Parité, égalité, diversité : le cinéma s’engage derrière le collectif 5050

Posté par redaction, le 18 novembre 2019

En pleine affaires Haenel et Polanski, les Assises sur la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, organisées par le Collectif 50/50 en partenariat avec le CNC tombaient à pic jeudi dernier. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a d'ailleurs fait le déplacement, tant le sujet est désormais au cœur du secteur. Rappelant qu'il serait toujours du côté des créateurs pour leur liberté de créer, le ministre a concédé qu'il fallait redistribuer les pouvoirs et renforcer les moyens. Mais surtout il a annoncé le conditionnement du versement de "toutes les aides du CNC" au "respect d’obligations précises en matière de prévention et de détection du harcèlement sexuel". De plus il a assuré la mise en place d’une cellule d’alerte à destination des victimes de violences sexuelles dans le secteur du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma dès le 1er janvier 2020.

Car pour le ministre, toutes les affaires qui secouent actuellement le cinéma français sont avant tout les symptômes de la faillite d'un système. Deux ans après #MeToo, la société française semble enfin prendre la mesure des dérives de sa culture patriarcale. Certains se désoleront de cette moralisation voire du puritanisme ambiant, de cette américanisation des mœurs. Mais la France est encore loin des Etats-Unis concernant son rapport au sexe. On ne boycotte pas Gauguin. J'accuse de Roman Polanski a attiré 500000 spectateurs lors de sa première semaine. On peut encore montrer des fesses, un pénis ou des seins sans être interdits aux moins de 16 ans. Les rares appels au boycott sont suivis de peu d'effets, même si quelques ligues religieuses font modifier le classement des films où la sexualité est explicite.

Il était en revanche nécessaire et urgent que la profession se dote de règles et protège ceux et celles victimes de harcèlement ou de violences. Que le créateur soit libre, c'est ce qu'on peut espérer. Que le prédateur qui est potentiellement en lui, puisse agir en toute impunité, on peut légitimement ne pas l'excuser. Dominique Boutonnat, Président du CNC, soutient ainsi la création de sessions spécifiques de formation pour accompagner les professionnels afin de prévenir et agir face à des comportements inappropriés, sur les tournages comme lors de la promotion d'un film.

Lors de ces Assises, deux annonces ont été faites. Tout d'abord, la mise en place d'une Charte pour l'inclusion dans le Cinéma et l'audiovisuel pour adapter la loi française à l "inclusion rider" américain et l'appliquer dans les contrats français. Cette charte a été signée par neuf syndicats (producteurs, agents, cinéastes, scénaristes...). Cette charte est accompagnée d'une base de données de professionnels issus des minorités, la Bible 5050.

Ensuite, la mise en place d'une autre Charte pour la parité et la diversité dans les sociétés des distribution, d'édition et d'exploitation cinématographique. "La diversité c'est un constat, l'inclusion c'est un acte" a rappelé la réalisatrice Rebecca Zlotowski. Cette charte a été signée par 40 sociétés de distribution, d'exploitants et d'édition. La circuit CGR a signé la charte lors des Assises.

Le collectif 5050 propose par ailleurs la nomination systématique d'un référent sur les plateaux de tournages, l'inscription d'un rappel à la loi sur le harcèlement dans les contrats, l'implication des assureurs du secteur pour prendre en charge le dommage économique lié à un arrêt de tournage à cause d'un cas de harcèlement, l'inscription de la hotline 3939 "Violences Femmes Info" sur les feuilles de route par les sociétés de production.

Cela ne résoudra pas tous les problèmes (homophobie et racisme sont un peu mis à l'écart), mais en intégrant le concept de discrimination positive et en prenant acte des violences faites aux femmes, il semblerait que le cinéma français se réforme et assimile enfin l'émancipation des femmes.

