[2019 dans le rétro] Nos courts métrages étrangers préférés

Posté par MpM, le 8 janvier 2020

Si depuis des semaines, les classements des films sortis en 2019 fleurissent un peu partout dans la presse et les réseaux sociaux, le format court n'y est que trop rarement représenté. D'où l'envie de proposer un tour d'horizon forcément hyper subjectif des courts métrages qu’il fallait absolument voir l'année passée. Pour commencer, voici donc nos courts métrages étrangers préférés !

Acid Rain de Tomek Popakul (Pologne)


En 26 minutes, le réalisateur polonais Tomek Popakul nous fait vivre une immersion effectivement sous acide dans le monde de la nuit, à travers la rencontre entre une jeune fille qui fait la route et un homme étrange au volant d'un mini-bus. Tour à tour peuplée de cauchemars et d’hallucinations, la fuite en avant des deux personnages s’accompagne de vues en caméra subjectives, de couleurs psychédéliques, et d’un travail particulier sur le son pour que tout semble sans cesse faux et inquiétant. Le meilleur bad trip de l'année.

A noter : le film est actuellement visible en ligne.

Are you listening, mother ? de Tuna Kaptan (Turquie)


Une vieille dame est assignée à résidence, obligée de porter un bracelet électronique, mais ne cesse de s'éloigner au-delà de la distance autorisée, provoquant la venue de la police et la multiplication de lourdes amendes à payer. La force du film est de laisser le drame à la porte, latent mais hors champ, pour se concentrer sur les personnages et notamment la très belle relation de complicité qui unit le fils et sa mère. Inattendue, une séquence de danse improvisée vient par exemple éclairer de l’intérieur cette maison dans laquelle les absents occupent une place gigantesque. Un simple carton, à la fin, vient expliquer que l’intrigue est basée sur une histoire vraie, et explique la nature du délit commis par le personnage. Bien sûr cette fin apporte un éclairage tout à fait différent sur le récit, qui se teinte alors d’un discours politique et engagé, et y gagne une profondeur supplémentaire, même si l'on peut déplorer qu’il n’ait pas été possible d’incorporer ces éléments directement à l’intrigue, sans avoir recours à l’effet un peu artificiel de ce texte presque pédagogique.

Daughter de Daria Kashcheeva (République tchèque)


Doublement récompensée au dernier festival d'Annecy, la réalisatrice tchèque Daria Kashcheeva anime elle-même ses marionnettes dans un récit plutôt sombre aux accents réalistes qui met en scène la communication impossible entre une fille et son père. En simulant à l’écran les effets chaotiques d’une prise de vue “caméra à l’épaule”, parfois même en vue subjective, elle place le spectateur au centre de l’action, témoin direct de la relation ratée entre les deux personnages dont les regards peints semblent exprimer toute la douleur du monde.

La Distance entre le ciel et nous de Vasilis Kekatos (Grèce)


Une rencontre impromptue dans la nuit. Des visages cadrés en gros plan qui envahissent l'écran. Des dialogues ironiques et décalés. Et l'un des plus beaux plans de fin que l'on ait vu cette année. La Palme d'or 2019 est un film ténu et intimiste à la simplicité désarmante, à la sensibilité à fleur de peau et au minimalisme assumé, entre provocation, humour et séduction.

A noter : le film est actuellement visible sur le site d'Arte

The Little Soul de Barbara Rupik (Pologne)


Un voyage éblouissant de beauté, d'onirisme et de mélancolie au pays des morts en compagnie d'une petite âme tout juste échappée du corps qui l'abritait. Barbara Rupik travaille sur la texture de ses personnages et de ses décors jusqu'à recréer un univers organique saisissant et sublime, cadre dantesque édifiant pour le récit poétique et bouleversant d'une indéfectible amitié post-mortem.

No History in a room filled with people with funny names 5 de Korakrit Arunanondchai et Alex Gvojic (Thaïlande)


Voilà une oeuvre dense, foisonnante et complexe qui aborde la notion de collectif dans la Thaïlande contemporaine. Dans une esthétique très soignée où se mêlent éclairages au néon et magnifique lumière naturelle, il réunit des séquences qui ressemblent à des performances (à l'image de ces "fantômes" qui assistent à une projection nocturne), des passages plus documentaires et même des images d'actualité, dont le fil rouge est un fait divers médiatisé à travers toute la planète, le sauvetage de treize personnes qui étaient coincés dans une grotte inondée par les pluies. Interrogeant cet événement et ses répercussions, le film dérive sur des croyances ancestrales mettant en scène les nagas, ces créatures mythiques de l'hindouisme, et entame une réflexion plus générale sur le monde animal, tel un poème visuel ultra-contemporain et allégorique.

