2017 dans le rétro: 7 leçons à retenir du box office

Posté par vincy, le 27 décembre 2017

La fréquentation est plutôt stable un peu partout dans le monde. Même si ce n'est pas une année portée par un record ou un phénomène, le cinéma continue d'être populaire, une sortie incontournable (pour les jeunes et les seniors essentiellement), et ce malgré le prix du billet qui augmente année après année et la concurrence d'autres loisirs visuels (du smartphone aux jeux vidéos).

Le cinéma d'animation, vecteur fédérateur

Le film d'animation reste le secteur fédérateur par excellence, attirant les enfants et donc les parents. Aux Etats-Unis, le genre s'essouffle un peu cette année, même si 5 films dépassent les 100 millions de dollars. Des deux côtés de l'atlantique en tout cas, Moi, Moche et méchant 3 domine. Ce film franco-américain est le seul à être dans le Top 10 nord-américain et est en position de leader annuel en France en étant d'ailleurs le seul film à avoir séduit plus de 5 millions de spectateurs. Il est aussi le seul film animé à avoir récolté plus d'un milliard de dollars de recettes dans le monde, cap franchi par trois autres films cette année. Même si l'année fut décevante pour Pixar, et même si certains films n'ont pas trouvé leur public à hauteur des attentes, le genre a de beaux jours devant lui puisqu'au niveau mondial 6 films dépassent les 300M$ (dont le japonais Your Name). En France, le cinéma d'animation local a souffert, ne s'imposant qu'avec Sahara (1,1 million d'entrées) et Le grand méchant renard (650000 entrées). Mais les productions américaines continuent de plaire: Baby Boss, Cars 3 et Coco ont franchit la barre des 2 millions de spectateurs.

Les super-héros, un peu moins musclés

Ils sont toujours là, année après année. 2017 n'a pas fait exception. Wonder Woman, Les Gardiens le Galaxie, Spider-Man, Thor, Logan, Justice League squattent la moitié des places du Top 12 américain. Les trois premiers ont même empoché plus de 300M$. Ils étaient 4 l'an dernier. Au niveau mondial, Spider-Man reste le plus populaire (880M$), devant les Gardiens de la Galaxie, Thor et Wonder Woman, tous au dessus des 800M$, tous dans les 10 meilleures recettes de l'année. Mais en 2016 Captain America avait ramassé 1,15 milliard de dollars! Plus nombreux mais moins rentables et un peu moins forts... En France, le genre est populaire mais n'atteint pas le phénomène remarqué ailleurs. Cette année, Les gardiens de la galaxie ont été les seuls à fédérer plus de 3 millions de spectateurs (mais en réalisant un score moindre que le champion de l'an dernier Deadpool). Thor, Spider-Man, Logan et Wonder Woman ont été bimillionnaires. En revanche Justice League a été un échec.

La comédie toujours rentable

C'est le genre qui cartonne partout dans chaque pays, à défaut de savoir s'exporter. Aux Etats-Unis, la seule comédie qui est parvenue à s'offrir un succès est Girls trip (115M$). Année après année, la comédie américaine ne trouve plus son public. Un ou deux films percent miraculeusement depuis 2014. Maintenant l'humour est partout (animation, super-héros, action et même dans Star Wars). Aucune comédie n'a su s'imposer mondialement. A l'inverse, en Europe, cela reste le genre dominant. En France, sur les 16 films millionnaires nationaux, 10 sont des comédies. A commencer par le premier film français de l'année, Raid Dingue (4,6 millions de spectateurs). Dany Boon confirme son statut de star du rire. Mais il est serré de près par le duo Philippe Lacheau/Tarek Boudali, tous deux derrière Alibi.com (3e film français) et Epouse-moi mon pote (5e film français). Les deux films sont surtout les plus rentables de l'année. Parmi les films rentables on retrouve d'autres comédies millionnaires: Il a déjà tes yeux, Le sens de la fête, L'ascension et C'est tout pour moi!. Le grand perdant de l'année, finalement, c'est Kev Adams, qui aligné les bides.

