Jean Piat (1924-2018), une immense carrière à l’écart du cinéma

Posté par vincy, le 19 septembre 2018

Jean Piat, monstre sacré du théâtre français, est mort le 18 septembre 2018 à l'âge de 93 ans. Malgré son immense carrière, débutée en 1947, il est resté à l'écart du 7e art, ou presque.

Né le 23 septembre 1924; il commence en pratiquant le football tout en suivant une éducation catholique - qui le marquera toute sa vie. Il entre à la Comédie-Française il y a 71 ans, et y restera 25 ans. Là-bas, le Sociétaire jouera Victor Hugo, Marivaux, Molière, Beaumarchais, Labiche, Claudel, Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Druon, de Musset, Cocteau et surtout Rostand. Cyrano fut sa pièce emblématique, jouant d'abord un garde, puis Bellerose, un deuxième cadet, Brissaille, un quatrième cadet, Jodelet, et enfin Cyrano de Bergerac en 1964 (au total près de 400 fois). A partir des années 1970, il devient une star du théâtre privé, avec des pièces plus modernes, dont celle de sa seconde épouse, Françoise Dorin, mais aussi de son maître Sacha Guitry, de Neil Simon ou Barillet et Grédy. Plus récemment, il est sur les planches avec des transpositions de films populaires sur scène comme Amadeus, avec Lorant Deutsch et La maison du Lac, avec Maria Pacôme. Sa dernière prestation fut Love Letters, l'an dernier, avec Mylène Demongeot.

Jean Piat a aussi mis en scène une vingtaine de pièces et écrit une quinzaine de livres, principalement sur le spectacle et la langue française (dont Je vous aime bien, Monsieur Guitry).

Pour le grand public, c'est le petit écran qui en fit une vedette, avec Les Rois maudits (de Claude Barma), série légendaire des années 1970 où il incarna Robert d'Artois. Le cinéma, en revanche, ne l'intéressa pas, et vice-versa. Il fut Rouletabille en 1947 et 1948, dans deux films de Christian Chamborant, Lagardère en 1968 et 1968 dans deux films de Jean-Pierre Decourt. Sacha Guitry lui offre des rôles dans Le diable boiteux et Napoléon et Serge Cobbi l'engagea deux fois (La rivale, Ciao les mecs). Jean Piat a tourné avec des cinéastes renommés tels Henri Decoin (Clara de Montargis), Jean Girault (Les moutons de Panurge), Luis Bunuel (La voie lactée) ou René Clément (Le passager de la pluie), passant à côté de la Nouvelle Vague ou des cinéastes contemporains pourtant adeptes de vétérans du métier.

Ignoré des prix et des palmarès (sauf, étrangement, en littérature, et un Molière de l'adaptateur!), Jean Piat avait un jeu classique, basé sur la voix davantage que sur la métamorphose, avec un charisme humble plutôt qu'une présence excessive. Peut-être n'était)-l pas si à l'aise devant une caméra, malgré son esprit et son amour des mots. C'est d'ailleurs en tant que doubleur qu'il a excellé dans le cinéma: la voix de Peter O'Toole en vf dans Lawrence d'Arabie, Lors Jim et La nuit des généraux, celle de Michael Gambon dans Gosford Park, de Claude Frollo dans le film animé Le bossu de Notre-Dame. Mais on retiendra surtout la voix du méchant Scar dans Le Roi Lion, version animation, et celle de Gandalf (aka Ian McKellen) dans les deux trilogies de Peter Jackson adaptées de Tolkien, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit.

Champs-Elysées Film Festival 2015: la leçon de cinéma de Jeremy Irons

Posté par cynthia, le 16 juin 2015

jeremy rionsLa quatrième édition du Champs-Elysées Films Festival a offert aux cinéphiles une rencontre de renom avec la masterclass de Jeremy Irons. L'acteur caméléon s'est prêté au jeu des questions-réponses tout en nous donnant une leçon de cinéma: chapeau bas!

Une file d'attente interminable, le vent, des gens qui tentent de doubler les moins attentifs, autant vous dire que cette masterclass a eu un air Cannois. Une fois à l'intérieur (et non sans des coups de griffes et de crocs) l'événement a commencé par la présentation détaillée de Jeremy Irons (merci Wikipédia) "passionné de théâtre depuis l'enfance", "Oscar du meilleur acteur pour Le mystère Von Bülow", ..."Les Borgias", "enchaîne blockbusters et films d'auteurs", "deux garçons", etc... puis le grand comédien arrive. Plus forts que pour une Danette, nous nous sommes tous levés afin de l'applaudir.

"On essaye en français sinon vous pouvez traduire la question" dit l'acteur avec un accent british à croquer! Mr Irons ne cessera de répéter durant sa prestation que son Français est exécrable, par modestie sans doute. Il parle à la perfection et nous fait autant rire dans la langue de Molière que dans la langue de Shakespeare. Écouter Jeremy Irons c'est comme écouter Père Castor... on est happé par ses histoires et autres anecdotes sans être rassasié.

Sa magnifique femme

Jeremy Irons a pris son rôle de président du jury du Festival très au sérieux. Là où de nombreux privilégiés auraient profité des hôtels et des soirées, l'acteur lui a préféré les salles obscures. "C'est une grande chance pour moi car en temps normal je ne vois pas les films. C'est un peu les vacances pour moi et ma femme!" Ah sa femme il en parle avec les yeux d'un adolescent qui vient de tomber amoureux. Lorsqu'il évoque son film Mirad dont il a été le metteur en scène, l'acteur n'oublie pas sa tendre moitié: "J'ai tourné un film pour la télévision britannique sur les réfugiés de Bosnie. J'étais très confortable bien plus que quand je suis comédien. J'ai d'ailleurs joué dedans aussi et ma performance était exécrable. Ma femme y était également, elle était magnifique!"

