[69, année érotique] Cannes 2016 : Kids en 1995

Posté par wyzman, le 19 mai 2016


La sexualité adolescente. Plus sérieux qu'American Pie et moins stylisé que Kaboom, Kids de Larry Clark est une œuvre puissante et intemporelle sur la naissance du désir sexuel chez les jeunes. Ça tâtonne, ça se vante à outrance et ça fait des erreurs. Bref, c'est un film sur des ados qui découvrent leur corps, le rapport à l'autre et surtout l'envie de l'autre. Véritable révélation du Festival de Cannes 1995, Kids est produit par Gus Van Sant (Elephant) et co-écrit par Harmony Korine (Spring Breakers).

Pas étonnant dès lors qu'ils aient mis en scène une œuvre que l'on rapproche sans cesse des livres (les bons) de Bret Easton Ellis et qui dépeint avec une subtilité effarante toute une génération d'adolescents. Celle qui a conscience du danger que représente le sida mais qui refuse tout de même de se protéger. Persuadée que cela touche davantage les homosexuels, cette génération pense sincèrement que lors du premier rapport sexuel, seule une grossesse non désirée est à craindre...

Audit Festival de Cannes, le film n'a pas manqué de marquer les esprits car au lieu d'aller chercher des acteurs au visage juvénile, Larry Clark a préféré caster de jeunes inconnus dénichés dans la rue. Dès lors, la gêne était totale sur la Croisette. Le langage est cru - mais authentique. Les scènes de sexe sont dérangeantes - car réalistes. Les transgressions sont nombreuses - et tellement faciles. Sans le savoir, Larry Clark a filmé avec Kids, le film qui deviendra rapidement la référence en termes de teen movie trash. Voilà sans doute pourquoi, deux décennies plus tard, The Smell Of Us fait mal au cœur quand Bang Gang (Une histoire d'amour moderne) agace par son manque d'originalité !

Larry Clark vend ses photos à bas prix

Posté par cynthia, le 22 juin 2014

larry clark

Partant du constat que les jeunes ne peuvent s'offrir de l'art - il est clair qu'un étudiant aura du mal à se payer une oeuvre d'art comme il peut s'offrir un McFlurry à 16h30 -, Larry Clark a décidé de brader ses photographies. "Le jeune n’aura jamais les moyens de s’offrir «des œuvres d’art à 10 000 dollars", explique Larry Clark dans un communiqué de presse.

Lorsqu'il est retombé sur des milliers de tirages originaux de ses photos, sur des matériaux de travail préparatoires à ses longs-métrages et sur des portraits de sa jeunesse, Clark a donc décidé de les vendre au lieu de les laisser prendre la poussière dans une malle ou de finir dans un musée (on se souvient de l'exposition au Musée d'art moderne de Paris en 2010).

Larry Clark, 71 ans, va vendre ces tirages (des 10x15 cm et 13x18 cm pris entre 1992 et 2000) à des prix "dérisoires" (125 euros) pour permettre à son public de les acquérir certains. Il s'agit de document retraçant ses films les plus remarquables comme : Kids (1995), Bully (2001) et le sulfureux Ken Park (2002).

Il s’adresse à "tous les jeunes qui viennent voir (s)es films par milliers et qui ne pourront jamais se permettre de mettre 10 ou 15 000 dollars pour un tirage… C’est un retour à l’envoyeur pour tous les skateurs et collectionneurs qui voudraient garder un souvenir, comme ça, je pourrais mourir heureux", a-t-il écrit.

La vente aura lieu du 1er au 6 juillet à la Galerie Simon Lee de Londres. Les photographies y seront exposées.

Parallèlement, Larry Clark vient de lancer une boutique en ligne (livres, tee shirts, disques, photos).

