[2019 dans le rétro] 40 talents au top

Posté par vincy, le 31 décembre 2019

Le cinéma serait une grande famille. Mais alors façon Downton Abbey. Bien recomposée. Cette année, nombreux sont ceux qui ont su s'imposer dans nos mémoires de cinéphiles, au box office, et surtout à l'écran. Sur les écrans devrait-on dire. Le grand et celui chez soi. Il n'y a plus vraiment de distinction avec la déferlante Netflix, la hausse de la VàD et le succès de masse de certaines fictions télévisuelles. Sans oublier l'écran web, où Adèle Haenel a révélé la première grande affaire #MeToo du cinéma français. Son courage et sa clairvoyance en ont fait un événement marquant de l'année, rebattant les cartes des rapports hommes/femmes dans la profession. Adèle Haenel a été un symbole, pas seulement parce qu'elle a été la jeune fille en feu mais bien parce qu'elle (nous) a mis le feu. Ouvrant les portes anti-incendie à une nécessaire mise à plat. Elle n'a pas joué, cette fois-ci, ni misé pour voir. Elle a abattu ses cartes et déjoué les bluffs de certains.

Trois mondes

Ce sont les patronnes de l'année. Des impératrices dans leur genre. Olivia Colman, avec un Oscar en février pour La favorite, a incarné une reine au bord de la folie, avant de nous éblouir dans les habits d'une autre reine dans la troisième saison de The Crown. Régnante indétrônable sur le cinéma français, Catherine Deneuve continue inlassablement de tourner. Et pour ceux qui doutent encore de sa maestria, il suffit de la voir dans La vérité, où elle déploie tout son talent, sans se soucier de son image, dans une fausse mise en abime d'elle-même. Quant à Scarlett Johansson, elle a brillé (tragiquement) dans le dernier Avengers, plus gros hit de l'année, mais c'est bien son éclectisme qui la rend si spécifique par rapport au reste du cast de Marvel, tournant un second-rôle dans la comédie décalée Jojo Rabbit et poussant son niveau de jeu vers les plus grandes dans Marriage Story.

Les combattants

Ils sont à la fois au sommet du côté du box office, dans leur genre, et engagés, par leurs choix cinématographiques comme par leur parole en promo. Ainsi Adèle Haenel n'a plus sa langue dans sa poche, et fait preuve d'une franchise salutaire, tout en étant sublimée en amoureuse énigmatique dans Portrait de la jeune fille en feu, plus beau film LGBT de l'année. Corinne Masiero affirme ses idées de gauche, cartonne avec son Capitaine Marleau sur France 3 et dans Les Invisibles au cinéma, film sur les exclus. Ladj Ly prend sa caméra pour nous tendre un miroir sur notre société en décomposition avec Les Misérables, sans juger. François Ozon, auréolé d'un grand prix à Berlin avec Grâce à Dieu, a aussi livré un film qui ouvre les yeux, cette fois-ci sur les abus sexuels dans l'Eglise catholique, et leurs conséquences sur l'existence des victimes. En s'aventurant chez les Juifs ultra-orthodoxes de Tel Aviv, Yolande Zauberman, avec M, ne montre pas autre chose: abus sexuels, dévastation psychique, rejet des victimes... De la même région, avec sa fable burlesque et absurde, It must be Heaven, Elia Suleiman poursuit son inlassable lutte pour la paix des peuples dans un monde de plus en plus aliéné et sécuritaire. Avec courage, Waad al-Kateab a filmé Alep sous les bombes dans Pour Sama, exposant l'horreur de la guerre en Syrie.

Naissance des pieuvres

De nombreux nouveaux talents ont émergé, soit autant de promesses cinématographiques. Côté réalisateurs, Levan Akin et Kirill Mikhanovsky, révélés à la Quinzaine des réalisateurs avec respectivement Et puis nous danserons et Give Me Liberty,  ont justement soufflé un vent de liberté autour de "marginaux" avec une vitalité jouissive, que ce soit pour aborder l'homosexualité dans un pays homophobe ou l'exclusion du rêve américain. Côté animation, deux coups de maîtres très loin des standards hollywoodiens ont emballé la critique et fait preuve d'un renouveau esthétique et narratif:  Jérémy Clapin avec J'ai perdu mon corps et Ayumu Watanabe avec Les enfants de la mer. Côté acteurs, on retiendra, la beauté et le charisme de Luca Marinelli dans Martin Eden et Maud Wyler, actrice touche-à-tout et sensible vue dans Alice et le maire, la série Mytho et surtout Perdrix. Sans oublier Mati Diop, qui, avec Atlantique, est l'incarnation de cette promesse de cinéma tant souhaitée, en mariant la fable fantastique, l'épopée romantique et le drame socio-politique avec audace. C'est d'ailleurs le mot qui leur conviendrait le mieux, à chacun.