Cannes 2018 : Le numéro anti-harcèlement reçoit ses premiers appels

Posté par wyzman, le 12 mai 2018

Il y a quelques minutes seulement, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes a annoncé qu'une femme a porté plainte grâce à la plateforme anti-harcèlement mise en place par le Festival de Cannes, révèle Le Huffington Post. Disponibles entre autres dans les sacs des festivaliers, les cartons avec le slogan "Comportement correct exigé. Le harcèlement est puni par la loi" avaient fait sensation au début de cette 71e édition.

Dans une atmosphère post-Harvey Weinstein et surtout post-#MeToo, les organisateurs souhaitaient annoncer la couleur dès le coup d'envoi et marquer leur engagement dans la lutte contre les violences sexuelles. Moquée par certains, l'initiative semble néanmoins porter ses fruits. Au cours d'une interview donnée ce matin, Marlène Schiappa a en effet évoquer le cas d'"une femme anglo-saxonne" qui a été "accompagné[e] au commissariat de police pour déposer une plainte".

Visiblement très fière de l'initiative menée conjointement par son ministère et le Festival de Cannes, Marlène Schiappa a donné quelques précisions sur la plateforme symbolisée par un numéro (04.92.99.80.09) et un hashtag (#NeRienLaisserPasser) : "Trois femmes se relaient jusque tard dans la nuit pour prendre les appels. C'est un numéro important car il marque la fin d'une forme de solitude. Jusqu'à présent, les victimes étaient démunies, particulièrement quand elles ne parlent pas la langue."

Le ruban blanc pour ne plus jamais dire #MeToo

Posté par redaction, le 27 février 2018

Des dizaines de productrices, réalisatrices, scénaristes, actrices ont accompagné un appel lancé par la Fondation des femmes mardi 27 février.

Quelques mois après l'Affaire Weinstein et ses conséquences, et notamment le mouvement #MeToo, le cinéma français embraye sur cette vague de fond pour que cesse les violences faites aux femmes. A l'instar de l'opération Time's Up aux Etats-Unis, elles/ils appellent à donner des fonds pour aider la Fondation des femmes à pouvoir aider des associations qui agissent pour protéger, assister et défendre les victimes. Un hashtag #MaintenantOnAgit est mis en place par la même occasion.

Jeanne Balibar, Julie Bertuccelli, Sandrine Bonnaire, Valérie Bonneton, Isabelle Carré, Cécile Cassel, Camille Chamoux, Camille Cottin, Valérie Donzelli, Mélanie Doutey, Anaïs Demoustier, Virginie Efira, Andréa Ferreol , Audrey Fleurot,  Sara Forestier, Julie Gayet, Adèle Haenel, Agnès Jaoui, Camélia Jordana, Diane Krueger, Aïssa Maïga,  Tonie Marshall, Chiara Mastroianni, Anna Mouglalis, Sabrina Ouazani, Vanessa Paradis, Clémence Poésy, Firmine Richard, Céline Sallette, Céline Sciamma, Leila Slimani, Rebecca Zlotowski, Christine and The Queens font partie des signataires de cet appel.

Les César en blanc

L'Académie des César, soucieuse que la cérémonie de vendredi ne devienne pas une tribune incontrôlable, a décidé de soutenir l'initiative, qu'elle qualifie de "constructive, positive et concrète". Elle demande à ses 1700 invités d'exprimer leur solidarité avec le mouvement "en portant toutes et tous le ruban blanc, symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il sera distribué à l’entrée de la Salle Pleyel."

Finies les robes en noir des Golden Globes. On opte pour un ruban blanc, comme il y a un ruban rouge pour les victimes du Sida. Mais cela suffira-t-il? Il est facile d'épingler un ruban. Les médias relaient bien les différentes prises de paroles. Les César offriront certainement un espace pour un discours militant. Même si on voit mal un grand déballage. En France, aucune personnalité n'a été accusée de harcèlement ou agression sexuelle. Un silence étrange dans la planète cinéma (alors que des Etats-Unis à la Corée du sud, en passant par le Canada les cas ne manquent pas que ce soit dans le cinéma, les spectacles vivants ou la littérature).