Son premier frisson

Magnifique, c'est aussi ce qu'il pense du cinéma. Son premier frisson il le doit au film Lawrence d'Arabie et aux yeux de Peter O'Toole "comment il fait ça? C'est vraiment magique avec ses yeux bleus...moi je suis brown, marron!" Nous ne savons pas si la version 2016 avec Robert Pattinson va lui plaire mais en tout cas il est fou de celle de David Lean. "Dans mes rêves jamais je n'aurai pensé être comédien...d'ailleurs je n'ai pas eu une passion pour le théâtre quand j'étais petit comme vous l'avez dit Sophie, pas du tout (théorie Wikipédia réfutée! Il ne fallait pas faire comme Marion Cotillard aux César)!"

Bohémien mais pas trop

"D'accord, reprend Jeremy Irons, j'ai fait du théâtre parce que c'est mieux que de travailler!" L'acteur nous a expliqué ensuite avec humour pourquoi il a choisi cette voie: "Quand j'étais à l'école...j'étais avec des gens ennuyants! Des gens qui veulent être militaires ou banquiers.. .le business ça m'emmerde! L'idée d'une carrière avec une promotion, puis une promotion et on retire et après on meurt... non pas pour moi, je veux être un Bohémien. Faire des voyages être en dehors de la vie... en dehors du monde." L'acteur nous explique ensuite qu'être entouré d'amis au coin d'un feu c'est la vie, que plus jeune, il voyageait avec sa guitare mais ne chantait pas bien, et qu'il s'est donc tourné vers le théâtre. "Avant le théâtre je pensais au cirque ou au carnaval mais quand j'ai vu qu'ils dormaient dans des petites caravanes... ouh je me suis dis non!"

Le cinéma rajeunit

"Le cinéma est difficile à "comparer" au théâtre. Pour le théâtre il faut jouer de la voix, pour le cinéma on pense, on écoute et lorsque l'on pense et on écoute, on sent. Les émotions se montrent avec les yeux car la caméra est très proche." Concernant ses connaissances du cinéma français, l'acteur affirme qu'il aime toutes sortes de cinéma car seul le langage corporel compte. "C'est naturel de jouer, ajoute-t-il, les enfants font ça et moi je suis un peu enfant! D'ailleurs quand je revois mes copains d'école je sens qu'ils sont beaucoup plus vieux que moi!"

Jeremy Irons semble attirer par les personnages les moins simples possible: un amant obnubilé par un homosexuel dans M.Butterfly, un père qui veut piquer la petite amie de son fils (Damage) et puis les blockbusters (Die Hard 3, Eragon, Sublimes créatures). Rien de simple, rien de parfait! "Je suis attiré par les personnages compliqués, confie l'acteur aux cinéphiles et journalistes hier durant sa masterclass. Tout le monde semble comme ça en réalité. Beaucoup de scénario montre le méchant d'un côté, le gentil de l'autre alors que je crois que nous avons tous une part de bon et de méchant. La vie c'est un effort dans la balance où il faut pencher davantage du côté gentil, je crois." Ensuite, il ajoute que "le rôle d'un film est d'introduire une situation aux spectateurs qui reste dans un environnement sécurisé: un cinéma, dans le noir, un voyage dans un autre endroit mais tout de même sécurisé." Il explique ainsi avec une philosophie déroutante que lorsqu'il joue un rôle il est en sécurité: "quand je joue un rôle, ce n'est pas la vie, car dans la vie il n'y a pas de règles. Au cinéma il y a le scénario qui me protège lorsque je joue."

Pas semblant

S'en suit pour nous un véritable cours de théâtre lorsque nous évoquons Faux semblants de David Cronenberg. Jeremy Irons nous montre comment il a incarné avec brio les rôles complexes de Eliott et Beverly, ses deux vrais jumeaux. "Je suis un peu masculin, je suis un peu féminin et j'adore les deux! (il se lève) Pour Eliott je mettais mon énergie ici (il désigne son front), alors que pour Beverly là (il désigne sa gorge). C'est très simple, les yeux changent uniquement." C'est ainsi qu'il nous rejoue presque une scène avec un jumeau invisible expliquant comment la caméra se déplace: une vraie leçon de cinéma! "Pour ce film, j'ai détruit tout un dressing room afin de trouver la force d'incarner les deux personnages".

Qu'importe le flacon...

Deuxième partie de cette masterclass, les questions des spectateurs "s'il vous plaît des questions intéressantes" dit Mr Irons en riant. C'est alors qu'une spectatrice se lève, prend le micro et pose sa question en hurlant dans l'engin (il faut l'éloigné de la gorge madame, ceci est un micro pas... je vais m’abstenir du reste, il y a peut-être des enfants qui nous lisent) "Vous seriez intéressé de passer derrière la caméra?" Bon visiblement cette dame ne sait pas que l'ignorance tue! "Merci pour cette question!" lui répond Jeremy Irons. C'est là qu'il explique qu'il a tourné un film pour la télévision (avec sa femme dedans) qu'il a adoré y être derrière mais qu'il y a tout de même des inconvénients. "Pour être metteur en scène parfois on met deux ans à faire un film...alors qu'en tant qu'acteur je peux tourner quatre films par jour...euh par an...par an et une fois, j'en ai fait sept dans l'année!" Mais il ajoute, comme pur briser nos rêves:  "Le tournage pour un comédien, c'est éprouvant et c'est pour ça que les comédiens boivent tout le temps! Moi je fais des mots croisés!"

