France Gall débranche (1947-2018)

Posté par vincy, le 7 janvier 2018

France Gall a résisté au cinéma, mais le cinéma a eu du mal à résister aux chansons de France Gall. Malgré les propositions de Chabrol et Pialat, malgré son intérêt pour le 7e art, elle n'aura jamais été à l'écran. La chanteuse, morte ce matin à l'âge de 70 ans, était pourtant l'une des plus populaires des années 1960 aux années 1990. Qui ne connaît pas ses tubes signés Serge Gainsbourg et Michel Berger? Deux albums de diamant, 20 millions d'albums vendus (ils sont dix en France à avoir atteint ce chiffre), un Grand prix de l'Eurovision (pour le Luxembourg), deux Victoires (meilleure interprète, artiste la plus exportée), "Babou" était une figure transgénérationnelle de la culture populaire, au sens noble du terme.

Pour commencer, il faut parler de Godard. Une fois Berger au paradis blanc, elle devient la gardienne du temple de son patrimoine musical et fait revivre à travers des mixages nouveaux les chansons de leur répetroire. Pour lancer cette nouvelle carrière et rendre hommage à Berger, elle chante "Plus haut", une chanson de 1981, et demande à Godard de lui faire le clip. Et c'est une œuvre d'art en soi. Pour des questions de droits, il n'a été diffusé qu'une seule fois à la télévision. Il appartient aux collections du Centre Pompidou.

Gainsbourg avait très bien vu en Gall autre chose qu'une Lolita: "France Gall, c'est Alice au pays des merveilles, une Alice qui aurait un penchant avoué pour la littérature érotique. On ne dit pas de mal d'Alice. Ceux qui n'aiment pas France Gall se trompent".

Et justement. Sara Forestier l'a incarnée dans Gainsbourg : vie héroïque, de Joann Sfar (2010), époque "Poupée de cire, poupée de son". Joséphine Japy lui a succédé dans Cloclo, de Florent Emilio Siri (2012), où sa relation avec Claude François était racontée jusqu'à la création de "Comme d'habitude" inspiré par leur rupture.

Pour le reste, les chansons de France Gall ont été souvent utilisées dans le cinéma et pas seulement français. La séquence la plus emblématique reste signée Alain Resnais dans On connaît la chanson. "Résiste" clamait Sabine Azéma, comme un slogan, que la chanson est d'ailleurs devenue au fil du temps. Le même morceau a d'ailleurs été repris dans 20 ans d'écart de David Moreau.

Côté période Gainsbourg, les airs des sixties ont illustré des films aussi différents que Vue sur mer (By the Sea) d'Angelina Jolie ("Néfertiti"), Boulevard de la mort (Death Proof) de Quentin Tarantino et le récent Combat de profs de Richie Keen ("Laisse tomber les filles"), ou La fille d'un soldat ne pleure jamais (A Soldier's Daughter Never Cries) de James Ivory ("Teenie Weenie Boppie").

Xavier Dolan est remonté plus loin avec une chanson signée par Robert Gall, son père, auteur de "La Mamma" d'Aznavour, ("Cet air-là") dans Les amours imaginaires. Pascale Ferran dans L'âge des possibles a préféré opter pour un tube de Berger, "Babacar" (on vous défie de ne pas chanter "Où es-tu?" après avoir lu cette ligne).

Dans 40 milligrammes d'amour par jour de Charles Meurisse, on entend le tube de Starmania, "Besoin d'amour", tandis que dans Qui m'aime me suive de Benoît Cohen, c'est la fameuse "La Déclaration d'amour" qui est en bande son.

Plus ancien, on retrouve la voix de France Gall avec "Je me marie blanc" dans la BOF de Au hasard Balthazar de Robert Bresson.

On peut aussi citer la BOF de Sérieux comme le plaisir, film français réalisé par Robert Benayoun, dont Michel Berger a signé la musique et où Gall participe vocalement.

Mais on finira surtout par la chanson du générique de L'écume des jours de Michel Gondry. "Mais aime-là" (1975) y est reprise par Loane.