Nuit chérie de Lia Bertels (Belgique)


Par une belle nuit bleutée d’hiver, une poignée d’animaux insomniaques se croisent. Il y a le Ouistiti qui a peur du yéti, l’ours mélancolique, le loup musicien. Tous veillent sous l’éclat majestueux d’un ciel couvert d’étoiles filantes. Avec son esthétique ronde et douce et son camaïeu de bleus, le récit est plus contemplatif qu’initiatique. À la fois plein de spleen et de douceur. À destination des plus jeunes, mais pas uniquement, il rappelle l’inanité des préjugés et l’importance de ne pas passer à côté des belles choses de la vie : une croisière au clair de lune à dos de baleine, la surprise de surmonter ses peurs, la rencontre avec de nouveaux amis. On est conquis par la simplicité, l'intelligence et la justesse de ce conte jamais mièvre, dans lesquels les personnages sont immédiatement attachants, et les dialogues profonds. Sans oublier une mention spéciale pour la musique déchirante jouée par le loup, et la chanson finale du poète maudit.

Past perfect de Jorge Jacome (Portugal)


Dans un dialogue imaginaire et non dénué d’humour, le réalisateur Jorge Jacome (Flores) interroge le mythe de l’âge d’or et la douleur lancinante de la nostalgie. Past perfect remonte ainsi le temps au gré des souvenirs de son personnage, égrenés dans des sous-titres affichés sur l'image mais privés de voix, tandis que défilent à l’écran des images diverses et foisonnantes : une main qui fouille la terre, un palmier flou, une cassette audio qui prend l'eau...

Adapté de la pièce Play de Pedro Penim, que Jorge Jacome a retravaillée en fonction de ses propres questionnements, le film est également une réflexion sur la difficulté de traduire, en mots, mais aussi en images, la sensation très personnelle que l’on appelle nostalgie.

Physique de la tristesse de Theodore Ushev (Canada)


C'est l'un de nos grands coups de coeur de l'année, dont la critique intégrale se trouve ici. Ce film-somme intime et introspectif, qui frôle les 30 minutes de plaisir cinématographique pur, est réalisé dans une technique d'animation unique que le cinéaste est le premier à mettre au point, celle de la peinture à l'encaustique. Jouant sur la perpétuelle métamorphose de l'image et sur la dualité lumière-obscurité, ce récit poignant raconté à la première personne nous entraîne dans les souvenirs d'un narrateur qui se remémore son enfance et sa jeunesse, tout en évoquant le déracinement et la mélancolie prégnante de ceux qui ne se sentent chez eux nulle part.

Screen de Christoph Girardet et Matthias Müller (Allemagne)



La pluie qui s'abat sur le sol, la neige qui tombe en flocons légers, le sable qui s'écoule inlassablement... Des voix qui se succèdent, impérieuses ou autoritaires : "ouvrez les yeux, écoutez ma voix, vos paupières sont lourdes..." Stimuli lumineux, bruit blanc d'une télé qui ne capte plus de programmes. Les réalisateurs Christoph Girardet et Matthias Müller utilisent des extraits d'images de films qu'ils mêlent aux extraits sonores d'autres films pour réfléchir sensoriellement, par le biais d'une recherche formelle et expérimentale, à l'impact des images sur le corps et l'esprit de celui qui les reçoit. Ils inventent ainsi une forme de séance d'hypnose cinématographique collective forcément hallucinée. Sans trop savoir à quelle expérience on participe (est-on le sujet hypnotisé auquel s'adressent les voix de fiction ou le spectateur réel, incapable de détacher son regard de l'écran ? - l'analogie est aussi forte qu'évidente), on est fasciné au sens le plus fort du terme par cette succession de plans qui nous entraînent toujours plus loin dans la force incommensurable de l'image. On voudrait littéralement que l'écran ne s'éteigne plus jamais, nous permettant de baigner pour toujours dans cette alternance de lumière et d'obscurité capable de nous faire quitter notre corps et voyager bien au-delà des mondes connus sans jamais quitter notre fauteuil.