N'oublions pas tout de même que Jeremy Irons a joué dans la série Les Borgias produite par Showtime...pour quelle raison ce passage au petit écran? "Et bien à cause de l'écriture! Les chaînes câblées américaines sont excellentes pour ça!" L'acteur évoque par exemple Mad Men produit par AMC. "Il y a 30 ans je m'étais dit non pas de télévision car tout le monde regarde le football sur l'autre chaîne, mais là les gens ont le choix!" Aujourd'hui "l'écriture télévisuelle est devenue bien meilleure. Les grands scénaristes y bossent tous maintenant. L'intérêt de travailler pour le petit écran, c'est que l'audience est grande et que les budgets sont conséquents".

DiCaprio

L'acteur termine cette masterclass avec une anecdote de tournage de L'homme au masque de fer à la demande d'un spectateur. "Sur le tournage Dicaprio (rire) je me souviens que c'était la fashion week (encore plus de rire) et il y avait plein de mannequins GORGEOUS. Le premier matin nous devions ouvrir la porte de la loge de Dicaprio car on avait besoin de lui sur le plateau. Il dort... il était détruit par la nuit!"

Peter O’Toole (1932-2013) : le lion entre dans son éternel hiver

Posté par vincy, le 15 décembre 2013

L'un des derniers géants s'est éteint. Son regard azur s'est voilé à jamais. L'irlandais Peter O'Toole, le passionné, fougueux et sublime Lawrence d'Arabie, est mort "paisiblement" samedi 14 décembre dans un hôpital londonien, à l'âge de 81 ans, a annoncé ce dimanche son agent Steve Kenis. L'an dernier, il avait annoncé qu'il se retirait.

Né en 1932, après avoir été journaliste, comédien amateur, radio dans la Royal Navy, il est entré en 1952 à la Royal Academy of Dramatic Art, aux côtés d'Albert Finney, d'Alan Bates et de Richard Harris.

Un premier rôle qui fut le plus grand rôle

Deux ans plus tard, il entre dans la Royal Shakespeare Company du Bristol Old Vic où il devient l'un des comédiens "shakespeariens" les plus prometteurs de son époque, incarnant tous les grands classiques de l'auteur, entre autres pièces. Les planches seront son grand amour, jusque dans les années 90. A 27 ans, il triomphe à Londres dans The Long and the Short and the Tall (La patrouille égarée) de Willis Hall.

Sa carrière cinématographique débute en 1960 avec des seconds-rôles. Après avoir souhaité Marlon Brando et Albert Finney, David Lean l'enrôle alors pour interpréter T.E. Lawrence dans Lawrence d'Arabie. Un tournage long, périlleux, fastidieux. Mais l'évidence est là : avec sa blondeur nordique, ses yeux perçants, sa séduction naturelle, sa folie intérieure, il imprime sa marque dans cette épopée où beaucoup se seraient perdus dans le désert. Il est inoubliable, et indissociable de cette fresque tragique.

Il enchaîne avec plusieurs films divers, y compris des comédies populaires : Quoi de neuf Pussycat? d'un certain Woody Allen, avec Peter Sellers, Comment voler un million de dollars?, avec Audrey Hepburn, Casino Royale, parodie de James Bond, La grande Catherine avec Jeanne Moreau... Il savait monter sur un cheval, jouer au rugby et au cricket, danser, chanter, clamer des classiques, être frivole, ne cachait pas son aspect jouisseur : l'alcool et les femmes ont souvent été ses plus grands poisons. Son physique se détériore vite. A l'instar de Richard Burton, il passe rapidement du statut de beauté du 7e art à celui de l'acteur mature, sans que les spectateurs ne fassent vraiment le lien.

Le même roi deux fois cité aux Oscars

Dans les années 60, il fait sensation en roi Henri II, dans Becket, d'après la pièce de Jean Anouilh, avec Richard Burton et Peter Sellers. O'Toole devait jouer le personnage sur scène mais avait du rompre son contrat pour tourner le film de David Lean. Il se rattrapera au cinéma. Ironiquement, il rejouera le roi d'Angleterre Henri II en 1968 dans Le lion en hiver, d'Anthony Harvey, face à Katharine Hepburn, sa partenaire préférée tous sexes confondus.

Aucun rôle ne lui fait peur, de la noirceur à l'extravagance, il assumait tout. Il brille dans les comédies musicales comme Goodbye Mr. Chips, avec Petula Clark ou L'homme de la manche, en Don Quichotte, avec Sophia Loren. Il étincelle en aristo parano et schizo dans l'oeuvre méconnue Dieu et mon droit. On le voit en Zaltar (dans le navet Supergirl) ou en Robinson Crusoé. Il tourne des films de genre avec Otto Preminger (Rosebud) ou Peter Yates (La guerre de Murphy). En 1980, sa carrière erratique amorce une sorte de déclin, dont le chant du cygne aurait été Le diable en boîte (The Stunt Man), Grand prix au festival de Montréal et plusieurs fois cité aux Oscars.

De Bertolucci à Ratatouille

Les choix sont moins heureux, certes. Lawrence d'Arabie a beau être vénéré, aucun des nouveaux rois d'Hollywood ne pense à lui. Mel Brooks fait quand même appel à ses multiples dons pour l'engager dans Où est passée mon idole? (My Favorite Year), comédie oubliée et pourtant assez culte où l'acteur irlandais s'amuse du statut qu'on lui a conféré. Mais le cinéma britannique est dans un sale état dans les années 80 et les mauvais films se suivent.

