L’autre émoi : portraits intimes de comédiens

Posté par MpM, le 14 mars 2009

l’autre émoiPour obtenir de ses interlocuteurs des propos vraiment personnels et intimes, la réalisatrice Raphaëlle Catteau a imaginé en 2006, pour la première série de l’Autre émoi, un dispositif original et novateur d’auto-interview. Concrètement, elle met l’acteur face à lui-même en lui demandant tout d’abord de répondre, en tant que comédien, à une série de questions sur sa vie et son travail, puis d’interpréter un personnage de journaliste qui poserait ces questions. Au montage, cela donne un fascinant dialogue entre deux facettes bien distinctes (par le biais notamment de costumes, voire de voix ou d’accent différents) d’une seule et même personne.

Diffusée depuis le début de l’année sur TPS star, la 2e saison de cette excellente série propose des rencontres avec treize comédiens aussi variés que Jean-Pierre Darroussin, Florence Foresti ou encore Arié Elmaleh, qui abordent tous sensiblement les mêmes thèmes : méthode de travail, distance avec le personnage, influence de son vécu personnel pour expliquer son choix de carrière, doutes et joies du métier de comédien… C’est tour à tour drôle et émouvant, farfelu et profond, léger et complexe, témoignant de la belle relation de confiance que Raphaëlle Catteau a su tisser avec ses interlocuteurs.

Et même si le dispositif du dédoublement de personnalité pourrait paraître artificiel, surtout quand certains comédiens s’inventent des personnages de journalistes Autre émoiparticulièrement hauts en couleurs (mais peut-être y-a-t-il du vécu derrière tout ça…), qu’il s’agisse du fan compulsif imaginé par Thierry Frémont ou de l’anglo-saxonne ultra-stressée composée par Sara Forestier, il n’en est rien. Les deux points de vue que cela donne sur chaque comédien se complètent et se répondent en effet avec une certaine justesse. Le choix de l’interviewer (un professeur pour Bernard Campan, une réincarnation d’Henry Chapier pour Antoine Duléry, une sorte de Johnny Depp rocker pour Stéphane Rousseau…) n’est d'ailleurs jamais innocent, en disant parfois presque aussi long sur le comédien que ses propres paroles.

Chaque épisode vaut la peine d’être vu indépendamment des autres, mais il est également passionnant de dresser des parallèles entre les réactions des différents protagonistes. Ainsi ne faut-il pas manquer le best-of (programmé le dernier week-end de mars) permettant de revivre les meilleurs moments, fous rires, répliques inopinées et propos enflammés de ces treize rencontres. Sara Forestier qui vante le métier de comédien comme "expression dans sa forme la plus entière", Antoine Duléry avouant que son premier public a été composé d’arbres, Aïssa Maïga qui peut tout jouer ("Si on me demande de jouer une pute, je peux la trouver… en moi"), Bernard Campan racontant sa première tentative de suicide, Thierry Frémont qui au début de sa carrière voulait "être extraordinaire tout le temps", Mathias Mlekuz et ses exercices de diction loufoques pour combattre le trac, Bruno Lochet qui a besoin de croire en son personnage pour l’interpréter, Hafsia Herzi en pleine démonstration de danse orientale, Mélanie Laurent qui déclare s’effacer totalement derrière le personnage au moment où elle joue… Autant de sensations, de vécu et de convictions qui constituent une plongée fascinante et souvent instructive dans l’univers mystérieux du jeu et de la création.
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Les derniers épisodes de la saison 2 sont diffusés chaque dimanche soir sur TPS star jusqu’au 29 mars.
Extraits et informations sur le site de Canal+.

César : le discours (non censuré) de Mathieu Amalric

Posté par vincy, le 24 février 2008

« (Antoine, tu le lis avec hésitation et bafouillements)

Oui bon ben... euh... alors là on frôle le n’importe quoi :
Lindon ; trois fois nommé, zéro compression
Darroussin ; deux fois... nada
Michel ; quatre fois comme acteur... résultat blanc
Et le pompon, Jean Pierre Marielle. Sept fois nommé !!! Et jamais la fève, même pas
pour les Galettes.
Chapeau ! ... De Panama, d’où je vous fait un vrai faux-Bon...D.
L’autre vilain de Lonsdale aussi il paraît.
Enfin, mouais, mais... non ce qui fait plaisir, c’est que le Scaphandre, c’est bien la preuve qu’un acteur n’existe qu’à travers, qu’en regard de ses partenaires. Parce que qui voit-on à l’image, qui fait prendre vie au Jean-Do de fiction ?
C’est Chesnais, c’est Ecoffey, Arestrup, Watkins. Ce sont Marie-José, Olatz, Consigny penchées vers lui, vers moi, vers vous, tendres, drôles et attentives.
C’est Marina en Vierge Marie, c’est Emmanuelle Seigner qui joue pas la Sainte et qui du coup donne corps, chair et souffrance à Bauby. Ta fille aussi, Emma qui carrément provoque le miracle. Et c’était Jean-Pierre Cassel, doublement.
Le Papillon c’est la preuve que, quand il y a un réalisateur, les techniciens sont des roseaux pensants. Que tout se mélange, que sur un plateau tout est dans tout, qu’on peut être, (ce joli mot), une équipe PAS technique... parce que franchement qui c’est l’Acteur quand c’est Berto, le caméraman qui fait, qui EST le regard.
C’est LUI qui, par les mouvements de sa caméra crée les mouvements de la pensée de Jean-Do.
Oui, quand il y a un réalisateur... Julian.
Je pense fort à une autre équipe. Celle, médicale, de l’Hôpital Maritime de Berck-sur-Mer où on a tourné et où Bauby a passé un an et demi. Le vrai et le faux, la réalité et la fiction... on ne savait plus. D’ailleurs c’est drôle, je me souviens. Le décor de la chambre, pour avoir plus d’espace, était reconstituée dans une grande salle au rez de chaussée de l’Hôpital, la salle des fêtes. Avec au dessus de la porte, une enseigne en grosses lettres rouges : CINEMA. Ça ne s’invente pas. »

Voici maintenant la partie non lue :

« Mais la salle de cinéma. Oui, la SALLE de cinéma, elle, doit pouvoir continuer à s’inventer.

"A lire à la lumière. Et à diriger sur notre nuit" Notre musique.
Insupportable "trompe l’œil" des multiplexes. Les chiffres comme seule ligne d’horizon. Aveuglement, brouillage, gavage, lavage. Et quelle solitude. Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs c’est impossible, ce qui compte c’est le flux. "Circulez s’il vous plaît, y’a rien à voir" . Au suivant ! bande de Brel.

Alors que le travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et ont envie de faire tellement d’exploitants de salle se voit de plus en plus nié aujourd’hui. La Question humaine n’aurait par exemple jamais fait autant d’entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l’ACRIF. Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, nos
poumons. Sinon...

Sinon on va tous finir devant nos "home cinéma" à se tripoter la nouille...
Bons baisers de Panama...
Mathieu »

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Tout Mathieu Amalric sur Ecran Noir : portrait, films, interviews