En liberté !

Ils sont déjà bien installés en haut de l'affiche, et pourtant, ils parviennent encore à nous surprendre. Ils ont tous ce grain de folie nécessaire pour accepter des projets divers ou des films sans barrières. Ils ont tous excellés à des niveaux différents. Qui aurait pu deviner il y a quelques mois qu'Eva Green en astronaute dans Proxima trouverait son plus beau rôle ou que Chiara Mastroianni dans Chambre 212 serait étincelante comme jamais avec un personnage pas très moralement correct? De la même manière, le futur Batman, Robert Pattinson, avec le radical et barré The Lighthouse, et l'éternel OSS 117, Jean Dujardin, hors des sentiers battus dans Le Daim et parfait en contre-emploi dans J'accuse, ont démontré que leur statut ne les bridait pas dans leurs envies de cinéma. Car c'est bien à cela qu'on reconnaît les grands: passer d'une famille à l'autre, sans se soucier des étiquettes. A l'instar d'Anaïs Demoustier (Alice et le maire, Gloria Mundi) et d'Elisabeth Moss (La servante écarlate, Us, Les Baronnes, Her Smell) qui sont à chaque fois justes et convaincantes, peu importe le genre. C'est ce qu'a fait durant toute sa carrière Fanny Ardant, rare césarisée pour un rôle de comédie, dont on perçoit le bonheur de jouer dans La belle époque, elle qu'on ne considère plus comme "bankable". Cette liberté que chacun s'autorise a permis d'ailleurs à la réalisatrice Rebecca Zlotowski de signer à la fois Une fille facile, véritable œuvre personnelle sur le féminin contemporain, et Les sauvages, l'une des meilleures séries françaises, qui plus est politique, de ces dernières années.

120 battements par minute

Ils nous ont fait vibrer avec leur "cinéma". Evidemment, Bong Joon-ho, Palme d'or avec Parasite, est le premier d'entre eux. Son thriller social, dosé parfaitement avec un zest d'horreur et un soupçon de comédie, a été le film palpitant de l'année. Dans le mélange des genres, entre western et drame social, Kleber Mendonça Filho n'est pas en reste avec Bacurau, où le spectacle et le culot sont toujours au service du récit. Tout comme Diao Yinan qui n'hésite pas à revisiter le film noir pour en faire une œuvre d'art avec Le lac aux oies sauvages. Ces films, sous leurs aspects politiques, démontrent qu'il y a encore du grand cinéma possible. C'est d'ailleurs ce que rappelle Martin Scorsese avec son ambitieux The Irishman, coûteux, long, surdimensionné, et presque grandiose, et avec ses prises de paroles coup de poing qui ont créé un débat passionnant sur le 7e art, entre industrie et vision d'auteur. Cette vision intime et personnelle, on la retrouve chez Nadav Lapid qui nous a enthousiasmé avec son film puzzle, Synonymes (Ours d'or), où chaque scène, chaque plan étonne par son imprévisibilité. Et puis, on aurait pu citer Pedro Almodovar, mais c'est son double, Antonio Banderas qui reste dans nos rétines. Douleur et Gloire lui offre une variation infinie sur le même thème, renouant ainsi avec la quintessence de son métier, tout en se révélant sans pudeur, et avec maturité.