C'est un réalisateur italien qui va le remettre dans la lumière en 1987. En professeur particulier du Dernier empereur, avec sa dérision naturelle et une forme de pudeur très juste, il montre à quel point il est l'un des plus grands comédiens de sa génération.

Il n'a jamais cessé de tourner. Même pour le petit écran. Mémorable dans Masada, Les Voyages de Gulliver, Jeanne d'Arc (un Emmy Award), Hitler : La Naissance du mal, en vieux Casanova, ou en pape dans Les Tudors. On l'aperçoit aussi au cinéma dans Les Ailes de la renommée (Wings Of Fame) d'Otakar Votocek et Le Voleur d'arc-en-ciel d'Alejandro Jodorowsky, dans Bright Young Things de Stephen Fry, en colonel, Troie de Wolfgang Petersen, en roi, Lassie de Charles Sturridge, en duc. On l'entend même dans Ratatouille de Brad Bird (il est la voix d'Anton Ego). Car sa voix profonde et chaude était l'un de ses plus grands atouts pour jouer toutes les nuances nécessaires à un jeu souvent intérieur, et qui ne demandait qu'à s'extérioriser. Mais c'est bien en acteur vieillissant dans Vénus (2007), amoureux d'une femme trop jeune pour lui. Il livre une performance magistrale, touchante, qu'il révèle une fois de plus son charisme tout en maniant la désillusion. L'appétit de vivre est là, mais la mort est proche. L'illustration de son propre crépuscule.

Un amoureux de la vie

Curieux, humble, O'Toole se fichait du star-système. Il a toujours été reconnu pour sa prestance, son savoir-jouer indéniable, souffrant sans doute d'une trop grande beauté à ses débuts, et de cette nonchalance très britannique qui l'empêchait d'être arriviste. Son élégance et sa clairvoyance étaient louées. Plus engagé qu'on ne le pense, il avait refusé d'être anoblit pour des raisons personnelles et politiques. L'homme était également superstitieux. Refusant de s'excuser pour sa vie de débauche, il s'en tirait toujours par un trait d'esprit, un bon mot ou tout simplement une facilité d'éloquence que des politiciens auraient pu envier. "Je ne serai pas un homme ordinaire. Je vais remuer les lisses sables de monotonie!" disait-il. Il en a fait sa devise.

Les Oscars l'ont nommé 8 fois! Lawrence d'Arabie, Becket , Le Lion en hiver, Goodbye, Mr. Chips, Dieu et mon droit, Le Diable en boîte, Mon année préférée et Venus en 2007. Il a reçu un Oscar d'honneur en 2003 pour "ses remarquables talents qui ont fournit à l'histoire du cinéma quelques uns des plus mémorables personnages."

L'acteur et metteur en scène Stephen Fry lui a rendu hommage ce soir : "c'était un monstre sacré, un érudit, un amoureux de la vie, un génie".

Robert Pattinson sera Lawrence d’Arabie pour Werner Herzog

Posté par vincy, le 20 août 2012

Ce n'était pas forcément là qu'on attendait l'idole des jeunes. Robert Pattinson ne cesse de s'aventurer hors des sentiers battus hollywoodiens puisqu'il vient d'accepter de jouer pour Werner Herzog. Le tournage débutera cet automne. Le cinéaste de Aguirre, la colère de Dieu, Nosferatu, fantôme de la nuit, Fitzcarraldo ou encore Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle Orléans, tout aussi réputé pour ses documentaires (La Grotte des rêves perdus), s'offre deux stars pour son prochain film, Queen of the Desert : Pattinson et dans le rôle principal Naomi Watts. Le premier incarnera le Colonel T.E. Lawrence (alias Lawrence d'Arabie, autant dire que l'enjeu est de taille pour remplacer Peter O'Toole dans la mémoire des cinéphiles) et la seconde sera Gertrude Bell, héroïne de ce biopic sur  cette voyageuse, écrivain, archéologue, exploratrice, cartographe et chargée d'affaires politiques pour l'Empire Britannique. Sacré destin. Le scénario a été écrit par Herzog lui-même.

Une vie passionnante

Gertrude Bell fut l'une des premières femmes diplômées d'Oxford à la fin du XIXe siècle. Née en 1868, cette femme influente a été volontaire de la Croix Rouge en France durant la première guerre mondiale avant d'être envoyée au Caire en 2015. C'est là bas qu'elle rencontre le Colonel Lawrence. Orientaliste et diplomate, elle participe avec lui à la constitution d'un Moyen Orient débarrassé de l'Empire Ottoman, avec la création de nouveaux Etats, dessinant les frontières actuelles de la Jordanie, l'Arabie Saoudite et l'Irak. Installée longuement à Bagdad, elle a contribué à créer l'Irak et à donner à ce pays une majorité sunnite (malgré une majorité démographique des chiites). Elle fut aussi l'initiatrice du futur Musée archéologique de Bagdad et de la Bibliothèque nationale du pays. Malade, elle meurt en 1926 à son domicile irakien. Le Roi Fayçal, qui lui devait en grande partie son trône, assista aux obsèques. Aucun enfant, aucun mari. Mais les honneurs.

Cela a donné l'idée à quelques auteurs d'écrire des livres sur elle. Surnommée Desert Queen, elle fascine toujours car elle fut sans doute la femme la plus puissante politique de l'Empire britannique durant cette période. Mais le cinéma a écrasé son existence. David Lean, en réalisant Lawrence d'Arabie il y a 50 ans, et en ignorant complètement la présence de cette femme dans son film, a sacralisé le Colonel au détriment de l'aventurière.

A noter que Ridley Scott envisageait il y a encore un an un film sur cette Gertrude Brll, avec Angelina Jolie dans le rôle principal.

