Berlinale 2019 : Grâce à Dieu de François Ozon, reconstitution sensible rattrapée par l’actualité

Posté par MpM, le 8 février 2019

Première entrée française de cette 69e Berlinale, Grâce à Dieu, le nouveau film de François Ozon aborde la question de la pédophilie dans l'Eglise en relatant l'histoire des victimes du prêtre Bernard Preynat accusé d'attouchements sexuels sur de jeunes scouts dans la région de Lyon. Le film, qui s'est fait en secret, arrive au moment-même où le cardinal Barbarin et Régine Maire, psychologue au service du diocèse, attendent le verdict du procès dans lequel ils sont accusés d'avoir couvert les agissements du prêtre, et avant même que le principal accusé n'ait été jugé. Un recours a d'ailleurs été déposé pour reporter la sortie du film, prévue le 20 février, afin qu'il ne soit pas sur les écrans avant la fin de la procédure judiciaire.

Et le film, dans tout ça ? On comprend que les accusés (qui bénéficient jusqu'au verdict de la présomption d'innocence) ne soient pas particulièrement ravis d'y apparaître sous leur véritable nom, sans le voile pudique de la fiction pure (d'autant que les victimes, elles, n'apparaissent pas sous leur véritable identité). La narration est en effet un mélange de reconstitution quasi documentaire et d'enquête minutieuse racontant comment le premier plaignant a porté plainte contre le prêtre Preynat après avoir tenté une conciliation avortée avec l'Eglise, puis comment d'autres victimes se sont jointes à son combat en montant l'association "la parole libérée".

La première partie du film consiste ainsi notamment en un échange épistolaire (lu en voix-off) entre Alexandre Guérin (Melvil Poupaud) et Régine Maire d'une part, et le cardinal Barbarin d'autre part. Les enjeux y sont clairement posés, entre le besoin qu'éprouve la victime de voir le responsable sanctionné et la volonté de la hiérarchie religieuse d'amener l'affaire sur le terrain du pardon et de la repentance. Ces allers et retours entre les deux "camps", par le biais des lettres et des rencontres, se font sans temps mort, dans une forme de sécheresse narrative qui laisse très peu de place pour la fiction. Du personnage principal, on ne saura que ce qui a rapport à l'affaire, toute digression étant bannie, ou laissée hors champ.

François Ozon dresse ainsi en creux le portrait de l'accusé (pas vraiment à son avantage) mais aussi de Barbarin et de son équipe, présentés comme les gardiens d'une énorme machine rigide et froide qui ne pense qu'à sa propre sauvegarde. Le film décortique alors la stratégie d'évitement du cardinal, ainsi que l'incompréhension agacée, dénuée du moindre tact, de ceux qui l'entourent : "Pourquoi toujours remuer ces vieilles histoires ?" s'exclame l'un des responsables du diocèse.

On suit ensuite successivement deux autres personnages (interprétés par Denis Ménochet et Swann Arlaud) ayant été abusés par le prêtre, qui poursuivent le travail commencé par Alexandre Gérin. Le premier se met en quête d'autres victimes, en créant l'association "la parole libérée", et le second s'engage dans le mouvement, y trouvant un moyen de reconstruire sa vie. Le film bascule plus clairement dans le format de l'enquête, sans céder pour autant aux sirènes du sensationnalisme. L'aspect très clinique de la première partie laisse place à une fiction plus classique, avec quelques scènes qui permettent d'en savoir plus sur les personnages, et notamment d'appréhender les traces laissées, dans leur vie d'adulte, par les abus subis dans leur enfance.

François Ozon propose ainsi un récit sensible et pudique (malgré des flashbacks répétitifs qui n'apportent pas grand chose au récit) sur une tragédie humaine qui est celle des victimes de Lyon, mais qui pourrait être plus largement celle de toutes les victimes d'abus sexuels. Toutefois, difficile de nier que le film se fait plus précisément à charge contre l'Eglise en tant qu'institution toute-puissante qui n'a pas été capable de prendre la mesure de ce qui se passait dans ses rangs, et contre tous ceux qui ont été, volontairement ou non, les complices des agissements du prélat.

Quitte, parfois, à flirter avec un certain didactisme dans son propos. D'autant que les témoignages proposés par le film, ainsi que le récit qui est fait des agissements du cardinal Barbarin ou de ses proches, n'amènent pas vraiment le spectateur à douter de leur culpabilité, ce qui pose un vrai problème éthique. Car si on ne peut reprocher au réalisateur d'avoir voulu raconter "sa" vérité, qui est celle des victimes, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la pertinence de laisser le verdict de fiction s'exprimer avant celui de la justice.

La réalisatrice de « Rafiki » porte plainte contre les autorités kenyanes

Posté par vincy, le 12 septembre 2018

Wanuri Kahiu, réalisatrice de Rafiki, premier film kényan sélectionné au Festival de Cannes en mai dernier, a décidé de porter plainte contre le KFBC (organisme de régulation des diffusions mandaté par le gouvernement kényan), et le procureur général du pays, suite à l'interdiction de son film dans son pays.

Rafiki raconte l'histoire de deux jeunes femmes, à Nairobi, qui tombent amoureuses l'une de l'autre, essayant de ne pas se faire surprendre en restant à l'écart des commères, machos et autres dévots.

Lors de l'annonce de sa sélection à Cannes, tout le monde s'était réjoui de cet "honneur" dans le plus grand des festivals, à commencer par la Commission du Film du Kenya (l'équivalent du CNC) et le ministère des Sports et du Patrimoine, qui comprend la Culture dans ses attributions. Mais rapidement, le film a été censuré, avant même sa projection sur la Croisette. Le KFCB y a vu une "claire intention de promouvoir le lesbianisme au Kenya ce qui est contraire à la loi", ajoutant que ce film "heurte la culture et les valeurs morales du peuple Kényan".