Plus grave, et plus concret, les inégalités perdurent: un producteur sur six nommé aux César est une femme, un réalisateur sur dix nommé aux César est une femme. Les écarts salariaux sont énormes (environ 40% entre un cinéaste et une cinéaste), d'autant que les réalisatrices n'ont pas accès aux films à gros budgets. Ce ruban blanc rappellera également que la France, qui pourtant est l'un des cinémas les plus féminisés du monde, ne traite pas les femmes avec égalité.

Appel de la Fondation des femmes

On a subi. Quels que soient nos lieux de vie, nos métiers, nos origines, nous avons subi ou en avons été les témoins de sexisme ou de violences.

On a enduré. Nous sommes passées outre. Nous avons essayé de faire comme si de rien n’était. Nous avons ravalé notre indignation pour avancer.

On s’est tu. Souvent, nous n’avons rien dit. Par crainte. Par habitude. Pour oublier. Ou parce que nous espérions être l’exception plutôt que la règle.

On a crié. Alors que certaines parlaient depuis longtemps sans être entendues, il y a quelques mois, des actrices ont percé le mur du silence.

On a balancé. Elles ont ouvert la voie. A travers le monde, des millions de femmes leur ont fait écho. Grâce aux réseaux sociaux, elles ont mis en commun leur vécu.

On a dénoncé. De nombreuses femmes ont alors pour la première fois trouvé le courage de porter plainte.

On a rassemblé. Parce que nous sommes convaincues que demain ne doit pas ressembler à hier ou à aujourd’hui.

On a polémiqué. Nous vivons toutes le sexisme mais nous ne sommes pas toutes d’accord sur la façon d’y répondre. Parce que nous ne vivons pas les agressions de la même manière.

Maintenant on agit. Nous sommes différentes mais avons une même envie d’agir. Nous voulons créer un présent plus doux pour celles qui souffrent aujourd’hui, et un avenir apaisé pour nos filles et nos fils. Les femmes victimes de violence méritent que les associations qui les accompagnent aient les moyens de le faire dignement. Nous sommes inquiètes : mal accompagnées, les femmes sont vulnérables face à la justice. Il est temps d’agir. Ensemble, soutenons celles et ceux qui œuvrent concrètement pour qu’aucune n’ait plus jamais à dire #MeToo. Donnons.

L’ensemble des dons sera redistribué à des associations reconnues pour leur engagement sur le terrain, leur expertise et leur efficacité, et dont leur sélection et la bonne utilisation de leurs fonds sont garanties par un Comité d’expertes.

Edito: Le Rouge et le Noir

Posté par redaction, le 19 octobre 2017

On peut voir rouge. L'affaire Weinstein est contagieuse: au Canada, au Royaume Uni, en attendant la France, les langues se délient et certaines personnalités médiatico-culturelles voient en quelques heures leur réputation anéantie. Si on ajoute la une de très mauvais goût, et de très grand cynisme, des Inrocks sur Bertrand Cantat, on pourrait facilement dire que la morale part en couilles à cause de mecs qui croient en avoir en tapant du poing ou en exhibant leur bide (on peut remplacer le d par un t).

Est-ce que cela suffira? Certes, les consciences sont réveillés. Les hashtags sur les réseaux montrent l'étendue de ce crime globalisé et si bien passé sous silence grâce à la domination masculine sur le système. Nul besoin de parler de porc - non pas parce qu'on est spéciste, mais les cochons ont un comportement moins bestial que ces humains -, un "me too" suffit pour quantifier l'ampleur de ce "mal" condamnable. Préférons la victimisation à l'insulte. Préférons aussi la nuance: tous les hommes ne sont pas des sales types libidineux (heureusement) et il est bon de rappeler que des hommes ont aussi été victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle (homos ou hétéros).