Deauville 2013 – Hommage à Larry Clark : « dans ma tête j’ai toujours 16 ans »

Posté par kristofy, le 6 septembre 2013

Larry Clark © ecran noir« Je n’arrive pas à croire que j’ai 70 ans sauf avec mes jambes et ma canne, dans ma tête j’ai toujours 16 ans. Ce qui compte c’est le mouvement, aller de l’avant, c’est de faire». Larry Clark est content que le Festival du cinéma américain de Deauville lui rende hommage ; mais il est surtout heureux d'évoquer son film "web" Marfa Girl, projeté sur grand-écran (tout comme au Festival de Rome où le film avait gagné le Grand prix). Une séance exceptionnelle puisque celui-ci n’est pas du tout distribué en salles ni en vidéo mais seulement en streaming sur internet : « mon meilleur film à ce jour c’est Marfa girl, pour le voir donnez-moi 5 dollars sur mon site larryclark.com, je l’ai tourné en 19 jours, et c’est un putain de bon film, vos globes oculaires vont sortir de vos yeux et va falloir les ramasser».

C’était en 1995 au festival de Sundance, après la découverte du film Kids, que Larry Clark naquit dans la planète cinéphile : ‘un chef d’œuvre’ (Village Voice), ‘choquant’ (Rolling Stone), ‘un cri d’alarme’ (New York Times). Le cinéma indépendant se découvrait un nouveau héros avec ce photographe déjà connu pour le succès controversé de son livre Tulsa (et ceux qui suivront) : des amis, jeunes, marginaux, photographiés parfois nus et souvent drogués.

The Smell of Us

En 2010 une rétrospective de ses photographies est organisée à Paris, où il rencontrera des skateurs et le scénariste S.C.R.I.B.E. qui vont inspirer son nouveau film qu’il a tourné cet été, avec difficultés, dans la capitale : The Smells of us. Entre ces deux films il y en a une poignée d’autres qui abordent presque toujours les mêmes thèmes de la perte d’innocence d’une jeunesse sex drug and skateboarding. Lui qui veut montrer les vies de gens qu'on ignore. Souvent critiqué pour la nudité adolescente exposée, catalogué underground, Larry Clark commence à percevoir les fruits de sa constance et de son influence : les grands festivals l'honorent.

A propos de son prochain film The Smells of us Larry Clark précise que : « c’est un film 100% français : le producteur, l’argent, l’histoire, les acteurs tout est français, sauf moi et l’acteur Michael Pitt. Moi et le producteur on a été tenace car ça fait deux ans qu’on a connu des hauts et des bas pour faire ce film, on a eu la moitié du budget espéré et la moitié du temps mais on a fait ce film quand même. J’ai rencontré des jeunes qui faisaient du skate derrière le Palais de Tokyo à Paris, et je me suis demandé ce qu’ils faisaient le reste du temps. Le tournage est terminé, il reste à en faire le montage». Il pourrait être prêt pour Berlin ou Cannes.

Revue de détails des amis de Larry Clark dans 5 films emblématiques :

Kids (1995) : premier film, premier chef-d’œuvre, film culte. Première apparition de beaucoup de noms qui par la suite seront influents : à la production il y a Gus Van Sant (devenu le réalisateur que l’on sait et récompensé à Cannes et aux Oscars) et Christine Vachon (qui va produire les films de Todd Solondz, Todd Haynes, John Waters...) ; au casting il y a Léo Fitzpatrick, Rosario Dawson et Chloé Sévigny qui était la petite amie du scénariste Harmony Korine (elle jouera ensuite dans les films qu’il réalisera).

Bully (2001) : au casting encore Léo Fitzpatrick de Kids, et la jeune génération de l’époque Bijou Phillips, Nick Stahl, Brad Renfro (qui participe aussi à la production) et Michael Pitt (dans le prochain The Smells of us); le film est coproduit par des français.

Teenage Caveman (2001) : film rare pour HBO mais tout de même édité en dvd (dans un coffret dédié à Stan Winston). On y découvre la complice et muse de Larry Clark en la personne de Tiffany Limos (elle travaillera ensuite à la production de clips avec Michel Gondry) et Stephen Jasso.

Ken Park : presque une suite parallèle de Kids où on retrouve Harmony Korine au scénario, et au casting toujours Stephen Jasso et Tiffany Limos dans des scènes de sexe à plusieurs partenaires (le film est interdit au mineurs dans plusieurs pays). Le film est en fait coréalisé par Larry Clark et Ed Lachman (qui est directeur de la photographie pour Sofia Coppola, Todd Solondz, Steven Soderbergh, Todd Haynes…) ; le film est coproduit par des français.

