Lumière 2012… ça tourne!

Posté par Morgane, le 16 octobre 2012

La Halle Tony Garnier était comble hier soir (tout comme prévoient de l'être de nombreuses salles durant le reste de la semaine, beaucoup de séances affichant d'ores et déjà "complet") pour déclarer OUVERT (tous en choeur mais pas franchement accordés) ce quatrième Festival Lumière.

Les Grands du 7e Art (Jerry Schatzberg, Guillaume Canet, Tim Roth, Agnès Varda, Max von Sydow, Jacqueline Bisset, Emir Kusturica,Tony Gatlif, Monica Bellucci, Lalo Schiffrin, Benoit Magimel, Marie Gillain et bien d'autres encore) ont fait leur entrée petit à petit sous des salves d'applaudissements, et des chuchotements "c'est qui?" chacun essayant de reconnaître les visages qui apparaissaient sur le grand écran. Car la Halle est grande et du fond finalement, on ne voit pas grand chose. Mais on entend très bien et l'écran est immense...

Hommage à Lalo Schiffrin oblige, Thierry Frémaux est monté sur scène au son des notes de Mission Impossible, tout comme Bertrand Tavernier ensuite. Difficile ainsi de ne pas se prendre pour un héros.

Quelques petits films des Frères Lumière sont projetés (les éternels frères Kermo et leur pyramide humaine déjà présents l'année dernière), ainsi que quelques minutes Pathé sur la ville de Lyon et un avant-goût de tout ce que l'on va pouvoir découvrir cette semaine.

S'en est suivi un discours élogieux de Bertrand Tavernier à l'attention de Jerry Schatzberg ainsi qu'une véritable déclaration d'amour de Guillaume Canet envers ce dernier qui en profite également pour raconter le petit coup du hasard qui lui a donné la chance de tourner dans The Day the Ponies Come Back.

En effet, en vacances à New York, Guillaume Canet reçoit un coup de fil pour rencontrer Jerry Schatzberg qui cherche un nouvel acteur car il ne s'entend pas avec celui qu'il avait retenu. Une belle rencontre mais l'acteur français se voit obligé de refuser car il est déjà engagé sur un autre tournage et doit justement rentrer en France le lendemain. Il repart, scenario sous le bras tout de même, et trouve un fois chez lui un message lui annonçant l'annulation de son film car les financeurs se sont désistés. Ni une ni deux, il rappelle Jerry Schatzberg, refait sa valise et reprend l'avion en sens inverse. Son aventure new-yorkaise peut commencer... Jerry Schatzberg monte alors sur scène, prend le micro et de sa voix rauque et éraillée (quasi incompréhensible mais rassurons-nous, Bertrand Tavernier se charge de la traduction) nous dit son bonheur d'être ici et son émotion de voir son film L'épouvantail projeté 40 ans plus tard dans une salle remplie d'environ 4 000 personnes.

Mais environ 1h44 plus tard, c'est nous qui clamons notre bonheur d'avoir pu (re)voir, et pour ma part découvrir, ce film magnifique suivant sur la route des seventies un Gene Hackman bourru au sang chaud mais au coeur tendre et un Al Pacino (qui avait déjà tourné avec Schatzberg dans Panique à Needle Park) fou fou que l'on a rarement l'habitude de voir endosser ce genre de personnage qui lui va pourtant si bien. Un road-movie pédestre, ou presque, qui nous mène dans les pas des ces deux marginaux qui peinent à trouver leur place dans cette Amérique perdue, celle des laissés pour compte, des banlieues où le rêve américain n'a pas pris ou n'a jamais vraiment existé. Un portrait d'une Amérique déchue dans laquelle Gene Hackman et Al Pacino (deux superbes interprétations) aimeraient juste une petite place pour eux.

La scène d'ouverture (sublime) à elle seule vaut le coup d'oeil, sorte de duel de western au bord d'une route opposant nos deux acolytes qui cherchent à arrêter une voiture qui les emmènera vers un ailleurs meilleur...

À la toute fin, Thierry Frémaux annonce la présence de Michael Cimino aux côtés d'Isabelle Huppert pour présenter Les Portes du Paradis lors de la cérémonie de clôture également à la Halle... Rendez-vous donc dans six jours au même endroit mais d'ici là, plein de belles (re)découvertes et de rencontres cinématographiques nous attendent.