Rien n'est simple dans cette histoire. Le mâle dominant se voit attaquer sur son talon d'Achille, situé dans le slip: le pénis, son second cerveau. Cela amène certains à faire des commentaires beaufs, en oubliant la souffrance des femmes qui ont du les subir. Cela provoque des réactions indignées ou des incompréhensions méprisantes, en oubliant que la dignité est du côté des victimes qui ont du se taire et ravaler leur colère. Il n'empêche: s'il est salutaire que tout le monde parle, peu importe le milieu professionnel, le pays, la grandeur du traumatisme, attention à ne pas franchir le pas entre dénonciation et délation, à ne pas amalgamer les véritables témoignages des règlements de compte hors-sujet. Cependant le cas monstrueux de Weinstein n'est que la pointe visible de l'iceberg.

De ce scandale, découle d'autres enjeux: une question d'inégalité (salariale pour commencer) entre sexes. Une question d'éducation (où les adultes ont leur part de responsabilité). Une question de société (à commencer par les médias régulièrement sexistes).

Et Le cinéma? Cette machine à fantasmes et reflet du réel, doit aussi réfléchir à la manière dont il fabrique notre vision du monde. Il est capable de militer contre la peine de mort, pour les droits des minorités, mais que fait-il pour les femmes?

De Potiche à Wonder Woman

Les responsabilités et les accès aux postes de réalisation et du scénario sont surtout concentrés dans le cinéma art et essai. Les films d'auteur sont d'ailleurs souvent plus intéressants dans le traitement du féminin (Numéro une, terriblement d'actualité, Jusqu'à la garde, Jeune femme) et affichent frontalement les problèmes d'une société machiste ou misogyne, ainsi que les abus divers, de la violence conjugale aux comportements dominateurs sexistes ou sexuels.

Mais qu'en est-il des blockbusters et des comédies, bref de ces films populaires qui impriment, marquent les consciences collectives? Jean-Pierre Bacri a récemment expliqué, sur France Inter, qu'il a du revoir le scénario du Sens de la fête, et demander aux auteurs de remplacer des personnages masculins par des rôles pour des femmes. Force est de constater que la femme reste, généralement, un second rôle, une potiche, un faire-valoir. Elle doit séduire avant tout. L'homme reste le héros. Il y a bien sur des exceptions et on peut souligner les efforts de Disney et de la littérature jeunesse (Divergente, Hunger Games, Harry Potter) qui impriment dans le cerveau des spectateurs l'image d'une femme puissante, libre, émancipée, et capable de se battre.

C'est donc une bataille culturelle qui s'engage, comme le rappelle La SRF (société des réalisateurs de films) qui trouve là "l'occasion inespérée de lever le voile sur une histoire souterraine que chacun a intégré comme étant légendaire, immémoriale. Une histoire d'inégalité entre les hommes et les femmes, entre les hommes blancs et les autres, les hétéro-normés et les autres, qui mène à des pratiques systémiques jusqu'à présent tolérées et qui sont en train de sombrer avec une certaine idée éculée de la masculinité. Une idée qui altère la communauté des hommes et leur nuit profondément. Nous savons aussi que cette histoire s’inscrit à l’intérieur de celle plus large encore des rapports de pouvoir." Elle ajoute : "Abus de pouvoir, centralisation du pouvoir dans les mains des mêmes, dérives sexuelles s'appuyant sur la part affective à l'œuvre dans le processus de fabrication des films, font de l'industrie du cinéma, qui est loin d'être la seule concernée, une vitrine éloquente de ces abus. La bataille culturelle qui s'annonce ne s'arrêtera pas à quelques têtes qui tombent, satisfaction trouble et temporaire à laquelle nous ne prenons pas plaisir. Elle se mènera sur le terrain de la redéfinition des postes de pouvoir, leur redistribution, leur diversification."

Du citoyen à l'Etat

Mais pas seulement. Car si l'on voit rouge, il ne faudrait pas que l'on broie du noir. Il est essentiel que la dénonciation ne se traduise pas en justice virtuelle populaire. La parole se libère. La souffrance se partage. Mais il est indispensable de passer à l'étape suivante. Du clavier et du #, cette vague doit mener aux tribunaux. La justice doit faire son travail et condamner les agresseurs et harceleurs. Ce n'est pas si simple: aider, accompagner, soutenir les victimes est un chemin de croix pour ne pas dire un calvaire. Il faut former la police, améliorer le suivi psychologique, et surtout faire évoluer les Lois (notamment les délais de prescription). Et cela ne suffira pas tant il est compliqué de "prouver" certains gestes, certains actes, tant nos sociétés et nos esprits sont imprégnés d'une culture patriarcale. Pas simple de passer du malsain au mâle sain.