Cesar 2011 : audience historique, cérémonie académique

Posté par MpM, le 27 février 2011

Après une édition 2010 assez catastrophique, les Cesar 2011 ont réalisé vendredi soir leur deuxième meilleure audience historique sur Canal+ en rassemblant 2,944 millions de téléspectateurs, soit une part d'audience de 14,5% sur la France contre 1,7 million de téléspectateurs et 9,1% de part d'audience l'an dernier. Le record date de 2005 avec 3,3 millions de téléspectateurs.

Et pourtant, cette soirée n'a pas brillé par son inventivité ou son rythme, s'essoufflant au bout de deux heures et souffrant de nombreux temps morts. Comme d'habitude, est-on tenté d'écrire, même si la cérémonie a semblé cette année tenter d'aller droit à l'essentiel. Antoine de Caunes a alterné vrais bons mots et piques faciles, Jodie Foster a été impeccable en maîtresse de cérémonie classe, Quentin Tarantino s'est un peu facilement réfugié derrière une émotion qui le laissait "sans mots"... Chez les remettants comme chez les lauréats, pas vraiment de coups d'éclat. On retiendra la pirouette inattendue de Sara Forestier qui a prétendu avoir interprété une "pute politique" dans Le nom des gens alors qu'à l'époque elle était vierge et n'y connaissait rien en politique (!), l'arrivée sur scène d'une Leïla Bekhti bouleversée (et empêtrée dans une incroyable robe, trop longue et trop décolletée), la bonhommie de Michael Lonsdale recevant son premier Cesar... C'est un peu comme si vrais jolis moments avaient alterné avec flottements et ennui.

Côté palmarès, on assiste pour une fois à une belle répartition des prix entre favoris et outsiders, chacun étant récompensé pour ses points forts, et non de manière systématique. Ainsi ne peut-on que se réjouir du César du meilleur espoir pour Edgar Ramirez qui crève l'écran dans Carlos, du meilleur acteur pour Eric Elmosnino qui campe un Gainsbourg plus vrai que nature, du meilleur scénario original pour Le nom des gens qui a fait l'effet d'une petite bouffée d'air frais dans le paysage cinématographique... Par ailleurs, Des hommes et des Dieux était en effet le film de l'année, et Roman Polanski a prouvé une nouvelle fois qu'il est un incroyable réalisateur, même "en taule".

Après on a le droit d'avoir des regrets : où est Tournée, qui était l'autre film-surprise de 2010 ? Tout le monde a salué la métamorphose de Laetitia Casta en Bardot mais elle est absente du palmarès. Catherine Deneuve était formidable en Potiche, et on peut trouver injuste de lui avoir préféré Sara Forestier... et ainsi de suite. Dans tout cela, il y a des éléments objectifs et une grosse part de subjectivité. Subjectivité partagée avec les votants,  qui ont dû faire des choix.

Bien sûr le palmarès 2011 ne reflète-t-il pas toute la diversité du cinéma français, puisque de nombreux bons films en étaient exclus dès le départ, mais au moins tente-t-il de représenter, parmi les nommés, des courants variés et tous passionnants. Et en cela, il est déjà meilleur que certains autres.

Bilan 2010 – Polanski en tête des films exportés

Posté par vincy, le 24 janvier 2011

Malgré de très belles performances, le cinéma français (qui inclue les coproductions internationales entrées totales dans ce bilan) qui représentent 15% des ) est en recul sur les marchés internationaux. On pourrait se réjouir, malgré tout, que les films "made in France" aient attiré 57,2 millions d'entrées dans le monde (67, 2 millions l'an dernier) et rapporté plus de 330 millions d'euros (20 millions d'euros en moins par rapport à 2009). Cela signifie que près de 130 millions de spectateurs ont vu un film français cette année. Pas si mal, mais encore une fois, la baisse (-17,9% pour les entrées, -6% pour les recettes) est inquiétante. D'autant qu'il y avait quelques poids lourds (Polanski, Besson), des films cités dans différents palmarès locaux, des adaptations de best-sellers internationaux...

Seul rayon de lumière : les films en langue française représentent pour la première fois en dix ans plus de la moitié des entrées (soit 55,2%).

Des marchés dynamiques et des contre-performances

Les films français ont particulièrement été séduisant en Italie (+142%), aux USA pour les films en français (+36%) - même si dans ces deux pays on est loin des niveaux d'antan - en Russie (+42%), en Espagne (+30%), au Royaume Uni (+79%), aux Pays-Bas (+51%) et au Japon (+25%). Gros bémol en Allemagne (-30%) et en Chine (-43%). Aux USA, la chute des films français, toutes langues confondues, est de 45%, ce qui est imputé à l'énorme succès de Taken en 2009.