Dans un communiqué, Wanuri Kahiu estime que l'empêchement de la diffusion du film viole plusieurs articles de la constitution qui protège la liberté d'expression et de création: "Quand quelqu’un commence à porter atteinte à votre droit d'être créative et d’exercer votre travail cela devient un problème".

Le film sort le 26 septembre en France. Il y a peu de chance qu'il représente le Kenya aux Oscars.

Russie: Kirill Serebrennikov toujours assigné à résidence, Oleg Sentsov toujours emprisonné

Posté par vincy, le 18 juillet 2018

La justice russe a prolongé mercredi 18 juillet de plus d'un mois l'assignation à résidence du metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, accusé de détournements de fonds, rapporte l'AFP. Le cinéaste était en compétition à Cannes cette année avec son film Leto. L'assignation à résidence a été prolongée jusqu'au 22 août. Le tribunal a aussi prolongé jusqu'au 19 septembre l'assignation à résidence de la directrice du Théâtre académique de jeunesse (RAMT) Sofia Apfelbaum, arrêtée dans le cadre de l'enquête visant Serebrennikov.

"Ce qui se passe avec moi et les autres personnes dans cette affaire peut être qualifié d'un seul mot: absurde", a réagi lors de l'audience le réalisateur, cité par l'agence RIA Novosti. Arrêté fin août 2017, il est accusé d'avoir détourné à travers son théâtre près d'un million d'euros de subventions publiques grâce à un système de devis et factures gonflés entre 2011 et 2014.

De son côté le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est toujours emprisonné, alors qu'il vient d'entamer son 66e jour de grève de la faim. Il est détenu depuis 2014. Il avait été condamné à 20 ans de camp pour "terrorisme" et "trafic d'armes" à l'issue d'un procès qualifié de "stalinien" et de "parodie de justice" par Amnesty International. Les présidents russe et ukrainien, Vladimir Poutine et Petro Porochenko, cherchaient une solution en mai dernier, soit un éventuel "échange de prisonniers" entre les deux pays.

Serebrennikov comme Sentsov bénéficient d'appels et de soutiens internationaux, dans les journaux ou lors des festivals (Cannes, Avignon...).

> Lire aussi :  19 grands noms du cinéma européen se mobilisent pour un cinéaste Ukrainien et Mobilisation pour le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné en Russie

C'est sans effet. Malgré cette mobilisation médiatique d'auteurs, d'acteurs, d'artistes renommés, Serebrennikov et Sentsov sont toujours à la merci du pouvoir russe. Le Président français Emmanuel Macron, à l'occasion de la finale de la Coupe du monde de football, aurait évoqué le cas de Sentsov auprès du Président russe, Vladimir Poutine. Ce serait la deuxième fois, après la visite en Russie en mai de Macron, que le cas du réalisateur ukrainien s'inviterait dans la discussion entre les deux chefs d'Etat.. Sans résultat.

A voir à lire menacé, Chaos Reigns s’arrête

Posté par redaction, le 8 juillet 2018

aVoir-aLire.com, webzine culturel, a lancé l'alerte: une menace apocalyptique risque de s'abattre sur les magazines en ligne culturels. Ces "parasites" qui osent défier la critique officielle, éparpiller le lectorat sur d'autres sites que ceux des "grandes marques", et se sont installés comme des références pour leurs lecteurs, las du "dogme" critique de la presse écrite des ancêtres.

Le site a 18 ans d'existence. Il est composé de bénévoles. Il est indépendant.

"Aujourd'hui, nous sommes condamnés en justice pour avoir publié en illustration de notre critique du film A Bout de Souffle, deux photographies que nous pensions issues du film et destinées à la presse mais ce n'était pas le cas et l'auteur des photographies s'est fait connaître et a exigé le retrait immédiat de ses oeuvres. C'est ce que nous avons fait en nous excusant mais malgré cela, le photographe nous a assigné en réparation de son préjudice tiré de la violation de ses droits d'auteur. Malgré nos excuses, notre retrait immédiat des photographies litigieuses, le Tribunal de Grande Instance de Paris nous a condamné à verser 11 000 €, sans compter les sommes que nous avons déjà exposées pour nous défendre. Même si la somme est inférieure à ce que l'auteur des photographies demandait, pour nous le coup est dur et nous n'avons tout simplement pas les réserves financières pour régler cette somme qui est exigible immédiatement" explique aVoir-aLire dans un appel à soutien (et à moyens).

Ce n'est pas le seul. Chaos Reigns, dans un message de soutien, a décidé de tout foutre en l'air: "Les nouvelles ne sont pas bonnes. Tout d'abord, nous exprimons notre soutien le plus total à nos confrères de AVoir ALire. Leur site est clairement menacé, une décision de justice a lourdement sanctionné l'équipe pour l’utilisation de deux clichés issus du film "A bout de souffle". Et ce n'est pas le seul site dans le collimateur, manifestement (d'autres ont reçu des courriers d'avocat il y a peu). Face à cette envie de fouiller et de s'attaquer à tous les sites culturels, nous fermons (pour l'instant) le site, histoire de ne pas être à notre tour menacé d'extinction. Merci de votre compréhension et bisous chaos." L'accès est désormais impossible à ce webzine décoiffant, décapant, impertinent, et là encore indépendant, coécrit par de formidables plumes.

