. Grâce au numérique, on peut enfin envisager de restaurer le film. Il faut tout d’abord recomposer les images. Imaginez que vous faites tomber un verre du 10e étage et que l’on vous somme de lui rendre son aspect d’origine ! Multipliez cette opération une centaine de fois et vous aurez une estimation de la tâche qui attendait tous ces restaurateurs.

Pour mener à bien cette opération d’envergure (tous les restaurateurs en charge du projet ont affirmé qu’il s’agit de la restauration la plus difficile jamais effectuée jusqu’à présent), les trois équipes françaises traversent l’Atlantique pour aller trouver l’aide de Tom Burton, dans les bureaux de Technicolor à Los Angeles, et dont la devise est : "Ce qui est difficile, nous le faisons immédiatement. Ce qui est impossible prendra juste un petit plus de temps." C’est là-bas que pendant de longs mois le plus gros de la restauration sera fait.

Les images vont être recomposées une par une, et remises dans l’ordre. Les séquences vont être ajustées. Les couleurs vont être à nouveau peintes, à la main ! Des mois de travail acharné pour faire renaître le grand film de Méliès. Et puisque 7 % du film manque, les restaurateurs vont aller les chercher dans une copie noir et blanc pour que le film soit complet. Enfin, pour pouvoir atteindre un public large, une musique originale est composée par le groupe Air. Une musique électro qui s’accorde parfaitement au film.

Le voyage dans la lune marque ainsi un tournant dans l’Histoire de la restauration. Il prouve que les diverses sociétés de production ont un seul et même but commun. Il prouve que les technologies d’aujourd’hui permettent de restaurer ce que tout le monde disait impossible à sauver ! Et enfin, il prouve qu’un film restauré peut, en 2011, faire l’ouverture du festival de Cannes, juste avant le film de Woody Allen, et être applaudi par des milliers de spectateurs à travers le monde.

___________________
Le voyage dans la lune est programmé dans les salles françaises à partir du 14 décembre en accompagnement du documentaire Le voyage extraordinaire, de Serge Bromberg, qui explique sa restauration.

L’instant vintage : La restauration donne une seconde vie aux films

Posté par Benjamin, le 30 octobre 2011

Ce n’est que dans les années 1930 que des personnalités du cinéma telles qu’Henri Langlois se sont mobilisées pour sauver les richesses du cinéma muet. Les cinémathèques à travers le monde se sont créées (la Cinémathèque française, en 1936, fut l’une des dernières, bien après l’Allemagne, le Royaume Uni ou les Etats-Unis) pour, d’une part, stocker ces films, et d’autre part, les projeter et leur donner une seconde naissance.

Car après tout, le but de la conservation et de la restauration est d’apporter un regard nouveau sur une œuvre plus ou moins datée. Lorsque le festival de Cannes organise la projection du Guépard, d’Orange mécanique ou même du Sauvage en version restaurée, il soumet ces films au jugement du temps. Ont-ils passablement vieilli ? Ont-ils au contraire gardé (ou amplifié) la force qu’ils possédaient à leur sortie ? Sont-ils toujours des classiques que le temps n’effleure même pas ?

La restauration met les films à l’épreuve. C’est un second jugement, un second regard car, dans l’art comme dans toutes choses, il faut souvent y regarder à deux fois. Combien de films ont été massacrés lors de leur sortie pour être auréolée 20 ans plus tard (Citizen Kane en est un parfait exemple). Mais aussi combien de films subissent le sort inverse ? Ils sont, lors de leur première diffusion, jugée, perçue comme une œuvre agréable et ils souffrent cruellement aujourd’hui des années qui leur sont passées dessus. Et ce film qui était alors autrefois un succès n’est plus que le témoin de cette époque résolue. On le regarde en souriant. Ces défauts deviennent comiques mais il ne faut pas le jeter ou le détruire pour autant. Et la restauration, grâce aux recherches des restaurateurs, permet enfin de découvrir des versions inédites de chefs d’œuvres, comme Metropolis pour ne citer que lui qui a gagné près de 30 minutes (pas inutiles) de métrage !

Les films restaurés sont aussi un musée des souvenirs, ils revêtent un costume qu’on ne leur connaissait pas. Par exemple, un film que l’on juge mauvais peut avoir un intérêt historique, être le témoin privilégié, la transmission vers la postérité d’une ville, d’un métier, d’un trait d’époque qui n’existe plus. Le film se pare d’une valeur historique et/ou sociologique. Il nous informe également sur une façon de faire du cinéma qui n’est certainement plus la même aujourd'hui. La version restaurée inédite du Voyage dans la lune de Méliès, coloriée au pochoir, nous apprend que le cinéma en couleur existait dès les années 1900 mais qu’il fallait pour cela que les artisans du cinéma peignent à la main chaque carré de pellicule !

