Cannes 2018 : la croisette côté courts

Posté par MpM, le 12 mai 2018

Puisque l’on vient (aussi) à Cannes pour y faire des découvertes, impossible de négliger l’offre de courts métrages présents sur la Croisette cette année, et qui réserve à la fois des retrouvailles avec des réalisateurs confirmés et des rencontres déterminantes.

Il y a cinq lieux pour voir des courts métrages sur la Croisette : à la Semaine de la Critique (10 films en compétition et 3 en séance spéciale), à la Quinzaine des Réalisateurs (10 films en compétition dont un moyen métrage de 44 minutes), en compétition officielle (8 Films), à la Cinéfondation, la compétition des films d’école (17 films) et au short film corner, où sont disponibles en visionnage à la demande tous les courts métrages qui y ont été soumis.

Parmi les réalisateurs déjà identifiés, il y a bien entendu Marco Bellocchio, de retour à la Quinzaine avec La lotta. On notera aussi la belle séance spéciale de la Semaine de la Critique qui réunit Bertrand Mandico (dont on vient de découvrir le premier long métrage, Les Garçons sauvages) avec Ultra pulpe, le cinéaste grec Yorgos Zois (Casus Belli, Interruption) avec Third kind et Boris Labbé (Orogenesis) avec La chute dont nous vous parlions dans notre Focus sur l’animation.

En vrac, on retrouvera également les nouveaux films de Jacqueline Lentzou (Hector Malot - The Last Day Of The Year - son précédent Hiwa était à Berlin) à la Semaine de la Critique, Raymund Ribay Gutierrez en compétition officielle (Judgment - après Imago, déjà présenté à Cannes), Celine Held et Logan George également en section officielle (Caroline - on les avait repérés au festival du film fantastique de Strasbourg avec Mouse), Carolina Markowicz (O Orfao - après le film d'animation Tatuapé Mahal Tower, qui a fait le tour du monde) ou encore Juanita Onzaga (Our song to war - après The Jungle Knows You Better Than You Do, prix du jury international à Berlin) toutes deux à la Quinzaine.

Parmi les découvertes, il faudra suivre de près le film chilien El verano del leon electrico de Diego Cespedes à la Cinéfondation, le (très) jeune réalisateur portugais Duarte Coimbra à la Semaine de la Critique avec Amor, Avenidas Novas, le moyen métrage qui s'annonce assez déjanté La Chanson à la Quinzaine (l'adaptation par Tiphaine Raffier de son spectacle du même nom) ou encore la comédie Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet avec Anais Demoustier à la Semaine. Sans oublier tous les films d’animation que nous avions détaillés lors du Focus.

L’année dernière, trois courts métrages présentés à Cannes ont ensuite connu une carrière exceptionnelle : The burden de Niki Lindroth von Bahr (qui a remporté des prix partout où il est passé, y compris le prix du court métrage de l'année), Los Desheredados de Laura Ferres (primé à Cannes puis nommé aux European Awards) et Pépé le morse de Lucrèce Andreae (César du meilleur court métrage d'animation). Ne ratez pas ceux qui leur succéderont cette année.

Les Arcs 2017 couronne Lean on Pete de Andrew Haigh

Posté par MpM, le 23 décembre 2017

C'est Lean on Pete, le nouveau film d'Andrew Haigh, déjà acclamé pour 45 ans en 2015 et Week-end en 2011, qui a triomphé au 9e festival de cinéma européen des Arcs.  Basé sur un roman de Willy Vlautin, il raconte l'histoire de Charley, un adolescent de quinze ans, qui se prend de passion pour Lean on Pete, un cheval de course appartenant à son employeur.