Wassup Rockers : le scénario est co-écrit par Larry Clark et Matthew Frost (réalisateurs de clips et de publicités), le casting est principalement constitué de jeunes latinos comme les frères Velasquez rencontrés pour une session photo pour le magazine Rebel

_________
Lire aussi :
Larry Clark : un tournage à Paris et un film en compétition à Rome
Un été avec les Kids de Larry Clark sur Arte Creative

Deauville 2013 : les stars arrivent sur les planches!

Posté par kristofy, le 29 août 2013

Le 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville s'ouvre ce soir, pour célébrer encore une fois le cinéma made in USA dans sa diversité, avec à la fois les gros films de studios mais aussi les petits films indépendants. Surtout les célébrités les plus prestigieuses viendront arpenter les planches de la cité balnéaire chic et mythique.

Deauville va accueillir en grande pompe Nicolas Cage, pourtant déclinant (et qui présentera ses deux derniers films Joe et Suspect), John Travolta (Killing Season), la radieuse Cate Blanchett (Blue Jasmine, le nouveau Woody Allen qui a séduit les Américain cet été), le sulfureux réalisateur Larry Clark (avec l’intégrale de ses films, dont Marfa Girl primé à Rome l'an dernier), la productrice Gale Ann Hurd (Terminator, Armageddon, Abyss, la série "The Walking Dead"… et le nouveau Very Good Girls).

En ouverture du festival reviendront une nouvelle fois sur les planches Deauvillaises Michael Douglas et le réalisateur Steven Soderbergh, qui donnera aussi une masterclass qui reviendra sur sa carrière. Ils accompagneront Ma vie avec Liberace, en compétition au dernier festival de Cannes. L’équipe de White House Down, gros flop aux US, viendra en force avec Roland Emmerich, Jamie Foxx et Channing Tatum ; le réalisateur Lee Daniels présentera le succès du Box office US du moment, Le Majordome, biopic à Oscars, et l’actrice Jena Malone sera là pour The Wait

Snowpiercer Le transperceneigeCertains des autres films présentés en avant-première ou en compétition ont été également remarqués à Cannes (All is lost, Fruitvale Station, Les amants du Texas, We are what we are), à Berlin (Lovelace, Upstream Color), à Locarno (Wrong Cops de Quentin Dupieux), ou projetés en parallèle de leur sélection à Venise (comme Night Moves de Kelly Reichardt).

Le film de clôture sera une avant-première de Snowpiercer en présence du réalisateur Bong Joon-ho. Il s'agit de la plus importante production de Corée du Sud (qui est en train de battre en ce moment des records d’entrées au box office local). Tourné en langue anglaise, avec un casting international (Chris Evans, Tilda Swinton, Jamie Bell, Octavia Spencer, John Hurt, Ed Harris...) qui entoure le populaire Song Kang-ho, il s'agit de l’adaptation de la bande-dessinée française le Transperceneige.

_______________

39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville
Du 30 août au 8 septembre 2013
Programme et renseignements sur le site de la manifestation

Malgré le sacre de Larry Clark, le 7e Festival de Rome n’a pas convaincu

Posté par vincy, le 18 novembre 2012

La première édition romaine de Marco Müller, l'ancien patron de la Mostra de Venise, s'est soldée par un fiasco économique et une violente polémique sur le palmarès. Rome, qui en est à sa 7e édition, tente de dépasser Venise parmi les grands Festivals d'automne : il va falloir encore attendre.

D'une part le nombre de billets a baissé de 15% alors que le nombre de journalistes accrédités étaient en hausse (de 15%). Le marché du film a cependant encaissé une forte diminution du nombre d'acheteurs (passants de 270 à 190). Il n'y avait que 90 acheteurs présents. Pas de quoi inquiéter Toronto, Cannes ou Berlin.

Müller avait également promis une surprise de son "ami Quentin Tarantino" : rien n'est venu de Tarantino. Seule réelle surprise, le dernier Johnnie To... Sans personnalités présentes, ou quasiment, le Festival a manqué de glamour et de "coups".