Peter O’Toole et Bob Hoskins prennent leur retraite

Posté par vincy, le 15 août 2012

A un mois d'écart, deux grands acteurs britanniques ont annoncé qu'ils prenaient leur retraite. Peter O'Toole, inoubliable Lawrence d'Arabie, sorti il y a 50 ans, quitte les plateaux à l'âge de 79 ans. Bob Hoskins, formidable dans Qui veut la peau de Roger Rabbit?, raccroche à l'âge de 69 ans.

Peter O'Toole a déclaré au magazine People : "Il est temps pour moi de jeter l'éponge. De m'éloigner de la scène et du cinéma. Je n'ai plus le coeur pour faire celà, ça ne reviendra pas". "Ma vie professionnelle d'acteur  (...) m'a amené au contact de gens merveilleux, de bons compagnons avec qui j'ai partagé le lot inévitable qui échoit à tous les acteurs: les flops et les succès", indique-t-il.

Dans un adieu à la profession, le comédien aux yeux bleus azur, qu'il assure avoir secs en écrivant son communiqué, abandonne un métier qu'il aura connu durant 62 ans.

Si Lawrence d'Arabie est son plus grand succès (il aurait rapporté 444 millions de $ s'il était sorti cette année!), il fut aussi remarqué et remarquable dans Becket (avec Richard Burton), Le lion en hiver (avec Katharine Hepburn), Comment voler un million de $ (avec Audrey Hepburn), Good Bye Mr. Chips!, Le dernier empereur (où il jouait le percepteur éclairé) et récemment dans Troie (dans le rôle de Priam) ou Ratatouille (la voix du détestable critique Anton Ego). Il fut aussi le Pape Paul III dans la série Les Tudors. Huit fois nommé aux Oscars (la dernière fois en 2006 avec venus), il en reçu un d'honneur en 2003.

Ces dernières années, il a été encensé pour son interprétation au théâtre et dans la version télévisée de "Jeffrey Bernard is Unwell," sur la vie d'un journaliste britannique alcoolique.

On le verra encore dans deux films : Catherine d'Alexandrie de Michael Redwood et Marie Mère du Christ d'Alister Grierson.

Manque de désir pour l'un. Maladie pour l'autre.

Bob Hoskins met un terme à sa carrière en raison de la maladie de Parkinson. Son agent a spécifié : "Bob Hoskins souhaite annoncer qu'il va prendre sa retraite, après le diagnostic de la maladie de Parkinson qui a été fait à l'automne dernier",.

Il était à l'affiche cet été dans son dernier rôle, l'un des sept nains - Muyr - de Blanche-Neige et le chasseur.

C'est évidemment en incarnant le détective Eddie Valiant dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? qu'il a fait sensation en 1988. Cet énorme succès (il aurait rapporté 305 millions de $ au prix du billet actuel), lui a donné des partenaires uniques comme Mickey, Donald, Bugs Bunny, Roger Rabbit et surtout la pulpeuse. Jessica Rabbit.

Nommé en 1987 aux Oscars pour son rôle bouleversant dans le film noir Mona Lisa, de Neil Jordan. Il gagna cette année là le British Award du meilleur acteur mais aussi le prix d'interprétation à Cannes. Bob Hoskins a tourné et donné la mesure de son immense talent avec les plus grands cinéastes : Terry Gilliam (Brazil), Aan Parker (Pink Floyd The Wall), Jean-Jacques Annaud (Stalingrad), John Mackenzie (Racket), Richard LaGravanese (segment Pigalle dans Paris je t'aime, avec Fanny Ardant), Oliver Stone (Nixon), Stephen Frears (Madame Henderson présente), Atom Agoyan (Le voyage de Félicia), Francis Ford Coppola (Cotton Club), Robert Zemeckis (Le dernier Noël de Scrooge), Steven Spielberg (Hook ou la revanche du Capitaine Crochet) ... et puis dans des films populaires aussi comme Danny the Dog, Spice World, Super Mario Bros.

L'un était grand, beau, élégant, magnétique. L'autre ordinaire, grandiose, souvent génial. Deux facettes du cinéma britannique qui s'effacent des écrans. Ils manqueront aux cinéphiles.

Cannes 2012 : Cannes Classics, éclectique

Posté par vincy, le 26 avril 2012

Révélation de la sélection Cannes Classics, la sélection "patrimoniale" du festival de Cannes. 13 longs métrages, 2 courts métrages, un mini-concert et  4 documentaires, tous en avant-première mondiale.

Et c'est aussi varié que réjouissant.

Comme nous vous l'avions annoncé sur notre page Facebook, l'événement sera bien entendu la présentation en copie restaurée et reconstruite (avec 25 minutes de scènes additionnelles) d'Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone. Le film épique a été remasterisé par La Film Foundation, présidée par Martin Scorsese. Robert De Niro, Elizabeth McGovern et Jennifer Connelly acompagneront la projection.

Pathé présentera la version restaurée de Tess, le film césarisé de Roman Polanski. Le cinéaste a lui-même supervisé le travail et, avec son actrice principale Nastassja Kinski, sera de la projection.

Pour les 100 ans d'Universal Pictures et les 40 ans de cinéma de Steven Spielberg, Cannes Classics diffusera Les dents de la mer dans une copie neuve.

Autre centenaire, celui du cinéaste japonais Keisuke Kinoshita, né en 1912 (et mort en 1998). La sélection a retenu La ballade de Narayama, dont le remake de 1983 avait obtenu la Palme d'or. Cette première version, l'adaptation du roman de Shichirô Fukazawa, avait été en lice pour le Lion d'or 1958. Le film sera distribué en France par MK2.