Un pluralisme en danger

Ce sont deux mauvaises nouvelles, qui ne raviront que ceux qui veulent transformer internet en un agglomérat de "marques" industrielles et "officielles". Le web a toujours été un espace de liberté permettant à chacun de créer son espace d'expression. A cause de cette industrialisation des médias et de la dépendance à Facebook et Google, le marché publicitaire s'est réduit pour la plupart des webzines indépendants. Aussi, l'économie n'a jamais été au rendez-vous de ces "petits" sites (qui malgré tout, cumulés, font une sacrée fréquentation), qui se permettent encore de faire de la critique, de choisir librement les films, livres, spectacles dont ils parlent, et qui se produisent avec des moyens associatifs ou coopératifs. Cela donne de la visibilité à des journalistes comme cela permet un débat (virtuel) sur des œuvres culturelles alors même que la culture se réduit dans la presse écrite et à la télévision. Autrefois une référence, Les Cahiers du cinéma ne se vendent plus qu'à 16000 exemplaires en moyenne quand un Sens Critique compte quelques centaines de milliers d'utilisateurs.

aVoir-aLire ne menaçait pas grand monde, Chaos Reigns non plus. Mais ils sont utiles. Comme tous les autres. Leur économie est fragile (moins d'aides d'Etat, beaucoup moins, moins de publicité, largement moins) mais leur visibilité était indéniable et leurs contenus respectés.

Sanctions judiciaires disproportionnées

Bien sûr, un photographe mérite d'être rémunéré. Les photographes aussi deviennent précaires. Eux-mêmes se lancent d'ailleurs dans l'autopublication (sur les réseaux, dans des livres, sur le web). Généralement d'ailleurs ce sont plutôt "les vieux de la vieille" qui portent plainte. Ceux qui avaient des clichés exclusifs d'avant les années Internet. Ceux qui croient encore vivre dans une époque où le photographe était partie prenante des rédactions. L'arrivée de la diffusion numérique a bouleversé leur modèle économique, leur profession, leur statut.

En l'occurrence, ici la justice est-elle juste? Pourquoi tuer un site éditorial et 18 ans d'existence pour deux photos? Une photo, au tarif actuel, ne dépasse pas les 100-200 euros. Pourquoi réclamer à un site de bénévoles une somme astronomique (que même beaucoup de pigistes ne gagnent pas en une année, les obligeant à travailler à côté) ? Pourquoi cette cupidité meurtrière ? D'autant, que ces photos sont propagées sur Google Images. C'est Google qu'il faudrait attaquer pour la diffusion publique de ces images. Ce ne sont que des reprises, dont le copyright n'était pas mentionné. Des agences ont pris l'habitude de bien "marquer" leurs photos pour identifier la provenance et la propriété.

Si le plaignant était un réel amoureux du cinéma, et un artiste défendant la culture pour tous, il aurait du demander une somme normale, hors justice, contractualisée pour la diffusion de ses œuvres, avec mention du droit d'auteur. Là, on a juste l'impression qu'il veut encore toucher "un pognon de dingue" avec un travail effectué il y a près de 60 ans. Au final il aura tué quelques sites culturels par égoïsme. A bout de souffle ne sera connu qu'à travers des extraits et son affiche. Bref, il aurait pu voir et pu lire que ce ne sont pas les petits webzines qui le spolient, puisqu'ils contribuent, au contraire, à la perpétuation de son travail.

On peut le dire: le chaos règne désormais. L'apocalypse c'est now. Un jour plus personne ne saura à quoi ressemblait Jean Seberg faisant la bise à Jean-Paul Belmondo sur les Champs-Elysées. Ni pourquoi ce film en noir et blanc de Godard fascinait encore des jeunes critiques 50 ans après sa sortie.

L'extinction des magazines culturels indépendants a commencé. Google s'en fout. Les grands journaux seront ravis.

Gros clash pour beaucoup de cash autour du film de Terry Gilliam

Posté par vincy, le 3 mai 2018

Après le soutient virulent apporté par le Festival de Cannes à Terry Gilliam, dont le dernier film L'homme qui tua Don Quichotte doit faire la clôture de la manifestation, Paulo Branco a réagi rapidement, rappelant que "Trois décisions judiciaires ont confirmé les droits exclusifs de Paulo Branco et d’Alfama Films Production sur le film de Terry Gilliam, The man who killed Don Quixote. Ces décisions ont l’autorité de la chose jugée et empêchent toute projection ou exploitation du film sans l’accord de son producteur."

Le producteur, qui avait déjà reproché le passage en force du Festival, explique que "L’exploitation du film est impossible en l’absence de visa d’exploitation que le CNC, pour sa part respectueux du droit, ne peut délivrer. Le Festival de Cannes a décidé de passer outre ces décisions de justice qui avaient été portées à sa connaissance et c’est la raison pour laquelle c’est lui qui a été assigné en justice", ajoutant qu'il est "indécent" de comparer la situation de Terry Gilliam, "qui se refuse à respecter les décisions judiciaires dans un Etat de droit, à celle de réalisateurs victimes de la répression et de la censure dans leurs pays." Il ajoute: "Le Festival de Cannes n’est pas au-dessus de la loi et la virulence et l’agressivité de son ton n’y changeront rien", et dément avoir utilisé "des méthodes d’intimidation en saisissant la justice pour faire respecter ses droits."

Branco, qui risque de finir persona non grata à Cannes, se donne ainsi le beau rôle dans cette histoire: "pendant seize ans de 2000 à 2016, Terry Gilliam n’a trouvé aucun producteur acceptant de reprendre son projet." "Si ce film existe aujourd’hui, c’est grâce au travail et aux investissements réalisés par Alfama Films Production et Paulo Branco, quand personne ne croyait plus à ce film".