La SACD a raison de rappeler que "le machisme, le sexisme et la violence ordinaire à l’encontre des femmes dépassent tous les clivages et traversent tous les secteurs professionnels et les milieux sociaux. Ils se déploient au cœur de notre société, dès l’école, dans l’univers professionnel et la sphère publique, dans les quartiers riches comme dans les cités sensibles, dans la rue comme dans l’intimité." Selon la société des auteurs, "La réponse ne peut être qu’éducative, politique et globale pour faire évoluer les mœurs et la société et mieux ancrer la lutte contre le sexisme et les agressions sexuelles au cœur de l’action publique."

En fait, la réponse est en chacun de nous. Nous ne devons plus être les témoins passifs de ce genre de comportements.

La chute et le déshonneur d’Harvey Weinstein

Posté par vincy, le 7 octobre 2017

Harvey Weinstein, autrefois faiseur d'Oscars, roi d'Hollywood accueilli comme un chef d'état dans les grands festivals, cofondateur de Miramax puis de The Weinstein Company, est à terre.
Généreux donateur pour l'AmFar (recherche contre le Sida) et pour le Parti Démocrate, le producteur et distributeur (Sexe, mensonges et vidéos, Shakespeare in Love, Le discours d'un Roi, The Artist) a tout perdu en 48 heures. Son aura évidemment. Mais aussi son pouvoir. Alors qu'il a du recruter en urgence des sociétés de relations publiques spécialisées dans les situations de crise et un ancien conseiller spécial de Bill Clinton, Weinstein a officiellement quitté son entreprise hier.

Le New York Times a publié une enquête jeudi dernier où le pacha du cinéma art et essai, producteur de Quentin Tarantino et de Michael Moore, était accusé de plusieurs cas d'harcèlement sexuel sur des actrices (Ashley Judd, Rose McGowan) et plusieurs employées. On apprend dans cette longue investigation qu'il a voulu les masser, les a forcées à le regarder nu ou leur a promis des aides à leur carrière contre des faveurs sexuelles.

Une défense en forme de confession

"Je réalise que la façon dont je me suis comporté avec des collègues par le passé a causé beaucoup de douleur, et je m’en excuse sincèrement". Sa défense est surréaliste quand il ajoute : "Mon chemin sera maintenant d’apprendre à me connaître et maîtriser mes démons". Et de se justifier: "J’ai grandi dans les années 60 et 70, quand toutes les règles sur le comportement et les lieux de travail étaient différentes".

Dans son communiqué, il tente de distinguer ses bonnes de ses mauvaises actions, en confessant à demi-mots qu'il a bien été un prédateur et que les accusations ne sont pas fausses. "Je respecte toutes les femmes et je regrette ce qui s'est passé. J'espère que mes actions auront plus de portée que les mots (...). Jay Z a écrit dans 4:44 "Je ne suis pas l'homme que je pensais être, et je ferais mieux d'être cet homme pour mes enfants". Il en va de même pour moi. Je veux avoir une deuxième chance dans la communauté, mais je sais que j'ai du travail à faire pour la gagner. J'ai des objectifs qui sont maintenant prioritaires. Croyez-moi, ce n'est pas un processus qui se fait en une nuit. J'ai essayé de faire cela pendant 10 ans, et ce qui arrive est comme un réveil. Je ne peux pas avoir plus de remords que j'en ai actuellement à propos des gens que j'ai blessés, et j'ai l'intention de réparer le mal causé tout de suite. "