Grâce à la restauration, c’est aussi le jugement critique qui peut être mis de côté pour ne faire ressortir que le simple plaisir de voir un film un brin provocateur pour son époque, un cartoon des premiers temps ou les premières actualités filmées. Le cinéma est un œil braqué sur le monde. Il a mille fonction mais toujours le même objectif : divertir. La critique perd alors un peu de son sens (éclairer le spectateur) pour ne devenir qu'un reflet déformant, souvent valorisant.

En restaurant les tout premiers films de Chaplin, Losbter Films, la Cinémathèque de Bologne et le British Film Institute donnent à voir la naissance pour ne pas dire la création de Charlot ! Ce n’est pas rien. Ces films de 1914 nous offrent une connaissance plus approfondie de ce qu’était le cinéma burlesque à cette époque, de la position de Chaplin et de son développement artistique en une seule année. Mais aussi de précieuses informations sur les techniques de réalisation, de montage, de production, etc. Il y a une foule de détails dans ces films ! Un spectateur lambda appréciera les gags un peu grossiers et le rythme haletant de ces comédies Keystone.

Serge Bromberg, célèbre restaurateur admiré de tous, désire que le spectateur regarde ses films avec son âme d’enfant. La restauration doit aussi ramener cela : le simple et pur plaisir du spectateur qui se prélasse devant un film, et peu importe sa date de production tant qu'il reste une copie, même abîmée. Car après tout, il n’y a que la contemplation qui compte.

Il ne faut pas oublier ce conseil d’Henri Langlois : « tout conserver ! » Pour cela Ecran Noir a décidé de consacrer une rubrique dédiée à ces films "vintage" sur son blog. En parler comme on parle des autres films. Ce n'est pas seulement faire revivre le patrimoine, c'est aussi le rendre indispensable à nos mémoires.

Car, malheureusement, la place manque pour la conservation et la restauration ne rapporte pas d’argent, malgré les re-sorties en salles souvent réussies et des DVD bien soignés. La VOD/VàD reste un modèle économique à suivre pour rentabiliser les coûts.

Elle n’est nourrie que par le temps et la passion de certains cinéphiles. Si vous trouvez un film chez vous, chez votre voisin, une pépite ou une pellicule, quelque chose qui pourrait être intéressant, n’hésitez pas à le signaler car il peut être sauvé et diffusé au plus grand nombre. Ces films sont comme les trésor des pirates enfouis : la quête devient inestimable...

Cannes 2011 : Le voyage dans la lune, une fable hallucinante

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Monument historique du cinéma, Le Voyage dans la lune est sans aucun doute, avec cette Lune éborgnée par une fusée, l’une des premières images du cinéma inscrite dans l’inconscient collectif. Mais qui a finalement vu le quart d’heure de film de George Méliès ?

Grâce à la restauration de la copie couleur originale (voir actualité du 10 mai), il est désormais possible de juger l’oeuvre dans son intégralité. Elle sera présentée en ouverture du 64e Festival de Cannes ce soir, dans le cadre Cannes Classics.

Sur la forme, on reste épatés par l’ingéniosité des effets visuels de l’époque (nous sommes à la préhistoire du cinéma tout de même) transformant des télescopes en chaises en un clignement d’œil. Si l’on sent la présence de décors peints comme au théâtre, il essaie tout de même de créer des perspectives et du relief. Reconnaissons que l’imaginaire du réalisateur, inspiré par l’inventivité de la révolution industrielle, le récit fantastique de Jules Verne et une foi inébranlable dans les infinies possibilités de la science, est fondateur du cinéma de science-fiction. Bien sûr, rien n’est plausible scientifiquement. Mais ce voyage prend des tournures délirantes qui le rendent hallucinant.

Tantôt burlesque, tantôt coquin (les filles sont des faire-valoir, certes, mais toujours courtement vêtue), cette épopée ne manque pas de dérision. Mais c’est dans l’action que le film se révèle le plus impressionnant : avec ces monstres lunaires aux allures reptiliennes, qui disparaissent en fumée dès qu’on les frappe, le réalisateur filme des scènes de bataille qui ancrent le film dans la catégorie « pur divertissement ».