Autre anniversaire, le grandiose Lawrence d'Arabie de David Lean, qui célèbre ses 50 ans et sera projeté avec une nouvelle restauration en format 4K.

Le Festival de Cannes fêtera aussi le trentième anniversaire de la Cinémathèque de la Danse (Paris) avec trois films : A Great Day un Harlem de Jean Bach (1994) et deux courts métrages, An All Colored Vaudeville Show et Jammin The Blues.

Dans le cadre du projet "Rescue the Hitchcock 9", initié par les Archives nationales du British Film Institute, visant à sauver les 9 films muets du Maître du suspens, Cannes proposera Le masque de cuir (The Ring, 1927), triangle amoureux entre un jeune boxeur, son épouse et un champion de boxe, avec un ciné-concert joué par le musicien Stephen Horne.

Cannes prolonge aussi sa collaboration avec la cinémathèque de Bologne et l'Insititut Luce Cinecittà qui ont lancé le projet Rossellini afin de faire revivre les oeuvres du grand réalisateur néo-réaliste. Cette année, la Croisette accueillera Voyage en Italie, avec Ingrid Bergman.

La World Cinema Foundation présentera After the Curfew, film indonésien de 1954 d'Usmar Ismail et Kalpana, film indien de 1948 d'Uday Shankar.

Côté cinéma russe, le Festival profitera de la présence d'Andrei Konchalovsky pour projeter la copie neuve de son film d'action Runaway Train. Ce film de 1985, avec Jon Voight, Eric Roberts et Rebecca De Mornay avait reçu trois nominations aux Oscars et il avait été sélectionné en compétition à Cannes en 1986.

Les Archives françaises du film du CNC présenteront une restauration de Cléo de 5 à 7, le film culte d'Agnès Varda, qui sera là pour l'occasion.

Dans le cadre d'un hommage rendu par le Festival à Georges Lautner, une projection des Barbouzes, dont les dialogues ont été écrits par Michel Audiard. Cette comédie de 1964 met en vedette Lino Ventura, Francis Blanche, Bernard Blier et Mireille Darc.

Les quatre documentaires choisis mettront en lumière quatre réalisateurs : Woody Allen (Woody Allen : A Documentary, Robert Weide), Jerry Lewis (Method to the Madness of Jerry Lewis, Gregg Barson), John Boorman (Me and Me Dad, Katrine Boorman) et Claude Miller (Claude M le cinéma, Emmanuel Barnault). L’hommage à Claude Miller se poursuivra en clôture du Festival avec la présentation de son dernier film en Sélection officielle, Thérèse Desqueyroux.

Paysages de La Rochelle

Posté par Martin, le 11 juillet 2011

la rochelleLe Festival International du Film de La Rochelle a fait cette année la part belle aux paysages, de David Lean aux films de Mahamat-Saleh Haroun en passant par quelques inédits qui sortiront prochainement : l’occasion de retraverser le festival sous la forme de cartes postales prenant le pouls de territoires les plus divers.

Paysage I : le fleuve d’Eternity

Eternity est le premier film d’un émule d’Apichatpong Weerasethakul. Mêmes eaux étranges du fantastique métaphorique, même imaginaire mythologique, même sens du récit mystérieux, mêmes personnages corps flottants… Pourtant, Sivaroj Kongsakul a déjà un style à lui, un je-ne-sais-quoi d’un peu à part. Ses plans séquences larges durent jusqu’à la fascination. Que s’y passe-t-il exactement ? Justement pas grand chose et beaucoup à la fois : un oiseau qui s’envole, une barque qui dérive, un rayon de soleil qui joue entre les feuilles, et peut-être même un mort qui réapparaît fugacement. La force esthétique du film rive le spectateur à cet espace indécidable, entre la vie et la mort. Quand des personnages entrent en jeu – et s’aiment ô combien passionnément – nul besoin de grande déclaration : c’est encore une image qui donne à voir, à sentir les émotions. Deux mains glissent hors des moustiquaires blanches pour se saisir dans la nuit. Plus tard, la douleur ne sera pas dite bien différemment : un plan large de la femme visage baissé suffit à nous faire comprendre son deuil. Peu importe ici si l’histoire est un flashback ou un flash-forward : le temps n’existe pas. Ce que montre le film, c’est un bonheur à jamais figé dans l’instant. Au bord de ce fleuve entre deux jeunes gens qui s’aiment, il y a, comme le clame le titre, l’éternité. Le reste, hors de l’amour, hors du paysage, n’est que ville bruyante et grise – un aller simple vers l’oubli.