Aparté: On attendra sereinement le référé du 7 mai, demandé par le producteur, qui veut interdire la projection cannoise ET la sortie française du film. Et surtout la décision du tribunal attendue le 15 juin: Durant la préproduction du film, de nombreux désaccords, liés au budget, au casting, au calendrier de tournage ont opposés Paulo Branco à Terry Gilliam, qui a finalement renoncé au tournage avant de se tourner vers la société espagnole de production Tornasol, qui faisait partie de la structure de coproduction constituée par Alfama Films. Il a relancé la production une fois qu'Amazon, après s'être désisté de la coproduction d'origine, s'est investie aux côtés de Tornasol. Entre-temps, le réalisateur a ouvert une procédure auprès de la justice française pour faire résilier le contrat de cession de ses droits au profit de Paulo Branco. Mais il y a un an la justice française s'est prononcée en première instance en faveur de Paulo Branco, tout en rejetant la demande du producteur portugais de stopper le tournage alors en cours pour contrefaçon. Saisie par le réalisateur, la cour d'appel de Paris a examiné à son tour l'affaire début avril et rendra sa décision le 15 juin. Deux autres procédures sont en cours. En Angleterre, la Haute Cour de Londres a donné raison à Alfama Films aux dépens de RPC, pour les droits sur le scénario. En Espagne, la procédure qui oppose Alfama Films à Tornasol pour les droits du film est en cours.

Les producteurs du film et Océan films, distributeur français, ont à leur tour décidé de se défendre médiatiquement par communiqué.

"Afin d’éclairer le public qui suivrait cette affaire et tous les amoureux du cinéma de Terry Gilliam, nous voudrions porter une information aussi objective que possible sur le dernier volet rocambolesque de cette incroyable histoire de cinéma et expliquer pourquoi M. Branco n’est pas et ne sera jamais ce qu’il prétend être, à savoir le producteur de ce film. Parce qu’il ne détient pas les droits d’auteur sur le scénario du film : s’il a bénéficié d’une option pour acquérir ces droits auprès de leur titulaire, la société anglaise RPC, il ne l’a jamais levée car il était dans l’incapacité d’en payer le prix de 250000€.
Parce qu’il n’a jamais payé le prix des droits d’auteur-réalisateur du film, il n’a pas même versé 1€ à Terry Gilliam à ce titre.
Et parce qu’il n’a pas produit le film sélectionné par le Festival de Cannes
". Dont acte?

Le communiqué révèle quelques pièces (croustillantes) du dossier. Paulo Branco se serait livré à un véritable chantage, menaçant Terry Gilliam, à qui il écrit: "Soit tu fais ce film à ma façon, soit tu compromets irrémédiablement la faisabilité du projet et ton film est condamné, il ne verra jamais le jour". Sous le choc, Terry Gilliam refuse de céder. M. Branco lui répond: "Notre collaboration est impossible. Bonne chance avec un autre producteur".

"Terry Gilliam décide donc de résilier son contrat. (...) A cet instant précis, la préparation du film n’a pas commencé et M. Branco n’a pas versé un centime à Terry Gilliam. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. En danger d’être à jamais enseveli, le film est alors sauvé par quatre producteurs : la britannique Amy Gilliam, l’espagnole Mariela Besuievsky, avec le soutien du belge "Entre Chien et Loup" et du français Kinology. Elles et ils sont les producteurs du film : ils ont réuni 16M€ de financement et convaincu les distributeurs. Ils sont les propriétaires du film dont la chaîne des droits est enregistrée dans quatre pays. Il leur faut neuf mois pour préparer et démarrer le tournage, le temps de rebâtir sur les décombres laissés par M.Branco qui, en moins de cinq mois de "collaboration", aura été incapable de redonner vie au projet tel qu’il était conçu par son auteur, et aura démontré sa volonté destructrice et autoritaire, dont la séquence que nous vivons en ce moment est une nouvelle illustration" détaillent-ils.

En fait les producteurs décident de ne pas reconnaitre Alfama comme détenteur de droits exclusifs et donc "l'autorité de trois procès gagnés" par Paulo Branco. Ils nuancent: "Le refrain "3 procès gagnés" repose sur l’interprétation spécieuse par M. Branco d’une décision rendue par un juge français et de deux décisions anglaises. " Pour eux c'est un problème d'interprétation: "Le juge du fond a écarté la prétention d’ALFAMA de détenir des droits d’auteur-réalisateur. La "victoire" que M. Branco s’attribue, c’est que le juge a également estimé que M. Gilliam n’aurait pas dû résilier ainsi son contrat. Pour autant, le juge a considéré que cela était sans incidence sur le processus de production du film en cours par les véritables producteurs." Côté anglais, selon eux, "les juges prorogent l’option sur le scénario dont bénéficiait M. Branco. Or, cette option ne peut plus être levée, puisque les droits ont été cédés légalement aux nouveaux producteurs. Et bien cédés, ajoutent les juges anglais qui considèrent que cette cession est valide et opposable à M.Branco, qui ne pourra donc jamais être cessionnaire des droits du scénario."

"Les déclarations de son fils sur les réseaux sociaux y ajoutent une dose de grotesque, qui pourrait faire sourire si cela ne cherchait à mettre à nouveau en péril un film qui s’apprête à voir le jour". De fait, ça se déchaine sur les réseaux entre les déclarations du fils et avocat Juan Branco et les autres. On apprend d'ailleurs au fil des commentaires le nombre d'ardoises incalculables du producteur dans la profession, ses méthodes de paiement un peu folkloriques et la raison pour laquelle de nombreux professionnels ne veulent plus travailler avec lui, attachés de presse inclus.