Les ogres

Chacun à leur manière, ils ont dévoré l'écran, à chacune de leurs apparitions. Joaquin Phoenix est littéralement le Joker. Le perfectionnisme de l'acteur et la folie de son personnage sont d'ailleurs palpables chez Lupita Nyong'o (Us, Little Monsters) ou chez Christian Bale (Vice, Le Mans 66). Leur exigence n'a rien à envier à ceux qui suivent, mais ils captent la lumière, envahissent l'image et contribuent beaucoup à la réussite de leurs films. On pourrait donc en dire autant, dans des registres un peu moins flamboyants de Mahershala Ali (Green Book, True Detective, Alita : Battle Angel) et de Adam Driver (Marriage Story, The Dead don't die, Star Wars IX). Tous s'imposent par leur prestance physique et leur précision de jeu, peu importe le style de films ou la nature de leurs personnages. Mais en dehors des acteurs, il y a aussi d'autres métiers qui exigent gourmandise, leadership et puissance. On ne peut pas ignorer parmi cette famille Kevin Feige, patron des films Marvel, qui en trois films a rapporté 5 milliards de dollars dans le monde, affirmé son emprise sur le line-up de Disney (y compris Star Wars) et semblé avoir trouvé la martingale pour transformer les super-héros en machines à cash.

Confession d'un enfant du siècle

Guillaume Canet aura réussi un brelan d'as avec Nous finirons ensemble (2,8M d'entrées, 3e plus gros succès de sa carrière), Au nom de la terre (2M d'entrées), et La belle époque (1,3M d'éntrées). Réalisateur ou acteur, cette année fut la sienne, sans qu'il se compromette dans des comédies aux affiches bleutées et criardes. En incarnant un agriculteur dépressif, il a su toucher un large public provincial qui va rarement au cinéma. Après le carton du Grand bain, l'an dernier, il s'est imposé comme l'un des rares talents bankables du cinéma français devant et derrière la caméra. On lui a depuis confié les manettes du prochain Astérix.

Les héros ne meurent jamais

Qu'il soit astronaute au premier plan dans le crépusculaire Ad Astra de James Gray ou doublure cascade d'une vedette sur le déclin dans le jubilatoire Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino, Brad Pitt, 56 ans, est toujours aussi magnétique, beau et cool. Une star de catégorie A, qui remplit un peu toutes les cases précédentes, à la fois ogre et libre, combattant et enfant du siècle (précédent). Il a son style. Capable de s'exhiber torse-poil comme au temps de Thelma et Louise ou de rivaliser avec "Bruce Lee" dans une séquence de combat culte. Il ne semble pas vieillir. Mais il choisit ses films (il se fait rare, a refusé toutes les productions avec super-héros) et surtout ses cinéastes (sa filmographie devient un panthéon assez admirable). De la même manière, comme producteur avec sa société Plan B, il sélectionne des projets engagés, politiques ou sociétaux à l'instar du beau Si Beale Street pouvait parler de Barry Jenkins, du percutant Vice d'Adam McKay et du touchant Beautiful Boy de Felix Van Groeningen.

Cannes 2019: la Palme d’or pour Parasite de Bong Joon-ho

Posté par vincy, le 25 mai 2019

"Les récompenses d'aujourd'hui ne reflèteront que l'opinion de neuf personnes dans le monde" - Alejandro González Iñárritu

C'était impossible en effet de satisfaire tout le monde. la presse a hué le prix pour les Dardenne, modérément apprécié celui pour Emily Beecham. On peut regretter que Almodovar, Sciamma, et surtout Suleiman (qui hérite d'une nouveauté, la mention spéciale, comme si la Palestine n'avait pas vraiment le droit d'exister au Palmarès) soient sous-estimés dans la hiérarchie. Mais on peut aussi se féliciter que deux premiers films de jeunes cinéastes soient primés, contrastant avec la seule grosse erreur du palmarès, le prix de la mise en scène pour les indéboulonnables Dardenne, plutôt que de le donner à Almodovar, Sciamma, Suleiman, Mendonça Filho, Malick ou Tarantino.

Le cinéma français en tout cas repart flamboyant, contrairement à l'année dernière, tandis que le cinéma nord-américain a été snobé. La diversité aussi a été gagnante. Cela fait plaisir de voir une telle variété de cinéastes aux parcours si différents, du Sénégal à la Palestine en passant par le 9-3 et la Corée du sud. C'est réjouissant de voir le cinéma brésilien, que l'actuel de gouvernement menace par des coupes dans le financement, couronné hier à Un certain regard (A lire ici: Tous les prix remis à Cannes) et ce soir par un prix du jury. A travers le double prix du jury pour Les Misérables et Bacurau, présentés le même jour, ce sont ces deux films de résistance et de chaos social et citoyen qui ont été distingués.

