Le silence de Jonathan Demme (1944-2017)

Posté par redaction, le 26 avril 2017

Jonathan Demme est décédé mercredi 26 avril à New York des suites d'un cancer, à l'âge de 73 ans.

Issu de l'école Roger Corman, il avait débuté sa carrière à l'âge de 30 ans, en 1974, avec 5 femmes à abattre. Le réalisateur y donnait déjà le ton de la première partie de sa  filmographie, un mélange d'humour, parfois noir, parfois sarcastique, d'action mais surtout des personnages souvent féminins, exploités mais sachant prendre leur revanche. Il a d'ailleurs tourné de nombreux films un peu barrés avant d'être consacré par ses pairs. Ses premiers films durant les années 70 - Crazy Mama, Colère froide, Handle with Care, Meurtres en cascade (son premier thriller avec une vedette), en 1979, Melvin and Howard - ne marquent pas les esprits. Il s'essaye alors à différents genres.

Dans les années 1980, il se diversifie : vidéo clips, téléfilms, séries, docus.... Fan de musique, il dédaigne presque la fiction (hormis Swing Shift avec Goldie Hawn et Kurt Russell en 1984) et ne tourne rien jusqu'en 1986. Là, sa carrière décolle avec le débridé Dangereuse sous tous rapports (Melanie Griffith), le jouissif Veuve mais pas trop (Michelle Pfeiffer) et finit ainsi les années 1980 avec deux succès, deux comédies où l'action et le polar ne sont pas loin.

Doublé magique

Or ses deux grands films, et d'ailleurs la suite de sa carrière, seront aux antipodes de ce genre où il excellait. En 1991, il créé le duo le plus fantastique du cinéma américain, le bien et le mal, où l'innocence est une notion bien floue quand un cannibale est moins monstrueux qu'un serial-killer. Le silence des agneaux va devenir une référence dans le genre. Outre son immense carton public et critique, le film est l'un des rares à recevoir le quinté gagnant aux Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur acteur pour Anthony Hopkins et meilleure actrice pour Jodie Foster.

Deux ans plus tard, il réalise la première grosse production hollywoodienne sur le SIDA, avec Philadephia. Tom Hanks sera oscarisé tout comme Bruce Springsteen pour la chanson du film. Son cinéma est minutieux, toujours centré sur la psychologie humaine, sur le dialogue entre des opposants ou des incompris. Mais Jonathan Demme va enchaîner deux fiascos qui vont lui faire perdre rapidement son aura de grand cinéaste. En 1998, Beloved, d'après le grand roman de Toni Morrison, film de 3 heures avec Oprah Winfrey et Danny Glover, est attaqué par la critique, boudé par le public. En 2002, il signe le remake de Charade, avec La Vérité sur Charlie. Plantage.

Cinéaste insatiable

Il se refait grâce à un autre remake, en 2004, Un crime dans la tête, bon thriller politique avec Denzel Washington, Liev Schreiber et Meryl Streep, puis retrouve ses premières amours avec la comédie féminine (Rachel se marie, en 2008 avec Anne Hathaway, Rosemarie DeWitt et Debra Winger). Il faut alors attendre 2015 pour qu'il revienne derrière la caméra pour une fiction. Ricki and the Flash, show construit pour Meryl Streep, n'a rien d'un grand film, mais il y a toujours cet attachement personnel que Demme a pour les femmes un peu déjantées mais autonomes, et surtout pour la musique. On lui doit trois docus sur Neil Young parmi de multiples documentaires sur le rock ou la pop (Justin Timberlake + the Tennessee Kids). De même, il est passionné de politique (docus sur Jimmy Carter ou la démocratie en Haïti), et a filmé des scientifiques (le biologiste Tyrone Hayes, l'agronomiste Jean Dominique).