Paysage II : les rêves de désert des personnages d’Haroun et de Lawrence d’Arabie
Qu’y a-t-il de commun entre le cinéma du réalisateur tchadien d’Un homme qui crie (2010) et celui de l’anglais David Lean ? Tous les deux ont filmé le désert comme un espace de rêve et de conquête digne des road-movies américains mais avec la dimension visuelle propre au désert : l’infini. Chez Mahamat-Saleh Haroun, les deux frères d’Abouna (2002) contemplent le désert en attendant le retour du père. C’est une ligne infranchissable dans un sens comme dans l’autre. L’un meurt de cette attente (il n’a plus de souffle). L’autre retourne s’occuper de sa mère qui a définitivement sombré dans la folie. Leur père ne sera que rêvé à travers une image de cinéma, un mirage peut-être – une nuque. Ce père pourrait bien être le personnage principal du court-métrage Expectations (2008). Ce qu’il cherche, c’est à atteindre un ailleurs. Mais à l’inverse du père d’Abouna, toujours le désert le renvoie à son village, et de plus en plus endetté. L’infini le rejette et il en devient fou, vidé, amorphe comme d’avoir vu la mort en face. Mais que s’est-il passé exactement dans le désert ?
De même, le Lawrence de David Lean vit une expérience de ses propres limites mentales en même temps que celles du territoire. Lawrence d’Arabie (1962) débute sur une route, la seule vraie route goudronnée de ces presque quatre heures de film : Lawrence meurt dans un accident, puis une image du désert soudain appelle la musique de Maurice Jarre. Le désert, c’est le lyrisme et la folie pure de l’homme, une ligne entre le sable et le ciel. Il agit sur le personnage comme un appel de vie et de mort – le paysage est toujours dialectique, à la fois l’un et l’autre. Il donne en effet la vie au guerrier qui le traverse lors d’un champ contrechamp entre le soleil qui brûle l’image et le personnage silhouette minuscule dans l’immensité. Mais le désert apprend aussi à Lawrence le plaisir de tuer. Il se mire dans le désert au point de revenir tremblant à la civilisation, comme un alcoolique en fin de course. Un personnage ne lui dit-il pas qu’il a l’air beaucoup plus vieux que ses 27 ans ? Qu’a-t-il vécu dans le désert si ce n’est la conscience de la vacuité, la sienne et celle des projets politiques qu’il a cru défendre ?

Paysage III : la mer en colère de La Fille de Ryan
La Fille de Ryan (1970) fait partie des films fleuves de Lean qui avait besoin de durée moins pour développer des sagas romanesques que pour dessiner des portraits cosmogoniques. Dans un petit village irlandais au bord de falaises en 1916, Rosy se marie avec un instituteur plus âgé et peu porté par le désir (Robert Mitchum, tout de même). Elle découvre le plaisir avec un major anglais, un ennemi donc. Mais quel plaisir ! Ce ne sont pas deux corps qui s’unissent mais la nature entière qui jouit : un rayon de soleil traverse les branchages au moment de l’orgasme, un torrent afflue, le fil d’une araignée brille de mille feux. Il y a du Hemingway, qui décrit l’amour physique entre deux êtres faits l’un pour l’autre comme un tremblement de terre, dans cette scène. Plus tard, la mer rejette les armes et la dynamite qu’attendent les Irlandais. Les vagues dans un nouvel élan orgasmique rejettent corps et ferraille dans une scène stupéfiante. Mais le plaisir est de courte durée et les Anglais reprennent le précieux butin porté par l’écume. Cette scène annonce pourtant l’autre mouvement de masse du film : les Irlandais se vengent de l’infidèle Rosy en la lynchant, déchiquetant ses vêtements et cheveux dans une marée humaine. Ils font partie du paysage : aussi durs et solides que les rocs qui reçoivent les ressacs, ils survivent, rejetant les personnages les plus doux... Rosy et son mari, si compréhensif, s’éloignent dans un dernier adieu sur les falaises où seuls sont venus les accompagner le prêtre et l’idiot du village. Les plans larges ici n’ont rien de décoratif ; ils sont l’âme même du film. Les paysages agissent comme le seul témoin véritable. N’est-ce pas grâce aux traces de pas dans le sable que l’instituteur comprend l’infidélité de sa femme ? Ces mêmes pas qui au début du film mènent Rosy jusqu’à lui… Mais les traces s’effacent et la nature impériale reprend ses droits sur ce petit panier de crabes.

Paysage IV : nature humaine, selon Luis Buñuel
La rétrospective consacrée au scénariste Jean-Claude Carrière permettait de se replonger dans quelques grands films de Buñuel. Dans Le Journal d’une femme de chambre (1963), le réalisateur et son scénariste adaptent le roman de Mirbeau comme Renoir quelques années plus tôt, mais pour en faire un film radicalement différent. Là où Jean Renoir filmait une lutte des classes avec une (fausse) légèreté à la Marivaux, Buñuel dénonce l’horreur de l’âme humaine avec une frontalité inégalable. Autant dire que l’humour – tant qu’il y en a – est jaune. Les paysages filmés comme des tableaux hivernaux n’ont rien d’accueillant. Dans la forêt, une petite fille est violée. Il suffit d’un plan elliptique à Buñuel pour dire l’horreur : deux escargots glissent sur une cuisse ensanglantée. Image choc qui dépasse le fait divers pour dresser un portrait de la France glaçant et moderne (on manifeste contre les métèques et le violeur s’enrichit impunément). Le dernier plan du film est d’ailleurs le seul plan de ciel du film : un éclair éclate dans la nuit comme un avertissement de Dieu – ou de ce qu’il en reste. Plus léger, Le Fantôme de la liberté (1974) dénonce les codes bourgeois. La bonne maison française devient le lieu de toutes les perversions, mais des perversions mises en scène, donc acceptables : un couple SM croise des moines joueurs et un neveu amoureux de sa tante dans l’espace étrange d’un hôtel de route. Ici quand la nature intervient, elle est domestiquée : tout commence dans un parc. Pourtant, la dernière image comme une ultime ironie de Buñuel est celle d’un étrange oiseau, un émeu qui regarde la caméra. Ce regard de l’animal au spectateur est le dernier appel du cinéaste qui plus que tout autre aura révélé l’animalité de l’homme. De quoi donner envie de fuir, là-bas fuir…

De là à retourner dans le désert avec Lawrence ou sur le fleuve thaïlandais d’Eternity, il n’y a qu’un pas : c’est loin du monde des hommes, dans la pure contemplation du paysage que le bonheur, seul, peut un instant perdurer.

