Tous les nuages et les images de Jafar Panahi au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 7 octobre 2016

jafar panahi

A partir d'aujourd'hui, vendredi 7 octobre, et jusqu'au 13 novembre, les cinémas du Centre Pompidou proposent une rétrospective intégrale et une exposition autour du cinéaste iranien Jafar Panahi. La rétrospective passera par Bruxelles et Genève cet automne. L'événement est réellement exceptionnel.

Condamné à résidence depuis 2010, avec interdiction de filmer durant vingt ans, pour avoir participé à de nombreuses manifestations suite à la victoire controversée de Mahmoud Ahmadinejad aux élections présidentielles et pour avoir assisté à une cérémonie organisée à la mémoire d'une jeune manifestante tuée, le réalisateur a traversé une période de dépression avant de renaître par l'image (et obtenir en 2015 un Ours d'or pour Taxi Téhéran). " Je n’ai pas tout de suite compris l’ampleur de la condamnation, ce que ces interdictions signifiaient pour moi. Heureusement, les caméras numériques et les autres facilités offertes par la technologie permettent de filmer sans avoir besoin de demander des autorisations, de manière discrète et bon marché. J’ai pu me remettre à filmer."

L'exposition Nuages est une série de 26 photographies inédites. Jafar Panahi a commencé photographier des nuages, de la fenêtre de son appartement puis à l'occasion de ses déplacements en Iran. C'est la première fois que ses photographies sont exposées: 19 d'entre elles rejoindront les collections du musée. "Je dispose donc de beaucoup de temps libre. Un jour où je tournais en rond, j’ai regardé par la fenêtre de mon appartement et j’ai vu les nuages. […] J’ai pris mon appareil et j’ai commencé à les photographier. J’ai aimé le résultat et j’ai continué" explique-t-il à Jean-Michel Frodon.

Le moment fort sera sans aucun doute la rencontre virtuelle le 22 octobre (à 17 heures) entre Jafar Panahi et Jean-Michel Frodon, coauteur du livre (avec Clément Chéroux), Jafar Panahi, images / nuages. Le cinéaste offre également au Centre Pompidou un court-métrage en forme d'autoportrait, en exclusivité, qui rejoint la collection "Où en êtes-vous?" du musée. Il sera projeté durant la soirée d'ouverture, en présence de sa fille Solmaz Panahi et de son collaborateur Pooya Abbasian.

Mais assurément, le cadeau du Centre Pompidou est de proposer la filmographie intégrale du cinéaste - Le ballon blanc, Ceci n'est pas un film, Le cercle, Hors-jeu, Le miroir, Pardé, Sang et or, Taxi Téhéran - y compris les courts et moyens métrages (souvent inédits) - L'accordéon, L'ami, Le dernier examen, Deuxième regard, Les têtes blessées, Untying the Knot.

Le vent emporte Abbas Kiarostami (1940-2016), Palme d’or en 1997

Posté par vincy, le 4 juillet 2016

Abbas Kiarostami est mort, selon une annonce de l'agence Isna. Palme d'or pour Le goût de la cerise en 1997, il avait 76 ans. Il était atteint d'un cancer, diagnostiqué il y a quelques mois.

Emblème d'un cinéma iranien ouvert sur le monde, il est né en 1940 à Téhéran. Il a d'abord étudié la peinture à l'Université de la capitale iranienne et a débuté en réalisant plusieurs publicités. Il entre dans le cinéma en 1969 en dirigeant le département du film du Centre pour le développement intellectuel des enfants et jeunes adultes, le Kanun, où il a travaillé durant deux décennies. Par ailleurs, il réalise des courts et des moyens métrages.

Le résident iranien

Il faut attendre 1977 pour qu'il signe son premier long métrage, Le rapport, en plein avènement de la révolution de Khomeini. Il doit alors composer avec la censure et préfère rester dans son pays, malgré l'oppression sur les artistes. Pour lui, le déracinement était synonyme de perte de personnalité, d'authenticité.

Suivent Cas numéro un, cas numéro deux en 1979, Le Concitoyen en 1983, deux films de moins d'une heure, Les premiers en 1984. Avec Où est la maison de mon ami ? en 1987 il amorce sa trilogie appelée Koker. Il emporte un Léopard de bronze à Locarno, ce qui l'installe parmi les cinéastes à suivre au moment où le cinéma iranien réémerge sur la scène internationale. Après Devoirs et Close-up, il tourne le deuxième volet, Et la vie continue, en 1992, entre documentaire et fiction, expérimentation qui l'a toujours fasciné, sur les effets dévastateurs du tremblement de terre qui frappa son pays en 1990. Il achève le cycle avec Au travers des oliviers, en 1994, sélectionné en compétition à Cannes.