Andrew Haigh poursuit dans la veine du récit intimiste qui a fait son succès, mais le situe dans les vastes paysages de l'Ouest des Etats-Unis qui lui apportent une certaine ampleur. Si la trajectoire du personnage principal a des accents déchirants, la construction de l'histoire elle-même laisse grandement à désirer. On a l'impression d'un film qui voudrait aborder tous les sujets et tous les styles à la fois, multipliant les rebondissements dramatiques plus ou moins convenus, et les digressions inutiles. Lean on Pete mélange ainsi road movie traditionnel, portrait d'un pays au fil des rencontres archétypales du personnage (les vétérans, les laissés pour compte...),  film initiatique et même mélodrame. Cela fait beaucoup pour un seul film, qui paraît de ce fait très long et un peu indigeste, malgré quelques beaux passages.

Le jury, présidé par la réalisatrice française Céline Sciamma et composé de la comédienne belge Natacha Régnier, du réalisateur hongrois László Nemes, du compositeur russe Evgueni Galperine, de la comédienne française Clotilde Courau, de la réalisatrice franco-lituanienne Alanté Kavaïté et de l'acteur et réalisateur franco-tunisien Sami Bouajila, n'en a toutefois pas jugé ainsi, et remet quatre prix (sur six) au film : Flèche de Cristal, Prix d'interprétation masculine (Andrew Plummer), meilleure musique originale (James Edward Baker) et meilleure photographie (Magnus Nordenhof Jonck). Il a également choisi de récompenser Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli (Grand prix du jury) et Mademoiselle Paradis de Barbara Albert (Prix d’interprétation féminine pour Maria-Victoria Dragus).

A noter que deux autres films ont tiré leur épingle de la compétition : La Mauvaise Réputation de Iram Haq, prix du public et mention spéciale du jury jeune, ainsi que The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke qui reçoit le prix du jury jeunes, le Prix 20 Minutes d’Audace et une mention décernée par le jury de la presse.

Enfin, côté courts métrages, c'est un de nous chouchous de 2017 qui a séduit le jury présidé par le réalisateur Rémi Bezançon, et composé de la comédienne Frédérique Bel, le réalisateur Nicolas Bary, la comédienne Alysson Paradis, le réalisateur Morgan Simon, le comédien Swann Arlaud, et le programmateur Laurent Guerrier : le très beau Los Desheredados de la réalisatrice espagnole Laura Ferrès.

Le palmarès complet

Flèche de Cristal
Lean on Pete de Andrew Haigh

Grand Prix du Jury
Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli

Prix d’interprétation féminine
Maria-Victoria Dragus dans Mademoiselle Paradis de Barbara Albert

Prix d’interprétation masculine
Andrew Plummer dans Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure musique originale
James Edward Baker pour Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure photographie
Magnus Nordenhof Jonck pour Lean on Pete de Andrew Haigh

Prix du Public
La Mauvaise Réputation de Iram Haq

Prix de la Presse
Arrhythmia de Boris Khlebnikov.
Mention spéciale pour The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke

Prix 20 Minutes d’Audace
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke

Prix Cineuropa
Sonate pour Roos de Boudewijn Koole

Prix du Meilleur court-métrage
Los Desheredados de Laura Ferrès
Mention spéciale pour Koropa de Laura Henno.

Prix du Jury Jeune
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke
Mention spéciale pour La Mauvaise Réputation d’Iram Haq.

2017 dans le rétro : 12 courts métrages plébiscités en festival

Posté par MpM, le 21 décembre 2017

A l'heure où la presse toute entière (et même vous, là, devant vos écrans, si, si, on vous a vus) se livre à l'exercice délicat et jubilatoire du top des films (livres / albums / séries...) de l'année, nous avons eu envie de nous pencher sur l'année 2017 du point de vue du court métrage.

Il est parfois ardu d'avoir une perspective complète et exhaustive de l'état de la création courte à un moment donné, puisqu'il est par définition impossible de se baser sur une date de sortie et que la carrière d'un court métrage en festival se fait sur un laps de temps assez long qui ne s'embarrasse guère des années calendaires. Tel film découvert en 2017 est donc peut-être un film datant de 2016, et tel film de 2017 connaîtra peut-être son apogée en 2018. Est-ce si grave, dans la mesure où l'on cherche à dessiner un paysage cinématographique plutôt qu'un index exhaustif ?