Ce fut un grand moment, aussi, de partager le sacre d'un Antonio Banderas, qui a le droit à une ovation pour son plus grand rôle en 40 ans, dédiant sa récompense à son mentor, Pedro Almodovar, qui manque une fois de plus la Palme d'or, mais peut se consoler avec le succès public de son film et les excellentes critiques reçues.

Le jury d'Alejandro González Iñárritu a du faire des choix dans cette sélection "incroyable", avec une mix de "réalisateurs iconiques, des nouvelles voix du monde entier dans différents genres".

Cette diversité des genres, avec des thrillers, des films fantastiques, et souvent un cinéma engagé qui évoque les luttes de classes, a été récompensée. C'est en cela où Parasite, grand film populaire admirablement maîtrisé, parfaite synthèse de ce que le Festival a montré, en insufflant du politique dans le suspens, de l'intelligence dans le divertissement, mérite sa Palme. A l'unanimité. Il pouvait remporter chacun des prix du jury tant le résultat est magistral. Un an après un drame familial social japonais (Une affaire de famille de Kore-eda), c'est un autre drame familial social, mais coréen, qui l'emporte. Comme deux faces d'une même pièce, chacun dans leur style et leur sensibilité.

C'est enfin la première fois que le cinéma sud-coréen remporte la prestigieuse récompense du Festival de Cannes. Il était temps.

Palme d'or: Parasite de Bong Joon-ho (à l'unanimité)

Grand prix du jury: Atlantique de Mati Diop

Prix du jury ex-aequo: Les Misérables de Ladj Ly et Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho

Prix de la mise en scène: Jean-Pierre et Luc Dardenne (Le jeune Ahmed)

Prix d'interprétation masculine: Antonio Banderas (Douleur et gloire)

Prix d'interprétation féminine: Emily Beecham (Little Joe)

Prix du scénario: Céline Sciamma pour Portrait de la jeune fille en feu

Mention spéciale: It Must Be Heaven d'Elia Suleiman

Caméra d'or: Nuestras madres de César Diaz (Prix Sacd à la Semaine de la Critique)

Palme d'or du court-métrage: La distance entre nous et le ciel de Vasilis Kekatos (Queer Palm du court-métrage)
Mention spéciale: Monstre Dieu de Agustina San Martin

Cannes 2019: Nos Retrouvailles avec Udo Kier

Posté par kristofy, le 16 mai 2019

Udo Kier est cet acteur allemand qui, dès ses débuts, a tourné dans quantité de films en Europe dans les années 70 avant de s’installer ensuite aux Etats-Unis. Son visage particulier percé d’un regard bleu perçant a fait de lui un second rôle recherché en particulier pour divers rôles de ‘méchants’ : aujourd'hui, il apparaît dans plus de 150 films !

C’est en 1979 que le Festival de Cannes sélectionne deux films dans lesquels il joue : Rhapsodie Hongroise de Miklos Jancso est en sélection officielle, et La Troisième Génération de Rainer Werner Fassbinder est à Un Certain Regard. Udo Kier a jouer dans trois films de Fassbinder mais aussi dans 8 films de son ami Lars Von Trier. C’est ainsi que Udo Kier apparaît plusieurs fois encore à Cannes : on le voit dans Epidemic en 1987, Europa en 1991, Breaking the waves en 1996, Melancholia en 2011.

La carrière de Udo Kier est marquée en particulier par le genre fantastique: en vampire pour Paul Morrissey (dans Chair pour Frankenstein en 1973, Du sang pour Dracula en 1974), ou en dictateur de l’univers nazi pour Timo Vuorensola (dans Iron Sky, et sa suite Iron Sky: The Coming Race). Dansson Panthéon, on trouve des films populaires ou cultes Histoire d'O de Just Jaeckin, Suspiria de Dario Argento, Johnny Mnemonic avec Keanu Reeves, Barb Wire avec Pamela Anderson, Armageddon de Michael Bay, La Fin des temps avec Arnold Schwarzenegger, BloodRayne de Uwe Boll, Halloween de Rob Zombie, Brawl in Cell Block 99 de S. Craig Zahler... C'est, à sa manière, un prince du Genre.