She runs de Qiu Yang (Chine)


Qiu Yang (Under the sun et A gentle night, Palme d’or du meilleur court métrage en 2017) continue à creuser efficacement le sillon de son cinéma esthétique au classicisme discret. Son film à la beauté formelle édifiante a d'ailleurs sans surprise remporté le Prix du meilleur court métrage lors de la dernière Semaine de la Critique cannoise. On y voit dans des plans composés comme des tableaux à la profondeur de champ quasi inexistante, et où se multiplient les cadres intérieurs à l'image, une jeune gymnaste lutter pour quitter l'équipe à laquelle elle appartient. Visuellement éblouissant.

Volcano : what does a lake dream ? de Diana Vidrascu (Portugal)


L'artiste Diana Vidrascu s'appuie sur des récits et des images de l'archipel des Açores pour interroger les réalités d'un lieu situé sur une zone tectonique en mouvement. A quoi rêve le lac au-dessus du volcan momentanément endormi ? Il se dérobe aux yeux des spectateurs, emporté au son d'une musique lancinante dans des jeux de surimpressions et de projections qui mettent en perspective la géographique et l'histoire de ce petit coin du monde où se manifeste plus qu'ailleurs la volonté toute puissante de la nature. On est comme à l'écoute de ce mystère insondable, yeux écarquillés et sens en alerte.

Wild will d'Alan King (Australie)



Un policier rencontre l’une de ses connaissances dans la rue, trouve son comportement étrange (il est désorienté et ne semble pas le reconnaître), le ramène au poste. C’est là que l’homme révèle sa vraie nature, dans une scène d’une violence inouïe dont on ne voit pourtant rien à l’écran, si ce n’est un reflet flou dans une paire de lunettes posée sur la table. Tout ou presque se joue au niveau sonore, avec des cris et des grognements qui glacent le sang. Mais ce qui est le plus effrayant, c’est probablement le plan qui revient au visage privé de réaction de l'homme, absent à lui-même. Alan King  nous emmène au confins de la monstruosité, dans une dimension parallèle où se révèle brutalement le vrai visage de l’être humain, et réaffirme le cinéma comme art du hors champ.

Berlinale 2019 : la compétition courts métrages

Posté par MpM, le 6 février 2019

Lors de cette 69e Berlinale, 24 courts métrages venus de 17 pays seront en course pour l'Ours d'or. Deux films seront également présentés hors compétition : Al Mahatta du réalisateur confirmé Eltayeb Mahdi (1989, Soudan) et Crvene gumene cizme de Jasmila Zbanic (2000, Bosnie Herzégovine), qui avait remporté l'Ours d'or en 2006 avec Sarajevo mon amour.

Trois films français seront du voyage : le court métrage d'animation Mr Mare (coproduit avec la Hongrie) de la réalisatrice Luca Toth, qui avait été révélée en 2016 à la Semaine de la Critique de Cannes avec le très réussi Superbia ; le documentaire Omarska de Varun Sasindran, étudiant au Fresnoy, qui avait déjà réalisé La chambre en 2017, et la fiction Prendre feu de Michaël Soyez, à qui l'on doit Knockdown en 2016.

On remarquera enfin la présence de plusieurs réalisateurs remarqués ces dernières années dans le milieu du court métrage, comme Jorge Jacome (Past Perfect) dont on avait tant aimé Flores en 2017 et Tan Wei Keong (Kingdom) dont le précédent court, Between us two, figurait dans nos courts métrages préférés de 2018,  ou encore Clarissa Thieme (Can’t you see them? – Repeat, qui figure également parmi les installation du Forum expanded) à qui l'on doit également Today is 11th June 1993 , Manuel Abramovich (Blue Boy) qui a déjà réalisé plusieurs longs métrages documentaires, dont un portrait de Lucrecia Martel sur le tournage de Zama (Light years), présenté à Venise en 2017, et Pham Ngoc Lan (Mot Khu Dat Tot) qui avait déjà été sélectionné en 2016 avec Another city.