Géographiquement, l'Europe occidentale reste la locomotive de l'exportation des films français avec 38,9% des entrées, devant l'Amérique du Nord (27,5%), l'Asie (15%), l'Europe Centrale et Orientale (8,1%), l'Amérique Latine (6,3%), l'Océanie (2,2%) et l'Afrique (2%). Côté pays, les USA demeure toujours le marché leader avec 13,07 millions d'entrées, devant l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, le Japon, la Russie, le Royaume Uni, la Chine et la Belgique.

Polanski, Besson, Perrin affichent de bons chiffres partout dans le monde

3 leaders incontestables ont dominé les entrées en salles à l'international. The Ghost-Writer (6,57 millions d'entrées dans 27 pays), Luc Besson (6,56 millions d'entrées pour From Paris With Love et 3,19 millions d'entrées pour Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec) et le documentaire Océans (6,52 millions d'entrées dans seulement 14 territoires).

Loin derrière, on peut souligner les succès de certains films très différents : Le concert (1,8 million), Solomon Kane (1,7 million), Le Petit Nicolas (1,2 million et un total sur deux ans de 2 millions), le documentaire Bébés (1,1 million), Arthur et la vengeance de Malthazard, Un prophète (qui a fait autant en France que dans le monde avec 1,1 million de spectateurs internationaux sur deux ans), L'immortel, Le Hérisson, L'Arnacoeur (750 000 entrées dans le monde), Micmacs à tire-larigot, Des hommes et des Dieux (600 000 entrées dans le monde).

Elle s'appelait Sarah bat un record aux Pays-Bas

On remarque aussi la belle continuité du Ruban Blanc (917 000 entrées, soit 1,46 million de spectateurs en dehors de la France depuis sa Palme d'or). Et surtout la belle performance d'Elle s'appelait Sarah avec 487 000 entrées sur 3 territoires, dont 425 000 fans rien qu'aux Pays-Bas, soit un record historique puisque le film a battu le premier Astérix et Amélie Poulain. Au pays des tulipes, Tatiana de Rosnay, auteure du livre homonyme, est l'écrivain étrangère la plus vendue en librairie.

On peut aussi se féliciter des 420 000 entrées pour Gainsbourg (vie héroïque), des 282 000 entrées pour Copie conforme et du bon débit de la carrière internationale de Potiche avec déjà 320 000 entrées dans 6 pays.

Créer un star-système pérenne et persévérer dans la diversification de l'offre

Le cinéma français est le cinéma européen qui s'exporte le mieux, devant le cinéma espagnol, si l'on excepte le cinéma britannique, souvent aidé par les studios américains. Mais pour conserver sa place, il doit persévérer dans cet équilibre entre productions internationales en langue anglaise et films d'auteurs destinés aux grands festivals. Il est intéressant de voir que la littérature est devenue un vecteur de succès : un best-seller (L'élégance du Hérisson, Elle s'appelait Sarah, Le petit Nicolas) transforme souvent l'essai au cinéma.

Alors qu'Unifrance, l'organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde, va changer de Président, les enjeux et défis ne manquent pas dans un monde cinéphile en mutation : le cinéma français doit moins dépendre des gros marchés occidentaux et continuer d'offrir un panel varié alliant du thriller à l'animation en passant par la comédie romantique, tout en continuant à miser sur ses vedettes internationales ou son patrimoine universel.

Ceci n’est pas une pipe ou comment Jacques Tati a retrouvé sa dignité

Posté par vincy, le 20 janvier 2011

De la clope de Gainsbourg (voir actualité du 23 novembre 2009) à la cigarette chic de Coco Chanel (voir actualité du 22 avril 2009), en passant par la polémique "nationale" sur l'affiche de l'exposition Jacques Tati (voir actualité du 17 avril 2009), le tabac a subit les foudres de la censure publicitaire ces derniers mois. Et bien bonne (?) nouvelle, Jacques Tati pourra toujours fumer sa pipe puisque les députés, qui n'ont sans doute que ça à faire de régler le zèle des propriétaires d'espaces publicitaires, ont décidé,hier  en commission, d'exclure le patrimoine culturel d'une application trop littérale de la loi Evin interdisant toute propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac.