Le couronnement international

Parallèlement, il écrit de nombreux scénarios et produits des films de ses compatriotes, notamment Le ballon blanc, premier film d'un certain Jafar Panahi, en 1995. La même année, il participe au projet À propos de Nice, la suite, film documentaire français réalisé et écrit par Catherine Breillat, Costa-Gavras, Claire Denis, Raymond Depardon, Pavel Lungin, Raoul Ruiz et lui-même, hommage au cinéaste de L'Atalante, Jean Vigo. Mais surtout, il a du quitter le Kanun à cause d'une censure toujours plus sévère.

L'ascension parvient à son couronnement en 1997 avec le poétique et métaphorique Goût de la cerise, Palme d'or ex-aequo en 1997 au Festival de Cannes. Un homme cherche quelqu'un pour l'aider à se suicider... Tout un symbole.

L'errance cinématographique

De là, le cinéma de Kiarostami va prendre une longueur d'avance sur celui de ses compatriotes, expérimentant le tournage en voiture avant Jafar Panahi, tournant à l'étranger quand d'autres sont muselés dans son pays. Il y a toujours une forme de poésie dans ses films, de romantisme même, mais son style est ancré dans l'héritage du néo-réalisme italien.

Sa carrière va devenir plus erratique, une errance formelle, géographique et narrative avec Le vent nous emportera (Venise, 1999), le documentaire Five (2003, dédié au cinéaste japonais Ozu), Ten (2002, Cannes, 13 ans avant Taxi Téhéran de son ami Panahi, pour lequel il écrit au même moment Sang et or, son chef d'œuvre) et 10 on Ten (2004), comme deux faces d'un même miroir où il analyse la société iranienne autant qu'il s'introspecte, ou Tickets, film à segments dans un train, par Ermanno Olmi, Ken Loach et lui-même, filmant une femme endeuillée.

Aller voir ailleurs

Après cela il se fait plus rare. Revient aux courts, aux vidéos pour des musées où il expose ses photos et ses poèmes comme au Louvre en 2012. En 2008, il signe Shirin, où des spectatrices sont filmées en train de réagir à la projection d'un mélo. Epuisé par la censure, deux ans plus tard, il s'évade en Italie avec Juliette Binoche pour Copie conforme, romance existentialiste qui vaut un prix d'interprétation à Juliette Binoche à Cannes et en 2014, il transpose Ten à Tokyo avec Like Someone in Love, où un vieil homme très enraciné dans le passé et les traditions dialogue avec une jeune étudiante. C'est sans doute un film testament, malgré lui.

Car il y a quatre ans il affirmait: "Tout mouvement, toute action que nous faisons, dérive de notre tradition culturelle. Même rompre avec la tradition est une façon de la reconnaître". Pas plus beau requiem de la part d'un artiste qui a voulu croire en la transmission puis rompre avec la tradition pour explorer la liberté, au sens absolu du terme. Finalement la vie était toujours hantée par la mort, en décor, et l'humanisme perçait la carapace d'une société étouffée. La parole surgissait du silence forcé. L'émotion des personnages trahissait les régimes qui voulaient les taire.

Le producteur Charles Gillibert avait annoncé à Cannes le prochain projet du cinéaste iranien, 24 Frames, un film de 24 heures dont 24 Frames compilerait certains moments.

Penelope Cruz et Javier Bardem dans le prochain Asghar Farhadi ?

Posté par vincy, le 28 mai 2016

Penelope Cruz et Javier Bardem, couple à la ville, seraient en négociation pour être de nouveau un couple à l'écran devant la caméra d'Asghar Farhadi.

Depuis leur premier film ensemble, Jambon Jambon en 1992, les deux stars espagnoles ont collaboré à six films ensemble en tant que comédiens, dont Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen et En chair et en os de Pedro Almodovar. Ils ont un autre projet ensemble, Escobar, réalisé par Fernando León de Aranoa.

Almodovar co-producteur

Le tournage du nouveau film de Farhadi est prévu pour la fin de l'été ou le début de l'automne 2017 et se déroulerait dans le sud de l'Espagne. Le projet est porté par le partenaire français du cinéaste iranien, Memento films, et la société de Pedro et Agustin Almodovar, El Deseo.