"Quel en est l’enjeu ? De savoir si oui ou non, en résiliant son contrat, Terry Gilliam a eu raison de chercher à sauver son film, ou s’il aurait dû l’abandonner aux mains d’un producteur dont il savait qu’il était prêt à le sacrifier. Paulo Branco, rappelons-le, n’a pas payé, rien investi, ni n’a respecté ses engagement envers le réalisateur. Il n’a pas acquis et ne pourra jamais acquérir les droits du scénario n’ayant jamais levé l’option, ce qui l’empêchera à jamais revendiquer la qualité de producteur d’un film dont il s’est écarté de lui-même (voir courrier plus haut), neuf mois avant le début de tournage.
M. Branco soutient que la projection du film à Cannes porterait atteinte à ses droits. Mais à quels droits ? En quoi consisterait son préjudice si le film était projeté à Cannes ? Selon lui, il ne serait alors pas consacré comme celui qui a permis au projet d’être remis sur les rails. Voilà ce qui justifie sa demande d’enterrer The Man Who Killed Don Quixote et qui justifie selon lui une mesure de censure, qui ne lui apporterait rien à lui, mais détruirait la distribution de l’œuvre de Terry Gilliam et la réputation de son auteur avec elle. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que, le 15 Mars 2018, les producteurs ont refusé l’ultimatum non négociable de M.Branco transmis en présence de tiers : cet ultimatum, c’est 3,5M€ pour lui, qui se répartiraient en 2M€ cash immédiatement et 1,5M€ sur les recettes à venir.
"

Voilà. Une banale histoire de cash qui se transforme en big clash. Peu importe finalement ces débats juridico-financiers. Si M. Branco était un passionné de cinéma, il n'interdirait pas la projection cannoise du film de Terry Gilliam. Rien n'empêche non plus la distribution du film: s'il gagnait, il recevrait sa part des recettes et ses dommages & intérêts. Non vraiment, Paulo Branco en fait une histoire d'orgueil. On ne préjugera rien. Mais pour le coup, les sentiments n'ont plus de raison.

Cannes 2018: le Festival soutient Terry Gilliam face aux menaces de Paulo Branco

Posté par vincy, le 30 avril 2018

Dans un premier temps, la semaine dernière, Paulo Branco, via sa société Alfama Films Production, avait "obtenu l'autorisation d'assigner en référé le Festival de Cannes", après la sélection de L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam. Le producteur veut demander au président du tribunal de grande instance de Paris de prononcer l’interdiction de la projection du film "en violation de ses droits, droits réaffirmés par trois décisions judiciaires". L’audience se tiendra le 7 mai, la veille de l'ouverture du Festival.

Le film de Terry Gilliam, distribué par Océan Films, doit sortir en France le 19 mai, soit le même jour que sa projection cannoise.

Rappelons quand même que le producteur Paulo Branco (Alfama Films) a déjà engagé plusieurs procédures en Europe contre les producteurs du film de Terry Gilliam (Tornasol, Kinology, Entre Chien et Loup et Ukbarfilmes) ainsi que distributeur français (Océan Films Distribution Int.), estimant qu’il détient toujours les droits du film. Un des jugements doit être rendu le 15 juin par la cour d’appel de Paris.

Branco braque Cannes

Bon. Avec un peu d'humour noir, on se dit que ce n'est qu'un obstacle de plus pour cette production démarrée il y a vingt ans....

Et puis, le Festival de Cannes, à travers un communiqué signé de son Président Pierre Lescure et de son Délégué général Thierry Frémaux, ont décidé de réagir: "M. Branco ayant jusque-là beaucoup occupé le terrain médiatique et juridique, il nous semble important de faire valoir les raisons qui nous ont conduits à sélectionner le film et à encourir l’attaque d’un producteur dont l’avocat, M. Juan Branco, aime rappeler que son image et sa crédibilité se sont essentiellement bâties sur ses innombrables présences à Cannes, et par sa proximité avec de grands auteurs consacrés par le Festival. "Ce qui est vrai, et ajoute à notre perplexité."

Car oui, Paulo Branco a profité largement du Festival : La Forêt de Quinconces de Grégoire Leprince-Ringuet, La Chambre bleue de Mathieu Amalric, Cosmopolis de David Cronenberg, Les Chansons d'amour de Christophe Honoré, pour ne citer que quelques uns des films récents qu'il a produit ont été en sélection officielle.

Soutien officiel aux artistes

Le Festival de Cannes "respectera la décision de justice à intervenir, quelle qu’elle soit, mais nous tenons à redire qu’il se tient du côté des cinéastes et en l’espèce du côté de Terry Gilliam dont on sait l’importance qu’a pour lui un projet qui a connu tant de vicissitudes. Provoquées une dernière fois par les agissements d’un producteur dont l’épisode fait définitivement tomber le masque et qui nous promet désormais, par la voix de son avocat, une « déshonorante défaite »".

Avec justesse, le Festival rappelle alors que "La défaite serait de céder à la menace". "Au moment où deux cinéastes invités en Sélection officielle sont assignés à résidence dans leurs propres pays (Jafar Panahi et Kirill Serebrennikov, ndlr), au moment où le film de Wanuri Kahiu, Rafiki, qui figure en Sélection officielle, vient de subir les foudres de la censure du Kenya, son pays de production, il est plus que jamais important de rappeler que les artistes ont besoin qu’on les soutienne, pas qu’on les attaque. Cela a toujours été la tradition du Festival de Cannes, et cela le restera" affirme le communiqué.

Risques connus

Cannes avait conscience du litige entre Gilliam et Branco. Le film a été présenté au comité de sélection par le réalisateur, le vendeur du film et le distributeur, durant l'hiver. "Les contentieux tels que celui qui oppose M. Branco à Terry Gilliam ne sont pas rares, le Festival en est régulièrement informé, mais il ne lui appartient pas de prendre position sur un sujet de cet ordre. Ainsi, après vision, et alors qu’une sortie simultanée du film semblait possible, nous avons décidé de faire figurer cette œuvre en Sélection officielle" précisent Lescure et Frémaux.