Un vote à la quasi-unanimité d'une proposition de loi de Didier Mathus et du groupe SRC (Socialistes, radicaux et citoyens) visant à "adopter une approche plus souple" de l'application de la loi Evin "afin de concilier les exigences de la loi votée le 10 janvier 1991 avec la protection de la culture".

"Au-delà de la publicité sur le tabac", "ce sont les oeuvres culturelles qui ont été remises en cause", a-t-il noté.

"Les falsifications de l'histoire, la censure des oeuvres de l'esprit, la dénégation du réel (...) doivent rester la marque infamante des régimes totalitaires", note dans son rapport la proposition de Loi.

Seul à s'abstenir, l'UMP Jacques Grosperrin avait, en vain, cherché à convaincre ses collègues que les ministères de la Santé et de la Culture s'étaient engagés à prendre des positions fermes sur le sujet.

Pourtant une petite pipe n'a jamais fait de mal à personne, non?

Les prix Lumières révèlent leurs nominations

Posté par vincy, le 23 décembre 2010

Les prix Lumières sont l'équivalent des Golden Globes. La presse étrangère basée à Paris décerne ses prix depuis 1995. On ne connaîtra les lauréats que le 14 janvier prochain, mais les nominations ont déjà été révélées.

Des hommes et des Dieux est en tête de la liste avec 4 citations tandis que Carlos, Gainsbourg (vie héroïque), The Ghost-Writer sont à égalité avec trois nominations. Notons la présence d'un film d'animation dans la catégorie meilleur film, et la forte présence des films présentés au Festival de Cannes (toutes sélections confondues) avec 20 nominations sur 50.

Meilleur film
Carlos d’Olivier Assayas
Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois
Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar
The Ghost Writer de Roman Polanski
L’illusionniste de Sylvain Chomet.

Meilleur réalisateur
Olivier Assayas (Carlos)
Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux)
Roman Polanski (The Ghost Writer)
Joann Sfar (Gainsbourg (vie héroïque))
Mathieu Amalric (Tournée).

Meilleur scénario
Julie Bertuccelli (L’arbre)
Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb (Hors-la-loi)
Robert Harris et Roman Polanski (The Ghost Writer)
Michel Leclerc et Baya Kasmi (Le nom des gens)
Géraldine Nakache et Hervé Mimran (Tout ce qui brille).

Meilleur actrice
Juliette Binoche (Copie conforme)
Isabelle Carré (Les émotifs anonymes)
Catherine Deneuve (Potiche)
Ludivine Sagnier (Pieds nus sur les limaces)
Kristin Scott Thomas (Elle s’appelait Sarah)

Meilleur acteur
Romain Duris (L’arnacoeur et L’homme qui voulait vivre sa vie)
Eric Elmosnino (Gainsbourg (vie héroïque))
Michael Lonsdale (Des hommes et des dieux)
Édgar Ramírez (Carlos)
Lambert Wilson (Des Hommes et des dieux et La princesse de Montpensier)

Meilleur espoir féminin
Lolita Chammah (Copacabana)
Linda Doudaeva (Les mains en l’air)
Marie Féret (Nannerl, la sœur de Mozart)
Nina Rodriguez (No et moi)
Yahima Torres (Vénus noire)

Meilleur espoir masculin
Emile Berling (Le bruit des glaçons)
Nahuel Perez Biscayart (Au fond des bois)
Antonin Chalon (No et moi)
Jules Pelissier (Simon Werner a disparu)
Aymen Saïdi (Dernier étage, gauche, gauche)

Meilleur film francophone
Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani
Les amours imaginaires de Xavier Dolan
Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun
Illégal d’Olivier Masset-Depasse
Orly d’Angela Schanelec

Huit films en lice pour le Prix Louis-Delluc

Posté par vincy, le 24 novembre 2010

Huit films ont été sélectionnés par le jury du prix Louis-Delluc pour succéder à Un prophète, de Jacques Audiard. Le Beauvois apparaît comme grand favori, mais Polanski et Amalric peuvent jouer les troubles-fête. Notons que cinq films de la liste étaient sélectionnés à Cannes.