Un bon prisme, toutefois, pour lancer cette mini-série autour du court métrage, était de regarder du côté des films récompensés dans les grands festivals 2017. Retour sur douze lauréats qui dessinent de 2017 un portrait complexe entre introspection intime et recherche formelle, parfois (mais pas systématiquement) teintées d'un regard sur l'état du monde.

A gentle night de Qiu Yang (Chine)
Palmarès sélectif : Palme d'or à Cannes

Le titre est évidemment trompeur : A gentle night raconte le calvaire d’une femme dont la fille adolescente a disparu. Sa quête désespérée, son angoisse grandissante rythment une nuit filmée principalement dans ses moments de creux, son attente, ses doutes, son impuissance. Les plans sont fixes, merveilleusement cadrés. Tout est fait pour (sur)symbolisé l'isolement du personnage, qui apparaît presque systématiquement dans un environnement entièrement flou. Les autres sont des silhouettes, des voix. Des individus qui existent par leur fonction plus que par leur personnalité : le mari, le policier, l'instituteur... On est face à une oeuvre étonnamment classique et atemporelle, dans laquelle rien ne dépasse, même pas un peu d'émotion désordonnée. On est frappé par l'élégance calculée des plans, la justesse du montage, l'efficacité de la construction. Et pourtant il manque un peu de chair, de personnalité, d'audace peut-être, à ce qui reste un récit un peu trop propre.

And so we put goldfish in the pool de Makoto Nagahisa (Japon)
Palmarès sélectif : Grand prix du jury à Sundance et mention spéciale du jury à Clermont Ferrand

Voilà un film détonnant qui ne fait pas dans la demi-mesure. Quatre adolescentes s’ennuient à mourir à Saitama, petit ville du Japon où il semble ne jamais rien se passer. Désabusées et dénuées du moindre espoir d'un avenir meilleur, elles traînent leur mal de vivre avec une certaine forme de délectation. En commençant très fort, avec un montage survitaminé et des choix de narration qui se jouent des conventions, le film accroche le spectateur et attire immédiatement son attention. De provocations en ruptures de ton, d'outrances formelles en audaces scénaristiques, il dresse le portrait cynique et faussement décadent d'une jeunesse sans rêves ni envies. Au delà de la fougue parfois mal canalisée, on détecte dans cette oeuvre singulièrement hors normes un sens du montage et de l'écriture qui donne très envie de miser sur le prochain film du réalisateur.

Cidade Pequena de Diogo Costa Amarante (Portugal)
Palmarès sélectif : Ours d'or à Berlin

C'est une oeuvre à la beauté lancinante, documentaire énigmatique sur la sœur et le neveu du réalisateur : doit-on toujours dire la vérité aux enfants ? Et surtout, doit-on leur parler de la mort ?  Diogo Costa Amarante construit patiemment ses plans, et incite le spectateur à scruter l'image pour en décoder tous les secrets. Ainsi ces très beaux cadres gigognes qui se répondent d'un plan à l'autre : rétroviseur reflétant l'enfant endormi pendant que les adultes dansent, scène champêtre que l'on aperçoit par la fenêtre, puis moutons qui paissent dans le même encadrement... C'est un poème d'amour, fait d'images plus que de mots, de sensations plus que de sens. Peut-être prend-il le risque de nous perdre en cours de route, et pourtant il nous conquiert, malgré nous.