Les deux patrons du Festival indiquent que "Le Festival de Cannes a pour mission de choisir les œuvres sur des critères purement artistiques et une sélection doit se faire avant tout en accord avec le réalisateur d’un film. C’est le cas. Nous étions prévenus des recours possibles et des risques encourus, dans une situation déjà rencontrée dans le passé mais en l’occurrence, lorsque notre décision a été prise, rien ne s’opposait à la projection du film au Festival."

Si le Festival de Cannes attendra la décision du Tribunal avec "sérénité", la manifestation confirme que la projection en clôture reste soumise à la décision du juge des référés le 7 mai. Mais, le Festival se défend d'avoir "agi à la légère" ou "opéré le moindre « passage en force », comme M. Juan Branco le dit à la presse".

Diffamation(s)

Car à la fin du communiqué, Cannes touche le talon d'Achille du producteur. "Le « passage en force », chacun sait dans notre métier que cela a toujours été la méthode favorite de M. Branco dont il faut rappeler qu’il organisa il y a quelques années une conférence de presse pour dénoncer le Festival de Cannes qui n’aurait pas tenu une « promesse de sélection » sur un de ses films. Accusation qui fit long feu, le Festival ne faisant pas des promesses de sélection : il sélectionne ou non. Aujourd’hui, M. Branco laisse son avocat procéder à des intimidations ainsi qu’à des affirmations diffamatoires aussi dérisoires que grotesques, dont l’une vise l’ancien Président d’une manifestation dont il s’est servi toute sa carrière pour établir sa propre réputation."

Dans son livre Voir Cannes et survivre, Les dessous du festival (2017), Carlos Gomez écrivait dans son livre: "Matthieu Amalric qui riait en me racontant que son producteur Paulo Branco était allé au casino pour tenter de regagner l'argent qu'il avait réuni pour un film de Wim Wenders, perdu la veille sur la même table de jeu." Si Paulo Branco risque de ne pas être le bienvenu à Cannes, il pourra toujours se consoler au casino.

Cannes 2018: Après les célébrations, la censure frappe le film kényan « Rafiki »

Posté par vincy, le 28 avril 2018

C'était une joie quand Thierry Frémaux a annoncé le premier film kenyan en sélection officielle (Un Certain regard). Rafiki de Wanuri Kahiu promet d'être l'un des films les plus attendus du prochain festival de Cannes. Mais hier, vendredi 27 avril, la fête a pris fin. Les autorités kényanes ont décidé d'interdire le film.

Ce film qui raconte une histoire d'amour entre deux jeunes filles n'est pas du goût du président du Kénya, qui comme dans beaucoup de pays d'Afrique, a fait de l'homosexualité un bouc-émissaire fédérateur. Dans une interview à la chaîne américaine CNN donnée le 20 avril, Uhuru Kenyatta dénonçait l'homosexualité comme une valeur contraire aux croyances culturelles de la majorité des Kényans.

"Promotion du lesbianisme"

Cela ne va pas arranger la situation des droits de l'Homme et des droits LGBT dans le pays. Rafiki ("ami" en langue locale swahili) a été jugé par le Comité national kényan de classification des films (KFCB) comme ayant la "claire intention de promouvoir le lesbianisme au Kenya ce qui est contraire à la loi."

L'homosexualité est illégale au Kénya et peut entraîner une peine de 14 ans de prison. Le film, qui sera sous les feux des projecteurs grâce au Festival de Cannes, avait conduit une association en faveur des droits des personnes homosexuelles à demander à la justice kényane d'abolir ces lois anti-gay, imposées sous la colonisation anglaise et jugées discriminante. Or le 18 avril, Theresa May, Première ministre du Royaume Uni a justement fait son mea culpa.

"En tant que famille de nations, nous devons respecter les cultures et les traditions des autres, mais nous devons le faire de manière à protéger notre valeur commune d’égalité, une valeur qui est clairement inscrite dans la Charte du Commonwealth." "Ils avaient tort à l’époque et ils ont tort aujourd’hui. Personne ne devrait subir une quelconque persécution ou discrimination à cause de qui il est ou de qui il aime, et le Royaume-Uni se tient prêt à aider tout pays membre du Commonwealth qui voudrait réformer une législation d’un ancien temps, qui rend possible ce type de discrimination, parce que le monde a changé" a-t-elle ajouté, reconnaissant la part de responsabilité du Royaume-Uni en déclarant ne savoir "que trop bien que ces lois ont souvent été mises en place par [s]on propre pays"

Contradictions au sommet de l'Etat

Mais le plus ironique est ailleurs. Le jour de l'annonce de la sélection de Rafiki à Cannes, le ministère des Sports et du Patrimoine, qui comprend la Culture dans son portefeuille, s'était félicité sur les réseaux sociaux de cette invitation cannoise. Un grand nombre de kényans avaient aussi exprimé leur fierté sur les réseaux, dont l'actrice oscarisée Lupita Nyong'o (Black Panther). Le CNC du Kenya n'avait pas hésité à propager son soutien à ce film.

Rafiki suit l'histoire de Kena et Ziki, deux jeunes femmes de Nairobi qui deviennent amies et tombent amoureuses l’une de l’autre, contre leurs parents et leurs voisins homophobes. Ces deux héroïnes devront choisir entre le bonheur et la sécurité, entre leurs sentiments et la pression sociale. Est-il plus sûr d’être invisible ou mieux vaut-il défier les règles conservatrices, pour découvrir votre identité et votre destin à travers l’amour ?

Le récit est adapté d'un roman, Jambula Tree, inédit en France qui racontait la même histoire d'amour mais en Ouganda (tout aussi homophobe). Ecrit par Monica Arac de Nyeko, le livre avait reçu le prix Caine 2007, le Goncourt de la littérature africaine.

