Le Mur de Berlin n’est pas un simple décor de cinéma…

Posté par vincy, le 9 novembre 2009

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Il est tombé le 9 novembre 1989. Tout le monde se souvient de ces images sur le petit écran. Mais sur le grand?
Dans son reportage spécial, Berlin pour mémoire 1989-2009, Courrier International pose la bonne question : "Qui veut se souvenir d'un Mur après qu'il soit tombé?" L'euphorie fulgurente, et brève, les désirs absurdes des résidents de l'Allemagne de l'Est, privés de choses élémentaires durant le déclin économique de leur pays, ont laissé place à la real politik : réunification, fusion même.

Le Mur de Berlin n'est pas encore tombé dans toutes les têtes. Au Cinéma, en revanche, il a changé Berlin, et le cinéma. La Berlinale, l'un des trois grands festivals de cinéma européen, se déroule désormais au coeur de la ville, à deux pas de là où était le Mur, et s'étale à l'Ouest comme à l'Est. les studios de Babelsberg ont aussi pu attirer, de nouveau, d'importantes productions internatioanles.

Surtout, Berlin n'est plus la ville des espions, celle de tous les dangers. En 1965, Martin Ritt avait réalisé l'adaptation du best-seller de John Le Carré, L'espion qui venait du froid. Caractéristique de ce que ce Mur allait devenir : un passage entre deux mondes. Michael Caine dans Funeral in Berlin (1966) ou Sam Rockwell dans Confessions d'un esprit dangereux (2002) sont les archétypes de cet objet qui rendait une ville schizophrène et deux civilisations opposées "à bloc".

Mais le Mur de Berlin, qui a beaucoup moins inspiré que le Rideau de fer en lui-même, ne fut pas qu'un lieu où "framboise pressée" échangeait un agent avec "orange givrée". Mais jusqu'à la chute du Mur, il semble que le cinéma n'ait pas osé affronter ce monstre idéologique, qui se décline, aujourd'hui, sur la frontière américano-mexicaine et entre Israël et Palestine. Dans ces deux cas, il est interessant de constater que le 7e Art s'empare de ces murailles infernales.

Il a fallu attendre que Berlin se reconstruise, que les berlinois se retrouvent, pour que les images expurgent le traumatisme. En 1996, Margarethe von Trotta réalise le premier film marquant sur le sujet, avec Les années du mur, où un couple séparé par la construction en 1961, se revoie au moment de sa chute, 27 ans plus tard.

En 2001, Le tunnel marque un tournant. Ce film de Roland Suso Richter, inspiré de la vraie vie d'Hasso Herschel, raconte comment un champion sportif creuse un tunnel pendant 6 mois pour pouvoir faire fuir 28 personnes. Prix du public au festival de Montréal, le film lance le Mur de Berlin comme star de cinéma des années 2000.

Deux ans plus tard, avec le triomphe mondial de Goodbye Lenine!, Wolfgang Becker fait un parallèle caustique et amer entre la vie d'avant et celle d'après la chute du Mur. Le film démontre à quel point il enfermait un pays dans des certitudes destructrices. De l'envol de la statue de Lénine à l'arrivée d'Ikea, le film s'amuse des mutations de Berlin. Une mode s'amorce avec ce terme, l'Ostalgie, la nostalgie de l'Est, et l'on parle de construire un parc d'attraction à la mémoire de ce "pittoresque" Berlin-Est.

La vie des autres, Oscar du meilleur film étranger, de Florian Henckel von Donnersmarck, rappelle, en 2007, à quel point cela n'était pas drôle. Si Goodbye Lenin! rayonnait d'espoir, La vie des autres vibre avec son désenchantement. La Stasi et ses cruelles méthodes aura détruit tant de vies, pendant comme après.

Le Mur n'est pas qu'un simple décor de cinéma... c'est une blessure infligée et saignante à tout un peuple. Difficile de s'en souvenir puisqu'il n'en reste que quelques morceaux épars, et un tracé vaguement pavé. Le cinéma pourra s'en charger, nous le rappeler. A l'Ouest il rendait borgnes ceux qui vivaient dans l'opulence. A l'Est il était une impasse qui pouvait êre fatale.

Il est difficile de ne pas évoquer cet objet sans âme sans faire un détour par Wenders. Deux ans avant qu'il ne tombe, le plus grand cinéaste allemand des années 80  avait filmé Berlin en noir et blanc, de manière presque onirique, en tout cas sublimée. Mais le Mur dans Les ailes du désir, oeuvre-hommage à l'expressionnisme allemand, est un faux (une première réplique en bois n'avait pas résisté aux intempéries, une seconde a été construite, à proximité du vra). Car, et ceci explique sans doute pourquoi ce Mur n'a pas été un sujet de scénario plus inspirant : il était interdit de le filmer.