Le festival international du film de Portland, c’est du « Made in Oregon »

Posté par Sarah, le 24 février 2011

Nous sommes à une période charnière dans l'année en ce qui concerne le cinéma. Les festivals abondent, les nominations et les statuettes aussi. Après avoir suivi les Golden Globes et le Festival de Sundance (du 21 au 30 janvier), et avant d'attaquer les Oscars (le 27 février), le public américain a de quoi se reposer lors du PIFF- le Festival International du Film de Portland (Oregon), qui se tient jusqu'au 26 février. La sélection est impressionnante, et le public, plutôt local, ne reste pas sur sa faim. Le PIFF, qui peut être considéré comme faisant partie de la seconde zone par certains,  en est néanmoins à sa 34ème édition et les fidèles y reviennent chaque année, et pour cause.

Auréolés par le festival de Sundance (Utah), les films de la région partent grand favoris. Parmi eux, on peut citer How To Die in Oregon de Peter D. Richardson, qui a reçu le prix du meilleur documentaire à Park City (Utah), et l'étonnant The Woods du réalisateur orégonais Matthew Lessner. Le premier traite de l'application de la légalisation du suicide assisté dans l'Etat de l'Oregon, qui est le premier du pays à l'avoir autoriré en 1995. Le réalisateur suit plusieurs personnes ayant choisi d'avoir recours à cette méthode, et une personne qui la refuse. Le deuxième, qui est une fiction,  raconte l'histoire d'une bande de bobos un peu stupides, qui partent vivre dans la forêt pour se reconnecter avec la nature et préparer une révolte politique. Tout un programme.

Le festival fait également la part belle aux films venus du monde entier (Europe, Asie, Moyen-Orient, Amériques, Pacifique, etc.). En effet, plus de 45 pays y sont représentés. On retrouve l'onirique palme d'or de Cannes Oncle Bonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, et l'ours d'or 2010, Miel du Turc Semih Kaplanoglu. Par ailleurs, le festival donne un avant-goût des Oscars avec la projection de deux films nominés dans la catégorie du film étranger : le danois Revenge de Susanne Bier et le dernier film du Canadien Denis Villeneuve, Incendies.

Ici à Portland, deux avants-premières sont particulièrement attendues. Celles de deux films réalisés dans la ville même, Cold weather d'Aaron Katz et Some Days are Better than Others de Matt Cormick qui traitent de sujets importants, fortement ancrés dans le réel et plutôt graves. Ils nous parlent simplement - mais pas de façon simpliste - du monde actuel et des aléas de la vie, en touchant au plus près le spectateur.

Bien entendu, le festival n'oublie pas le cinéma français ou de langue française. Le film de François Ozon, acclamé par le public et la critique à l'automne dernier  Potiche, a ouvert le festival. Le public américain pourra aussi voir l'étonnant Rubber de Quentin Dupieux, s'émerveiller devant Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois, mais aussi découvrir Copie conforme d'Abbas Kiarostami avec Juliette Binoche et La princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier. Une bien belle sélection.

27e Festival de Sundance : les films remarqués et le palmarès

Posté par vincy, le 30 janvier 2011

Le 27e Festival de Sundance vient de se conclure (voir aussi actualité du 2 décembre 2010). Premier coup d'envoi de la saison cinématographique 2011, la manifestation demeure la plus importante aux USA, attirant tous les studios hollywoodiens qui viennent y faire leur marché. Berlin et Cannes vont y chercher quelques unes des productions pour leurs sections parallèles. C'est assez paradoxal de voir le gratin de l'industrie cinématographique venir dans cette ville perdue de l'Utah alors que le festival était dédié à l'origine aux films qui ne parvenaient pas à exister dans le système.

Robert Redford, le créateur de Sundance, insiste sur les intentions du festival : "Garder un esprit modeste pour ce festival est fondamental. On peut devenir plus gros, plus grand, avoir toujours plus de succès, mais conserver cette idée (de modestie) est ancré en nous". "L'idée a toujours été, très simplement, de faire tout ce qui était en notre pouvoir pour offrir de nouvelles opportunités aux artistes. C'était notre engagement et ça le reste".