A l'origine, Asghar Farhadi devait tourner ce film à l'automne dernier mais, selon les propos de son producteurs rapportés par Variety, il avait le mal du pays et et un conflit de planning avec les acteurs ont retardé le projet. Un acteur américain doit rejoindre les deux comédiens espagnols au générique. Penelope Cruz avait initié le projet en déclarant son souhait de vouloir travailler avec le réalisateur d'Une séparation.

Cannes 2018 ?

Le scénario est presque finalisé et les repérages devraient commencer le mois prochain. Il s'agirait d'un thriller psychologique autour d'une famille de viticulteurs, dans une Espagne rurale.

Ce sera le deuxième film du réalisateur dans une langue autre que le perse, après Le passé, en français, en 2013.

Prix du meilleur scénario et prix d’interprétation masculine pour Shahab Hosseini au Festival de Cannes cette année, son dernier film Le client sortira le 9 novembre sur les écrans français.

Cannes 2016: trois réalisatrices distinguées par le prix Jeunes Talents Women in Motion

Posté par vincy, le 15 mai 2016

Geena Davis et Susan Sarandon ont décerné le prix Jeunes Talents Women in Motion aux réalisatrices Leyla Bouzid, Gaya Jiji et Ida Panahandeh. Le prix sera remis lors du Dîner de la Présidence ce soir.

Les trois réalisatrices ont été choisies par les actrices américaines Geena Davis et Susan Surandon. Elles bénéficieront chacune d'un soutien financier pour un projet cinématographique en cours.

La tunisienne Leyla Bouzid, 32 ans, a réalisé Soubresauts en tant que film de fin d'étude, avant de tourner le court métrage Zakaria . L'an dernier, elle a filmé son premier long métrage, A peine j'ouvre les yeux, présenté aux Venice Days du dernier Festival de Venise.

La syrienne Gaya Jiji, 37 ans, a réalisé trois courts-métrages, dont le plus récent, Matin, midi, soir... et matin a été sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde dont le Short Shorts Film Festival & Asia à Tokyo, le Doha Tribeca Film festival ou encore le Festival du film Arabe de Rotterdam. Elle travaille actuellement sur son premier long-métrage, Mon tissu préféré, qui est en sélection à l'atelier de la Cinéfondation cette année.

Enfin, l'iranienne Ida Panahandeh a déjà sorti plusieurs courts métrages - The Train Station, Taxonomy, Those Hands - et un téléfilm, The Lost Honor of Mr. Sadeghi. L'an dernier, elle a reçu le Prix de l’Avenir au Festival de Cannes (Un Certain Regard) avec son premier long, Nahid.

Cannes 2016: 17 documentaires en lice pour L’Oeil d’or

Posté par vincy, le 4 mai 2016

17 documentaires sont en compétition pour L’Œil d’or. Le jury présidé par Gianfranco Rosi, entouré d’Anne Aghion, Natacha Régnier, Thierry Garrel et Amir Labaki, remettra son Prix le samedi 21 mai à 12h au Palais des Festivals. La sélection fédère l'ensemble des documentaires présentés dans les sélections cannoises.

Bernadette Lafont et Dieu créa la femme libre d'Esther Hoffenberg (France)
L'Ultima Spiaggia (La Dernière plage) de Thanos Anastopoulos et Davide del Degan (Italie)
Bright Lights : Starring Carrie Fisher and Debbie Reynolds d'Alexis Bloom et Fisher Stevens (États-Unis)
Les Vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz
Cinema Novo d'Eryk Rocha (Brésil)
Midnight Return : The Story of Billy Hayes and Turkey de Sally Sussman (États-Unis)
Close encounters with Vilmos Zsigmond de Pierre Filmon (France)
Risk de Laura Poitras (États-Unis)
Et la femme créa Hollywood de Clara et Julia Kuperberg (France)
The Cinema Travelers de Shirley Abraham et Amit Madheshiya (Inde)
Gentleman Rissient de B. Jacquot, G. Seligmann, P. Mérigeau (France)
The Family Whistle de Michele Russo (Italie)
Gimme Danger de Jim Jarmusch (États-Unis)
Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier (France)
Hissein Habré, une tragédie tchadienne de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad)
Wrong elements de Jonathan Littell (France) (photo)
L'Exil de Rithy Panh (Cambodge)

La Scam, qui est l'initiative de ce prix, remettra aussi un prix pour l’ensemble de leur œuvre à Raymond Depardon et Frederick Wiseman, qui seront honorés à canens Classics.