Udo Kier n’est pourant pas seulement un tueur au cinéma. Il a aussi eu des rôles plus diversifiés dans des films dramatiques signés, par exemple, d'Alexander Payne (Downsizing) ou de Gus Van Sant (My own private Idaho en 1991, Even cowgirls get the blues en 1993 et le dernier Don't worry, he won't get far on foot au Festival de Berlin 2018). La Berlinale lui avait d'ailleurs remis un Teddy Award d’honneur en 2015. Certains de ses films ont été à Venise (My son, my son, what have we done de Werner Herzog en 2009), et il a été membre du jury au Festival de Locarno (en 2004 et en 2015). Il navigue ainsi entre séries B et œuvres de festival, films cultissimes pour fans de fantastique et films plus expérimentaux vénérés par les cinéphiles (La chambre interdite, Ulysse souviens toi!).

Udo Kier est cette année quasiment re-découvert avec un hommage du festival fantastique de Bruxelles (le BIFFF) et un autre du festival de Gérardmer. Mais nul ne doute que ce sont ses retrouvailles avec le Festival de Cannes cette année qui vont lui valoir d'être redécouvert : il est un des personnages principaux (avec Sonia Braga, dont on célébrait les retrouvailles en 2016 avec Aquarius) dans le film brésilien Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (en compétition), annoncé comme un ‘western fantastique’.

« Dans un futur proche… Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte... »

Nos films les plus attendus en 2019 (2/3)

Posté par redaction, le 5 janvier 2019

Première partie
Troisième partie

Cette année, les fans de Xavier Dolan seront aux anges. Lui qui navigue entre les océans hollywoodiens et les mers auteurisantes, va faire un doublé en tant que cinéaste avec Ma vie avec John F. Donovan, présenté à Toronto en septembre dernier (13 mars), et Matthias et Maxime, qui pourrait être à Cannes, Venise ou Toronto. On le verra aussi dans Boy Erased le 27 mars, film de Joel Edegerton avec Lucas Hedges, Russell Crowe et Nicole Kidman et dans Ça: Chapitre 2 le 19 septembre.

2019 sera aussi le retour des grands maîtres, ces vétérans auréolés de grands prix et d'honneurs, ou ces habitués des festivals de catégorie A, et notamment trois chouchous cannois: Jim Jarmusch avec un film de zombies et un casting chic dans The Dead don't die (Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Steve Buscemi, Tom Waits, Chloë Sevigny, Caleb Landry Jones, Selena Gomez, Danny Glover), Arnaud Desplechin avec un retour à domicile grâce à Roubaix, une lumière (et un générique assez inédit pour le cinéaste: Léa Seydoux, Sara Forestier, Roschdy Zem et Antoine Reinartz), ou encore Kleber Mendonça Filho, qui revient trois ans après Aquarius, toujours avec Sonia Braga (mais aussi l'Allemand Udo Kier) dans Bacurau.

Assurément, Quentin Tarantino nous fait saliver avec une histoire inspirée du meurtre de Sharon Tate, la femme de Polanski, avec Brad Pitt et Leonardo DiCaprio au milieu d'un casting composé de Margot Robbie, Kurt Russell, Al Pacino, Dakota Fanning, Timothy Olyphant, James Marsden, Tim Roth, Emile Hirsch ou encore Damian Lewis. Once Upon A Time In Hollywood sort le 14 août.

Et puisqu'on parle de Polanski, le cinéaste franco-polonais sortira le 4 décembre sa version de l'Affaire Dreyfus, avec Jean Dujardin, dans J'accuse. Autre palme d'or, Terrence Malick, avec Radegund, un biopic en pleine Seconde guerre mondiale (et Matthias Schoenaerts en tête d'affiche). Et n'oublions pas le tout juste palmé Hirokazu Kore-eda, qui a terminé cet automne son premier tournage à l'étranger, en France, avec La vérité, en compagnie de Deneuve, Binoche et Hawke.

On verra d'ailleurs Juliette Binoche dans Celle que vous croyez (27 février) de Safy Nebbou et, espérons-le dans Le Quai de Ouestreham, d'après le récit de Florence Aubenas, réalisé par Emmanuel Carrère.

Catherine Deneuve sera également à l'affiche de plusieurs films, navigant entre Julie Bertuccelli (La dernière folie de Claire Darling, 6 février), avec sa fille Chiara Mastroianni, son fidèle André Téchiné (L'adieu à la nuit, 24 avril), avec Kacey Mottet Klein, et peut-être Cédric Kahn (Joyeux anniversaire), avec son amie Emmanuelle Bercot.