Le chauvinisme, valeur sûre

Le cinéma national reste prépondérant dans des pays comme la Chine, le Japon, la Corée du sud, la France ou les Etats-Unis. Aux USA, hormis les films bollywoodiens ou chinois pour les publics concernés, le seul film en langue étrangère à avoir récolté plus de un million de dollars est le dessin animé Your Name. Les Américains ne vont plus voir de films sous-titrés, et le cinéma étranger devient réservé à quelques villes. En France, temple de la cinéphilie, seulement 6% des entrées concernent un film qui n'est ni américain ni français. Là aussi on constate un désintérêt pour les cinémas d'ailleurs, même quand ils sont récompensés à Cannes ou aux Oscars. Mettons à part Paddington 2 et Big Foot Junior, deux films familiaux européens, le succès étranger le plus populaire de l'année, est un thriller égyptien: Le Caire Condientiel (380000 entrées).
Le spectateur français est chauvin. Quand il n'est pas attiré par les productions hollywoodiennes, il aime les films français: 5 dépassent les 2 millions de spectateurs. 16 sont millionnaires avec l'arrivée en dernière minute du Brio et de Santa & Cie. Les 36 autres sont américains.

Le drame du drame

C'est l'autre enseignement des tendances annuelles. le drame, qu'il soit mélo, spectaculaire ou de genre, fait moins recette. On peut toujours ajouter Logan, avec son aspect western crépusculaire, il n'en reste pas moins qu'hormis Dunkerque, d'un certaine manière Get Out et Split, et bien entendu Wonder, l'année ne fut pas drôle pour les drames. Ce sont aussi les quatre seuls films dramatiques, qui ont réussi à s'exporter. En France, le drame subit aussi un désintérêt. La La Land, Dunkerque et Lion ont trouvé leur public. Au revoir là-haut a limité la casse avec près de 2 millions de spectateurs. Les films familiaux (Un sac de billes, L'école buissonnière) ou Patients (qui ne manque pas d'humour) ont su se frayer un chemin vers le succès. Mais pour beaucoup d'autres, ce fut la déconvenue. Comme la comédie, ça se joue de plus en plus à pile ou face et la rentabilité est aléatoire.

Le film d'auteur en danger

Trop de films? Certes, mais pour être sur de limiter le risque, les distributeurs sont obligés de multiplier les sorties. Près de 20 distributeurs ont ainsi placé leurs espoirs sur plus de dix films chacun cette année. Aujourd'hui le film d'auteur est un succès entre 150000 et 50000 entrées, quand avant on s'enthousiasmait dès que l'un d'eux passait le million et que la norme était entre 500000 et 1 million. Cette année, mis à part La La Land, Dunkerque et Au revoir là-haut bénéficiant de gros budgets (y compris marketing), le film d'auteur est rare au box office. Le film d'art et essai est quasiment inexistant. Pas étonnant alors que le champion annuel soit 120 battements par minute (815000 entrées), loin devant Ôtez-moi d'un doute (680000) et Moonlight (565000). Petit paysan suit avec 515000 entrées. Et ça s'arrête là. Il y a urgence à revoir la manière dont ces films sont promus, y compris à la télévision.

La concentration des pouvoirs

Enfin, c'est une année où tout se fusionne, se concentre, se grossit. Pathé et Gaumont vont devenir un seul réseau. CGR avale Cap' Ciné. La Disney absorbe la Fox. Sans compter les studios qui se piquent leurs décideurs et leurs talents. Les nouveaux ennemis sont pour les circuits comme pour les studios Facebook, Google, Apple, Netflix, Amazon... On réalise bien que cette concentration en amont se déverse aussi en aval. 2017, encore plus que les années précédentes, c'est une histoire de parts de marché. Les films événements (Star Wars, La belle et la bête, Ça, The Fate of the Furious...) focalisent l'attention jusque dans les médias les plus réputés pour leur diversité et leur indépendance. Le public se rue en masse dès les premiers jours pour voir ses films, tuant de facto tous les autres. Aux Etats-Unis, 23 films ont récolté plus de 40 millions de $ (20 en 2016) durant leurs trois premiers jours, parfois en s'octroyant jusqu'à 85% des recettes totales du week end. En France 23 films ont attiré plus de 700000 spectateurs dans les salles en cinq jours, s'accaparant en moyenne 30 à 40% des tickets vendus durant cette période. Cela tue la diversité, et par conséquent la carrière des films fragiles. Il est là aussi urgent que l'on régule l'offre pour ne pas finir avec une distorsion de concurrence fatale.