Cannes 2019: le Festival, décor de cinoche, et pas que chez Les Nuls

Posté par vincy, le 21 mai 2019

Avec ou sans festival, il sont nombreux les films a avoir pris la Croisette comme décor. L’enfilade d’hôtels et de palmiers sous le ciel azur de la riviera, tout comme Nice, est un parfait arrière-plan glamour, pour un thriller, une « romcom » ou une parodie.

Pour les 25 ans de La Cité de la peur, d’Alain Berbérian, hit culte avec Les Nuls (Chabat, Lauby, Farrugia et toute une bande de guests), Cannes Classics a projeté le 16 mai, le film restauré en 4K, en présence des trois Nuls, sur le Cinéma de la Plage.

Entre les cons de mimes sur la Croisette, la scène du Palais où on danse la Carioca, l’attachée de presse dépassée par « toutes ses pressions », la sous-préfète accro aux marches et aux flashs, et les salles miteuses du marché où l’on passe des séries Z : tout y passe. Le Festival de Cannes est parodié pour notre plus grand plaisir (ne vomissez pas Simon).

Le Festival, en 25 ans, a bien changé. Sauf peut-être pour les attachés de presse (mais ce n’est pas une raison pour les jeter du taxi).

Paradoxalement les films qu’il inspire sont tous sauf « cannois » : des films de genre, souvent violents, ou des farces. Il y a une exception, la plus récente : La Caméra de Claire de Hong Sang-soo, avec Isabelle Huppert et Kim Min-hee. Le cinéaste sud-coréen filme une rencontre entre une productrice de cinéma et une photographe française, dans l’envers du décor du festival. Le film a été tourné pendant le Festival, alors qu’Huppert présentait Elle de Paul Verhoeven, et a été sélectionné en séances spéciales.

Sinon, c’est souvent Hollywood qui a fantasmé le festival. En 2002, Brian de Palma filme les toilettes du Palais pour une scène torride de Femme fatale, lors de l’avant-première d’un film de Régis Wargnier. Dans Panique à Hollywood (2008), un réalisateur (Robert de Niro) doit changer la fin de son film sur ordre de sa productrice. S’il ne s’exécute pas, son film n’ira pas en compétition. Le Festival, enfer ou sacralisation ? Souvent le Festival est anecdotique, et ne fait qu’illustrer le couronnement d’un personnage.

Bien plus loin dans le temps, en 1979, dans Un scandale presque parfait, c’est un jeune cinéaste (Keith Carradine), un producteur italien (Taf Vallone) et son épouse (Monica Vitti) qui jouent un triangle amoureux lors d’un Festival, qui, ici, sert de prétexte. A la même époque, en 1978, c’est une prise d’otage qui interrompt une projection d’un film en compétition : Evening in Byzantium, avec Glenn Ford et Patrick Macnee, est un navet. En 1982, Les Frénétiques (The Last Horror Film), de David Winters est aussi un avant-goût du film des Nuls, entre épouvante et comédie. Cette fois on est dans la peau d’un fan, un chauffeur de taxi new yorkais cinéphile qui veut devenir cinéaste, et cherche à embaucher une actrice qui est à Cannes. Cette série B a été tournée durant le festival de 1982, avec Isabelle Adjani, Kris Kirstofferson et Marcello Mastroianni croisés à l’image.

Cannes reste malgré tout une affaire de rire. Avec Les vacances de Mister Bean en 2007 (Gilles Jacob donna les autorisations en grand fan de Rowan Atkinson) ou Les vacances de Noël (en 2005), faux docu tourné lors du Festival 2004, sur l’entarteur Noël Godin. On peut aussi citer Cannes Man, en 1996, une comédie avec un producteur pourri, où John Malkovich, Dennis Hopper, Benicio del Roro, Chris Penn, Johnny Depp, Jim Jarmusch, Bryan Singer, et Menahem Golan apparaissent à l’écran.

Mais finissons sur un pastiche français, et primé pour son scénario à Cannes : Grosse fatigue de Michel Blanc, qui fait une incartade au Festival puisque le sosie du « Bronzé » s’incruste dans la suite de Depardieu (clin d’œil : Blanc a été primé à Cannes pour son interprétation dans Tenue de soirée, avec Depardieu). L’acteur, à cause de son double maléfique, est accusé d’avoir violé Josiane Balasko, Charlotte Gainsbourg er Mathilda May. Un goujat à Cannes qui rappelle finalement un autre film, bien réel : les frasques d’Harvey Weinstein sur la Croisette. Parfois la fiction a un temps d’avance sur la réalité.