Il a fallu sept ans pour faire ce film. La réalisatrice a confié qu'elle avait été poussée par "l’urgence et la nécessité" de faire Rafiki dans un climat anti-LGBT terrifiant en Afrique. Dans sa note d'intention, elle avoue qu'il a fallu "bousculer le cynisme profondément ancré dans la société concernant l’homosexualité à la fois auprès des acteurs, de l’équipe, de mes amis et de ma famille."

Wanuri Kahiu, la réalisatrice du film, a réagit sur twitter dès qu'elle a su son film banni dans son pays: "Nous pensons que les adultes kényans sont suffisamment mûrs et perspicaces pour regarder [ce film] mais on leur en a retiré le droit." Dans un tweet daté de ce samedi 28 avril, elle décide de citer pour seul commentaire la déclaration des Droits de l'Homme sur la liberté d'expression.

Tunisie: Call me By Your Name censuré

Posté par vincy, le 3 mars 2018

Call me by your name est interdit de cinéma en Tunisie. Le film, quatre fois nommé aux Oscars et qui vient de sortir en France, a vu son visa d'exploitation refusé par le ministère tunisien de la Culture, a annoncé mercredi l'un des principaux distributeurs du pays, Goubantini Groupement, habitué à diffuser des films aux sujets parfois tabous dans le pays.

Selon l'AFP, le long-métrage devait être projeté mercredi soir au Colisée, une grande salle de Tunis qui a annoncé sur Facebook que l'évènement avait été "annulé" faute de visa d'exploitation.

Le film "a été interdit", a affirmé à l'AFP le distributeur Lassaad Goubantini, en dénonçant "une atteinte aux libertés" et en jugeant que l'interdiction était "sûrement due au sujet du film", une histoire d'amour entre deux hommes.

Une telle interdiction est "en contradiction avec la Constitution tunisienne", a-t-il ajouté. Bien sûr ce n'est pas le seul film à être confronté à une censure toujours présente. On se souvient aussi que Wonder Woman, avec Gal Gadot avait été interdit suite à une plainte du parti nationaliste Al-Chaab sous prétexte que l'actrice principale était israélienne,

L'Homosexualité toujours un délit pénal

Mais en Tunisie, l'homosexualité reste une problème soumis à plusieurs contradictions. Elle est devenue depuis quelques années, grâce à l'action de plusieurs ONG, un sujet de société régulièrement abordé dans les médias, même si les pratiques homosexuelles restent punies de trois ans de prison ferme par l'article 230 du code pénal. Sans compter l'hostilité sociale toujours très présente. Plusieurs crimes homophobes ont lieu chaque année. Des dizaines de citoyens LGBT fuient le pays pour fuir ces persécutions.

Quelques films tunisiens récents ont mis en scène l'homosexualité ou la bisexualité comme Le Fil de Mehdi Ben Attia (2008) ou Histoires tunisiennes de Nada Mezni Hafaiedh (2012). Le Fil n'a d'ailleurs pas été diffusé en Tunisie.

Des résistances, des éclaircies

Pourtant, en novembre dernier, lors des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), un documentaire tunisien sur la situation des LGBT dans le pays, Au-delà de l'ombre, avait connu un immense succès, faisant salle comble. La réalisatrice Nada Mezni Hafaiedh avait été surprise qu'il y ait eu aussi peu de protestations. Lors de la projection, elle rappelait: "Jamais je n'aurais imaginé que mon film serait en sélection et que les Tunisiens pourraient le voir, parce que je sais que malheureusement en Tunisie être homosexuel c'est une abomination, c'est être criminalisé."

Et mi-janvier s'est déroulé à Tunis le premier festival pour défendre les droits des LGBT : le Mawjoudin Queer Film Festival (Tunis), organisé par Mawjoudin, une association tunisienne qui défend les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBTQ+), a présenté quinze longs et courts métrages du monde arabe et d'Afrique, parlant de sexualité, d’identité et de l’expression du genre.

Si le festival a commencé à l’Institut français pour des raisons de sécurité, la suite a eu lieu dans un espace culturel public (El Teatro). La bonne nouvelle est qu'il n'y a pas eu d'incidents.

L'autre éclaircie est venue début février de la justice tunisienne. Celle-ci a prononcé un non-lieu pour 3 hommes arrêtés pour homosexualité, en décembre dernier, à Hammam-Sousse. Le procureur de la république les avait libérés, après leurs refus de se soumettre au test anal (pratique contraire aux Droits de l'Homme mais encore utilisée en Tunisie), censé prouver leur homosexualité. Ils ont finalement été acquittés pour absence de preuves. C’est une première en Tunisie.

500M$ pour la reprise de The Weinstein Company

Posté par vincy, le 2 mars 2018

En début de semaine, The Weinstein Company était menacée de banqueroute. Finalement en quelques jours, le studio d'Harvey Weinstein a réussi à trouver un repreneur: le milliardaire Ron Burkle et l'ancienne ministre de Barack Obama (en charge des PME) Maria Contreras-Sweet.

Le montant des actifs était initialement évalué à 500M$ soit 225M$ de dettes, 100M$ dévolus à la création de la nouvelle structure et le reste pour la reprise des actifs, dont le catalogue de 277 films (y compris ceux de Dimension films).

Maria Contreras-Sweet souhaite surtout "lancer une nouvelle société, avec un nouveau conseil d'administration et une nouvelle vision incarnant les principes que nous défendons depuis le début du processus à l'automne". "Ces principes n'ont jamais varié et consistent à bâtir un studio de cinéma mené par un conseil composé d'une majorité de femmes indépendantes", à "sauver 150 emplois" et "créer un fonds de compensation des victimes".

Un coup de pression du procureur qui a menacé 150 emplois

Le feuilleton semble se terminer pour cette entreprise devenue à elle seule toxique à Hollywood. Début février, le procureur de l'Etat de New York avait bloqué un premier projet de reprise car, selon lui, les fonds prévus pour dédommager les victimes des abus sexuels d'Harvey Weinstein étaient insuffisants et que la direction de la nouvelle société incluait des cadres ayant couvert ses agissements. Cette décision avait conduit le week-end dernier à l'annonce d'un probable dépôt de bilan de The Weinstein Company.