A cela, il faut ajouter un palmarès plus que controversé. E la chiamano estate (Ils appellent ça l'été), "film dont les nombreuses scènes érotiques ont été accueillies par des sifflets et des huées" selon l'AFP, a remporté deux prix : meilleur réalisateur (Paolo Franchi) et  meilleure actrice (Isabella Ferrari). Ce film raconte les affres d'un couple, dont l'homme (l'acteur français érotomane Jean-Marc Barr) se refuse à faire l'amour avec sa compagne mais satisfait ses appétits sexuels avec des prostituées. Pas loin de Shame, le film a subit les quolibets des festivaliers, criant à la honte lors de la remise de prix.Le réalisateur s'est dit fier d'avoir fait ce film sans le financement des télévisions, média qui applatit le cinéma.

P.J. Hogan, membre du jury, a confié que "ce film a énervé beaucoup d'entre nous et beaucoup d'entre vous". "Beaucoup ont hurlé, d'autres se sont levés pour applaudir. Il a pris tout le monde aux tripes, c'est un film sans compromis. Il sera haï et adoré".

Retenons malgré tout que le prix Marc-Aurèle du meilleur film, est allé à Marfa girl de Larry Clark (lire notre actualité). Ali ha gli occhi azzuri (Ali a les yeux bleus) de Claudio Giovannesi, a été récompensé par le e prix spécial du jury, présidé par Jeff Nichols.

Le cinéma français a gagné deux prix : celui du meilleur acteur pour Jérémie Elkaïm (Main dans la main, de Valérie Donzelli) et  celui du meilleur espoir pour Marilyne Fontaine (Un enfant de toi, de Jacques Doillon).

Le prix de la contribution technique a été décerné à Arnau Valls Colomer pour l'image de Mai morire et celui du meilleur scénario à Noah Harpster et Micah Fitzerman-Blue pour The Motel Life, qui aussi reçu le prix du public.

Larry Clark : un tournage à Paris et un film en compétition à Rome

Posté par vincy, le 22 octobre 2012

A part une exposition photographique et un court métrage, on n'avait peu de nouvelles du réalisateur de Kids, Bully et Ken Park. Le dernier long métrage de Larry Clark remonte à 2005 avec Wassup Rockers.

L'Avance sur recettes vient de lui octroyer une aide avant réalisation pour The Smell of Us, qui sera tourné à Paris et en français. La région Île-de-France vient également d'investir 400 000 euros dans la production. Le film sera distribué par Mars. C'est la première expérience du cinéaste à l'étranger. Le film est produit pour 3 millions d'euros par Morgane Production et Pierre-Paul Puljiz de Polyester productions (qu'on connaît pour les documentaires sur Larry Clark, Basquiat, Paul Morrissey ou encore Walk Away Renée de Jonathan Caouette). Les deux producteurs préparent également un documentaire sur son livre, Tulsa 1963-1971.

Dans The Smell of Us, Clark continue d'explorer les moeurs et coutumes de la jeunesse. L'histoire suit un couple d'ados qui s'entredéchire et deux copains sans illusions, le tout sur fond de skate-board. L'impossibilité de communiquer, l'ennui, la distance par rapport à leur environnement vont les conduire à la marge : argent facile, exhibition, prostitution masculine sur Internet, drogue, ... toutes classes sociales confondues. Les producteurs ont déjà annoncé que la narration serait différente, avec des flashbacks notamment, des précédents films de Clark.

On aura compris que le réalisateur a mis 7 ans à observer et digérer la manière dont le web a envahit et transformer la vie des ados. Lors de son exposition au MAM de Paris, il a rencontré Mathieu Landais (photo). Le jeune poète de 22 ans lui propose une histoire, et, ensemble ils coécrivent Le sang de Pan, scénario noir dont la version définitive est prête (et rebaptisée d'un nouveau titre) en avril dernier. Le casting se déroule au printemps dans le milieu du skate parisien, dans des soirées, des squats et des clubs.

Le financement quasiment bouclé, le tournage est prévu au premier trimestre 2013. Le film devrait être éclairé par un chef opérateur français, accompagné d'une BOF frenchy.