Car le cinéma français, on le voit bien, continue d'exercer son pouvoir de séduction. Pas mal de films attisent la curiosité par la promesse d'un exercice formellement un peu différent ou un sujet un peu décalé. Comme Le daim où Jean Dujardin, encore lui, et Adèle Haenel plongent dans les délires de Quentin Dupieux. Puisqu'on parle d'animal, on célèbrera Mon chien stupide, soit les retrouvailles d'Yvan Attal et de Charlotte Gainsbourg sur grand écran le 30 octobre. Pas moins barré, le 17 avril, Raoul Taburin, d'après la BD poétique de Sempé, avec Benoît Poelvoorde, Edouard Baer et Suzanne Clément. Le 1er mai, on explorera l'univers de Jonathan Vinel et Caroline Poggi (Ultra-rêve) avec Jessica For Ever. Plus réaliste, quoique, Alice et le maire (18 septembre), promesse d'une alliance politique entre le réal Nicolas Pariser et un trio inédit: Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi . Luchini, qu'on verra aussi dans l'adaptation du roman de David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, avec Camille Cottin et Alice Isaaz (6 mars), nouveau film feel-good de Rémi Bezançon.

Et puisqu'on est dans les écrivains à prix littéraires, le Goncourt 2016, Chanson douce, de Leila Slimani, sera adapté par Lucie Borleteau, avec Karin Viard et Leïla Bekhti (27 novembre).

Des adaptations attendues, il y en aura et dans tous les genres. Côté série TV, on a hâte de voir Downton Abbey le 25 septembre, côté thriller best-seller, il y aura évidemment, en octobre, The Woman in the Window de Joe Wright, avec Amy Adams, Gary Oldman et Julianne Moore. Côté littérature best-seller, ce sera Le Chardonneret (20 novembre), avec Ansel Elgor et Nicole Kidman. Côté jeunesse/fantasy, le nouveau Kenneth Barnagh Artemis Fowl le 14 août ciblera ceux qui ne veulent pas voir le Tarantino. Sans oublier en dessin animé, le Joann Sfar Petit Vampire (18 décembre), ou La Famille Addams (4 décembre) et surtout La fameuse invasion des Ours en Sicile (9 octobre), d'après le roman éponyme de Dino Buzzati.

L'animation sera surtout une histoire de suites cette année: Dragons 3, La Reine des neige 2, Ralph 2.0, Lego 2 et Toy Story 4. Pas de prises de risques...

Première partie
Troisième partie

Après Aquarius, Kleber Mendonça Filho va tourner un thriller horrifique

Posté par vincy, le 26 juin 2017

On en sait un peu plus sur le prochain film du cinéaste brésilien, l'auteur du splendide Aquarius en compétition à Cannes en 2016, Kleber Mendonça Filho. Intitulé Bacurau et coréalisé avec Juliano Dornelles (son directeur artistique attitré), le film sera coproduit par la société brésilienne Cinemascopio Producoes et la société française SBS Productions (Elle), en plus d'une participation d'Arte.

Bacurau sera une fable politique qui se déroule dans un futur proche. Selon le communiqué, le film sera constitué de deux parties: le film débute par la description d’une communauté paisible du sertão brésilien, l'arrière-pays du Nordeste du pays, puis met en scène à la façon d’un western sa résistance devant l’invasion violente d’étranges visiteurs qui l’ont choisi comme terrain de chasse.

Le scénario avait été écrit avant celui d'Aquarius et le cinéaste le qualifie de thriller horrifique.

Le tournage doit se dérouler de fin août à début octobre 2017. Et on voit mal comment il échapperait à une nouvelle sélection cannoise en 2018.

Mon film de l’année : Aquarius, œuvre libertaire et anti-libérale

Posté par vincy, le 26 décembre 2016

Parmi la quinzaine de films marquants cette année, c'est Aquarius, la fresque intime et politique de Kleber Mendonça Filho, qui me vient immédiatement à l'esprit. Sans doute parce qu'il allie parfaitement deux états d'esprit qui ne son pas dans l'air du temps. Un personnage principal, Clara, magnifié par une Sonia Braga impériale qu'on avait perdu depuis plusieurs années, revendiquant sa liberté de penser, de vivre, affirmant à la fois sa place conquise en tant que femme, assumant pleinement son indépendance, se désolant du conservatisme ambiant, et constatant que ses victoires du passé (sur le racisme, le sexisme, les droits fondamentaux) sont plus vulnérables qu'elle ne le croyait. Et puis il y a sa lutte, sa résistance même, contre un ordre établi, corrompu et cupide, déshumanisé et cynique. La destruction de son immeuble n'est pas qu'un symbole dans ce conflit. C'est un avertissement.