En effet, Ron Burkle hésitait à fournir un montant viable pour faire fonctionner l'entreprise et n'avait pas apporté les garanties nécessaires sur le renvoi de certains dirigeants, soupçonnés de complicité sur les agissements de leur patron. Le milliardaire a finalement accepté de mettre 7M$ au pot, assuré que les dirigeants poursuivis ne seraient plus en poste (y compris Bob Weinstein) et, selon la presse financière, augmenté le fond pour l'indemnisation des victimes à 90M$. Du côté de TWC, la menace du dépôt de bilan a activé en urgence la procédure de sauvetage, alors que le conseil d'administration paraissait prêt à trouver une autre solution, tout en craignant que Harvey Weinstein casse une quelconque transaction en les poursuivant en justice.

Cette fois-ci, après un nouvel accord, le procureur semble approuver cette reprise, tout en continuer d'enquêter sur les différentes accusation et de poursuivre la société "pour n'avoir pas protégé ses employés face au comportement du producteur."

Reste la signature définitive, qui dépend de son bon vouloir. Il reste quelques détails à finaliser semble-t-il.

Nouveau nom et expansion

13 ans après la création de la société par Harvey et Robert Weinstein, un nouveau chapitre semble s'ouvrir. Elle changera de nom (on évoque la marque Wonder Hill) tant le patronyme est devenu imprononçable à Hollywood depuis les révélations sur le comportement d'Harvey Weinstein, accusé d'agressions sexuelles, d'harcèlement moral et sexuel et de viols par plus d'une centaine de femmes. L'intégralité des emplois devrait être préservée et les bureaux de Los Angeles et Londres certainement agrandis. Les premières dates de sortie de films déjà en boîte, dont The Current War avec Benedict Cumberbatch, Hotel Mumbai avec Dev Patel, HHhH avec Rosamund Pike et le remake d'Intouchables, The Upside.

Depuis octobre, aucun film produit par The Weinstein Company n'est sorti en salles. Tous les projets sont suspendus et certains ont été cédés (Paddington 2) ou revendus. Le réalisateur emblématique de la compagnie, Quentin Tarantino, a quitté TWC pour Sony. Bob Weinstein restera propriétaire de la marque Dimensions Films et du film prêt à sortir Polaroid, de Lars Klevberg, avec Tyler Young.

Le Musée Art Ludique proche de la fermeture

Posté par vincy, le 3 décembre 2017

Cruel. Alors que le Salon des formations artistiques (le START) se déroule avec succès ce week-end à Paris, aux Docks - Cité de la mode et du design, le Musée Art Ludique, installé au même endroit, risque l'expulsion.

Après 4 ans d'expos consacrées à l'animation et à la bande dessinée/mangas/comics, la fermeture de cet espace de 1200m2 risque d'être effective en janvier 2018. Le Tribunal de grande instance de Paris a validé l'expulsion la semaine dernière. Cela mettrait 13 salariés sur le carreau.

La fréquentation est en chute (580000 pendant les 18 premiers mois, 350000 visites durant les deux années et demi suivantes) et les recettes ont diminué d'autant. Les restaurants aux alentours ont fermé. La Cité ressemble à un navire fantôme où les parisiens ne vont pas, préférant les péniches sur les quais d'en face ou plus en aval près de la Bibliothèque nationale. Le musée accuse aussi l'arrivée d'un camp de migrants qui aurait découragé les visiteurs et on peut y ajouter la désertification touristique liée aux attentats entre 2015 et début 2017.

Le musée voulait réviser son bail (34000€ de loyer). La suspension des loyers avait d'ailleurs été actée dans un premier temps, en attendant un nouvel accord. Mais depuis le début de l'été, le bailleur, la très riche Caisse des dépôts et consignations a réclamé ses arriérés de loyers (soit 600000€), rejeté toute discussion et finalement porté la décision en justice. Pour Jean-Jacques Launier, le créateur du musée, "la suspension du paiement est liée au non-respect du contrat par leur propriétaire". Il a assigné le propriétaire des murs.

L'art de DC: l'aube des superhéros, prolongée jusqu'au 7 mai, sera sans doute la dernière exposition. On vous conseille d'aller la voir tant elle est riche et passionnante. Le Musée Art Ludique avait mis en lumière Pixar, Marvel, Ghibli, le jeu vidéo français et Walt Disney. Si les expositions étaient de très bonne qualité, l'entrée restait très chère (16,5€).

Une Cité boudée par les Parisiens

Tout n'est pas perdu même si le calendrier est serré. Si la prochaine exposition est stoppée, les fondateurs du musée espère un redressement des comptes grâce aux développements de ses tournées internationales. Mais il est nécessaire que les pouvoirs publics interviennent aussi. Pour l'instant c'est un musée complètement privé, ne bénéficiant d'aucune aide publique. Le couple Launier a investit 2M€ dans leur passion.

Là où le bailleur a une part de responsabilité c'est dans le concept même de cette Cité de la mode et du design qui ne séduit pas les parisiens. Mal desservie, mal indiquée, elle n'a jamais trouvé sa place dans les lieux "hype" de la Capitale alors que son architecture est assez marquante. Les boutiques ont fermé. les animations sont inexistantes.

Dans Le Parisien, le maire socialiste de l'arrondissement, a salué "le travail formidable de ce musée qui fait des expos géniales et ne demande de subventions à personne." L’élu a interpellé le nouveau PDG de la Caisse des dépôts, Eric Lombard, pour trouver un médiateur et faire en sorte que ce musée continue.

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