Enfin, le jury de L’Œil d’or a également décidé d'être solidaire de Keywan Karimi, cinéaste iranien, "condamné en dernière instance à un an de prison, 223 coups de fouet et une amende de 20 millions de rials en février 2016, suite à la réalisation de son dernier documentaire Writing on the City, sur les graffitis et messages inscrits sur les murs de Téhéran depuis la révolution de 1979 jusqu’au mouvement de 2009. Il est accusé « d’insulte envers le sacré » à propos d’une scène de baiser qu’il nie avoir tournée, et de « propagande » contre le gouvernement. La mobilisation internationale doit continuer pour obtenir l’annulation de sa peine et exiger la levée de toutes les sanctions et la liberté de création pour les artistes du monde entier."

Le prochain Asghar Farhadi à Cannes ou à Venise?

Posté par vincy, le 2 février 2016

Le cinéaste iranien Asghar Farhadi (Une séparation, Le passé) est en tournage dans son pays depuis décembre. Selon Le Film Français, le tournage du film, Forushande, sera terminé à la fin du mois de février. Toujours produit et distribué par Memento Films, le réalisateur continue d'explorer ses sujets habituels: la classe moyenne iranienne au coeur d'un dilemme moral.

Il a enrôlé une de ses actrices fétiches Taraneh Alidoosti (Les enfants de Belle Ville, La Fête du feu, À propos d'Elly). La comédienne de 32 ans avait reçu un prix d'interprétation féminine à Locarno en 2002 pour Moi, Taraneh, 15 ans de Rasoul Sadr Ameli. L'autre rôle principal est tenu par Shahab Hosseini, 41 ans, qui a déjà joué pour Farhadi dans A propos d'Elly et surtout Une séparation, qui lui a valu un prix d'interprétation à Berlin.

La sortie en France est calée à septembre prochain. Ce qui pose désormais la question de la date de son avant-première mondiale: Festival de Cannes (où Le passé avait été récompensé pour son actrice, Bérénice Bejo) ou Festival de Venise (où aucun film du réalisateur n'a encore été sélectionné) ?

Cannes 2015: Carte postale d’Iran

Posté par vincy, le 24 mai 2015

Pour terminer notre série "Carte postale de Cannes", nous avons choisi l'Iran. A Cannes, Berlin, Venise, le cinéma iranien n'a jamais été en manque de reconnaissance. Et dès que la censure ou la justice de ce pays malmène les cinéastes, on peut compter sur les trois grands festivals pour défendre ou offrir une tribune aux réalisateurs iraniens, et bien entendu sélectionné leurs oeuvres.

depuis près de 25 ans, l'Iran s'invite à Cannes. Depuis plusieurs décennies, Venise et Berlin lui servaient de vitrine. Mohsen Makhmalbaf, Abolfazl Jalili, Babak Payami, Reza Naji, Parviz Kimiavi, Sohrab Shahid Saless, Shirin Neshat, Saman Salvar, Abolfazl Jalili, Hassan Yektapanah, Bahman Ghobadi, Niki Karimi sont autant de cinéastes primés ici et ailleurs. A Cannes, l'exilée Marjane Satrapi et Samira Makhmalbaf ont reçu le prix du jury. La Caméra d'or à été décernée à Mohsen Amiryoussefi (2004), Hassan Yektapanah (2000), Bahman Ghobadi (2000), Jafar Panahi (1995). Kiarostami (Palme d'or mais aussi Leopard d'or à Locarno), Asghar Farhadi (Ours d'or à Berlin) et bien sûr Jafar Panahi (Ours d'or, Lion d'or à Venise, Caméra d'or et Carrosse d'or à Cannes et Léopard d'or) sont les trois grandes figures du cinéma iranien contemporain.

Les deux premiers préfèrent aujourd'hui tourner à l'étranger. Le troisième est devenu l'emblème d'un cinéma persécuté. Cinéaste condamnée à rester chez lui, à ne plus filmer, il contourne sa sanction judiciaire en tournant clandestinement. Son dernier film, le magnifique Taxi Téhéran, prouve une fois de plus que le cinéma n'est pas une question de moyens mais de regard. La censure a toujours été contournée d'une manière ou d'une autre, par un formalisme (allégories) ou par des métaphores. Lui va beaucoup plus loin en bravant le pouvoir iranien, et en tournant dans des lieux "clos", tout en dénonçant l'absurdité du jugement qu'il subit.