Le prix sera décerné le 17 décembre à Paris, ouvrant ainsi la saison des prix cinématographiques en France.

- Carlos d'Olivier Assayas dans sa version longue. Hors-compétition à Cannes

- Des filles en noir de Jean-Paul Civeyrac. Quinzaine des réalisateurs.

- Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois. Grand prix du jury à Cannes.

- Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz. Festival de Toronto.

- La princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier. Compétition à Cannes.

- The Ghost Writer de Roman Polanski. Ours d'argent du meilleur réalisateur à Berlin.

- Tournée de Mathieu Amalric. Prix de la mise en scène à Cannes.

- White Material de Claire Denis. Compétition à Venise (en 2009).

Par ailleurs, six films ont été retenus pour le prix Louis-Delluc du premier film:

- Belle Epine de Rebecca Zlotowski.

- Domaine de Patrick Chiha.

- Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar.

- Une exécution ordinaire de Marc Dugain.

- Un poison violent de Katell Quillévéré.

- La vie au ranch de Sophie Letourneur.

Gainsbourg censuré : fume du Belge et la moquette avec !

Posté par benoit, le 23 novembre 2009

Gainsbourg, vie héroïqueQuel est le point commun entre André Malraux, Jean-Paul Sartre, Lucky Luke, Jacques Tati, Coco Chanel/Audrey Tautou, Serge Gainsbourg/Eric Elmosnino ?... Tous, sur des visuels vantant leur personnalité, ont été amputés de leur objet de fumaille.

En 1995, André Malraux voit sa cigarette disparaître de son bec sur un timbre poste. En 2005, exit la sèche de Jean-Paul Sartre sur l’affiche de l’exposition à la Bibliothèque Nationale de France. En 2008, celle de Jacques Tati à la Cinémathèque casse sa pipe au profit d’un tourniquet qui rit tout jaune en prenant une allure sinistre de jour de fête.
La débilité du consensualisme ambiant ne s’arrête pas là. Elle éradique aussi la tige des êtres fictifs. Dans ses BD, Lucky Luke a les poumons sains puisqu’il a lâché son sempiternel mégot au profit d’un … brin d'herbe !

Telle hier la clope de Coco avant Chanel de Anne Fontaine, c’est au tour des volutes de fumée de Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar de quitter l’affiche. Début 2010, elles s’évaporeront si bien dans les airs (purs, bien sûr !) que nul ne les verra dans les couloirs de métro. Condamné par la régie publicitaire de la RATP, au nom du respect de la loi Evin contre le tabac, Gainsbarre le Dieu fumeur de Gitanes, n’est pas près de griller une brune en la voyant briller au fond de ses yeux, nom de Dieu !

Pendant longtemps, j’ose confesser que j’ai mis ma santé en péril en fumant au minimum deux paquets de cibiches par jour. Grand adepte de la succion, je ne cessais de tirer ma clope et avalait la fumée profond, très profond. Le non-fumeur était alors - à tort ! - considéré comme un pisse-froid et un rabat-joie. Pour les besoins d’un film, j’ai cessé mon vice à l’entrée du XXIe siècle.

Grand bien m’a pris ! J’ai évité de justesse le tsunami cleano-écolo-Hulot qui stigmatise et traque le pollueur tabagique. Race à proscrire de l’humanité, le fumeur est à présent relégué sur les balcons dans les dîners, expulsé des restaurants et des cafés, parqué sur les trottoirs, exposé aux frimas en espérant que le virus h1N1 n’en fasse qu’une bouffée. Euh, pardon… une bouchée !

Attention, messieurs les censeurs et les biens pensants ! Savez-vous que le mieux  s’acoquine souvent avec l’ennemi du bien ? Savez-vous qu’en gommant l’existence du vice à la face du monde, vous exciter la turgescence de l’interdit ?

J’en suis la preuve vivante. À cause d’une éducation judéo-crétine, j’affectionne le désordre. J’aime le mélange un peu crade des couleurs et des odeurs. J’adore les bouts qui dépassent et les tiges qui crachent. Oups, j’en ai peut-être trop dit… Allez, comme je suis brave fille, je vous laisse le droit d’effacer tout ce qui fait tache. Moi, je vais fumer du Belge et la moquette avec !