Les Arcs 2017 couronne Lean on Pete de Andrew Haigh

Posté par MpM, le 23 décembre 2017

C'est Lean on Pete, le nouveau film d'Andrew Haigh, déjà acclamé pour 45 ans en 2015 et Week-end en 2011, qui a triomphé au 9e festival de cinéma européen des Arcs.  Basé sur un roman de Willy Vlautin, il raconte l'histoire de Charley, un adolescent de quinze ans, qui se prend de passion pour Lean on Pete, un cheval de course appartenant à son employeur.

Andrew Haigh poursuit dans la veine du récit intimiste qui a fait son succès, mais le situe dans les vastes paysages de l'Ouest des Etats-Unis qui lui apportent une certaine ampleur. Si la trajectoire du personnage principal a des accents déchirants, la construction de l'histoire elle-même laisse grandement à désirer. On a l'impression d'un film qui voudrait aborder tous les sujets et tous les styles à la fois, multipliant les rebondissements dramatiques plus ou moins convenus, et les digressions inutiles. Lean on Pete mélange ainsi road movie traditionnel, portrait d'un pays au fil des rencontres archétypales du personnage (les vétérans, les laissés pour compte...),  film initiatique et même mélodrame. Cela fait beaucoup pour un seul film, qui paraît de ce fait très long et un peu indigeste, malgré quelques beaux passages.

Le jury, présidé par la réalisatrice française Céline Sciamma et composé de la comédienne belge Natacha Régnier, du réalisateur hongrois László Nemes, du compositeur russe Evgueni Galperine, de la comédienne française Clotilde Courau, de la réalisatrice franco-lituanienne Alanté Kavaïté et de l'acteur et réalisateur franco-tunisien Sami Bouajila, n'en a toutefois pas jugé ainsi, et remet quatre prix (sur six) au film : Flèche de Cristal, Prix d'interprétation masculine (Andrew Plummer), meilleure musique originale (James Edward Baker) et meilleure photographie (Magnus Nordenhof Jonck). Il a également choisi de récompenser Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli (Grand prix du jury) et Mademoiselle Paradis de Barbara Albert (Prix d’interprétation féminine pour Maria-Victoria Dragus).

A noter que deux autres films ont tiré leur épingle de la compétition : La Mauvaise Réputation de Iram Haq, prix du public et mention spéciale du jury jeune, ainsi que The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke qui reçoit le prix du jury jeunes, le Prix 20 Minutes d’Audace et une mention décernée par le jury de la presse.

Enfin, côté courts métrages, c'est un de nous chouchous de 2017 qui a séduit le jury présidé par le réalisateur Rémi Bezançon, et composé de la comédienne Frédérique Bel, le réalisateur Nicolas Bary, la comédienne Alysson Paradis, le réalisateur Morgan Simon, le comédien Swann Arlaud, et le programmateur Laurent Guerrier : le très beau Los Desheredados de la réalisatrice espagnole Laura Ferrès.

Le palmarès complet

Flèche de Cristal
Lean on Pete de Andrew Haigh

Grand Prix du Jury
Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli

Prix d’interprétation féminine
Maria-Victoria Dragus dans Mademoiselle Paradis de Barbara Albert

Prix d’interprétation masculine
Andrew Plummer dans Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure musique originale
James Edward Baker pour Lean on Pete de Andrew Haigh.

Prix de la meilleure photographie
Magnus Nordenhof Jonck pour Lean on Pete de Andrew Haigh

Prix du Public
La Mauvaise Réputation de Iram Haq

Prix de la Presse
Arrhythmia de Boris Khlebnikov.
Mention spéciale pour The Captain- L’Usurpateur, de Robert Schwentke

Prix 20 Minutes d’Audace
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke

Prix Cineuropa
Sonate pour Roos de Boudewijn Koole

Prix du Meilleur court-métrage
Los Desheredados de Laura Ferrès
Mention spéciale pour Koropa de Laura Henno.

Prix du Jury Jeune
The Captain - L’Usurpateur de Robert Schwentke
Mention spéciale pour La Mauvaise Réputation d’Iram Haq.