Ironiquement, l'histoire du film a croisé l'histoire du Brésil cette année avec un "coup d'état" institutionnel et une succession de démissions et de poursuites judiciaires dans le système politique, tous bords confondus. La crise évoquée dans Aquarius n'est qu'une infime représentation des symptômes qui gangrènent le développement du pays. D'ailleurs le pouvoir en place a fait pression pour qu'Aquarius ne représente pas le Brésil aux Oscars. Ces ultra-libéraux n'ont pas supporté la contestation des artistes et l'opposition des équipes du film (jusque sur les marches de Cannes) à leur hold-up sur la présidence et le gouvernement.

Mais ce qui épate avec cette épopée d'une veuve pleine de vigueur contre des promoteurs véreux est ailleurs: dans des séquences hors-limites, dans ce récit ample et multi-dimensionnel, dans cette incarnation chaleureuse d'une famille éclatée. Tel un feuilleton, d'une folle intelligence, on suit le temps qui passe, les rebondissements de cette sale affaire, entre le calme et les tempêtes, le sexe cru et le carpe diem. Mais si les répliques sont franches, si les nus sont frontaux, tout est contourné avec une mise en scène qui maîtrise parfaitement ses limites, n'allant jamais trop loin dans la critique, la satire, le mélo, le drame ou la dénonciation manichéenne. Car au bout de cette bataille, il y a la volonté de croire qu'on peut changer les choses, qu'on peut refuser le fatalisme. Le film est aussi riche dans sa complexité que son personnage est radieux dans l'adversité.

Evidemment, ce ne sera pas forcément le cas, et c'est là toute la beauté de l'immoralité. Après tout Aquarius fait l'éloge du désir, du souvenir, de la conscience, de la transmission. Mais c'est aussi un manifeste qui rappelle les points faibles de cette liberté tant aspirée dans un monde profondément chaotique où la loi du plus fort est aussi celle du plus riche, où l'ignorant, l'inconscient et l'aveugle sont soumis aux règles dictées par les puissants. Et malgré le propos sombre, l'œuvre demeure lumineuse de bout en bout. Pourtant, cet immeuble Aquarius est une utopie qu'on détruit. Mais tant qu'il y aura des Clara pour se tenir debout, danser et baiser comme elle en a envie, alors tout n'est sans doute pas perdu.

Mes autres coups de cœur : Mademoiselle et Carol pour leur esthétisme hypnotisant et le soufre immoral de leurs liaisons dangereuses, Ma vie de Courgette et Quand on a 17 ans car dans les deux cas Céline Sciamma prouve qu'elle traduit les émotions et sentiments de la jeunesse avec une justesse impressionnante, Diamant noir parce qu'il s'agit assurément du meilleur film noir de l'année, genre snobé par le cinéma francophone, Mekong Stories et L'ornithologue pour leurs audaces narratives où spiritualité, sexualité et nature s'entrelacent merveilleusement et Manchester by the Sea car il s'agit de loin du plus beau drame familial de l'année, aussi sobre et pudique que ténu et tragique.

Cannes 2016: Qui est Kleber Mendonça Filho?

Posté par vincy, le 19 mai 2016

Observateur de la société brésilienne, et notamment de la classe moyenne, passionné de foot mais néanmoins très critiques vis-à-vis des événements sportifs internationaux organisés dans son pays, Kleber Mendonça Filho est aussi un touche à tout: critique de cinéma, ingénieur du son, journaliste, programmateur, documentariste et bien entendu cinéaste. Né en 1968 à Récife, dans le "Nordeste" du pays, il a vécu au Royaume Uni durant son adolescence. A 43 ans, il cesse de se disperser et décide de réaliser enfin un film, Les Bruits de Récife, qui sort en 2012, et qui récolte une dizaine de prix.