La liste des films sélectionnés

All on a Mardi Gras Day, Michal Pietrzyk, USA
Blue Boy, Manuel Abramovich, Argentine, Allemagne
Can't You See Them? - Repeat., Clarissa Thieme, Allemagne, Bosnie Herzégovine
Entropia, Flóra Anna Buda, Hongrie
Flexible Bodies, Louis Fried, Allemagne
Héctor, Victoria Giesen Carvajal, Chili
How to Breathe in Kern County, Chris Filippone, USA
It has to be lived once and dreamed twice, Rainer Kohlberger, Allemagne, Autriche
Kingdom, Tan Wei Keong, Singapour
Leyenda dorada, Chema García Ibarra, Ion de Sosa, Espagne
Lidérc úr, Luca Tóth, Hongrie, France
Mot Khu Dat Tot, Pham Ngoc Lan, Vietnam
Në Mes, Samir Karahoda, Kosovo
Omarska, Varun Sasindran, France
Past Perfect, Jorge Jácome, Portugal
Prendre feu, Michaël Soyez, France
Rang Mahal, Prantik Basu, Inde
Rise, Bárbara Wagner, Benjamin de Burca, Brésil, Canada, USA
Shakti, Martín Rejtman, Argentine, Chili
The Spirit Keepers of Makuta'ay, Yen-Chao Lin, Canada
Splash, Shen Jie, Chine
Suc de síndria, Irene Moray, Espagne
Umbra, Florian Fischer, Johannes Krell, Allemagne
Welt an Bord, Eva Könnemann, Allemagne

Hors compétition
Al Mahatta, Eltayeb Mahdi, Soudan, 1989
Crvene gumene cizme, Jasmila Zbanic, Bosnie Herzégovine, 2000

2017 dans le rétro : 12 courts métrages étrangers qui ont marqué l’année

Posté par MpM, le 28 décembre 2017

Après avoir fait un tour d’horizon des films plébiscités en festival, il est temps de se mouiller en proposant une liste forcément subjective des autres courts métrages qu’il fallait absolument voir cette année.

Dernière étape, après un focus sur le cinéma français, les douze (autres) films étrangers qui ont marqué 2017 !

Airport de Michaela Müller (Suisse)


Comment les aéroports sont-ils devenus des lieux anxiogènes de contrôle et de sécurité, où tout semble paradoxalement pouvoir déraper à tout moment ? Michaela Müller nous fait vivre l'expérience dans un film réalisé en peinture sur verre. Ses images envoûtantes, à la limite de l'abstraction, ont un effet quasi hypnotiques qui atteignent leur apogée lorsque s'élève subitement un chant puissant. Toutes les contradictions de nos sociétés modernes concentrées en un film.

Ela de Oliver Adam Kusio (Allemagne)


On pourrait facilement passer à côté d'Ela, film ténu sur le moment du départ, à cause de sa (très) grande simplicité. C'est pourtant cette capacité à tout dire en quelques plans, en quelques scènes épurées, qui en font la plus grande force. La cartographie des relations humaines y est également d'une désarmante évidence, laissant affleurer leur douceur un peu amère et leur fragilité, sans ces éclats surjoués qui parasitent tant de films sur la fin programmée d'une belle histoire d'amour.

Flores de Jorge Jácome (Portugal)

Flores adopte une forme (faussement) documentaire pour nous emmener sur une île des Açores tellement envahie par les hortensias que ses habitants en ont été contraints de fuir. Construit en trois actes, le film mêle utopie et dystopie, discours écologique et quête introspective, topologie d’un lieu et exploration d’une relation intime. On est frappé par la force et l’ampleur de la mise en scène qui offre à cette fresque sensible un écrin au souffle quasi épique.

Hiwa de Jacqueline Lentzou (Grèce)

Dans Hiwa, Jacqueline Lentzou tente de reconstituer à l’écran l’expérience intime du rêve. Tandis que le personnage raconte en voix-off le contenu du songe qu’il vient de faire, la caméra se fait subjective pour traduire en images les sensations et les émotions de la nuit. À l’aide de gros plans et de faible profondeur de champ, elle nous entraîne dans une succession de scènes tantôt oniriques, tantôt ultra-réalistes qui laissent transparaître les sourdes inquiétudes de celui qui les rêve. D'une beauté magnétique et sidérante.

Jodilerks de Carlo Francisco Manatad (Philippines)

Pour évoquer la dure réalité sociale de son pays, le cinéaste philippin Carlo Francisco Manatad propose un film punk, explosif et désespéré, où l'humour noir le dispute à la tragédie glaçante. Une fable dense, perpétuellement sur le fil, dont la noirceur est renforcée par l'épure cathartique des plans. Il s'en dégage une énergie folle, salvatrice, et forcément communicative.