Près de trente ans de silences et de rumeurs

Autant dire qu'en voulant procéder ainsi, avant que des avocats hors-de-prix ne s'en mêlent, il se met en coma professionnel. Le plus surprenant est peut-être que ça ait mis si longtemps à être révélé. Les rumeurs étaient répandues. Des journalistes avaient déjà enquêté, sans preuves réelles ou en faisant fausse route sur leur angle d'attaque. Des affaires avaient été étouffées avec de gros chèques (8 cas auraient été réglés par des accords à l'amiable entre les années 1990 et 2015). Bref, tout le monde savait mais personne ne disait rien. La bombe du quotidien new yorkais est bien de mettre tout ce comportement inacceptable au grand jour, avec des témoignages enregistrés. La parole s'est libérée.

On imagine la pression sur ces jeunes femmes, assistantes, actrices ou mannequins. Ashley Judd le résume très bien, racontant qu’il y a vingt ans, elle avait du le rejoindre dans sa chambre d’hôtel alors qu'elle devait prendre un petit-déjeuner de travail. Il l'a reçue en peignoir et lui aurait alors demandé s’il pouvait la masser ou si elle pouvait le regarder prendre une douche. La comédienne explique son dilemme : "Comment puis-je sortir de la chambre le plus vite possible sans m’aliéner Harvey Weinstein ?".

Nul ne doute que tout ça se soldera avec un procès. Il aura peut-être moins d'écho que ceux d'animateurs TV (Bill O’Reilly) ou de comédiens (Bill Cosby), davantage connus du grand public. On peut même anticiper que la fin de cette affaire s'achèvera avec d'énormes dédommagements sans pour autant passer par la case prison. Ne sous-estimons Harvey Weinstein, qui a souvent été comparé à un taureau entouré de pitbulls, qui a un paquet d'argent pour se payer les meilleurs avocats et qui peut compter sur son clan. Son frère Bob Weinstein continue de le soutenir et fait confiance au suivi thérapeutique et à l'enquête "indépendante" commandée par TWC pour l'absoudre. Ce n'est que de la communication économique.

Des avocats qui ne savent pas sur quel pied danser

Car, dans le fond, le mal est fait. Et Harvey Weinstein est cloué au pilori. Ses premières réactions contredisent celles de ses avocats, ce qui n'aide pas à avoir une stratégie claire. Lui fait son mea culpa, sous-entendant que les faits sont avérés. Eux, d'abord dans le déni, ont qualifié les affirmations du journal comme fausses et diffamatoires. Et dans le même temps, ils avouent aussi que "ce vieux dinosaure" "apprend de nouvelles manières" et qu'il "lit des livres et suit une psychothérapie". Bien sûr, ils porteront plainte contre le New York Times.

L'affaire Weinstein éclabousse pourtant tout Hollywood et au-delà. Les temps ont changé, et même les "dinosaures" doivent s'adapter avant d'être menacés d'extinction. Rose McGowan a d'ailleurs réagi sur Twitter : "Les femmes se battent. Et à tous les hommes : faites face. Nous avons besoin que vous soyez nos alliées."

Péril en la demeure pour The Weinstein Company

Désormais le nom de Weinstein est aussi toxique que son attitude l'était au sein de sa société. Il a du abandonner ses fonctions dès hier. Le conseil d'administration de The Weinstein Company a signifié qu'il était désormais "absent pour une durée indéfinie à compter du vendredi 6 octobre". Bob Weinstein, son frère et associé, et David Glasser le remplaceront. Harvey Weinstein a pourtant l'intention de revenir. S'il le peut, car il laisse sa société dans un état très fragile.

Il est terminé le temps où il avait la main mise sur les Oscars et le portefeuille assez garni pour acheter les films d'auteurs ou étrangers les plus "hype". Désormais, Netflix, Amazon ou des distributeurs comme The Orchard, A24, ou IFC sont beaucoup mieux armés pour faire la loi dans les marchés de films et dans les palmarès. Surtout, ces nouveaux venus dans la production et la distribution sont respectés des cinéastes qui se sentent accompagnés et chouchoutés là où Harvey Weinstein a la réputation d'être autoritaire et tyrannique, coupant les films selon son bon vouloir (Snowpiercer et Grace de Monaco par exemple), n'hésitant pas à être dans la salle de montage pour les versions américaines.