Quatre décennies à filmer des histoires ou la réalité, qui, selon lui, reflétaient le monde. A jouer des gros plans, des regards qui fixent la caméra, à amener ses acteurs à une certaine vérité, loin des artifices hollywoodiens (au total huit d'entre eux auront été nommés au Oscars, et trois l'auront gagné, grâce à ses films).

Gentil et généreux

Finalement, Jonathan Demme était inclassable. Des spectacles hollywoodiens aux excentriques films indés en passant par des docs rocks et des épisodes de séries, il semblait ne suivre aucun plan de carrière. Il expliquait il y a quatre ans qu'il suivait toujours son enthousiasme, qu'il avait eu la chance de ne jamais se répéter. "J'adore le thriller, mais j'ai eu la chance de faire Le silence des agneaux, alors je ne voudrais pas réaliser un thriller qui soit moins bien que celui-là."

"J'ai rencontré des tonnes de gens avec Moonlight mais mon camarade Demme était le plus gentil, le plus généreux", a tweeté le réalisateur Barry Jenkins. De l'avis général, il était en effet très humain. L'épouse de Jonathan Demme et ses trois enfants, ont demandé qu'"à la place de fleurs", ceux qui le souhaitaient effectuent, en son hommage, des dons à l'association de défense des immigrés Americans for Immigrant Justice.

Venise 2015: Demme, Costanzo, Rohrwacher et Varda sur la lagune

Posté par redaction, le 22 juillet 2015

Deux rois et deux reines. La 72e Mostra de Venise abat ses premières cartes pour sa prochaine édition qui commencera le 2 septembre.

Jonathan Demme, réalisateur oscarisé pour Le Silence des agneaux, à qui l'on doit aussi Philadelphia, présidera le jury de la sélection Orizzonti, qui décerne trois prix (film, réalisateur, jury). Le cinéaste américain revient au cinéma le 20 septembre avec Ricki and the Flash où Meryl Streep est en tête d'affiche.

Le cinéaste italien Saverio Costanzo, qui a récolté les deux prix d'interprétation à Venise l'an dernier avec Hungry Hearts, sera en charge du jury du prix Luigi di Laurentiis, ou Lion of the Future Award qui récompense le meilleur premier film, toutes compétitions confondues. L'équivalent de la Caméra d'or du Festival de Cannes.

Par ailleurs, les Venice Days diffuseront le 3 septembre deux courts métrages réalisés par deux réalisatrices européennes dans le cadre des "Women’s Tales", en partenariat avec la marque Miu Miu.

Pour cette 5e édition, c'est Alice Rohrwacher, Grand prix du jury à Cannes l'an dernier avec Les merveilles qui propose De Djess avec Yanet Mojica et Alba Rohrwacher, et Agnès Varda, Lion d'or à Venise en 1985 (Sans toit ni loi) et Palme d'or d'honneur cette année à Cannes, qui présentera Les 3 boutons.

Locarno 2015: Andrzej Zulawski, Hong Sangsoo, Chantal Ackerman en compétition

Posté par vincy, le 15 juillet 2015

Locarno se lance dans la mêlée avec un programme très éclectique. Une rétrospective intégrale de Sam Peckinpah, une multitude de prix déjà annoncés (Michael Cimino, Marco Bellocchio, Edward Norton, Bulle Ogier), un focus sur le cinéma israélien, la section Open Doors du marché consacrée au cinéma de Maghreb, et finalement des films venus du monde entier répartis dans les différentes sélections. Sont donc attendus Chantal Akerman, Sabine Azéma, Lionel Baier, Clotilde Coureau, Philippe Falardeau, Cécile de France, Stéphane Goël, HONG Sangsoo, Patrick Huard, Anurag Kashyap, Marthe Keller, Udo Kier, Philippe Le Guay, Carmen Maura, Clémence Poésy, Melvil Poupaud, Jerry Schatzberg, Andrea Segre, Claire Simon, et Andrzej Zulawski.