Et c’est là que l’audace des restaurateurs prend tout son sens. Pour faire le lien entre cet objet du patrimoine et notre regard actuel, ils ont décidé d’y coller la musique électronique du groupe AIR (Virgin suicides). Le voyage dans la lune devient alors comme le château de Versailles accueillant les œuvres de Jeff Koons. La musique se marie à la perfection aux ambiances du film, accentuant même sa dramatisation. Les rythmes ponctuent les gestes et les coups, donnant du relief à un film muet.

L’ensemble a des airs de clips psychédéliques un peu barré. Ce tableau sauvé des eaux est en mouvement perpétuel, agité, un peu flou, et pourtant il nous hypnotise et nous propulse dans un autre monde, parallèle. Pour une fois que le cinéma nous envoie vraiment dans la lune….

__________
voir aussi : Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire le documentaire de Serge Bromberg ; Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma, l'histoire du film ; et Hugo Cabret, film de Martin Scorsese avec Georges méliès et ses films dans les rôles principaux...

Cannes 2011 : le Festival nous promet la lune (de Méliès)

Posté par Benjamin, le 10 mai 2011

Dans les premières années du 7ème art, deux types de cinéma se sont distingués : le cinéma documentaire, s’inspirant de la vie réelle et créé par les frères Lumières et le cinéma de pur divertissement dans lequel Georges Méliès règne en maître. Cette année, le 64e Festival de Cannes a décidé de mettre à l’honneur ce dernier avec la présentation d’une version colorisée et restaurée du Voyage dans la lune, ce fameux film où la lune est éborgnée par une fusée. Le film sera projeté lors de la soirée d’ouverture mercredi 11 mai, dans le cadre Cannes Classics, pour célébrer les 150 ans de la naissance du réalisateur.

Les cinéphiles que vous êtes se demandent immédiatement comment une version en couleur peut exister de ce film réalisé en 1902, alors que la couleur n’apparaît que bien plus tard dans les années 30. En fait la couleur est ici une peinture rajoutée sur la pellicule. Chaque plan a été peint à la main.

Cette version du film inédite de 16 minutes que l’on croyait perdu a été retrouvée dans la Cinémathèque de Barcelonne et est aujourd’hui en possession de Lobster Films, qui a déjà restauré près de 200 films de George Méliès (sur les 500 existants et que Méliès n’avait pas détruit dans un excès de colère à la fin de sa carrière).

Avec l’aide de la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du cinéma, ils ont entrepris de redonner vie à ce chef d’œuvre du cinéma. Dans les locaux de la société de Serge Bromberg, des centaines de boîtes contenant des morceaux, des fragments du film sont entreposés. Lorsque le restaurateur, césarisé pour L’enfer d’Henri-George Clouzot, nous a laissé entrevoir ce que contiennent les boîtes en novembre 2010, on se rend compte du travail interminable qui attend les restaurateurs. La pellicule n’est pas seulement abîmée, elle est cassée en mille morceaux. Certains plans (juste un petit carré d’images) peuvent être brisés en une dizaine de morceaux (13 375 pour être précis). Un scan va alors être effectué plan par plan pour d’abord sauvegarder le film puis ensuite entreprendre sa restauration dont le budget s'élève à 400 000 euros. Pendant un an, exclusivement en 2010, le travail de restauration est effectué à Los Angeles, dans les locaux de Technicolor. Un projet titanesque qui est, selon Serge Bromberg, le plus difficile qu’il ait eu à faire en plus de 20 ans de métier : « C’est la restauration la plus complexe et la plus ambitieuse que nous ayons jamais menée, d'autant que ce film des tous premiers temps du cinéma était invisible depuis une centaine d'années. »

Une musique, composée et jouée par le groupe AIR, a également été faite spécialement pour le film, pour faire le lien entre le public d'aujourd'hui et les images d'hier.

La restauration du Voyage dans la lune est un grand pas en avant dans ce domaine car il s’agit d’un des films les plus importants et les plus célèbres de l’Histoire du cinéma. Tout le monde, sans avoir vu forcément le film, connaît cette image si célèbre de la lune, dont le visage est celui d’une femme, avec une fusée venue se cogner dans l’un de ses yeux. Aujourd’hui, c’est un film plus long et en couleur qui pourra être apprécié par les festivaliers. Une chance unique que propose Cannes de redécouvrir l'un des plus grands films de la préhistoire du cinéma. Un monument historique retapé avec brio et audace.