"Le nombre de films qui présentent leur candidature au festival reste très élevé: nous avons dépassé les 10 000 pour la première fois cette année" a déclaré John Cooper, directeur général du festival. "C'est une très bonne nouvelle pour la vitalité du cinéma indépendant", ajoute-t-il. Le festival a présenté cette année 118 longs métrages, dont 40 premiers films et 95 premières mondiales, venus de 29 pays.

Des stars du monde entier

Parmi eux les avant-première très étoilées de Cedar Rapids, avec  John C. Reilly, Anne Heche et Sigourney Weaver, The Details, avec Tobey Maguire, Elizabeth Banks, Laura Linney, Ray Liotta et Dennis Haysbert, The Devil's Double, de Lee Tamahori, avec Dominic Cooper et Ludivine Sagnier, Margin Call, avec Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons et Stanley Tucci, My Idiot Brother, avec Paul Rudd, Elizabeth Banks, Zooey Deschanel et Emily Mortimer, Perfect Sense, avec Ewan McGregor et Eva Green, Salvation Boulevard, avec Pierce Brosnan, Jennifer Connelly, Ed Harris, Greg Kinnear et Marisa Tomei, ou encore The Son of No One (en photo), avec Channing Tatum, Al Pacino, Katie Holmes, Tracy Morgan, Ray Liotta et Juliette Binoche, qui a clôturé le festival.

Toujours à Sundance, on a pu voir de nombreux films étrangers : Attenberg du grec Athina Rachel Tsangari, Troupe d'élite 2 du brésilien Jose Padilha, I Saw the Devil du coréen by Kim Jee-woon, le golden globe du meilleur film en langue étrangère In a Better World, de la danoise Susanne Bier, le magnifique Incendies du québécois Denis Villeneuve, le cannois Kaboom de Gregg Araki, Old Cats des chiliens Pedro Peirano et Sebastian Silva, ou encore Submarine du britannique Richard Ayoade.

"Pendant la programmation de cette édition, nous avons voyagé davantage, fortement renforcé nos relations internationales et amélioré la qualité des films étrangers sélectionnés", affirme John Cooper.

Mais Hollywood n'est jamais très loin, notamment dans les questions de la presse. Denis Villeneuve (Incendies, hors-compétition) y a réagit à sa nomination aux Oscars dans la catégorie meilleur film en langue étrangère : "Ce qui s'est passé pour moi ce matin, ça relève d'un accident de voiture. J'en ai des images, des souvenirs, mais je n'ai aucun recul. Je suis entre deux mondes, je n'arrive pas à y croire". Ludivine Sagnier (The Devil's Double, inspiré de faits réels) assure qu'elle "ne rêve pas de travailler dans une superprodction américaine, même si cela fait certainement partie des expériences à avoir dans la vie". "Mais il n'y a pas qu'Hollywood qui m'intéresse", ajoute-t-elle. "J'ai aussi envie de travailler en Corée, au Mexique, en Chine... L'idée d'être un électron libre me plaît. Je me sens bien dans la diversité, dans la liberté et l'indépendance". Ce que Sundance veut être.

Le business a pourtant été omniprésent. Les professionnels américains sont en proie au doute avec un box office assez terne, une baisse des entrées, une crise artistique. À Sundance, ils viennent chercher de nouveaux talents, de nouveaux styles. Année après année, les films remarqués au Festival glanent des nominations aux Oscars, séduisent des publics de cinéphiles, révèlent des artistes. Rien que cette année, The Kids are all right et Winter's Bone, deux surprises de Sundance 2010, sont parmi les films qui ont compté en se plaçant dans la plupart des palmarès américains.