Les Arcs 2017 : l’émigration s’invite en compétition

Posté par MpM, le 20 décembre 2017

Il est toujours fascinant d'observer comment, dans le cadre d'un festival, les thématiques se répondent d'un film à l'autre, et viennent donner du monde une vision particulière, renforcée par le hasard (et les coïncidences) des sélections. Ainsi, trois films présentés dans la compétition officielle de ce 9e festival des Arcs traitent plus spécifiquement des questions de migration, d'exil et d'expatriation : La mauvaise réputation d'Iram Haq, The charmer de Milad Alami et Beyond words d'Urszula Antoniak.

Le premier prend le sujet à contrepied en racontant l'histoire, inspirée de l'expérience personnelle de la réalisatrice, d'une jeune fille d'origine pakistanaise vivant en Norvège, parfaitement intégrée, qui est enlevée par sa famille puis envoyée au Pakistan, pays qu'elle ne connaît pas et avec lequel elle doit se confronter. Le deuxième raconte le combat mené par Esmail, un jeune homme iranien dont le permis de résidence au Danemark a été refusé. Son seul espoir réside dans le fait de se marier avec une Danoise, ce qui l'oblige à draguer inlassablement toutes les jeunes femmes qu'il rencontre. Le troisième s'intéresse à Michael, un jeune avocat d'affaires talentueux exerçant à Berlin et cherchant à dissimuler au maximum ses origines polonaises.

A chaque fois, il y a une originalité dans la manière de traiter le sujet de l'exil et de l'intégration. L'angle choisi par Milad Alamai est à ce titre particulièrement intéressant puisqu'il place son personnage dans une situation de "séduction" permanente complètement intenable, faisant de lui une sorte de gigolo dissimulé à qui toute sincérité est refusée. Son parcours est un peu trop tracé d'avance (notamment dans la dernière partie du film qui multiplie les maladresses de scénario), mais il est malgré tout assez représentatif d'une détresse humaine impossible à exprimer. Le personnage, en plus du stress de sa situation, souffre en effet à la fois de la honte de devoir utiliser son corps, de la culpabilité de mentir aux femmes qu'il rencontre et du déshonneur de trahir sa famille.

Le réalisateur parvient à s'abstraire de tout misérabilisme, grâce à des scènes très courtes et une mise en scène tout en retenue, et suggère habilement à la fin que le destin d'Esmail n'a rien d'un cas particulier. Il observe ainsi un durcissement des conditions d'accueil des réfugiés qui les pousse à renoncer à toute dignité élémentaire. Car tout le paradoxe est là : Esmail est intégré socialement, a un travail, et parvient à se débrouiller au Danemark, mais il doit malgré tout monnayer son corps et ses sentiments dans le but d'être autorisé à rester.

Discours plus ambigu dans Beyond words d'Urszula Antoniak, une réalisatrice néerlandaise d'origine polonaise, qui s'inspire de son propre vécu d'émigrante pour dresser le portrait d'un jeune homme parfaitement intégré dans le pays où il a choisi de vivre, et qui pourtant n'y serait pas parfaitement à sa place. On a de quoi être dérangé par le fort relent de déterminisme qui émane de la cinéaste pour qui son personnage continue d'appartenir au monde des réfugiés vivant dans des conditions précaires bien qu'il soit installé depuis longtemps en Allemagne et ait réussi à y avoir une belle carrière.

Avec un mélange de naïveté et de didactisme, le film traque en lui tout ce qui le distingue d'un "vrai" Allemand, s'embourbant dans un parallèle douteux avec un réfugié africain tentant d'obtenir le droit d'asile. On vous passe la justification hallucinante du choix d'une image noir et blanc pour mieux renforcer ce qui semble être le message clef du récit : il est plus facile pour un émigré blanc de passer inaperçu en Allemagne, que pour un émigré noir. C'est d'autant plus regrettable que le film dispose de belles qualités esthétiques et qu'il sonne juste lorsqu'il s'attache aux scènes de rue, aux respirations dans un Berlin parfaitement capté, ou encore à la relation ténue et hésitante qui se tisse entre le personnage et son père qu'il croyait mort.