Il s'était fait la main sur des documentaires et des courts expérimentaux, travaillant sur plusieurs supports techniques. Son cinéma social cherche à restituer une réalité brésilienne souvent éloignée des clichés.
Chez lui les démons du Brésil ne sont jamais loin et la tension est aussi sociale que psychologique. De la même manière, il rejette un formatage de l'image et s'attache à créer un style propre à sa culture. Fondamentalement engagé, Kleber Mendonça Filho revendique son identité brésilienne et rejette le système incestueux des médias et des grandes fortunes de son pays. Avec son épouse, il a créé la société de production Cinemascopio, qui lui permet d'accompagner ses projets en toute indépendance. Avec Cinemascópio, l'objectif est de produire aussi les films des autres, amis ou confrères, qui partagent le même point de vue.

Grand défenseur du court métrage, il vient cependant de terminer un deuxième long, Aquarius, en compétition au Festival de Cannes, où une retraitée lutte contre des promoteurs immobiliers pour conserver son appartement dans une vieille résidence des années 1940. Il aussitôt enchainer avec la préparation de Bacurau, co-réalisé avec Juliano Dornelles, son chef décorateur.

Plutôt du côté de Dilma Rousseff, nul ne doute que son cinéma sera aussi vu sous l'angle politique, lui qui oppose si bien un urbanisme dévorant à un individu enfermé, un consumérisme tentant à une tentation violente, une société qui n'en a pas finit avec l'esclavagisme à l'horreur économique aux allures kafkaiennes.

Cannes 2016: Nos retrouvailles avec Sonia Braga

Posté par vincy, le 17 mai 2016

Pour ceux qui n'étaient pas nés, Sonia Braga, 65 ans, a été révélée au public français dans un soap brésilien, Dancin' Days, diffusé aux débuts de Canal +, au milieu des années 80. Lorsque l'actrice a tourné ce feuilleton, elle avait déjà dix bonnes années de carrière cathodique. Son nom s'était déjà imposée parmi les vedettes latino-américaines après la telenovela Gabriela (1975). Le cinéma s'était alors très vite intéressé à cette jeune femme, longiligne, aux allures de divas, et très talentueuse. Ainsi, en 1976, elle est l'héroïne de Dona Flor et ses deux maris, de Bruno Barreto. Film érotique censuré, ce fut un énorme succès au Brésil. Mais c'est en 1985 que Sonia Braga va se faire connaître d'un public international avec Le baiser de la femme araignée d'Hector Babenco. Film politique sulfureux, ce Baiser est en compétition au Festival de Cannes et vaut à Sonia Braga une nomination aux Golden Globes américains. L'année suivante elle est même invitée à être membre du jury du festival de Cannes. Femme fatale, elle séduit Hollywood (jusqu'à faire la couverture de Playboy tout de même) et devient l'une des rares actrices de son pays à exporter son talent chez les Gringos.

Ainsi on la retrouve dans Milagro de Robert Redford, Pleine lune sur Parador de Paul Mazursky (et deuxième nomination aux Golden Globes), La Relève de Clint Eastwood, et même quelques téléfilms pour la télévision américaine (dont The Burning Season de John Frankenheimer, qui lui vaut une nouvelle nomination aux Golden Globes). Durant presque dix ans, Sonia Braga ne tourne plus qu'aux Etats-Unis.

Hélas, au début des années 2000, elle se perd et nous la perdons de vue. On peut bien la croiser dans un épisode de Sex and the City, de Law and Order, des Experts: Miami ou d'Alias, le début de millénaire est fait d'apparitions, de seconds rôles, de séries B ou de films oubliés. Après une carrière flamboyante, la Braga s'éteint à petits feux. Elle commence à être honorée pour sa carrière, qui est loin derrière elle désormais. Sa volupté et sa séduction s'étiolent et n'attirent plus les cinéastes. Pourtant, elle-même l'avoue, sa beauté n'a jamais été un argument. Elle était "la moche" du cinéma brésilien" selon elle. Capable de perdre dix kilos pour obtenir le rôle de Titea do Agreste de Carlos Diegues (qu'elle a produit). Car, avouons-le, Sonia Braga est restée sexy, ne lui en déplaise. Et la revoir sur la Croisette, en compétition, avec le deuxième long métrage, Aquarius, d'un réalisateur de la nouvelle génération du cinéma brésilien, Kleber Mendonça Filho - nous ravit. Un rôle "moderne", réaliste, loin de l'image qu'elle a véhiculé tout au long de ses années.