Pourtant ça ne lui rapporte plus autant qu'avant. Rien que depuis 12 mois, il a accumulé plusieurs fiascos pour seulement deux succès (Lion, Wind River). Financièrement TWC est même mal en point. Licenciements, dépenses faramineuses, orientations stratégiques remises en question (il a diversifié sa société avec des livres, des séries TV... qui n'ont pas été très rentables), incapacité à acheter les films qui comptent face à ses nouveaux concurrents: depuis deux ans, on suppute sur la cession de l'entreprise, suivant ainsi le destin de sa pépite Miramax il y a quelques années. Depuis plusieurs mois, les agents, conscients du manque d'argent (des factures restaient impayées) hésitaient à monter des "deals" avec lui.

Il n'est pas le seul coupable

Son départ était inévitable: quels réalisateurs, diffuseurs ou investisseurs auraient voulu mêler leur projet à un homme dont l'image est désormais ternie par une tâche indélébile? Harvey Weinstein est désormais comme un poison qui infuse lentement dans le corps de The Weinstein Company.

Peu importe la suite: procès retentissant ou affaire négociée dans les coulisses. Peu importe si les victimes parviennent à se battre contre lui ou lâchent l'affaire, par peur, par pression. Hollywood a vu cette semaine un de ses enfants terribles passer du sommet à l'enfer. C'est un simple épisode dans l'histoire de l'industrie, mais il révèle malgré tout des comportements inacceptables et pourtant tolérés. Il n'est pas le seul coupable dans cette histoire. Tous ceux qui savaient ont leur part de complicité et donc de responsabilité.

Il avait du pouvoir, il en a abusé, il savait l'utiliser, sans se soucier de la moralité de l'histoire. Harvey Weinstein devra en tout cas se choisir une autre manière de se défendre s'il veut revenir à Hollywood (qui sait pardonner les offenses de ses mauvais garçons).

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Lire aussi: Miramax: les derniers nababs

Une tragédie gay pour le réalisateur de True Detective

Posté par vincy, le 5 mai 2015

Diana Ossana et Larry McMurtry, oscarisés pour le scénario Brokeback Mountain, adapté d'une nouvelle d'Annie Proulx, reviennent avec un nouveau drame gay: Joe and Jadin Bell.

Cary Fukunaga s'est engagé pour filmer l'histoire, a priori pas avant l'année prochaine. Outre les films Sin Nombre (Prix spécial du jury à Deauville et Prix de la mise en scène à Sundance) et une version de Jane Eyre, Fukunaga s'est surtout fait remarquer pour la réalisation de la première saison de True Detective. Il vient de terminer Beasts of No Nation, avec Idris Elba, drame sur une guerre civile en Afrique qui devrait être diffusé sur Netflix, et prépare It, d'après le livre de Stephen King, Ça.

Ossana et le vétéran McMurtry (La dernière séance de Peter Bogdanovich, Tendres passions de James L. Brooks) se sont inspirés d'une histoire vraie qui prend place dans le très tolérant Etat de l'Oregon. Un récit qui fera sortir les kleenex...
Jadin Bell, ado ouvertement homosexuel, las de se battre pour se faire accepter, a décidé de se suicider en janvier 2013 après avoir été victime de harcèlement homophobe au lycée.

Son père, Joe, plonge alors dans le remord et le regret. Démissionnant de son job, il s'engage dès le mois d'avril dans une traversée du pays de deux ans pour sensibiliser les gens sur les dangers et conséquences du harcèlement. Malheureusement, Joe Bell été accidentellement tué en octobre 2013. Son action perdure et dispose d'ailleurs d'une page Facebook.

Le film sera distribué aux Etats-Unis en 2017 par A24, jeune compagnie indépendante qui a le vent en pupe actuellement avec le film Ex Machina.