On sent ainsi que le cinéma a besoin de s'emparer du sujet de l'exil et des migrations, volontaires ou contraintes, et d'interroger à la fois les représentations du migrant (Esmail comme Michael sont loin de la figure stéréotypée du réfugié en galère) et l'histoire particulière de chaque pays avec son immigration. Pourtant, le sujet le plus brûlant, celui des réfugiés de guerre ou victimes de répression politique, et qui est au coeur des préoccupations européennes actuelles, est étonnamment hors champ, laissé à distance. Comme s'il était trop tôt (trop douloureux ?) de se pencher sur une réalité contemporaine dans laquelle la responsabilité collective est plus présente.

Göteborg 2014 : retour sur la compétition nordique et ses personnages en quête d’eux-mêmes

Posté par MpM, le 5 février 2014

Pussy Riot Poster pour Göteborg Film Festival 2014La compétition de longs métrages nordiques du 37e Festival international du film de Göteborg se composait de huit films venus du Danemark, de Finlande, d’Islande, de Norvège et de Suède. Outre une grande qualité d'écriture et de mise en scène, tous ont en commun des personnages forts exposés à une certaine difficulté de vivre, difficulté souvent plus existentielle qu’économique, symbolisée par le fait que la plupart des protagonistes ne savent pas trop quoi faire de leur vie.

A l’heure des bilans…

Certains personnages sont déjà à l’heure des bilans et essayent tout simplement d’aller de l’avant. C’est le cas du pêcheur de Sunfish de Søren Balle (Danemark) qui doit faire face à de multiples changements dans son existence. Plus il se bat pour lutter contre ce mouvement, plus son existence prend l’eau. Pour s’en sortir, il n’aura au final d’autre choix que de se remettre complètement en questions, exactement comme la femme mourante de The quiet roar de Henrik Hellström (Suède).

Cette dernière veut comprendre pourquoi, et comment, elle a gâché sa vie. Grâce à un procédé confidentiel dont on ne saura pas grand-chose, elle voyage psychiquement dans le temps et a l’occasion de revivre, en tant que spectatrice, un épisode déterminant de sa vie. Confrontée à une version plus jeune d’elle-même, et à son ancien mari, elle prend peu à peu conscience des causes et des conséquences de ses choix passés. D’une certaine manière, elle trouve ainsi la paix dans ce voyage intérieur.

Dans un registre plus léger, of horses and menOf horses and men de Benedikt Erlingsson (Islande) met en scène des personnages guidés par leurs instincts les plus profonds. Qu’il s’agisse de se procurer de l’alcool, de conquérir la femme de sa vie ou de défendre son territoire, ils sont prêts à tout, quitte à y laisser la vie.

Leur quête n’a certes pas grand-chose à voir avec des motifs existentiels, mais il semble que cela soit leur manière, unique, hilarante et désespérée à la fois, de trouver le bonheur.

… ou à l’aube de l’existence

letter to the kingQuoi qu’il en soit, ce sont assez logiquement les personnages les plus jeunes qui semblent le plus en quête d’eux-mêmes. En tout cas, c’est l’impression que donnent la plupart des films en compétition dans cette 37e édition du festival. Ainsi, dans Letter to the king, le réalisateur Hisham Zaman (Norvège) suit un groupe de migrants en excursion à Oslo.

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Göteborg 2014 : sur le plus grand marché de cinéma nordique du monde

Posté par MpM, le 3 février 2014

Pussy Riot Poster pour Göteborg Film Festival 2014Tout en étant volontairement tourné vers le grand public, le Festival international du Film de Göteborg a su se doter au fil des années d'un volet professionnel d'envergure qui en fait désormais le lieu incontournable pour tous ceux qui sont intéressés, de près ou de loin, par le cinéma nordique.

Lors de cette 37e édition, les différentes sections du festival proposaient ainsi des premières mondiales comme celles de Something Must Break d'Ester Martin Bergmark, City of thieves de Johan Renck ou encore Tommy de Tarik Saleh, tandis que le marché, qui attire les professionnels de toute l'Europe, mettait l'accent sur les projets en cours de réalisation.

Parmi les work in progress présentés à Göteborg ont notamment été dévoilés des extraits du très attendu Tourist de Ruben Ostlund (Play, Happy Sweden), d'Itsi Bitsi, le nouveau film d'Ole Christian Madsen (Prague, Les soldats de l'ombre), de Paris of the North de Hafsteinn Gunnar Sigurdsson (Either way) ou encore de Gentlemen de Mikael Marcimain.