L'Iran est un grand pays de cinéma, mais il reste liberticide. Il y a bien un cinéma d'auteur international, produit périlleusement, avec l'appui de partenaires étrangers, souvent interdits dans le pays (mais tacitement et hypocritement accepté, au nom d'une forme de gloire chauvine) et un cinéma grand public, acceptée voire financée par l'Etat dès qu'il s'agit de prosélytisme. Des films comme Une séparation sont l'exception. Quant au cinéma farsi, des romances simples avec des scènes de bagarre ou de danse, ils restent les plus populaires.

Car le cinéma iranien est loin d'être mort. Il renaît même, dans une certaine mesure. On y produit entre 70 et 90 films par an, mine de rien. De nouvelles salles s'ouvrent. Et si les films étrangers se passent sous le manteau, en version piratée, les Iraniens continuent d'aller en salles. Certains films dépassent le million d'entrées.

Vesoul 2015 : la Chine, l’Iran et les thrillers à l’honneur

Posté par MpM, le 10 février 2015

fica2015Il fut longtemps le plus important festival de cinéma asiatique de France, il est désormais le seul de cette envergure. Alors que l'on apprend semaine après semaine l'arrêt (ou la suspension) de manifestations consacrées au cinéma, le Festival des cinémas d'Asie de Vesoul tient bon. Mieux, après les fastes de son 20e anniversaire, il revient en 2015 avec une programmation solide, élégante et ambitieuse qui permet une fois de plus de concilier tous les publics, des plus cinéphiles aux plus néophytes, avec un seul mot d'ordre : la curiosité.

Le secret d'une telle longévité réside bien sûr dans toute une alchimie d'éléments. Mais avant tout, c'est le fruit de vingt années de travail acharné et patient de la part de ses créateurs, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui n'ont jamais cessé de poursuivre leur rêve : partager leur passion avec le plus grand nombre. La 21e édition du FICA qui s'ouvre ce 10 février est ainsi le résultat de leurs efforts, mais aussi le terreau des éditions futures dont on sait déjà qu'elles ne céderont ni en exigence, ni en qualité. Un rendez-vous solide et incontournable s'est en effet établi à Vesoul et les plus grandes personnalités du cinéma asiatique y vont désormais comme on va à Cannes ou Venise.

Cette année, c'est ainsi le réalisateur chinois Wang Chao, par ailleurs président du jury international, qui recevra le Cyclo d'or d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre. Un hommage sera également rendu au cinéaste Wu Tianming qui avait lui aussi été honoré à Vesoul en 2007. Le cinéma chinois sera décidément à la fête lors de cette 21e édition puisqu'une rétrospective de 36 films présentera également des oeuvres de cinéastes des troisième, quatrième, cinquième et sixième générations.

Autre temps fort du FICA 2015, la section thématique intitulée "Tenir en haleine" proposera de voir ou revoir des films comme Ajami de Scandar Copti et Yaron Shani, Sparrow de Johnnie To, Infernal affaires d'Andrew Lau et Alan Mak, Mystery de Lou Ye, ou encore Black coal de Diao Yi'nan... En parallèle, les compétitions longs métrages et documentaires réserveront elles-aussi leurs quotas d'émotion avec des films venus de tout le continent asiatique.

Enfin, le FICA n'oublie pas le cinéma iranien qui sera représenté par la société de production "Iraniens indépendants" et six de ses derniers films, inédits en France. Comme le soulignent les organisateurs du festival, il s'agit de rendre hommage à une société courageuse dans laquelle faire du cinéma librement ne va pas de soi. Car c'est aussi cela, l'esprit du Festival de Vesoul : s'engager aux côtés des cinématographies fragiles ou bafouées et rappeler sans cesse la nécessité de faire mais aussi de montrer et de voir un cinéma militant qui lutte pour la simple liberté d'exister.

Conscient et soucieux de ces enjeux, Ecran Noir est d'autant plus fier d'accompagner cette belle manifestation pour la 8e année consécutive et forme le vœu d'être à nouveau à ses côtés tout au long de sa troisième décennie... et au-delà.