Lors de la conférence de presse ce matin, trois autres prix ont été annoncés: le comédien et réalisateur américain Andy Garcia (Leopard Club Award), le cinéaste géorgien Marlen Khoutsiev (Léopard pour l'ensemble de sa carrière) et le comédien suisse Teco Celio (Prix Cinema Ticino). La 68° édition du Festival du film Locarno se tiendra du 5 au 15 août 2015.

Compétition

  • BELLA E PERDUTA de Pietro Marcello (Italie)
  • BRAT DEJAN (Brother Dejan) de Bakur Bakuradze (Russie)
  • CHEVALIER de Athina Rachel Tsangari (Grèce)
  • COSMOS d'Andrzej Zulawski (France)
  • ENTERTAINMENT de Rick Alverson (USA)
  • HAPPY HOUR de Ryusuke Hamaguchi (Japon)
  • HEIMATLAND dey Lisa Blatter, Gregor Frei, Jan Gassmann, Benny Jaberg, Carmen Jaquier, Michael Krummenacher, Jonas Meier, Tobias Nölle, Lionel Rupp et Mike Scheiwiller (Suisse)
  • JAMES WHITE de Josh Mond (USA)
  • JIGEUMEUN MATGO GEUTTAENEUN TEULLIDA (Right Now, Wrong Then) de HONG Sangsoo (Corée du sud)
  • MA DAR BEHESHT (Paradise) de Sina Ataeian Dena (Iran)
  • INO HOME MOVIE de Chantal Akerman (France)
  • O FUTEBOL de Sergio Oksman (Espagne)
  • SCHNEIDER VS. BAX d'Alex van Warmerdam (Pays Bas)
  • SUITE ARMORICAINE de Pascale Breton (France)
  • SULANGA GINI ARAN (Dark in the White Light) de Vimukthi Jayasundara (Sri Lanka)
  • TE PROMETO ANARQUÍA de Julio Hernández Cordón (Mexique)
  • THE SKY TREMBLES AND THE EARTH IS AFRAID AND THE TWO EYES ARE NOT BROTHERS de Ben Rivers (Royaume Uni)
  • TIKKUN d'Avishai Sivan (Israël)

Sur la Piazza Grande, RICKI AND THE FLASH de Jonathan Demme, avec Meryl Streep ; LA BELLE SAISON de Catherine Corsini ; DER STAAT GEGEN FRITZ BAUER de Lars Kraume ; SOUTHPAW d'Antoine Fuqua ; TRAINWRECK de Judd Apatow ; JACK de Elisabeth Scharang ; FLORIDE de Philippe Le Guay ; GUIBORD S’EN VA-T-EN GUERRE de Philippe Falardeau ; BOMBAY VELVET d'Anurag Kashyap; AMNESIA de Barbet Schroeder ; LA VANITÉ de Lionel Baier ; QING TIAN JIE YI HAO (The Laundryman) de LEE Chung ; ME AND EARL AND THE DYING GIRL de Alfonso Gomez-Rejon ; et en clôture HELIOPOLIS de Sérgio Machado...
Award Ceremony

Dans la sélection Cinéastes du présent, notons le film de Vincent Macaigne (Dom Juan), Le Grand jeu de Nicolas Pariser avec Melvil Poupaud, André Dussollier et Clémence Poésy ou encore le film québécois Les êtres chers d'Anne Émond. Dans la sélection Cinémas de demain, on retrouve Claire Simon (Les bois dont les rêves sont faits) et l'algérien Malek Bensmaïl (Contre-pouvoirs).

Le nouveau défi (musical) de Meryl Streep

Posté par vincy, le 3 avril 2014

meryl streepJonathan Demme (Le silence des agneaux) devrait réaliser Ricki and the Flash, projet pour lequel Meryl Streep avait déjà été engagée pour tenir le rôle principal.

Steep interprètera une femme amoureuse de rock n' roll qui décide de poursuivre un vieux rêve, quitte à sacrifier sa famille. Une dernière chance pour remettre les choses à l'endroit. L'actrice hérite ainsi d'un personnage baroque : guitariste, style maman qui joue du hard rock la nuit, alors qu'elle est caissière dans une épicerie le jour.