En tout, 40 films ont ainsi été présentés dans le cadre du marché, dont le phénomène Blind d'Eskil Vogt, tout auréolé de son prix du meilleur scénario à Sundance, et qui s'est fait connaître en co-écrivant les deux premiers films de Joachim Trier Nouvelle donne et Oslo, 31 août.

Enfin, parmi les différentes table-rondes et rencontres, il faut souligner le Nordic Film Lab Discovery qui donnait l'opportunité à dix jeunes talents de venir parler de leurs projets devant un public de professionnels aguerris.  Parmi les participants, on retrouve des réalisateurs comme Iram Haq (I am yours), Izer Aliu (To guard a mountain) et Milad Alami (Nothing can touch me) mais aussi plusieurs producteurs.

Le cinéma nordique poursuit désormais sa conquête du marché mondial à Berlin, où il sera présent en force dans les salles du marché international, et même en compétition (In Order of Disappearance de Hans Petter Moland), avant de rejoindre Cannes, où l'on pourrait découvrir en avant-première mondiale certains des projets qui ont vu le jour à Göteborg.

Le Festival de Cinéma Européen des Arcs couronne Ida de Pawel Pawlikowski

Posté par vincy, le 20 décembre 2013

Ida de Pawel Pawlikowski

Le 5e Festival de Cinéma Européen des Arcs s'achève ce soir par la traditionnelle remise des prix. Le dernier grand grand rendez-vous cinématographique français de l'année se termine sous la neige et avec le sourire. Incontestablement, le Festival a pris de l'ampleur au fil des éditions. Pour preuve, il s'est offert cette semaine une avant-première nationale prestigieuse avec la projection de la première partie de Nymphomaniac, de Lars Von Trier.

Le jury présidé par Nicole Garcia, qui était entourée d'Anna Mouglalis, Anaïs Demoustier, Jonathan Coe, Larry Smith, Dedomir Kolar et Eric Neveux, a décerné huit prix. Ida du polonais Pawel Pawlikoswki a été sacré par le prix du meilleur film mais aussi pour ses deux comédiennes. Autre grand vainqueur, le britannique David Mackenzie dont le film Starred Up (Des poings contre le mur) qui repart avec le prix du public et celui du meilleur acteur.

- Flèche de cristal du meilleur film : Ida, de Pawel Pawlikowski, qui sort en France le 12 février prochain. Le film avait déjà remporté plusieurs prix au Festival de Gijon, le prix du meilleur film au Festival de Londres, le Grand prix au Festival de Varsovie.

- Grand prix du jury : Of Horses and Men, de Benedikt Erlingsson, déjà récompensé par le prix du Nouveau talent au Festival de San Sebastian et par le prix de la mise en scène à Tokyo.

- Mention spéciale du jury : I am Yours, d'Iram Haq.

- Prix d'interprétation féminine : Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska pour Ida.

- Prix d'interprétation masculine : Jack O'Connell pour Starred Up (Des poings contre le mur), de David Mackenzie. l'acteur avait été nominé aux British Independent Film Awards pour ce rôle.

- Prix de la meilleure musique : David Dor Jonsson pour Of Horses and Men.

- Prix de la meilleure photographie : Pau Esteve Birba pour Canibal de Manuel Martin Cuenca.

- Prix du public : Starred Up de David Mackenzie.

D'autres prix ont été distribués lors du festival.

- Prix du jury jeune : Le grand cahier de Janos Szasz.

- Prix de la presse : We are the Best, de Lukas Moodysson. Mention spéciale : Starred Up, de David Mackenzie.

- Prix Cineuropa : Class Enemy, de Rob Bicek.

- Prix "Femme de Cinéma" : la réalisatrice Jasmila Zbanic.

- Prix du Work In Progress : No One's Child de Vuc Rsumovic.

Cette année, le FCEA a présenté 12 films en compétition et rendu hommage aux pays de l'ancienne Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Serbie et Slovénie). Plus de 15 000 entrées ont été enregistrées, battant ainsi le record de fréquentation de 2012. Avec 600 accrédités qui se sont croisés au Village des Coproductions, au Village des Ecoles, au Work In Prgress et aux journées DIRE, sans oublier les pistes de skis et les bars de la station, le Festival se professionnalise un peu plus.