Le film de l’été d'Emmanuel Marre (France)
Palmarès sélectif :  Prix Jean Vigo et Grand Prix de la compétition nationale à Clermont Ferrand

Emmanuel Marre emprunte la forme assez classique du road movie pour raconter, en creux, une rencontre fugace entre un homme qui a perdu le pied dans sa vie, et un enfant qui ne le juge pas. Si le sujet est plutôt classique, le travail du cinéaste sur l'image (faussement documentaire) ainsi que ses choix de mise en scène (notamment de très beaux mouvements de caméra sur la route) offrent au film un ton plus singulier. En s'interessant surtout aux intervalles, au moment où il ne se passe rien, ou si peu, il capte des instantanés de vie ténus, mais qui sonnent juste.

Gros chagrin de Céline Devaux (France)
Palmarès sélectif : Lion d'or à Venise

C'est le récit d'une rupture amoureuse qui oscille entre humour façon comédie sentimentale et amertume déchirante inspirée des plus grands drames amoureux. Réalisé à la fois en prise de vues réelles et en animation, il dit ces petites choses qui président à la séparation, ces signes annonciateurs que l'on refuse de voir, ces maladresses qui nous échappent, ce mécanisme irréversible qui se met en route, et la lâcheté, la fausse indifférence, les défis bravaches. Avant le vide au goût d'éternité, les regrets et les souvenirs qui reviennent précisément quand on voudrait tout oublier. Céline Devaux reste visuellement dans le style qui était le sien à l'époque du Déjeuner dominical, et sans doute est-ce le plus gros reproche qu'on peut lui faire : la technique rare de l'écran d'épingles (inventé par Alexandre Alexeïeff et Claire Parker dans les années 30 afin de se rapprocher au plus près de l'esthétique de la gravure en aquatinte) dont elle se sert ne prend jamais vraiment l'ampleur que l'on pourrait attendre, comme si elle l'utilisait a minima, pour reproduire ce qu'elle savait déjà faire, et non pour ses propriétés délicates et particulières.

Les îles de Yann Gonzales (France)
Palmarès sélectif : Queer Palm à Cannes (Semaine de la Critique)

C'est un rêve éveillé dans lequel les fils conducteurs sont l'amour et le désir. Les protagonistes y déambulent, s'y croisent et s'y frôlent, sans préjugés, sans barrières. Même lorsqu'un monstre tout droit sorti du cinéma fantastique des années 70 surgit, il est accueilli avec bienveillance et douceur, et pourquoi pas, avec tendresse et sensualité. Parenthèse follement romantique où les corps se cherchent et se trouvent, où le sexe est cru et ardent, où le plaisir des uns ravive le désir des autres. Explosion d'une forme de liberté insaisissable qui rend soudainement tout possible.

Los deshederados de Laura Ferres (Espagne)
Palmarès sélectif : Grand Prix de la Semaine de la critique à Cannes

Los deshederados est une oeuvre hybride, entre documentaire et fiction, qui dresse le portrait juste et sensible d'un homme confronté à la perte de son entreprise familiale. Avec humour et bienveillance, Laura Ferres juxtapose de beaux plans minutieusement composés qui forment autant de saynètes tour à tour joyeuses et mélancoliques, amusantes ou profondes, donnant à voir en creux la réalité d'un homme autant que d'un pays face à la crise. Ce qui est peut-être le plus beau, c'est que le film ne se cache jamais d'être avant tout le regard d’une fille sur son père, avec ce que cela induit de sous-texte particulier et de tendresse à peine voilée.

Min Borda de Niki Lindroth Von Bahr (Suède)
Palmarès sélectif : Cristal du court métrage à Annecy et Emile Award du meilleur court métrage d'animation européen

Comédie musicale animalière en stop motion dans laquelle des poissons solitaires, des singes travaillant dans un centre d'appel et des souris employées de fast-food chantent leur mal de vivre, Min borda est probablement le film le plus déjanté et le plus désespéré de l'année. Entre dérision hilarante et constat terrifiant, il nous renvoie le terrible miroir d'une société où plus rien ne tourne rond. Et ce faisant, il rafle également le prix de la meilleure chanson originale toutes catégories confondues.