Maintenant, vous pouvez quitter votre écran et selon l’heure, prendre un doigt de whisky, des gencives de porc ou un chewing-gum en revoyant La Cité de la peur, qu’on peut revoir mille fois avec mille personnes… non, on peut le voir une fois avec mille personnes, mais on ne peut pas le revoir mille fois avec mille personnes. Non, on peut le voir une fois avec mille personne mais on ne peut pas le revoir mille fois avec une personne. Bref il ne peut rien vous arriver d’affreux à Cannes après avoir vu tous ces films. Sauf si vous êtes projectionniste.

Cannes 2017 : Qui est Kim Min-hee ?

Posté par MpM, le 22 mai 2017

Kim Min-hee a connu un début de carrière plutôt classique, alternant productions sud-coréennes destinées au marché local et séries télévisées. Elle fait en effet ses premiers pas au cinéma en 2000 (elle a dix-huit ans) avec le film Asako in Ruby Shoes de Lee Jae-yong, puis à la télévision avec The age of innocence.

C'est en 2008 que sa performance dans Hellcats de Kwon Chil-in lui permet de se faire remarquer. Elle reçoit d'ailleurs le Baeksang Arts Award (récompense cinématographique sud-coréenne) de la meilleure actrice. Elle est à nouveau nommée en 2012 pour Helpless de Byeon Yeong-joo et récompensée en 2013 pour Very ordinary couple de Roh Deok. Autant de films inédits en France.

Mais il faut attendre 2015 pour que la comédienne soit réellement révélée sur le marché international à l'occasion de sa première collaboration avec Hong Sang-soo, Un jour avec, un jour sans. On la remarque tout de suite dans le rôle d'une jeune artiste qui se cherche, et qui, selon les versions de l'intrigue, dresse même un portrait étonnamment lyrique de la recherche artistique. Il y a une pureté, inhabituelle chez Hong Sang-soo, et même une véritable élévation, dans le long monologue de la jeune femme qui explique pourquoi elle peint, et ce que cela lui apporte. Kim Min-hee y est bouleversante, comme elle sait à d'autres moments être irrésistible de drôlerie ou de maladresse.

Le film est couronné d'un léopard d'or à Locarno et son partenaire Jeong Jae-yeong remporte le prix d'interprétation masculine. Pourtant, c'est bien la rencontre avec Kim Min-hee qui marque un tournant dans l'oeuvre du cinéaste sud-coréen, lequel semble ne plus pouvoir se passer d'elle. Ils enchaînent ensemble On the beach at night alone (2017), La caméra de Claire (2017) et The day after (2017).

Entre temps, Kim Min-hee a croisé la route d'un autre cinéaste coréen habitué de Cannes, Park Chan-wook, qui lui confie le rôle titre de son venimeux et sulfureux polar présenté sur la Croisette en 2016, Mademoiselle. Le film lui permet de révéler différentes facettes de jeu, son personnage apparaissant tour à tour fragile, cruel, passionné, manipulateur et surtout extrêmement sensuel. On croit à chaque aspect de cette personnalité multiple qui tire son épingle du jeu avec un plaisir gourmand.

Multiple, elle l'est aussi d'une certaine manière dans On the beach at night alone qui lui vaut l'Ours d'argent de la meilleure actrice lors de la Berlinale 2017. Elle y campe avec justesse, sensibilité et humour une femme aux prises avec ses sentiments suite à une histoire d'amour avec un homme marié (toute ressemblance avec des faits réels...). Là encore, elle brille lors de monologues véhéments (et alcoolisés) sur l'amour et ses pièges, et passe avec facilité du burlesque au sensible, et même à l'émotion.

On attend donc forcément avec un mélange d'excitation et d'anxiété ses deux prochaines apparition chez Hong Sang-soo, aux côtés d'Isabelle Huppert dans La Caméra de Claire, et avec un autre habitué de l'univers d'Hong Sang-soo, Kwon Hae-hyo (Yourself and yours, On the beach at night alone) dans The day after. Ce n'est pas nous qui allons nous plaindre de cette double dose cannoise de Kim Min-hee. En espérant la découvrir prochainement dans un autre registre encore.