La star égyptienne Omar Sharif s’ingère dans la révolte de son pays

Posté par vincy, le 30 janvier 2011

Interrogé sur France Inter ce dimanche, la star égyptienne Omar Sharif (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran), actuellement au Caire, est "solidaire avec le peuple parce que je trouve qu'il s'est très bien conduit, beaucoup mieux que le gouvernement". Au 17e étage d'un rand hôtel de la capitale égyptienne, il explique qu'il voit tout ce qui se passe.

"Je pense que le président (Hosni Moubarak) aurait dû démissionner. Cela fait 30 ans qu'il est président, ça suffit". Il ajoute que Moubarak a "heureusement choisi un bon vice-président (Omar Souleimane) qui a de bonnes relations avec Israël et c'est très important".

L'acteur avoue cependant ses craintes à propos des Frères Musulmans : "Je n'en veux pas. Ils étaient enfermés, ils commencent à sortir, ils sont 20% de la population, et c'est un peu inquiétant pour moi". Sharif est connu pour considérer la religion comme un bienfait utilisé de manière absurde par les hommes.

Omar Sharif a toujours été présent dans la politique culturelle de son pays. Alors que le monde arabe boycottait le chef d'oeuvre de David Lean qui a révélé l'acteur au monde entier, Lawrence d'Arabie, il avait organisé une projection privée pour Nasser, président égyptien qui a marqué 24 ans de l'histoire du pays, pour qu'il puisse juger par lui-même du film. Nasser autorisera la projection du film multi-oscarisé en Égypte, où il rencontra un grand succès.

Silence éternel pour Maurice Jarre

Posté par vincy, le 29 mars 2009

Le compositeur de musiques de films Maurice Jarre est décédé à 84 ans dans la nuit du 28 mars.

Il avait reçu neuf nominations aux Oscars pour ses trames sonores : six nominations pour Les dimanches de Ville-d'Avray (1964), The Life and Times of Judge Roy Bean (1973), The Message (1978), Witness (1986), Gorilles dans la brume (1989) et Ghost (1991), et trois statuettes pour ses collaborations avec David Lean - Lawrence d'Arabie (1963), Docteur Jivago (1966) et La route des Indes (1985).

On lui doit aussi de trèes belles compositions pour Le cercle des poètes disparus, Liaison fatale, Mad Max 3, L'année de tous les dangers, Firefox, Le tambour (Palme d'or), Soleil rouge, Paris brûle-t-il? ou encore Le jour le plus long.

Au total 150 bandes originales de film, de 1952 à 2000, pour des cinéastes comme Alfred Hitchcock, Peter Weir, John Frankenheimer, John Huston, Volker Schlöndorff, Elia Kazan, Henri Verneuil et même Visconti (Les damnés).

Les 50 ans du cinéma marocain : Ouarzazate (2)

Posté par vincy, le 27 septembre 2008

ouarzazate-clastudios.jpgEntre Marrakech et le Sahara, par delà les monts de l'Atlas, l'oasis de Ouarzazate, au bord d'un lac artificiel causé par un barrage, est devenu le "Hollywood (sur sable)" du Maroc. Ouarzazate est d'ailleurs jumelée à Hollywood (et à Maubeuge aussi). La ville - de larges avenues qui étendent le tissu urbain le long des grands axes - est devenue un carrefour pour tout le sud du pays. Avec le cinéma, le tourisme, et finalement une clientèle anglo-saxonne, Ouarzazate a perdu du charme marocain. L'accueil s'est uniformisé.

Ici, un musée du cinéma fait face à la Kasbah, dédale de vieilles baraques en pisé, où la pauvreté s'est installée. Les studios de production sont à l'extérieur. Ils appartiennent à Dino de Laurentiis, propriétaire des fameux studios de Cinecitta à Rome. Ils sont visitables. Un vaste enclos au milieu de nulle part. A proximité, la région offre toutes sortes de paysages : gorges, désert, vieilles villes arabes... De quoi combler un chef opérateur.

ourazazate-monument.jpgAinsi Lawrence d'Arabie a planté ses tentes ici, en profitant de la proximité (à peine 200 kilomètres) des dunes de sables sahariennes. Mais les studios ont surtout accueillis de grosses productions comme Gladiator, la chute du faucon noir, Kingdom of Heaven, le segment marocain de Babel, Un thé au Sahara, Troie, Sahara, Alexandre le Grand, Hidalgo, la première et la deuxième Momie

Plus étonnant comme "délocalisation" géographique : Kundun, de Martin Scorsese. Le Tibet au Maroc... Mais aussi >James Bond, Tuer n'est pas jouer. Le plus impressionnant reste la liste des cinéastes venus dans ce coin d'Afrique du nord. Il n'y a rien d'étonnant. Les coûts sont 30 à 50% moins élevés qu'en Europe. Le pays est sécurisé. Pour cette région très pauvre, les 100 millions d'euros de retombées économiques (les bonnes années) sont une aubaine.

C'est Michael Douglas, producteur et interprète du Diamant du Nil, qui a lancé l'activité cinématographique dans le pays, plus de 20 ans après Lawrence d'Arabie. Douglas a profité des infrastructures mais aussi du village voisin d'Ait Ben Haddou pour servir de décor à son blockbuster. Grâce à cela, le village s'est transformé en lieu touristique incontournable, et bien entretenu. aitbenhaddou.jpg

C'est aussi en venant tourner ici Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, l'une des productions françaises les plus dispendieuses, que Jamel Debbouze a décidé d'investir dans le cinéma au Maroc...

crédit photo : Studio CLA de Ouarzazate (c) Laurent Jourdren ; Ait Benhaddou (c) vincy thomas