Le tournage est prévu pour cet automne, le temps pour la comédienne de devenir crédible avec une guitare dans les bras.

Meryl Streep a toujours aimé les films musicaux. Pressentie pour incarner Evita (qui échoua à Madonna), elle a finalement triomphé avec Mamma Mia. Actuellement à l'affiche dans Un été à Osage County, elle a terminé trois tournages. Elle pourrait être à Cannes avec The Homesman de Tommy Lee Jones. Elle est également attendue dans The Giver, film de SF réalisé par Philip Noyce, et dans Into the Woods, film fantasy familial réalisé par Rob Marshall. Elle tourne actuellement ans Suffragette.

Outre ses films oscarisés et ses thrillers (Veuve mais pas trop, Philadelpha, Un crime dans la tête) et quelques gros fiascos (Beloved, La vérité selon Charlie, Rachel se marie), Jonathan Demme, a réalisé de nombreux clips de Bruce Springsteen, des Pretenders, de Suzanne Vega, des New Order et de Neil Young (auquel il a consacré un documentaire, Neil Young: Heart of Gold). Il vient de réaliser l'adaptation d'une pièce de Henrik Ibsen, Solness le constructeur, film qui a été présenté au dernier Festival de Rome.

The Wrestler met le Lido KO

Posté par MpM, le 5 septembre 2008

The WrestlerDernier film américain à être présenté en compétition, The Wrestler de Darren Aronofsky fait la démonstration du savoir-faire outre-atlantique quand il s’agit de raconter des histoires intéressantes, rythmées et humaines. On se rend compte à sa vision, et au plaisir qu’on y prend, du déficit de narration dont a souffert cette compétition. Il est vrai que même les compatriotes d’Aronofsky ont déçu avec des histoires inabouties ou des variations un peu vaines autour de sujets forts mais mal exploités. Vegas d’Amir Naderi suit le délitement d’une famille à travers la destruction systématique de son jardin : une fois l’histoire engagée, on se lasse de voir sur chaque plan le personnage principal en train de creuser. Rachel getting married de Jonathan Demme aborde le thème de la culpabilité en réunissant une famille meurtrie le temps d’une fête familiale : il y a tellement de scènes de danse ou de banquet nuptial que le cœur de l’intrigue est complètement noyé. Enfin, The hurt locker de Kathryn Bigelow nous emmène sur les pas d’un démineur en Irak, juxtaposant simplement cinq ou six opérations d’intervention censées donner un aperçu de la réalité du terrain… mais surtout sans prendre parti ni donner de point de vue clair (hormis le peu compromettant "la guerre est une drogue").

Du coup, The Wrestler n’est certes pas le meilleur film d’Aronofsky, ni ce qui se fait de plus novateur ou profond, mais force est de constater qu’il est presque réussi de bout en bout : interprétation sensible (Mickey Rourke impeccable, étonnamment touchant), rebondissements structurés, petites touches d’humour, combats spectaculaires sans être trashs, gestion pudique de l’émotion, etc. Malgré le classicisme absolu du sujet (au cheminement relativement prévisible) et de la réalisation (qui souffre d’une petite baisse de rythme dans la dernière partie), on se laisse emporter par ce portrait d’une ancienne gloire du catch sur le retour en forme de mélo flamboyant. Parce que le réalisateur ne force jamais ni le trait ni l’émotion, et surtout ne témoigne d’aucune ambition auteuriste disproportionnée, le film s’avère même pratiquement ce que l’on a vu de plus convaincant depuis le début du festival. Sur le Lido, la question qui brûle désormais toutes les lèvres est de savoir si le jury choisira de récompenser globalement le film ou uniquement la prestation de Mickey Rourke. A moins qu’il ne s’agisse d’un doublé...