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Festival des cinémas d'Asie de Vesoul
Du 10 au 17 février 2015

Programme et informations sur le site de la manifestation

2014: les 10 actualités les plus consultées de l’année

Posté par vincy, le 3 janvier 2015

kristin scott thomas

Voilà dix actualités qui ont intrigué plus que les autres. La variété des sujets fait plaisir. A Ecran Noir, on n'aime pas les étiquettes. Politique ou économique, people ou cinéphilique, on note quand même chez vous, lecteurs, un goût prononcé pour ce qui peut révolter et passionner. On reste suspendu à la décision de Kristin Scott Thomas, attentif à l'avenir des studios de Bry-sur-Marne, inquiet de la disparition de festivals, observateurs des nouveaux équilibres mondiaux du cinéma, et mobilisé pour défendre tous ceux qui sont victimes de régimes oppresseurs.

  1. Kristin Scott Thomas change de vie: "Je me suis dit tout d'un coup que ne pouvais pas faire face à un autre film"
  2. Cannes 2014, les prétendants: Les trop nombreux espoirs du cinéma français
  3. Des propositions pour promouvoir le cinéma en Afrique francophone
  4. Benjamin Biolay et Olivia Ruiz sur la Croisette
  5. Le festival du film asiatique de Deauville annulé en 2015
  6. Trois films pour redécouvrir Bo Widerberg
  7. Les studios de Bry sur Marne victimes de la spéculation immobilière
  8. Les relations ambivalentes entre la Chine et Hollywood
  9. Mobilisation pour la réalisatrice iranienne Mahnaz Mohammadi
  10. Trop de films français? Le point de vue de 5 personnalités

Iranien de Mehran Tamadon : l’expérience du vivre ensemble

Posté par MpM, le 6 décembre 2014

iranienDepuis mercredi, on peut voir sur quelques écrans (privilégiés) un drôle d'objet cinématographique qui mêle un concept digne de la téléréalité (faire vivre ensemble sous le regard de la caméra une poignée d'individus qui ne se connaissent pas) à une expérience éminemment sérieuse de confrontation d'idées entre des Iraniens partisans du pouvoir religieux en place et le réalisateur, laïc convaincu qui ne cache pas son athéisme.

Mehran Tamadon, dont on avait beaucoup aimé Bassidji en 2010, récidive donc dans sa tentative de dialoguer avec les tenants de la république islamique, à la recherche d'un dénominateur commun qui rende le vivre ensemble possible. L'idée du cinéaste est de raisonner à partir d'une mini-société à l'échelle d'une maison. Dans les chambres, chacun est libre d'afficher ce qu'il souhaite et d'obéir aux règles qui sont les siennes. Mais le salon, espace commun ouvert à tous, doit être organisé dans le respect mutuel de chacun, en respectant les croyances et la liberté de tous les habitants.

Face à cette société utopique, les dissensions mais aussi les points de compromis possibles apparaissent. Le cinéaste remporte peu de victoires (ses interlocuteurs jouent souvent la mauvaise foi) mais il peut se targuer de fissurer le front de certitudes qui s'opposait au départ à lui. Tout comme lui, les Mollahs consentent à adoucir leur doctrine. L'un accepte qu'une certaine photo (qu'il juge choquante) soit affichée dans le salon, l'autre tolère qu'on écoute des chansons alors qu'elles lui semblent néfastes. Sous l'œil discret de la caméra, un petit miracle se fait, et on aperçoit la possibilité d'une entente, presque d'une fraternité entre ces hommes que tout semblait opposer.

Mais bien sûr, ce ne sont pas cinq hommes dans un salon qui changent une société en 48h, et le film n'essaye jamais de nous le faire croire. On sent pourtant que ce pourrait être un début, un premier pas, une étape dans la compréhension réciproque entre individus qui, au fond, se craignent surtout parce qu'ils n'ont pas l'habitude de se parler.

La meilleure preuve de l'importance symbolique de ce genre d'initiative est d'ailleurs donnée dans l'épilogue d'Iranien, lorsque l'on apprend que le réalisateur s'est vu retirer son passeport, puis menacé, suite au tournage, d'être définitivement interdit de sortie du territoire. En effet, ce genre de rapprochement dérange le pouvoir en place, parce qu'il empêche la diabolisation de l'autre et favorise la fraternisation et la tolérance. C'est dire son importance, et l'absolue nécessité de réaliser, et de soutenir, de tels films.