Ligne noire de Mark Olexa et Francesca Scalisi (Suisse)

Saisissant documentaire, Ligne noire capte, quasiment par accident, les allers et retours incessants d'une femme qui pêche dans une rivière contaminée par une pollution pétrolière. Sa ténacité face à cette tâche digne de Sisyphe a quelque chose de terriblement bouleversant qui nous raconte, en quelques plans, la misère et la survie, la résignation et l'espoir. Il semble y avoir toutes les contradictions de notre monde dans ce destin tragique soumis aux aléas des ravages écologiques et des réalités économiques.

Möbius de Sam Kuhn (Etats-Unis)

Cet ovni lynchien en forme de teen movie énigmatique tient tout autant du récit initiatique que du conte cruel. Sur les pas de son héroïne Stella, qui pleure son amour disparu, il nous emmène aux confins de la raison, dans les bribes brumeuses des souvenirs et du rêve qui tourne au cauchemar. Sans doute est-on déconcerté, secoué, même, mais c'est cette singularité diffuse et instinctive qui en fait toute la beauté insaisissable.

Real gods require blood de Moin Hussain (Grande Bretagne)

Il n'est pas si fréquent de voir des courts métrages réussir leur incursion dans le cinéma de genre. Moin Hussain s'y essaye avec délectation, lançant le spectateur sur la (fausse) piste d'un cinéma social si fréquent dans le cinéma britannique pour nous emmener à la frontière d'une horreur poisseuse et terrifiante. On aime la manière magistrale dont le réalisme se teinte peu à peu de trouble, puis de fantastique, avant d'exploser en une angoisse incontrôlable.

Selva de Sofía Quirós Ubeda (Costa Rica)

Oeuvre sensorielle et fantomatique à la beauté sidérante, Selva intrigue par sa sensibilité et son épure. Sur la fatalité des départs et des séparations, Sofía Quirós Ubeda tisse un récit lumineux et doux dans lequel même la nostalgie a quelque chose de joyeux. Il faut accepter de lâcher prise devant cette histoire qui nous parvient depuis les origines du monde, transcendant l'espace et le temps pour nous parler de l'essence même de l'Humanité.

Tesla lumière mondiale de Matthew Rankin (Canada)

Probablement n'avez-vous jamais vu un film comme Tesla lumière mondiale, que l'on pourrait qualifier de quasi biopic du scientifique Nicolas Tesla, mais traité avec une audace folle, entre hommage au cinéma d'avant garde et expérimentation pyrotechnique. C'est en apparence déconcertant, voire complètement délirant, et pourtant tout est parfaitement maîtrisé, visuellement passionnant, et surtout en exacte résonance avec certains épisodes de l'existence de Tesla.

Toutes les poupées ne pleurent pas de Frédérick Tremblay (Canada)

Toutes les poupées ne pleurent pas laisse le spectateur dans un état de sidération difficilement descriptible. On est à la fois ébahi par l'expressivité des marionnettes qui sont au cœur du récit, frappé par l'intelligence de la mise en abîme (le film montre dans une grande épure, en prise de son direct, et sans musique, le tournage d'un film en stop-motion par un couple - également de marionnettes - qui ne se croise jamais) et émerveillé par la précision de la mise en scène à la fois au niveau du film dans le film (choix des plans, mouvements minuscules pour animer les marionnettes, magie de la succession de plans fixes qui recrée une histoire) et dans le récit qui effectue le même travail avec une force dramatique décuplée. On est face à du grand art de l'animation, mais aussi devant une oeuvre solide, qui suggère et propose plusieurs niveaux de lecture sans jamais rien asséner, et fait naître de ses êtres pourtant inanimés des fulgurances existentielles déchirantes.

Vilaine fille de Ayce Kartal (Turquie)

Délicat récit à la première personne d'une petite fille ayant subi une agression, Vilaine fille met son animation libre et inventive au service du sujet sensible des viols collectifs d'enfants en Turquie. Plus on avance dans le récit, plus la légèreté du ton et de l'image renforce l'effroi qui saisit le spectateur, cueilli presque par surprise par une puissance émotionnelle sèche, dénuée de tout pathos, et d'autant plus violente.