D'ici le tournage parisien, Larry Clark fera un détour par Rome. Le festival international du film de la capitale italienne a en effet sélectionné Marfa Girl, qui ne devrait pas sortir en salle. On pourra, en revanche, le voir dès novembre sur le site officiel du réalisateur (larryclark.com/marfagirl). Marfa est une petite ville texane. C'est là que vit le héros, Adam, de ce long métrage (1h46) à petit budget. Clark y traite d'art contemporain, de frontières, de métissage, d'adolescence, de sexe, de drogue, de racisme et de rock n' roll. As usual.

L’instant Court : Thelma de Mark Maggiori

Posté par kristofy, le 15 octobre 2010

ThelmaComme c’est sur internet que de nombreux courts-métrages attendent d’être regardés par de nouveaux spectateurs, et comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après Noodles de Jordan Feldman avec Zoé Félix, voici l’instant Court n° 2.

L’exposition Kiss the past hello des photos de Larry Clark a préventivement été interdite au moins de 18 ans, une décision discutable qui provoque en même temps une formidable publicité. Il faut rappeler aussi que les films de Larry Clark ont fait l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque le week-end dernier. Son premier film Kids (avec Harmony Korine co-scénariste, Gus Van Sant co-producteur, révélation de Chloë Sevigny et Rosario Dawson) est devenu une référence du cinéma indépendant.

En écho, voici le court-métrage Thelma réalisé par Mark Magiorri, qui (lui aussi) filme des adolescents skateurs en se rapprochant du même équilibre entre esthétique et authenticité.

Thelma est une jeune fille qui vit à Pacoima, dans la banlieue de Los Angeles. Elle rêverait de faire partie d'une bande elle aussi, mais du fait de son obésité, elle va rapidement se heurter à la cruauté des autres adolescents du quartier...

Ce film avait remporté un prix au Festival Paris Tout Court Cinéma en 2008.

THELMA from HK Corp on Vimeo.

Mark Maggiori est un artiste multi-casquettes qui skate depuis qu’il est adolescent, après une formation de graphiste il s’est orienté vers la réalisation de films. Il est aussi chanteur (le groupe Pleymo), photographe, peintre, romancier… Il est devenu un réalisateur de clips très remarqué de la scène française, il a notamment œuvré pour Pleymo, Kyo, Charlie Winston, Pascal Obispo, Gaetan Roussel, Superbus, Brigitte… Depuis son court-métrage Thelma il écrit son deuxième roman et développe des scénarios pour un long-métrage.

_________________

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Thelma.

Exposition Larry Clark : ados sur les photos, pas devant

Posté par MpM, le 8 octobre 2010

Avant même de pouvoir découvrir la rétrospective consacrée à l’œuvre photographique de Larry Clark au Musée d’art moderne de la ville de Paris (qui ouvre ses portes aujourd'hui), on apprenait que l’exposition serait interdite aux moins de 18 ans. Ironique pour des photographies mettant justement en scène des adolescents...

La décision (relativement exceptionnelle dans le cadre d'un musée) est assumée par Christophe Girard, adjoint au maire à la culture : « La mairie de Paris n’est pas au-dessus des lois et, si nous pouvons chacun avoir nos convictions personnelles et citoyennes sur l’évolution du regard de la société sur la sexualité et la santé publique (toxicomanie), en tant qu’élus nous n’avons pas à nous affranchir de la législation pénale et faire courir des risques inconsidérés au Directeur du musée, au commissaire de l’exposition et aux agents du musée » ; mais critiquée par le monde de l’art et de nombreux médias, parmi lesquels Libération.

En signe de protestation et de solidarité avec l’artiste, le grand quotidien national faisait ainsi sa "une" jeudi 7 octobre avec l’une des photos ayant potentiellement provoqué cette interdiction, représentant un jeune couple en train de s’embrasser sur un canapé. Tous les deux sont nus, et la jeune femme tient explicitement dans la main le sexe en érection de son partenaire.