Sortie de route pour Peter Yates (1929-2011)

Posté par vincy, le 11 janvier 2011

Sa filmographie a peut-être moins marqué les esprits que celle de ses confrères de la même époque, pourtant Peter Yates a signé une scène d'anthologie du 7e art : LA course-poursuite du siècle. Dans Bullitt (1968), une Mustang et une Dodge se filent dans les rues et les faubourgs de San Francisco, avec une allure variant de 120 à 180 kilomètres heure. La séquence a nécessité trois semaines de tournages pour une durée sur grand écran de 9 minutes 42 secondes. Seul regret, il n'y eut pas l'autorisation pour faire passer les deux voitures sur le pont du Golden Gate. Mais il y a tout le reste : certes le découpage est habile et les deux voitures deviennent des personnages à part entière. Cependant, les deux modèles offraient aussi des sons différents : une boîte de vitesse manuelle, nerveuse donc, pour la Mustang, et la boîte automatique, plus silencieuse de la Dodge. Les crissements des pneus rajoutaient une dose de stress. Et surtout, la musique de Lalo Schiffrin accompagnait à la perfection les images, s'effaçant presque au moment de l'explosion de la Dodge.

Le britannique Peter Yates fut donc le réalisateur qui réalisa cette folie. Né en 1929, il est décédé dimanche 9 janvier, à l'âge de 81 ans, des suite d'une longue maladie.

Il a débuté dans les années 1950 en étant assistant doubleur, puis assistant réalisateur (Les Canons de Navarone, Un brin d'escroquerie). Alternant petit et grand écran, il se forme au style britannique, mélangeant le réalisme social et les thrillers à forte tension, où sexe et violence font des arrière-plans dignes des films noirs.

Son premier film de cinéma, Vacances d'été, il le réalise en 1963. Une comédie musicale romantique avec Cliff Richard que devait faire Ken Russell. Puis il signe l'adaptation d'une pièce comique à succès, One Way Pendulum. Mais c'est en 1967 qu'il se fait remarquer, après plusieurs épisodes du Saint et de Destination Danger, en "modernisant" le premier western américain, Trois milliards d'un coup (The Great Train Robbery), film de braquage où il met déjà en scène une poursuite de voitures (dans les rues de Londres). Elle est si réaliste que cette séquence décidera Steve McQueen à l'engager pour Bullitt, l'année suivante.

Ce dernier est évidemment un de ces polars indémodables, mélange de corruption, volupté et de suspens, où la direction artistique et les comédiens (magnifiques Steve McQueen, Jacqueline Bisset et Robert Vaughn) sont aussi importants que le cadre et le montage. Énorme succès, le film gagne l'Oscar du meilleur montage, le prix Edgar Allan Poe du meilleur film, et rentrera au Patrimoine National du Cinéma en 2007.

Si ses films sont méconnus, c'est injuste. John et Mary (1969) avec Dustin Hoffman (meilleur acteur aux prix BAFTA) et Mia Farrow,  La Guerre de Murphy (1971), avec Peter O'Toole et Philippe Noiret, Les Quatre malfrats (1972, nommé à l'Oscar du meilleur montage) avec Robert Redford et George Segal, Les Copains d'Eddie Coyle (1973) avec Robert Mitchum sont des divertissements qui méritent le détour, et pas simplement pour leurs stars. Il touche à tout, du film de guerre à la comédie (son genre de prédilection) à raison d'un film par an : Ma femme est dingue (1974) avec Barbra Streisand, Ambulances tous risques (1976) avec Bill Cosby (du Cosby Show), Raquel Welch et Harvey Keitel (jeune), le film d'horreur Les grands fonds (1977, en pleines Dents de la mer "mania"), avec Jacqueline Bisset et Nick Nolte..

En 1979, il réalise La Bande des quatre, l'un des meilleurs films sportifs, et sans doute le meilleur sur le vélo. Le film est un fiasco financier mais il glane 5 nominations aux Oscars (film, actrice, réalisateur, musique et scénario, qu'il remporte). Il gagne aussi le Golden Globe du meilleur film dans la catégorie comédie.

Il se dirige alors vers le thriller. L'oeil du témoin (1981) avec Sigourney Weaver et William Hurt, le film fantastique Krull (1983), semi échec présenté à Avoriaz, ou encore Eleni (1985) avec un jeune John Malkovich, Suspect dangereux (1987) avec Cher, Dennis Quaid et Liam Neeson, succès de l'époque, Une femme en péril (1988) où il gagna le prix du meilleur film au Mystfest, avant de sombrer dans des séries B voire pire, malgré des castings plus ou moins chics. Une succession d'échecs artistiques et publics. Ironiquement son dernier film se nommera Curtain Call (1999). Le rideau est baissé.

On datera sa fin artistique à 1983. En réalisant le drame L'habilleur (1983), avec Albert Finney, qu'il obtient ses derniers lauriers : Cinq nominations à l'Oscar (dont film, réalisateur, scénario, et deux fois dans la catégorie acteur), sept nominations aux prix BAFTA et deux prix au Festival de Berlin (acteur, prix CIDALC récompensant un film qui oeuvre à la propagation des arts et de la littérature). Le film, histoire théâtrale où l'apprenti et le maître se combatte à travers Le Roi Lear, a reçu un joli accueil public.