La Palmarès de Sundance a donc valeur de critères :

- Grand Prix du Jury - Fiction américaine : Like Crazy de Drake Doremus (en photo)

- Grand Prix du Jury - Documentaire américain : How to die in Oregon de Peter Richardson

- Grand Prix du Jury - Fiction étrangère : Happy, happy de Anne Sewitsky (Norvège)

- Grand Prix du Jury - Documentaire étranger : Hell and back again de Danfung Dennis (USA-Grande-Bretagne)

- Prix Spécial du Jury - Fiction américaine : Another earth de Mike Cahill

- Prix spécial du Jury - Fiction étrangère : Tyrannosaur de Paddy Considine (Grande-Bretagne)

- Prix Spécial du Jury - Documentaire américain : Being Elmo: A Puppeteer’s Journey, de Constance Marks

- Prix Spécial du Jury - Documentaire étranger : Position among the stars de Leonard Retel Helmrich (Pays-Bas)

Like Crazy est l'histoire d'un amour fou entre un Américain et une Britannique, rudement mis à l'épreuve par la distance. How to die in Oregon est un plaidoyer en faveur de l'euthanasie et suit les pas de plusieurs malades en phase terminale ayant décidé de mettre fin à leurs jours dans l'Etat d'Oregon, où la loi les y autorise. Happy, Happy raconte la renaissance sexuelle d'une femme au foyer dans les bras de son voisin. Hell and back again retrace le difficile retour au foyer d'un Marine de 25 ans, Nathan Harris, grièvement blessé au combat en Afghanistan.

D'autres prix ont été remis avec le prix de la meilleure photographie pour une fiction étrangère remis au film colombien Todos tus muertos, les Prix du public pour le documentaire britannique Senna de Asif Kapadia, le film américano-rwandais Kinyarwanda d'Alrick Brown, le documentaire américain Buck de Cindy Meehl et la fiction américaine Circumstance de Maryam Keshavarz. Enfin l'Américaine Erica Dunton et son film To.get.her repartent avec le prix Next, destiné à récompenser un film à tout petit budget.

Sundance a aussi été ému par Family portrait in black and white, signé Julia Ivanova, une cinéaste russe installée au Canada où Olga l'Ukrainienne a recueilli seize enfants métis et créé une famille unique en son genre dans un pays où la population est presque totalement blanche et où le racisme est monnaie courante. L'actrice américaine Jennifer Siebel Newson, dans Miss Representation, a dénoncé la piètre représentation des femmes dans la société américaine, et appelle hommes et femmes à réagir. L'acteur Michael Rapaport suit la  trajectoire exceptionnelle du groupe "A Tribe Called Quest"  dans Beats, Rhymes and Life: The Travels of A Tribe Called Quest.

Business as usual

Et puis les studios, tous présents, ont sorti leur carnet de chèques. LionsGate distribuera cette année Margin Call, une fiction autour de la crise de 2008 dans un fonds d'investissement ; The Weinstein Company a promis 15 millions de $ de publicité en plus des 7 millions de $ de droits de distribution (USA, France, Royaume Uni, Allemagne, Japon) pour My Idiot Brother (photo) ; les Frères Weinstein ont aussi été généreux avec The Details, acquis pour 8 millions de $ et une promesse de 10 millions de $ en publicité ;  Malgré la concurrence de Summit, Magnolia Pictures et Samuel Goldwyn, Sony Classics a misé sur The Guard, histoire d'un policier irlandais et d'un agent du FBI dans une affaire de trafic de drogue ; Fox Searchlight a fait son marché avec Another Earth (pour un joli montant, et par ailleurs prix Alfred P. Sloan), Martha Marcy May Marlene, Homework, Win Win, Bengali Detective et Cedar Rapids ; Roadside a opté pour le film produit par HBO, Project Nim (du nom du chimpanzé élevé comme un enfant dans les années 70)...

Mais toute cette activité financière ne doit pas faire oublier que les studios ont été extrêmement prudents, et longs à négocier. Les modèles économiques (salles de cinéma, télévision, internet, VOD) perturbent les schémas. Certains préférant conserver des contrats à l'ancienne tandis que d'autres, moins nombreux, s'essaient à de nouveaux types de diffusion.

Sundance n'est encore qu'au début de la révolution du cinéma indépendant. À l'image de ce film de Kevin Macdonald, Life in a Day, produit avec YouTube et livrant un montage de 5 000 heures d'archives d'images provenant d'Internet.