« La mairie de Paris prive les mineurs de l’exposition du photographe et cinéaste américain, chroniqueur du monde adolescent, de crainte de plaintes d’associations réactionnaires. Une décision choquante, condamnée par l’artiste », écrit Libération. « Personne ne conteste qu’il faille réguler la représentation publique de la pornographie ou bien proscrire les images à contenu manifestement pédophilique », explique Laurent Joffrin, le directeur du quotidien. « Le problème, c'est que les photos de Larry Clark, artiste respecté et talentueux, qu’on se dispose à interdire aux moins de 18 ans, ne ressortissent en rien à cette catégorie. [Elles] ont été exposées dans d’innombrables lieux sans être interdites. »

Il y a quelques jours, Larry Clark dénonçait dans Le monde une « attaque des adultes contre les adolescents », et proposait finement d’inverser l’interdiction et de l’appliquer aux plus de 18 ans. « C’est triste que le musée ne puisse pas faire venir les jeunes, mais ce n’est pas à moi de changer la loi », a-t-il également déploré. Sébastien Gokalp, le commissaire de l’exposition, a lui essayé d’apaiser le débat. « Larry Clark est un artiste majeur, sinon il n’attirerait pas autant de monde. Que les gens viennent et qu’ils jugent sur pièce. Qu’ils s’emplissent de ces œuvres, et ensuite on en reparlera. »

Malheureusement, les choses ne sont pas si simples. Le risque est en effet d’en arriver à une évacuation progressive de toute représentation artistique de la sexualité, notamment celle des jeunes, hors de la sphère publique. Comme le souligne Larry Clark lui-même : « Le dernier rapport visuel au sexe, et qui est déjà majoritaire, deviendrait donc celui de la pornographie, si accessible grâce aux sites en streaming.» Sans compter l’éternelle question du curseur : où s’arrête la frontière entre sexualité interdite et sensualité autorisée ? Si le "cas" Larry Clark fait jurisprudence, les interdictions n'ont peut-être pas fini de tomber…

Cinémathèque et Musée d’Art moderne : deux fois plus de Larry Clark

Posté par MpM, le 8 octobre 2010

Ken ParkAlors que le Musée d'Art moderne de la ville de Paris propose à partir d'aujourd'hui la première rétrospective européenne de l'œuvre photographique de Larry Clark (voir notre article), la Cinémathèque française consacre trois jours au versant cinématographique de la carrière de l'artiste américain.

Dès ce soir, plongée dans l'univers si particulier du cinéaste à travers son premier films, Kids (1995), un anti-teen movie bourré de rap et de sexe, avec l'actrice Chloé Sévigny. Samedi, les spectateurs pourront (re)découvrir Ken Park, Another day in paradise et Bully ; et surtout assister à la leçon de cinéma donnée par Larry Clark lui-même. Dimanche, ce sera au tour de Teenage caveman, Wassup rockers et Destricted.

Depuis ses débuts, en photographie comme au cinéma, Larry Clark s'est fait le chantre de l'adolescence américaine dépeinte sans fard et sans jugement de valeur, ce qui lui vaut l'admiration des uns et la réprobation des autres. Scènes crues, nihilisme, dissidence, désespoir... Le "kid" (mi-enfant, mi-ado) selon Larry Clark est déjà presque aussi foutu que ses parents démissionnaires, dysfonctionnels, ou tout simplement inexistants. Pendant que les ligues de vertu s'émeuvent, une certaine jeunesse s'y reconnaît, et fait confiance au cinéaste.

"Gus Van Sant et moi, nous avons démontré que les films mettant en scène des adolescents ne sont pas forcément des comédies bébêtes", explique ce dernier. "Je veux que les kids se reconnaissent en voyant mes films, c’est très important pour moi. C’est étonnant de constater que la culture américaine est orientée vers la jeunesse, mais qu’elle ne lui parle pas vraiment."

Erreur réparée avec cette œuvre radicale, réalisée en une petite dizaine d'années, qui complète admirablement le travail de portraitiste et presque de sociologue mené par Larry Clark tout au long de sa vie.

__________________

Rétrospective Larry Clark à la cinémathèque française
Du 8 au 10 octobre
Renseignements sur le site de la Cinémathèque

Exposition "Kiss the past hello" au Musée d'art moderne
Du 8 octobre au 2 janvier 2011
Informations sur le site du Musée