Paul est là de Valentina Maurel (Belgique)
Palmarès sélectif : Grand prix de la Cinéfondation à Cannes

Pour son court métrage de fin d'étude à l’atelier de réalisation de l’INSAS, prestigieuse école d’art bruxelloise, Valentina Maurel signe un film cérébral, très maîtrisé et très cadré, qui raconte la relation ambivalente entre une jeune femme mal dans sa peau et un homme qui réapparaît brutalement dans sa vie. Préférant la suggestion à l'explication, l'ellipse à la démonstration, la réalisatrice privilégie la subtilité du non-dit, mais prend aussi le risque de laisser le spectateur un peu à la porte. On comprend le malaise de personnages complexés qui ne sont pas vraiment à la place qu'on voudrait leur assigner, mais tout est trop retenu, trop stylisé pour nous toucher.

Retour à Genoa city de Benoît Grimalt (France)
Palmarès sélectif : Prix Illy du meilleur court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs

Interroger son histoire familiale à travers celle d'une série télévisée, c'est l'étonnante idée du réalisateur Benoît Grimalt. Il se penche donc sur les relations que sa grand-mère et  son grand-oncle, "Mémé "et "Tonton Thomas", entretiennent avec la championne de longévité de la télévision, la série Les feux de l'amour. S'il décortique habilement les chimères d’une saga qui ne raconte rien, et reflète même une certaine vacuité faite d'émotions perpétuellement renouvelées et filmées en gros plans, il crée surtout l'émotion en dressant en creux le portrait de sa propre famille, originaire d'Italie, et qui a vécu en Algérie avant de s'installer à Nice. Les parallèles entre les protagonistes de la série et "Mémé" et "Tonton Thomas" ont une saveur particulière, à la fois humoristique et mélancolique, et renvoient le spectateur à son propre récit familial, construit lui-aussi d'éléments concrets et des vapeurs venues de Genoa city ou d'ailleurs.

Rewind forward de Justin Stoneham (Suisse)
Palmarès sélectif : Léopard d'or du meilleur court métrage suisse à Locarno

Documentaire touchant et introspectif, Rewind forward raconte avec beaucoup de sincérité l'histoire d’un fils qui part symboliquement à la recherche de sa mère gravement handicapée. Il dresse son portrait à travers les films amateur inlassablement réalisés par son père mais aussi à partir de ses souvenirs douloureux de fils honteux et fuyant. Sans pathos ni émotions surjouées, il retrace ainsi le parcours familial jusqu'au moment de la rupture, lorsque la maladie de sa mère lui a fait emprunter une voie définitivement différente. Car ce que le film montre en filigrane, ce n’est pas la difficulté du handicap ou l’émotion facile des retrouvailles, mais bien la vérité crue d’une relation irrémédiablement brisée.

Rubber Coated Steel de Lawrence Abu Hamdan (Liban)
Palmarès sélectif : Tiger award à Rotterdam

Rubber coated steel fait le récit haletant d'un procès dans lequel deux soldats israéliens étaient accusés d'avoir tués deux enfants palestiniens. Le réalisateur expose une analyse audio des bruits entendus sur les lieux du crime, qui permet de comprendre ce qui s'est véritablement passé, mais sans jamais faire entendre au spectateur le moindre son, et sans montrer non plus la moindre image du tribunal. La caméra est posée dans une pièce nue évoquant un peu un stand de tir où des photos reproduites en grand format sont les cibles mouvantes qui s'approchent puis s'éloignent au fil des explications défilant à l'écran sous forme de sous-titres. Un dispositif radical qui permet de se concentrer uniquement sur les faits et le déroulé du raisonnement, et donne également à entendre le silence assourdissant de ceux que les autorités cherchent à faire taire. Par extension, le film interpelle sur la notion de cinéma et interroge les choix formels du réalisateur. On est notamment frappé par le contraste entre le minimalisme de l'image et du son et la force des émotions qu'il suscite.  A ce titre, c'est probablement l'un des films les plus saisissants de l'année.